L'essai des surfaces de moindre résistance a été fait aux chemins de fer de l'État sur une seule machine, pendant une période prolongée (près de 300 000 kilomètres). Cette machine a toujours réalisé, par rapport aux machines de même type, dans le même service, une économie de 10 à 12 p. 100 (chiffres de comptabilité). Cette économie ne doit pas, d'ailleurs, èire imputée en totalité à l'influence des formes; cette influence peut être évaluée à 6 ou 8 p. 100, le reste doit être un coefficient de machine et de mécanicien. La mesure directe des résistances, en marche à la vitesse de 72 kilomètres à l'heure, avec un train de 120 tonnes remorquées, a donné un bénéfice de 9 à 10 p. 100; d'où l'on conclut, pour l'ensemble du service, au chiffre ci-dessus de 6 à 8 p. 100. Il y a lieu de remarquer, d'ailleurs, qu'après avoir été critiquées lors de leur adoption au réseau de l'État, les modifications de forme des locomotives. réalisées par M. Ricour ont été imitées sur le réseau P.-L.-M. où un certain nombre de machines les conservent encore. INFLUENCE DES MODIFICATIONS DES MACHINES SUR LES DÉPENSES DE TRACTION. En comparant le prix de revient de la traction sur le réseau de l'Etat pendant l'exercice 1884 (après la transformation des machines), soit avec les prix de revient des grandes compagnies, soit avec les prix du même réseau en 1882 (avant la transformation), on constate une économie considérable en faveur de l'exercice 1884. Ce résultat est mis en évidence par le tableau ci-dessous, qui donne le prix de revient du transport de 1000 tonnes brutes à un kilomètre en 1882 sur le réseau de l'Etat, en 1883 sur les grandes compagnies, en 1884 sur le réseau de l'État. Les chiffres indiqués ont d'ailleurs été rendus comparables, en tenant compte de la différence de valeur des combustibles. employés sur les différents réseaux. L'économie réalisée en 1884 sur le réseau de l'État est donc la sui vante : M. Ricour a, en outre, établi que, pour les lignes du réseau de l'État, le prix de revient de la traction, qui était très élevé avant le rachat, a brusquement baissé en 1879, au moment où l'État a commencé à les exploiter, et que, depuis cette époque, il a été constamment en diminuant, jusqu'à devenir notablement plus bas que sur les réseaux des grandes compagnies. C'est ce que montre le tableau suivant, qui donne le prix du transport de 1000 tonnes brutes kilométriques, d'abord pour les lignes du réseau avant le rachat, et ensuite pour les divers exercices de 1879 à 1884. Ainsi, antérieurement à 1884, les prix de revient de l'État étaient plus élevés que ceux des autres réseaux; à partir de 1884, c'est l'État qui réalise les prix les plus bas. Ce résultat est dû principalement à deux causes d'une part, la diminution des rampes du réseau de l'État, qui s'est produite en 1884 à la suite des remaniements résultant des conventions, diminution qui conduit nécessairement à une exploitation moins onéreuse; d'autre part, la transformation des machines accomplie en 1883 d'après le programme que nous avons indiqué plus haut'. Voir, comme suite à cette étude, la note sur les nouvelles machines d'express à simple expansion et à tiroirs cylindriques des chemins de fer de l'Etat par M. Desdouits. Revue générale des Chemins de fer, mars et avril 1900. Nous n'avons envisagé jusqu'à présent, dans notre examen sommaire du mécanisme des locomotives, que des machines à simple expansion. Il nous reste à parler des machines compound, dont l'emploi se généralise de plus en plus. On sait que le système compound est caractérisé par l'action successive de la vapeur dans deux ou plusieurs cylindres de diamètres différents; la vapeur agit à pleine pression ou avec une détente modérée dans un premier cylindre, puis, au lieu de s'échapper dans l'atmosphère, elle agit dans un deuxième cylindre, généralement plus grand que le premier, où elle achève de se détendre avant l'échappement définitif. Tel est le principe qui a été imaginé d'abord par Hornblower, puis appliqué par Woolf à des machines qui ont porté son nom. Ce système présente deux avantages essentiels, savoir : économie dans la consommation de la vapeur, par suite d'une utilisation plus complète de sa tension; régularité dans les efforts produits sur le mécanisme, par suite de la moindre différence de pression qui s'exerce sur les pistons et les tiroirs. Il possède en outre certains avantages pratiques : les fuites y sont moindres que dans le système ordinaire, parce que la chute de pression entre le générateur et l'atmosphère se trouve partagée en deux étages; on peut, d'ailleurs, lorsque cela est nécessaire, décombiner les deux cylindres et les faire agir séparément, ce qui permet d'accroître beaucoup la puissance de la machine. Le fonctionnement compound, appliqué depuis longtemps aux machines fixes et aux machines marines, a été introduit pour la première fois dans les locomotives en 1877 par M. Mallet sur la ligne de Bayonne à Biarritz. Accueilli au début avec une certaine réserve, il s'est peu à peu répandu; employé d'abord sur un certain nombre de machines du Nord et du P.-L.-M., où il a donné de fort bons résultats, il est maintenant adopté d'une manière à peu près générale sur tous les réseaux pour les machines de grande puis sance'. L'adoption du fonctionnement compound sur les locomotives a été la conséquence de l'emploi des fortes pressions de vapeur et des grandes détentes que cet emploi exige. On conçoit, en effet que, pour réaliser les grandes puissances motrices actuellement nécessaires pour la traction D'après des renseignements publiés en 1902 par M. Mallet, le nombre total des locomotives compound, qui atteignait déjà un millier en 1889, était, à ce moment, de près de 15 000, dont les deux tiers du type imaginé par lui en 1876. Sur ce nombre, plus de 500 locomotives appartenaient au type articulé à 4 cylindres dont nous parlons plus loin. des trains, il faut que la locomotive soit disposée de manière à obtenir la meilleure utililisation possible de la vapeur. On admet généralement que l'adoption du système compound permet d'obtenir une économie de combustible variant de 10 à 15 p. 100, par rapport aux locomotives équivalentes à simple expansion. L'entretien et les réparations coûtent un peu plus cher que pour ces dernières machines; mais l'emploi de quatre cylindres réduit beaucoup l'usure du mécanisme, de sorte que les frais d'entretien ne croissent pas comme on pourrait le supposer à première vue1. On a d'ailleurs réalisé le fonctionnement compound de différentes manières que nous allons passer rapidement en revue. LOCOMOTIVES COMPOUND A DEUX CYLINDRES. Dans les machines de ce type la vapeur de la chaudière est introduite directement dans le petit cylindre Fig. 590. Locomotive compound à deux cylindres des chemins de fer de Bayonne à Biarritz. système Mallet, avec tiroir de demarrage. Coupe transversale. (D'après M. Sauvage.) (cylindre admetteur ou cylindre de haute pression, HP), où elle agit d'abord à pleine pression, puis par détente; elle passe ensuite dans le réservoir intermédiaire et de là dans le grand cylindre (cylindre détendeur ou cylindre de basse pression, BP) où elle agit également à pleine pression, puis par détente. Un dispositif spécial, automatique ou non, permet l'admission directe de la vapeur au cylindre BP, de manière à assurer le démarrage dans toutes les positions du piston HP. La figure 590 représente la disposition adoptée à l'origine par M. Mallet sur la ligne de Bayonne à Biarritz, et encore fréquemment employée. Les deux cylindres sont complètement séparés; un tiroir spécial de démarrage permet d'ouvrir un échappement auxiliaire au cylindre HP; le cylindre BP reçoit alors directement la vapeur de la chaudière. D'autres dispositions ont été également imaginées dans le même but (système von Borries et Wordsell très employé en Allemagne, système Lindner, adopté sur les locomotives de l'État saxon, etc.) Les machines compound à deux cylindres sont très répandues en France, où l'on a transformé suivant cette disposition un certain nombre de machines à simple expansion (réseaux d'Orléans, du Midi, de l'État). Aux chemins de fer du Midi, où l'on a ainsi transformé d'anciennes locomotives à trois essieux couplés, une soupape spéciale placée sur le conduit d'admission du cylindre HP laisse écouler dans le réservoir intermédiaire la vapeur de ce cylindre, dès que la différence de pression dépasse 12 kilogrammes; on limite ainsi les efforts que supporte le mécanisme de ce cylindre et on assure en même temps les démarrages. Les locomotives de ce type, dont les chaudières sont timbrées 15 kilogrammes, ont réalisé, par rapport aux machines semblables à simple expansion, avec chaudières timbrées à 10 kilogrammes, une augmentation de puissance de 25 p. 100 pour une consommation égale de combustible. Ces machines, dont la surface de grille est de 2,15 m2, ont pu développer une puissance de 728 chevaux'. En somme, le système à deux cylindres paraît convenir fort bien pour la transformation des anciennes machines à simple expansion en locomotives compound de moyenne puissance. LOCOMOTIVES COMPOUND A TROIS CYLINDRES. Les machines de ce type peuvent comporter, soit un seul cylindre admetteur et deux cylindres de détente, soit, au contraire, deux cylindres admetteurs et un cylindre de détente; dans les deux cas, le cylindre unique se place dans l'axe longitudinal de la machine et les deux autres à l'extérieur. La première solution a été adoptée pour des machines mixtes du Jura-Simplon, et pour des machines express du North Eastern Ry et du Midland Ry. Dans ce cas, la présence d'un dispositif spécial de démarrage est indispensable. Le second système a été réalisé par Webb en Angleterre, dès 1882; les deux cylindres extérieurs HP commandaient l'essieu d'arrière, le cylindre intérieur BP l'essieu du milieu, les deux essieux moteurs n'étant pas accouplés. Cette disposition a été rapidement abandonnée; elle donnait de grandes inégalités de l'effort moteur et rendait les démarrages pénibles2. En somme, les machines compound à trois cylindres sont assez peu répandues. LOCOMOTIVES COMPOUND A QUATRE CYLINDRES. Les types de machines à quatre cylindres sont au contraire nombreux et très employés. « Cette disposition, dit M. Sauvage, se prête à un groupement très heureux des organes de la machine, qui compense largement l'inconvénient |