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peine contre celui qui viole la défense. Cette peine n'est que la sanction de la prohibition contenue dans la loi. La loi qui prononce la peine fait ainsi corps avec celle qui contient la prohibition; pour mieux dire, c'est une seule et même loi. Aussi on aurait tort de vouloir classer les lois qui prononcent des peines dans une catégorie distincte de celles qui définissent les infractions, comme paraît le faire la loi 7, Dig., de Legibus, I, 3, ainsi conçue: Legis virtus hæc est imperare, vetare, permittere, PUNIRE.

§ II. Divisions du Droit et de la loi.

6. Première division: Droit naturel, Droit positif. — Le Droit naturel est l'ensemble des lois naturelles, le Droit positif l'ensemble des lois positives.

La loi naturelle est celle qui est gravée dans nos consciences; elle émane de Dieu. On l'appelle naturelle, parce qu'elle est conforme à la nature et à la destinée de l'homme. Le Droit naturel, ensemble des lois naturelles, est un droit parfait comme Dieu dont il émane, immuable comme lui. C'est en songeant au Droit naturel que Confucius a dit: « Le Droit ne saurait varier de l'épaisseur d'un cheveu. »

La loi positive est celle qui est l'œuvre d'un législateur humain. On l'appelle positive, parce que, à la différence de la loi naturelle qui est cachée dans nos consciences, elle se révèle à nos sens par des signes extérieurs et certains. Comme toutes les œuvres humaines, les lois positives sont imparfaites; mais, comme toutes les œuvres humaines aussi, elles sont perfectibles. Pour les perfectionner, il faut les changer ou les compléter à mesure que de nouveaux besoins surgissent. C'est ce que doivent faire les législateurs, sauf à user de ce droit avec prudence, sous peine de jeter un trouble grave dans les relations sociales.

Les hommes possédant un droit parfait et immuable qui est déposé dans leur conscience, le Droit naturel, on peut se demander quel besoin ils avaient de créer le Droit positif, droit nécessairement imparfait et sujet à variations? La réponse est facile. D'abord il est nécessaire au maintien de l'ordre social que les lois qui le régissent aient autant que possible le caractère de la certitude et de l'évidence, afin que personne ne puisse les contester. Or ce caractère n'appartient pas au Droit naturel, qui repose dans nos consciences et dont la notion est souvent obscurcie chez les hommes par leur intérêt personnel et leurs passions. D'autre part, il y a une foule de points que le Droit naturel ne règle pas et qu'il est cependant urgent de fixer. Ainsi la raison nous enseigne que, pendant les premières années de son existence, l'homme doit être incapable d'accomplir les actes de la vie civile, de contracter par

exemple, parce que son intelligence n'est pas encore suffisamment développée. Mais jusqu'à quel âge durera cette incapacité? A quelle époque l'homme sera-t-il considéré comme ayant acquis le développement complet de toutes ses facultés et comme étant par suite capable d'accomplir les actes civils? Le Droit naturel est muet sur ce point important. Il est nécessaire que le Droit positif intervienne pour le régler; il fixera par exemple la limite entre la capacité et l'incapacité à l'âge de 21 ans accomplis. Cet âge est chez nous celui de la majorité (art. 489). Enfin la sanction du Droit naturel, sanction toute morale, serait souvent insuffisante pour assurer l'observation de ses préceptes. A ce point de vue encore apparaît la nécessité du Droit positif, dont la sanction plus énergique est de nature à faire une impression plus vive sur ceux auxquels la loi s'adresse et par suite à en assurer l'observation.

Le Droit positif est donc nécessaire à côté du Droit naturel. Le Droit naturel doit nous apparaître comme un type proposé au législateur humain, type dont il doit chercher à se rapprocher le plus possible sans pouvoir jamais se flatter de l'atteindre. 1.es lois humaines ne doivent pas être des œuvres de fantaisie, mais des œuvres de justice et de nécessité. C'est ce que disait en substance l'article ler du titre préliminaire, que le législateur se proposait de placer en tête du Code civil et qui n'a été supprimé que comme inutile dans une œuvre législative : « Il existe un Droit universel et immuable, source de toutes les lois positives; il n'est que la raison naturelle en tant qu'elle gouverne les hommes. »

7. Deuxième division: Droit public, Droit privé, Droit international. Au point de vue des rapports dont il est l'expression, le Droit se divise en Droit public, Droit privé et Droit international.

a). Droit public. C'est celui qui règle les rapports entre l'Etat et les particuliers; ainsi les lois qui tendent à l'organisation de la puissance publique, les lois qui déterminent les conditions nécessaires pour être admis aux fonctions publiques font partie du Droit public.

b). Droit privé. C'est celui qui règle les rapports de particulier à particulier, «quod ad singulorum utilitatem pertinet », comme dit la loi romaine. Ainsi les lois relatives au mariage, à l'adoption, aux contrats, aux successions, aux testaments, etc., font partie du Droit privé.

Parmi les lois qui composent le Droit privé, il en est quelques-unes dont l'observation importe plus particulièrement à la conservation de l'ordre social: ce sont les lois relatives à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Telles sont les lois qui prohibent le mariage entre personnes parentes à un degré trop rapproché (art. 161, 162), telles encore les lois qui règlent l'exercice de la puissance paternelle ou de la puissance maritale, telles enfin les lois pénales. On comprend que l'ordre social pourrait être gravement troublé, compromis même, par la violation de

semblables lois. On désigne quelquefois l'ensemble de ces lois sous la dénomination de Droit public. C'est là une deuxième signification des mots Droit public qu'il ne faut pas confondre avec la première. Les lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs, lois dont l'ensemble constitue le Droit public hoc sensu, ont cela de particulier que la volonté des parties ne peut pas en empêcher ni en modifier l'application. C'est ce que dit l'article 6 du Code civil, qui reproduit l'ancienne maxime: Jus publicum pricatorum pactis nec lædi nec mutari potest. Les particuliers peuvent au contraire déroger, par leurs conventions, aux lois dans lesquelles leur intérêt seul est en jeu sans que celui de la société y soit engagé. Ainsi rien n'empêche les parties de déroger à ce principe du contrat de vente que le vendeur doit la garantie à l'acheteur (art. 1626), en convenant par exemple que le vendeur ne devra aucune garantie (art. 1627).

c). Droit international. C'est celui qui régit les rapports de nation à nation. Ce droit a principalement sa source dans les traités de paix, d'alliance et de commerce. Il est public ou privé, suivant qu'il concerne les relations des états ou celles de leurs sujets. Le Droit international n'a pas, dans l'état actuel des choses, d'autre sanction que l'emploi de la force de la part de la nation qui se croit atteinte dans ses droits. « Entre particuliers, c'est un principe que nul ne se fait justice à soi-même; entre nations, le principe est renversé. »

On désigne quelquefois le Droit international sous le nom de Droit des gens, jus gentium ou inter gentes. Il vaudrait mieux ne pas employer ici cette dénomination qui peut prêter à une confusion, le mot Droit des gens ayant une autre signification, ainsi qu'on va le voir.

8. Troisième division: Droit civil, Droit des gens. Le Droit civil n'est pas, comme les mots pourraient le faire croire, le droit exclusivement propre aux citoyens; c'est le droit propre aux nationaux, qu'ils aient ou non la qualité de citoyens. Ainsi, chez nous, les mineurs et les femmes ne sont pas citoyens, ce qui ne les empêche pas d'avoir la participation du Droit civil en leur seule qualité de Français. Le Droit des gens, qu'on oppose au Droit civil, est celui qui est applicable aux étrangers comme aux nationaux. Ainsi les dispositions de notre loi qui accordent la faculté de contracter mariage sont du Droit gens, ce qui signifie que le mariage est permis en France non-seulement aux Français mais aussi aux étrangers.

En résumé la partie de notre Droit, qui est exclusivement propre aux Français, porte le nom de Droit civil; celle qui peut s'appliquer même aux étrangers constitue le Droit des gens.

9. Quatrième division: Droit écrit, Droit coutumier ou non écrit. On désigne sous le nom de Droit écrit celui qui a été expres

sément formulé par le législateur. A une époque très-reculée, le législateur a pu formuler sa volonté par des paroles seulement, sans employer l'écriture qui était alors inconnue ou peu usitée. On conçoit même qu'il puisse encore se servir accidentellement de ce moyen primitif dans les temps de bouleversements politiques. Mais depuis longtemps quand il veut manifester expressément sa volonté, il se sert régulièrement de l'écriture, d'où la dénomination de Droit écrit pour désigner le droit expressément formulé par le législateur.

Le Droit coutumier est celui qui s'est introduit par l'usage ou coutume (diuturni mores consensu utentium comprobati legem imitantur), et qui doit son autorité au consentement tacite du législateur manifesté par son silence. Peu importe d'ailleurs qu'il ait été ou non constaté plus tard par l'écriture. Ainsi le droit, introduit par l'usage dans les différentes provinces de notre ancienne France, n'a pas cessé d'être un droit coutumier le jour où les dispositions des différentes coutumes ont été rédigées par écrit en exécution de l'Ordonnance de 1453. De même, pour emprunter un exemple tout récent, la loi des 13-20 juin 1866, sur les usages commerciaux, n'a pas, en constatant l'existence de certains usages en matière de vente commerciale, transformé leur nature législative.

Par où l'on voit que l'expression Droit non écrit, que l'on emploie quelquefois comme synonyme de Droit coutumier pour faire antithèse au Droit écrit, est aussi mal choisie. En somme, le Droit coutumier ou non écrit doit, comme le Droit écrit, son autorité à la volonté du législateur; mais cette volonté est expressément manifestée pour le Droit écrit, tandis qu'elle n'est manifestée que tacitement en ce qui concerne le Droit coutumier ou non écrit. On eût peut-être mieux traduit cette différence en employant les expressions: Droit promulgué, Droit non promulgué, ou encore celles-ci: Droit exprès, Droit tacite.

10. Définition de la jurisprudence. Le mot jurisprudence a plusieurs sens. Il désigne d'abord l'ensemble des lois, et est alors synonyme du mot Droit. Ainsi on dit indifféremment étudier le Droit, ou étudier la jurisprudence.

Dans une deuxième acception, le mot jurisprudence désigne les décisions émanées des tribunaux chargés d'appliquer la loi. On dit en ce sens un recueil de jurisprudence, une collection de jurisprudence.

Enfin ce même mot désigne l'habitude prise par un tribunal ou par une série de tribunaux de juger dans un certain sens les questions de même nature qui leur sont soumises, et le résultat même de cette habitude. L'application de la loi n'est pas toujours chose facile. Les tribunaux chargés de cette application se trouvent souvent dans l'embarras, soit parce que la loi n'a pas prévu le cas qui leur est soumis, soit parce

qu'elle ne présente pas un sens clair. Il y a alors plusieurs solutions possibles. Si un même tribunal ou une série de tribunaux, ayant eu plusieurs fois à faire l'application de la loi à des cas identiques, l'ont appliquée tantôt dans un sens tantôt dans l'autre, de sorte qu'il n'y ait pas d'harmonie dans les diverses décisions, on dira que sur le point de droit dont il s'agit la jurisprudence de ce tribunal ou de cette série de tribunaux est incertaine, hésitante, flottante. Si au contraire il y a uniformité dans les diverses décisions, si l'application de la loi a toujours été faite de la même manière, on dira que sur ce point de droit la jurisprudence est fixée dans tel sens. Les décisions judiciaires ainsi accumulées, series rerum perpetuo similiter judicatarum (L.8, D., de Justitia et Jure, I, 1) peuvent acquérir une grande autorité de raison et prennent une place importante parmi les matériaux de la science du Droit. Le premier rang appartient à celles de la Cour de cassation.

11. But du Droit. Pascal a dit : « Une société ne peut vivre sans lois. » Les lois sont en effet nécessaires au maintien de l'ordre social. On les fait uniquement dans ce but. Sans elles, la paix publique serait souvent troublée, car il n'y aurait pas d'autre moyen de résoudre les questions que l'emploi de la force brutale. Mais les lois n'ont pas pour but de rendre les hommes vertueux ; c'est là l'affaire de la Morale et de la Religion. L'homme qui respecte scrupuleusement les lois de son pays peut donc être un bon citoyen, mais il ne sera pas nécessairement un homme vertueux. Il peut même n'être pas un homme honnête, car la loi civile tolère bien des actes que l'honnêteté réprouve. Non omne quod licet honestum est. Elle les tolère, soit parce que le profit que procurerait la répression de ces actes serait plus que compensé par le scandale que causerait leur constatation (c'est pour ce motif que nos lois ne punissent pas l'inceste qui cependant au point de vue moral est un crime épouvantable), soit parce que l'accomplissement de ces actes n'est pas de nature à troubler l'ordre social. C'est pour ce dernier motif que la loi ne formule aucune règle de conduite intérieure, mais seulement des règles de conduite extérieure.

CHAPITRE II

DU DROIT FRANÇAIS

Étude historique de ses différentes sources.

12. Au point de vue historique notre Droit français se divise èn trois parties, savoir: 1o le Droit ancien qui comprend tous les monuments législatifs antérieurs à la déclaration de l'Assemblée constituante

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