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simples matelots le droit d'indiquer le danger et de signaler les écueils.

Mais ce n'est pas seulement l'existence de la religion que compromet parmi nous le nouveau régime, il y compromet encore l'ordre social tout entier,

CHAPITRE VI.

Résultats du nouveau régime par rapport à l'ordre social.

La religion n'est pas seulement pour la politique un instrument utile, un moyen secondaire, une alliée puissante; c'est sa base nécessaire, c'est le fondement unique de tout ordre social. « On bâtirait plutôt une « ville dans les airs, dit le sage Plutarque, « que de constituer un état en ôtant la << croyance des dieux (1). » « C'est la vérité « même, ajoute le divin Platon, que si Dieu « n'a pas présidé à l'établissement d'une cité

(1) Plut. opera, p. 1125.

« et qu'elle n'ait eu qu'un commencement « humain, elle ne peut échapper aux plus « grands maux (1). »

Ainsi pensait la sagesse antique. Les philosophes même qui dans le dernier siècle se sont fait une triste gloire de combattre la religion, n'en ont pas moins, pour la plupart, reconnu la nécessité politique. « Cherchez, dit Hume, << un peuple sans religion; si vous le trouvez, « soyez sûr qu'il ne diffère pas beaucoup des « bêtes brutes (2). » Selon Rousseau, « ja« mais État ne fut fondé que la religion ne « lui servît de base (3).

Les législateurs de tous les pays, les fondateurs des empires, les grands hommes qui ont le plus fait d'honneur à l'humanité par leur génie ont tous tenu le même langage; tous ont donné à la politique la religion pour

(1) Plut. de leg., p. 180. Ne croirait-on pas entendre la sagesse éternelle proclamant que: Nisi dominus custodierit civitatem, frustra vigilat qui custodit eam? Ce serait une preuve de plus entre mille autres que cet homme célèbre, le plus beau génie de la Grèce, avait lu nos livres saints et y avait puisé cette sublimité de doctrine qui nous étonne dans un païen et qu'on ne trouve que chez lui. (2) Hist. nat. de la relig., p. 180. (3) Contrat social, liv. iv, chap. 8.

fondement nécessaire. Qu'importent les dénégations de quelques hommes obscurs ou pervers? Une vérité de fait aussi ancienne que le monde cessera-t-elle d'être incontestable parce qu'après six mille ans de consentement unanime il plairait à quelques insensés d'opposer leurs paradoxes à l'expérience des siècles, et leurs assertions individuelles au témoignage du genre humain ?

Mais si la religion est l'unique base de l'ordre social dans tout État constitué, quel qu'il soit, à plus forte raison l'est-elle dans les États qui prétendent jouir de tous les droits de la liberté. Car dans ces États, surtout à l'époque où nous vivons, l'autorité a été extrêmement restreinte; toutes les lois ont été affaiblies, tous les degrés de la pénalité abaissés; tous les liens sociaux ont été relâchés. C'est dans des circonstances aussi graves qu'il importe surtout de laisser à la religion, qui seule peut remplacer tous les autres freins, toute la force et toute l'influence qu'elle peut exercer sur les esprits et sur les cœurs, et par là sur la société tout entière. Ah! si la religion est nécessaire à tous les États, c'est surtout aux États libres qu'elle est indispensable. « C'est là, dit << Polybe, que, pour n'être pas obligé de

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donner un pouvoir dangereux à quelques « hommes et d'établir la tyrannie, la plus << grande crainte doit être celle des dieux. >>>

Un exemple à jamais mémorable, unique dans les annales des peuples, ajoute encore, s'il est possible, à l'évidence de ces grandes vérités. Une nation de trente millions d'hommes, la première du monde par son esprit et ses lumières, parvenue à une civilisation parfaite, possédant tous les moyens humains de gouvernement, fit un divorce impie avec la divinité et voulut essayer de se gouverner par les principes de l'athéisme. Quel fut le fruit de cette tentative insensée? Des athées gouvernèrent la France, ils proclamèrent une liberté illimitée et une égalité absolue, et au nom même de liberté, dans l'espace de quelque mois, ils accumulèrent plus de ruines qu'une armée de barbares n'en aurait pu laisser en Europe, pendant dix années d'invasion. Au lieu du règne de la liberté, il fallut vite proclamer le règne de la force, le règne de la terreur. On organisa la mort dans chaque bourgade, on voua des classes

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