CHAPITRE III. Du soin qu'a toujours pris l'Église de fournir à ses prêtre une subsistance honnête et indépendante. Le prêtre ne peut faire le bien sans une grande autorité, et cette autorité, qui est toute morale, repose uniquement sur le respect et la considération des peuples; mais les hommes, et surtout les populations agricoles, sont accoutumés à ne respecter que ce qui est entouré des prestiges de l'aisance. Tous les peuples ont senti cette vérité. Aussi voyons-nous qu'en tout temps, en tout lieu et dans toutes les religions, le sacerdoce a été, sinon dans les richesses, du moins audessus du besoin. L'Eglise catholique, ce modèle éternel de toute société bien organisée, n'a pu oublier ce principe fondamental. Saint Paul l'avait déjà posé en disant que celui qui travaille à l'autel, doit vivre de l'autel. Il fut ensuite appliqué par les premiers pasteurs et par les conciles. L'usage constant, dans les temps anciens, fut que l'évêque associait à la participation des revenus de l'Eglise tous ceux qu'il associait au clergé par l'ordination. Une loi très ancienne, rapportée dans le décret de Gratien, défendait aux évêques d'ordonner aucun clerc sans lui fournir les moyens de vivre honorablement. D'après cette loi, qui paraît être l'expression de la sagesse comme celle de la justice, les évêques sont libres de ne pas ordonner; mais s'ils imposent les mains à quelqu'un, ils doivent nécessairement lui fournir de quoi subsister selon son état. Non liceat ulli episcopo ordinare clericos etillis nullas alinionias præstare; sed duorum alterum eligat: vel non faciat clericos, vel si fecerit, DET ILLIS UNDE VIVERE POSSINT (1). (1) Canon non liceat. Quand les paroisses furent établies régulièrement partout, on plaça dans chacune un curé fixe, avec un revenu suffisant dont il avait la libre jouissance. Il était défendu d'ériger aucune paroisse sans cette dotation, et d'ordonner aucun prêtre sans lui donner une paroisse ou titre. Les ordinations faites sans titre furent même déclarées nulles, et les prêtres ainsi ordonnés étaient suspendus de leurs fonctions. Le décret qui contient ces dispositions, cité et renouvelé par les décrétales grégoriennes, devint le droit public. Les ordinations faites sans titre furent donc déclarées nulles, et l'évêque qui les avait faites était condamné à pourvoir, de son propre bien, à l'entretien des curés ainsi ordonnés. Le troisième concile de Latran, tenu en 1179 sous Alexandre III, réduisit cette obligation des évêques aux prêtres sans titre qui n'avaient pas de patrimoine suffisant. Episcopus, si aliquem, sine certo titulo, in diaconum vel presbyterum ordinaverit, TANDIU NECESSARIA EI SUBMINISTRET, donec in aliqua ecclesiá convenientia stipendia militiæ clericalis assignet; nisi fortè talis, qui ordinatur, exstiterit qui de sua vel paterna hereditate subsidium vitæ possit habere. Il faut remarquer, dit le père Thomassin, que ce décret de Latran n'est point une révocation du décret ancien, confiriné par tant de conciles, qui défend de faire aucune ordination sans titre. Cette défense subsiste toujours. Le saiut concile renouvelle même la peine portée contre l'évêque qui ordonne des prêtres sans titre et l'oblige, comme au paravant, à fournir, de son propre bien, à leur entretien. Seulement, quand les prêtres ainsi ordonnés ont un patrimoine suffisant, le concile dispense l'évèque de cette obligation, Comme il arrive toujours, ce qui n'était d'abord qu'une simple tolérance, devint bientôt la règle. Les évêques ordonnèrent indifféremment sous le véritable titre, qui est le bénéfice, ou sous le titre feint de patrimoine. Or, il était facile de présenter un faux patrimoine; ce nouveau titre si vague devint bientôt une source intarissable de fraudes et introduisit dans l'Eglise une foule de prêtres acéphales qui la déshonoraient. Le saint concile de Trente a réformé cet abus et fixé la discipline de l'Eglise sur l'entretien des clercs. Pour ne plus exposer, disent les Pères, les ordres sacrés au mépris et à l'avilissement inséparables de la mendicité ou d'uu gain sordide, le saint concile ordonne que désormais aucun clerc séculier, eût-il d'ailleurs l'âge, l'instruction et les mœurs convenables, quamvis aliàs sit idoneus moribus, scientia et ætate, ne sera plus ordonné, s'il n'a un bénéfice suffisant pour sou honnête entretien, bénéfice qu'il ne pourra résigner sans déclarer que c'est son titre d'ordination, et que la résignation en sera nulle s'il n'a d'ailleurs de quoi subsister. Quant au patrimoine, le saint concile veut qu'on n'ordonne, sous ce titre, que les prêtres absolument nécessaires, et il exige que le patrimoine soit suffisant pour l'entretien honnête d'un prêtre, et qu'il soit inaliénable, au moins jusqu'à ce que le prêtre ainsi ordonné ait obtenu un bénéfice (1). (1) Conc. Trid., sess. XXI, c. 2, de Reform. Quelle profonde sagesse dans tout ce chapitre! Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en l'insérant ici en entier. ‹ Cùm non deceat eos, qui divino ministerio adscripti « sunt, cum ordinis dedecore mendicare, aut sordidum |