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propos de choisir, tant qu'il n'est pas prévenu par les poursuites de l'un d'eux; car chaque créancier peut poursuivre seul, contraindre seul à payer, et donner quittance seul, sauf à rendre compte à ses cocréanciers.

Domat et Pothier ont pensé que le créancier solidaire, ayant le droit d'exiger du débiteur toute la dette, devait avoir également le droit d'en faire la remise, sauf contre lui le recours de ses cocréanciers pour leur part; et l'on peut dire en faveur de cette opinion qu'il semble inutile d'interdire la remise directe à qui peut la faire indirectement, en donnant quittance sans recevoir. Mais, en y réfléchissant mieux, on reconnaît que la solidarité ne s'établit véritablement entre les créanciers que pour autoriser chacun d'eux à faire au besoin l'affaire de tous, et pour les établir à cet effet mandataires réciproques : il en faut conclure que la remise étant un acte étranger à l'intérêt commun, un acte de bienfaisance personnel à celui qui le veut exercer, c'est un acte absolument hors de la mission de chacun. On peut ajouter que, de la part du créancier qui ferait la remise, l'obligation de compter à ses cocréanciers de leurs portions pourrait devenir illusoire, puisque, prêt à devenir insolvable, il pourrait la concerter à vil prix avec le débiteur, et profiter seul ainsi de la dette. Or il ne faut pas que la loi lui fournisse un moyen aussi direct et aussi facile de fraude; et il convenait que le projet le rejetât, comme il l'a fait expressément. Le moyen indirect de la quittance apparente n'en restera pas moins à la disposition de la mauvaise foi mais il était impossible de parer à cet inconvénient; et le débiteur, du moins, averti que la loi lui défend de traiter de la remise avec un seul créancier; que, par conséquent, il sera exposé à la recherche et à la preuve de la fraude qui pourrait s'être pratiquée, se prètera plus difficilement à celle dont on tenterait de le rendre complice. Quant au créancier de bonne foi qui, dans la remise, n'aurait d'autre but que la bienfaisance, il conservera les moyens de l'exercer, puisqu'il pourra ou fournir au dé

biteur de quoi s'acquitter envers ses cocréanciers, ou s'empresser de les désintéresser lui-même.

Lorsque c'est entre plusieurs débiteurs que la solidarité 1200 est stipulée, chacun d'eux, au choix du créancier, peut être par lui contraint au paiement de la totalité; et ce paiement les libère tous, sauf le recours de celui qui l'a fait contre chacun des autres codébiteurs, pour le remboursement de leurs portions, et même pour la contribution à la perte qui pourrait résulter de l'insolvabilité de quelqu'un d'eux.

L'obligation peut être solidaire, quoique l'un des débiteurs 1201 soit obligé différemment des autres; conditionnellement, par exemple, ou à terme. Il en résultera seulement que, si le créancier préfère de s'adresser à ce débiteur-là, il faudra qu'il se soumette à son égard à la condition ou au terine.

Si la chose solidairement due périt par la faute ou pendant 1205 la demeure de l'un des codébiteurs solidaires, il est juste, sans doute, que les autres ne soient pas plus déchargés que lui de l'obligation d'en payer le prix; mais les dommages et intérêts, s'il en est dû, sont à la charge de lui seul.

Au reste, le codébiteur solidaire poursuivi peut opposer 1208 toutes les exceptions qui lui sont personnelles, comme toutes celles qui sont communes à tous les codébiteurs; il n'y a que les exceptions personnelles à chacun ou à quelques-uns des autres codébiteurs qui lui soient interdites.

Il en faut conclure qu'il ne peut opposer la compensation des créances qui lui sont étrangères. Domat, cependant, embrasse et défend l'opinion contraire; mais Pothier, tout en l'adoptant, observe et prouve que les motifs n'en sont pas concluans. C'est donc avec raison que le projet a rejeté cette opinion.

De quelle manière la solidarité peut-elle s'éteindre vis-à- 1294 vis de tous les débiteurs ou de quelques-uns seulement par le fait du créancier? C'est sur cette question que les difficultés s'étaient le plus rassemblées. Le projet a presque sur toutes adopté l'opinion de Pothier, qui, s'attachant au prin

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cipe que la solidarité est stipulée en faveur du créancier, se refuse à lui supposer trop facilement l'intention d'en perdre les avantages dès que leur conservation ne change véritablement rien à la position des codébiteurs.

Ainsi d'abord les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires ne portent aucune atteinte à la solidarité, et n'empêchent pas le créancier d'en exercer de semblables contre les autres.

Ensuite le créancier qui, sans réserver la solidarité dans sa quittance, mais sans y renoncer formellement, reçoit divisément la part d'un des débiteurs, est bien censé faire remise de la solidarité à ce débiteur; mais il la conserve à l'égard des autres.

Enfin le créancier n'est pas censé remettre la solidarité, même au débiteur de qui il reçoit seulement une somme égale à sa part, pourvu que la quittance ne porte pas que c'est pour sa part. Il en est de même lorsque le créancier forme contre l'un des débiteurs une demande pour sa part, tant qu'il n'est pas intervenu de jugement conforme, ou que le débiteur n'a pas acquiescé à la demande.

Mais quand le créancier a reçu divisément et sans réserve pendant dix années la portion d'un débiteur dans les arrérages ou intérêts de la dette, il perd la solidarité contre ce débiteur, tant pour le capital que pour les intérêts ou arré, rages échus et à échoir.

Pothier, avec qui le projet ne se trouve pas d'accord en ce point, exige, pour anéantir la solidarité dans ce cas, une perception divise des arrérages ou intérêts pendant trente années; et encore n'admet-il pas alors l'extinction de la solidarité à l'égard du capital. Mais, d'une part, quant aux arrérages ou intérêts, c'est bien assez d'une perception divise soutenue pendant dix ans, sans réserves, pour en inférer la renonciation à la solidarité à l'égard du débiteur en possession de payer ainsi; et d'autre part il serait trop bizarre de le laisser désormais soumis à la solidarité pour le capital,

quand on l'en affranchit pour les arrérages ou intérêts. Au reste, il est évident que quand le créancier a renoncé à la solidarité à l'égard de l'un des débiteurs, elle ne lui reste contre les autres qu'à la déduction de la part de ce débiteur libéré.

et 1222

5°. J'ai maintenant à rappeler quelques règles qui sont par- sect. 5. ticulières aux obligations, selon que la chose qu'elles ont pour objet est ou n'est pas susceptible de division dans l'exécution. Quand l'obligation est indivisible, chacun de ceux qui l'ont contractée en est tenu pour le total, quoique cette obligation ne soit pas solidaire.

L'obligation, quoique susceptible de division, doit être 1210-121 exécutée entre le débiteur et le créancier comme si elle était indivisible. Ce n'est qu'entre leurs héritiers que la division s'opère: ceux-ci ne peuvent demander la dette, ou ne sont tenus de la payer, que pour les parts et portions dont les uns en sont saisis et les autres tenus, comme représentant le créancier ou le débiteur; il y a cependant plusieurs cas où cette division ne peut avoir lieu.

Ainsi la dette est-elle hypothécaire? l'héritier qui possède la chose hypothéquée peut être, sauf son recours, poursuivi sur elle pour la totalité. Il en est de même si la dette est d'un corps certain. Il en est de même encore si la dette est alternative, et de choses au choix du créancier, et si l'une des choses est indivisible; lorsque c'est cette chose indivisible que le créancier choisit, l'héritier qui la possède peut être poursuivi seul, sauf son recours. Il en est de même encore si l'un des héritiers est, par le titre, chargé de l'exécution de l'obligation.

Enfin s'il résulte, soit de la nature de l'engagement, soit de la qualité de la chose qui en fait l'objet, soit de la fin qu'on s'est proposée dans le contrat, que l'intention des contractans a été que la dette ne pût s'acquitter par portion, chaque héritier, au choix du créancier, peut être poursuivi seul.

sect. 6 6'. Ce quatrième chapitre du projet est terminé par quelques dispositions relatives aux obligations accompagnées de clauses pénales.

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Si la peine n'a été stipulée que pour le retard, elle doit être regardée comme de simples dommages et intérêts relatifs à ce retard, et elle peut en conséquence ètre réclamée avec la chose. Mais, dans tout autre cas, la peine est censée substituée à la chose; en conséquence le créancier n'a que le choix entre la demande du principal ou celle de la peine.

Mais si le créancier a souffert l'exécution partielle de l'obligation principale, la peine peut être modifiée par les juges.

Ici quelques dispositions étaient nécessaires relativement aux obligations indivisibles, accompagnées de clauses pénales; et les voici :

Lorsque l'obligation primitive contractée avec clause pénale est indivisible, ou lorsque la clause pénale a été apposée à une obligation divisible pour empêcher que le paiement ne se fit partiellement, la peine est encourue par la contravention d'un seul des héritiers du débiteur; et elle peut être demandée, soit en totalité contre lui, soit contre chacun des héritiers pour sa part, et hypothécairement pour le tout, sauf le recours. Hors de ces cas la peine n'est encourue que par l'héritier qui a contrevenu à l'obligation primitive, et même seulement en proportion de sa part dans cette obligation.

Au reste, quelle que soit l'obligation, une peine ne peut y être utilement attachée qu'autant que cette obligation est valable, et la nullité de l'obligation entraîne la nullité de la clause pénale; mais la nullité de la clause pénale ne nuit pas à l'obligation principale.

ch. 5. IV. J'arrive au cinquième chapitre du projet, à celui qui traite de l'extinction de toutes ces obligations.

§ 2.

1°. Le moyen le plus direct d'extinction est le paiement. Il est pur et simple ou avec subrogation: mais il n'y a que le

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