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été contractée, à savoir celle de l'heureuse arrivée du navire désigné (1).

En conséquence, l'acheteur est en droit d'exiger que la marchandise lui soit livrée à l'arrivée du navire substitué à celui qui avait été désigné (2).

(JULLIEN FRÈRES CONTRE PÉLISSIER DE CHABERT.)

Le 5 novembre 1853, Jullien frères ont vendu à Pélissier de Chabert 1,000 balles de graines de sésame de la côte de Coromandel, pour livrer à Marseille au débarquement du navire à désigner avant la fin de février prochain, et dont l'arrivée devait avoir lieu du jour de la désignation à la fin de juin suivant, avec faculté, pour l'acheteur, d'annuler ou de proroger une ou plusieurs fois ce marché, en cas de non arrivée du navire dans le délai fixé. Il a été de plus convenu que si le navire désigné venait à se perdre en allant prendre son chargement, le marché deviendrait nul.

Les vendeurs ont désigné, dans le délai fixé, le navire Pondichery; mais ce navire, après avoir pris charge, a été arrêté dans sa traversée par une voie d'eau qui l'a obligé à relâcher

(1-2) Cette question n'avait pas encore été décidée par un arrêt de Cour, du moins ne trouve-t-on dans les Recueils de Jurisprudence aucun arrêt qui s'y rapporte, avant celui que nous donnons ici. Mais elle a été plusieurs fois soumise à l'appréciation des Tribunaux de commerce; nous citerons deux jugements, l'un de Bordeaux, sous la date du 7 juin 1850, l'autre de Rouen, sous la date du 21 octobre 1853, rapportés tous deux dans ce Recueil (t. 29-2-131, t. 33-2-126), dont la décision est conforme à celle adoptée par le Tribunal de Marseille et confirmée par la Cour d'Aix. On peut voir également un jugement rendu à Rouen, le 16 septembre 1845, (V. ce Rec., t. 25-2-145), mais il est moins précis. Quant à la jurisprudence antérieure de Marseille, elle paraît contraire. En recourant aux jugements rendus les 11 juillet et 16 septembre 1838, et le 10 février 1840 (V. ce Rec., t. 17-1-312 et 313, t. 19-1-342), on aperçoit cette distinction: là où la marchandise est spécifiée par des marques et numéros, indépendamment de la désignation du navire qui en est porteur, la vente doit sortir à effet nonobstant le transbordement effectué en cours de voyage sur un autre navire arrivant à la même destination; la, au contraire, où la désignation du navire n'est point accompagnée d'une indication de marques et numéros, l'heureuse arrivée du navire désigné est une condition substantielle, et la vente ne tient plus quaud la marchandise est transbordée de ce navire sur un autre. MM. Delamarre et Le Poitvin critiquent cette distinction; ils estiment que, dans tous les cas, l'innavigabilité ou la perte du navire désigné opère la résolution de la vente. Ils sont donc en complète opposition avec l'arrêt de la Cour d'Aix. (Traité du contrat de commission, t. 4, no 113 et suiv.)

à Trincomalie, où il a été déclaré innavigable. A la suite de eette déclaration d'innavigabilité, les graines de sésame ont été transbordées à bord d'un autre navire pour continuer leur route sur Marseille.

En apprenant ces faits, Jullien frères font citer Pélissier de Chabert pour voir dire que la vente dont il s'agit étant contractée sous la condition de l'heureuse arrivée dans le port de Marseille du navire désigné comme porteur de la marchandise, elle est devenue nulle et sans effet par suite de la condamnation de ce navire pour cause d'innavigabilité.

Pélissier de Chabert, de son côté, introduit une demande pour être autorisé à se remplacer immédiatement, aux frais de ses vendeurs, des 1,000 balles par lui achetées. Il fonde sa prétention sur ce que la marchandise ayant été chargée à bord du navire Pondichery trop tard pour pouvoir arriver à Marseille, d'après la durée ordinaire de ces sortes de navigations, à l'époque convenue pour la livraison, c'est là une faute commise par les vendeurs et qui a pour effet de rendre le marché ferme. Subsidiairement, et là où la désignation du navire Pondichery serait déclarée valable, il demande au Tribunal d'ordonner que les 1,000 balles provenant du Pondichéry lui seront livrées au débarquement du navire sur lequel elles ont été transbordées, la vente sortant son plein et entier effet malgré ce transbordement.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est établi que, le quinze novembre dernier, les sieurs Jullien frères ont vendu entr'autres, au sieur Pélissier de Chabert, mille balles graines de sésame de Coromandel, au prix convenu entr'eux pour livrer et recevoir à l'heureuse arrivée du navire que les vendeurs s'obligeaient à désigner du susdit jour à fin février lors prochain, et dont ladite arrivée était fixée du jour de ladite désignation à fin juin 1854, l'acheteur se réservant la faculté, là où le navire ne serait pas arrivé à l'époque fixée, d'annuler le marché ou de le proroger une ou plusieurs fois; enfin, il était convenu que dans le cas où le navire viendrait à se perdre en allant charger, le marché

deviendrait nul pour la partie qui viendrait à périr; qu'il est également établi que le vingt huit février dernier les sieurs Jullien frères ont désigné à leur acheteur comme portant les mille balles vendues, le navire Pondichery, capitaine Martin;

Attendu que le cinq juillet dernier le navire Pondichery n'étant pas arrivé, et les sieurs Jullien frères ayant été avisés qu'il avait été obligé de relâcher, pour cause de voie d'eau, à l'île de Ceylan pour s'y réparer, sommèrent leur acheteur de s'expliquer sur la faculté qu'il s'était réservée, et par la réponse du lendemain, celui-ci déclara vouloir proroger le marché, se réservant tout son droit là où les frères Jullien ne justifieraient pas que le chargement aurait été effectué à une époque qui, franche d'événements extraordinaires de navigation, leur aurait permis d'arriver dans le délai fixé ;

Qu'enfin le navire Pondichery ayant été condamné à Trincomalie comme innavigable, les mille balles composant son chargement ont été transbordées par le capitaine Martin sur un autre navire qui n'est pas encore arrivé à Marseille ;

Attendu que c'est en l'état de ces faits que le vingt-un septembre dernier, les frères Jullien ont fait citer le sieur Pélissier de Chabert en annulation de la vente dont s'agit pour cause de défaut d'arrivée du navire désigné, et que celui-ci, par la citation du vingt-trois dudit mois de septembre, demande, au contraire, principalement que le marché desdites mille balles sésame soit déclaré ferme, faute par les frères Jullien de les avoir chargées en temps utile sur le Pondichery, et, par suite, à être autorisé à se remplacer de ladite marchandise aux risques et périls de ses vendeurs; et subsidiairement en livraison desdites mille balles sésame, nonobstant la substitution d'un autre navire au Pondichery; et sur ce, en ce qui touche les fins principales prises par le sieur Pélissier de Chabert;

Attendu que, en consentant à considérer le marché comme nul, dans le cas où le navire désigné viendra à périr en allant charger la marchandise, le sieur Pélissier de Chabert a renoncé à fortiori à se prévaloir des événements qui pourraient retarder son arrivée au lieu du chargement, et, par suite, aux retards que pourraient éprouver le chargement et le départ du navire de la côte de Coromandel;

Attendu que le sieur Pélissier de Chabert, en gardant le silence sur l'acte des frères Jullien, du quinze juillet, alors qu'il

connaissait l'époque du chargement des marchandises sur le navire désigné, a renouvelé tacitement la prorogation expresse qu'il avait déjà fait connaître à ses vendeurs par la réponse à l'acte du cinq dudit mois, et, par suite, renoncé à faire déclarer le marché ferme;

Sur la demande des frères Jullien et celle subsidiaire du sieur Pélissier de Chabert, attendu que la condition de l'arrivée du navire désigné dans la vente d'une marchandise à livrer par navire désigné, n'est pas tellement substantielle, que le défaut de cette arrivée au lieu de destination doive faire déclarer le marché nul;

Qu'il est, en effet, de principe, constaté par la jurisprudence, que la désignation du navire porteur de la marchandise, en la spécialisant, en transporte la possession à l'acheteur, qui, ayant à sa charge les cas de perte, doit avoir également celle de l'arrivée, d'où il suit qu'il suffit dans ces sortes de vente que la marchandise ainsi spécialisée arrive à destination, n'importe que ce soit par un autre navire que celui qui avait été désigné et que son identité soit établie, pour que l'acheteur ne puisse se refuser à la recevoir, pas plus que le vendeur à la livrer;

Le Tribunal,

Sans s'arrêter à la demande des frères Jullien, non plus qu'à celle principale du sieur Pélissier de Chabert, faisant droit aux fins subsidiaires de celui-ci, maintient le marché dont s'agit et ordonne que les frères Jullien livreront les mille balles sésame du navire Pondichery, à leur arrivée à Marseille sur le navire qui les a reçues en transbordement; condamne les frères Jullien aux dépens; ordonne l'exécution provisoire du présent moyennant caution.

Du 9 octobre 1854. Prés., M. E. CANAPLE, Chevalier de la Légion d'Honneur; Plaid., MM. AICARD, pour Jullien frères; HORNBOSTEL, pour Pélissier de Chabert.

Jullien frères interjettent appel; Pélissier de Chabert, de son côté, émet appel incident.

ARRÊT.

Sur l'un et l'autre appel, la Cour, adoptant les motifs des premiers juges, confirme.

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Du 18 décembre 1854. Cour d'Aix, 1 ch., MM. POULLE, pr. prés.; ST-LUC COURBORIEU, subst.; GUIEU et TAVERNIER, avocats,

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L'art. 14 du Code Napoléon qui permet aux français de citer devant les Tribunaux français l'étranger même non résidant en France, contient une faculté à laquelle on peut renoncer comme à tout autre droit privé.

Cette renonciation peut s'induire des circonstances particulières de la cause, lors même que le français n'a comparu que comme défendeur devant la juridiction étrangère.

(Torricelli FRÈRES CONTRE CONDAMIN ET VIAN.)

Le 4 décembre 1851, Condamin fils et Vian achetèrent de F. Valette la quantité de 8,000 hectolitres vin rouge ordinaire, pour livrer et recevoir sur le quai de Marseille, à raison de 2000 hectolitres dans chacun des mois de janvier, février, mars et avril prochain. Cet achat réalisé en leur nom n'était pas pour leur compte, mais pour celui de la maison Torricelli frères, de Livourne, qui leur en avait donné l'ordre.

En exécution de ce marché et dans le courant de janvier, Valette livra un certain nombre de futailles que Condamin et Vian, après en avoir pris réception, firent successivement charger sur quatre navires à destination de Livourne. A l'arrivée de ces navires, Torricelli frères se présentèrent pour examiner la marchandise, ils crurent reconnaître dans les vins qui leur étaient adressés des vices plus ou moins prononcés, et avant de procéder au débarquement, ils nommèrent des experts pour une vérification. Quatre cent vingt-deux futail les condamnées par ces experts, comme n'étant pas marchandes et de recette, furent laissées pour compte et déposées dans les magasins de la douane.

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En l'état de ces faits, Condamin et Vian firent citer le 1"

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