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Voilà ce que vous avez dit pendant dix-huit ans. Et quand vous êtes arrivés en février 1848, qu'avez-vous fait? Vous avez été obligés, je le sais, de défendre la société, et je vous en remercie... Et l'homme considérable qui siége sur ces bancs, et qui nous est cher à plus d'un titre, était à la tête du pouvoir; mais, enfin, vous avez versé plus de sang qu'il n'en a coulé dans les journées de la révolution et dans les plus mauvaises journées de la monarchie. Vous nous avez fait bien des reproches, vous avez pu nous les faire; vous voyez ce que c'est que d'avoir méconnu la vérité quand on est obligé d'accepter les faits, quand on est forcé d'être inconséquent plus tard et qu'on est réduit à renier tout ce qu'on a dit d'iniquités et d'injustices à ses adversaires.

L'état de siége, vous avez été réduits à l'accepter deux fois, et à lui donner une portée qu'il n'avait jamais eue: la portée de suspendre et de supprimer des journaux. Il fallait le faire; vous avez bien fait, je le reconnais. (Interruption à gauche.) Est-ce que vous me direz que vous avez attaqué l'état de siège? Je vois ici, sur ces bancs, ceux qui l'ont proposé, je les en honore. Mais vous aviez dit pendant dix-huit ans que c'était un acte abominable qui violait toutes les lois.

Quand il a été question des lois sur la presse, vous vous ètes hâtés de faire les lois nécessaires, et vous avez, à vous entendre, égalé, surpassé les lois de septembre.

Je ne veux pas rentrer dans les récriminations subalternes et vous rappeler ce que vous avez fait quant aux élections; je pourrais vous rappeler que si les gouvernements antérieurs ont eu le tort souvent de vouloir faire prévaloir leurs candidats par des moyens condamnables, ils n'ont cependant jamais organisé des clubs et des agents soudoyés par l'Etat pour aller dans les provinces soutenir leurs candidats. Si vous

dangers étant devenus plus grands, il fallait être plus violent. Voilà la seule différence : un peu plus de maladresse, un peu plus de violence. (Rires approbatifs à droite.)

Eh bien, ces hommes du passé que vous dites les ennemis du Gouvernement actuel, ils ne vous ont jamais caché leurs sentiments, et quand ils viennent à cette tribune, depuis quinze mois, dire des vérités qui, il y a quelques mois, n'étaient pas du goût de la majorité, qui, aujourd'hui, j'en conviens, sont plus faciles à dire; quand ils viennent ici, dis-je, soutenir sans exception tous les ministères, car nous les avons tous soutenus, j'ai voté, moi, le jour de mon entrée dans l'assemblée constituante, pour la commission exécutive dont M. Ledru-Rollin faisait partie, j'ai voté pour tous les ministères sans exception...

Un membre à gauche. C'est que vous en aviez besoin.

LE CITOYEN THIERS. Je n'avais pas besoin d'eux, permettez-moi de le dire, et quoi qu'en ait dit M. Jules Favre, on ne m'a pas encore vu dans les antichambres de la République.

A gauche. Dans les salons!

LE CITOYEN THIERS. Ni dans ses salons.

Eh bien, les ennemis du Gouvernement, s'ils n'avaient pas mis l'intérêt du pays, intérêt qui était devenu celui de notre conservation à tous, celui de la société, de la civilisation; s'ils ne l'avaient pas mis au-dessus de tous leurs ressentiments, ah! qu'ils auraient pu triompher, tantôt lorsque vous veniez nous annoncer que c'était après quatre et cinq jours de combat qu'on avait rétabli l'ordre, tantôt quand vous apportiez l'état de siége, tantôt quand vous apportiez des budgets de 16 et 1,700 millions, tantôt quand vous acceptiez les traités de 1815; ah! ils auraient pa triompher, ils auraient

aviez trouvé des sommes de 100,000 et quelques francs don-pu vous attaquer, vous rappeler vos inconséquences, vous

nées à des agents du gouvernement pour soudoyer les élections, que n'auriez-vous pas dit! et vous auriez eu raison. (Approbation et rires à droite.)

Vous avez accusé le passé; permettez au passé, sans termes injurieux, de vous rappeler les faits; je vous montre le miroir, voyez s'il est vrai! (Mouvement.)

Quand il a été question des dépenses publiques, vous avez eu le ministère des finances occupé par des hommes dignes de votre confiance, vous avez été dans vos commissions qui certainement ont ménagé l'impôt. Avez-vous réduit les dépenses publiques? Je ne vous le reproche pas... (Rires à droite.)

Et enfin, pour la politique étrangère, ces abominables traités de 1815, qui étaient une honte, disiez-vous, non-seulement pour la France, mais pour ceux qui les exécutaient tous les jours, les avez-vous déchirés? Vous avez dit que, provisoirement, ils seraient la loi de la France et de toutes les nations européennes; vous avez bien fait, c'est le bon sens qui le commandait.

Et, quant à cette alliance anglaise, cette honteuse alliance, le jour de votre avénement, à qui vous adressiez-vous en Europe, à qui vous adressiez-vous pour trouver quelqu'un qui se mit en concours avec vous? A l'Angleterre; et vous avez entendu M. le général Cavaignac, dans des termes excellents, pleins de bon sens, vous dire, il y a quelques jours, à notre tribune, qu'il était tout naturel, quand on trouvait une nation qui avait des analogies avec vous, des analogies d'esprit, d'intention, de s'entendre avec elle; vous ne désavouerez pas M. le général Cavaignac...

LE CITOYEN CAVAIGNAC. Peut-être.

LE CITOYEN THIERS. M. le général Cavaignac me dit : Peut-être! Oui, c'est vrai. (On rit.) Mais, avant le général Cavaignac, quand M. Ledru-Rollin, M. de Lamartine, M. Garnier-Pagès, étaient dans le Gouvernement, a-t-on déchiré ces traités de 1815? Lisez le manifeste de M. de Lamartine. A-t-on répudié cette alliance anglaise? Non. Tout ce qu'on avait injurié, on s'en est servi; tous ces moyens dont on avait fait des crimes, on s'est hâté de les employer, quelquefois maladroitement, quelquefois plus violemment, parce que, les

ASS. NAT. LÉGISL. TOME 11.

mettre en présence de ce que vous aviez dit, vous contester les dépenses publiques, vouloir réduire les appointements du Gouvernement dont vous étiez saisis alors. Avons-nous joué ce rôle? Nous avons soutenu tous les pouvoirs sans exception; dans le comité des finances, lors de l'examen du budget, c'était nous qui défendions vos fonctionnaires; c'était nous qui défendions le Gouvernement qui n'était pas celui de nos sympathies, qui était celui de notre devoir, parce qu'il était le pouvoir légal du pays; nous l'acceptions; mais, vous le saviez bien, cela se bornait à une respectueuse obéissance à la loi.

Eh bien, avons-nous triomphe de vos inconséquences? Sommes-nous venus nous armer des dix-huit ans de diffamations que vous nous aviez jetés à la face pour vous les rejeter à vous à bien plus forte raison? car vous étiez inconséquents, horriblement inconséquents. Non! nous avons mis les intérêts du pays au-dessus de tout; nous avons appuyé tous les pouvoirs, nous les appuierons encore; nous appuyons M. Odilon Barrot, comme avant nous avions appuyé M. le général Cavaignac, comme nous avions appuyé la commission exécutive elle-même.

Nous n'avons inspiré, dominé personne; nous avons soutenu, suivant la mesure de nos convictions, chacun des pouvoirs que vous donniez successivement au pays.

Maintenant, quant à cette objection, que ces moyens ont perdu tous les gouvernements, qu'ils perdront la République comme ils ont perdu la monarchie, quant à ces souvenirs de tant de chutes évoquées ici, tristes souvenirs! eh! mon Dieu! oui, j'en conviens avec l'histoire, avec l'histoire contemporaine, oui, notre sol est couvert de ruines; oui, plusieurs monarchies sont tombées; la monarchie du génie est tombée; la monarchie du vieux droit est tombée aussi; la monarchie du droit conventionnel, du contrat avec la nation, est tombée aussi; notre sol, je le répète, est couvert de ruines, et aucun bon citoyen ne peut s'en réjouir.

Mais, imprudents évocateurs de ces souvenirs, oubliez-vous que la monarchie n'est pas seule à compter des chutes! Oubliez-vous que la République aussi est tombée, une fois dans le sang, une autre fois, au 18 brumaire, dans ce que vous appelez tous les jours le mépris public?

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Eh bien, oui, il y a eu des chutes parmi tout le monde; ne soyez pas si fiers! (Très-bien ! très-bien !) Et s'il fallait juger la valeur des institutions à la durée des gouvernements, il ne faudrait croire à aucune, et cependant on pourrait croire, un peu plus, comme le disait l'honorable M. de Montalembert, à celles-là qui ont duré dix-huit ans qu'à celles qui n'ont duré que trois ans.

Je ne veux rien prévoir; mais, enfin, la compression, ditesvous, la compression renverse, fait périr tôt ou tard; il faut Jaisser faire, laisser dire, laisser agir; c'est le moyen de se

sauver.

Messieurs, en présentant les théories avec un certain degré de généralité, tout le monde a raison, tout le monde a tort. Oui, il est vrai que quelquefois la compression fait périr; mais est-ce à dire qu'il ne faille jamais résister ? Par exemple, il y a quelques années, tout autour de la France étaient des monarchies absolues; eh bien, j'ai été frappé d'un fait: c'est que rien ne leur réussissait, sous le rapport de la politique intérieure, rien. Quand elles voulaient contenir l'esprit humain, refuser aux nations la juste participation qu'elles demandaient à leurs affaires, il y avait soulèvement général, péril par la compression; quand elles accordaient quelque chose, un peu de liberté de la presse, un peu de gouvernement représentatif au moyen des administrations provinciales, cela ne leur réussissait pas davantage, car on se servait de ce qu'on avait obtenu pour obtenir le reste. C'est vrai, quand les nations n'ont rien obtenu encore, rien de cette participation à leurs affaires que l'esprit moderne exige impérieusement, oh! oui, rien ne réussit dans les systèmes de compression, vous avez raison. Mais ne serait-il pas d'autres exemples à citer quand on a tout accordé, tout? Par exemple, prenez la France.

Sous la restauration, on commence à entrer dans le gouvernement représentatif; sous la monarchie qu'on appelle de juillet, on y entre davantage; quelques hommes, beaucoup même, croyaient qu'en sachant attendre, qu'en sachant se résigner, on aurait peut-être toutes les libertés. Ils le croyaient; mais vous ne l'avez pas cru, vous avez renversé cette monarchie, vous avez la République. Eh bien, que vous faut-il encore? Vous nous avez dit que, quand on aurait la République, nous n'aurions plus de chutes à redouter, nous n'aurions plus de soulèvements à craindre, que ce serait le pacifique remplacement d'un système par un autre.

Est-ce que vous nous avez trompés? Quoi! vous avez la République et vous nous annoncez encore des chutes, si nous avons une politique plutôt qu'une autre? Nous avez-vous trompés, encore une fois ? Je ne le crois pas; mais si vous êtes conséquents, lorsqu'on a renversé deux monarchies, lorsqu'on est arrivé à la République, il est un temps où il faut s'arrêter, et où peut-être le système, non pas de la compression, il ne mérite plus ce nom, mais de la résistance raisonnable au désordre est venu. Vous-mêmes, quand vous aviez le pouvoir, vous nous en avez donné l'exemple; vous avez dit : « Nous sommes en République, et nous avons le suffrage universel, il faut s'arrêter. »

Eh bien, où vous arrêterez vous si vous ne vous arrêtez pas là ?

Quoi! ce n'est pas le temps de résister aux esprits désordonnés qui se sont précipités sur ce pays? Mais quand donc, quel jour voudrez-vous donc opposer une digue au désordre? Quel jour voudrez-vous opposer une digue aux idées anarchiques? Dites-nous-le. Quelles sont donc les idées que nous arrêtons, les idées raisonnables, pratiques?

Vous nous dites: Le socialisme. Lequel? Où sont vos idées? qu'on les présente, qu'on les apporte ici, à cette tribune, réalisables à quelque degré; qu'on les apporte discu

tables.

Nous vous avons fait un appel; moi, en discutant la proposition de M. Proudhon, en discutant le droit au travail, je vous ai sommés de venir, en bons citoyens, porter ici des idées praticables; je l'ai demandé sans cesse. Je suis dans une commission dont je fais partie avec l'honorable M. Arago; de

mandez-lui si nous repoussons les choses qui ont le moindre degré de probabilité. Si vous en avez, apportez-les, je vous le demande avec ardeur. Vous dites que nous avons de la manvaise volonté; vous dites que ne nous ne voulons rien accueillir, que nous voulons interdire la presse. Vous savez bien qu'il n'y a pas de gouvernement assez insensé pour condamner une proposition qu a un aspect sérieux. En tout cas, la tribune n'est pas fermée; M. Pierre Leroux l'a occupée tout à l'heure; je l'ai entendu comme on doit entendre un homme d'esprit. Qu'a-t-il apporté? Un projet de transformation de l'humanité. Pourquoi, au lieu d'un projet de transformation de l'humanité, ne nous a-t-il pas apporté un projet raisonnable, précis, rédigé, des articles que nous puissions adopter, ainsi que l'a fait M. Proudhon? M. Proudhon, lui, a le courage de ses théories. Un jour, il est venu à la tribune et a dit: Vous me poussez sans cesse à porter une proposition; en voici une :

Je vais prendre le quart du revenu, des capitaux, des maisons, des terres; j'établirai ainsi un nouvel impôt, lequel servira à faire la banque du peuple.

Nous avons discuté cela, et je crois que ce jour-là vous ne direz pas que vous nous avez combattus, car nous n'avons pas combattu. Il n'y a que deux membres qui aient voté pour la proposition de M. Proudhon, M. Proudhon et un membre qui, je crois, n'est plus ici.

Plusieurs membres. Si! si! M. Greppo!

LB CITOYEN THIERS. Sİ Vous avez ainsi des propositions à nous faire, faites-les. M. Pierre Leroux dit: Mais je ne puis pas apporter une science à cette tribune. Je le sais bien; aussi je ne lui demande pas une science ni un livre, je lui demande une proposition; car l'Assemblée ne discute pas la science, elle n'est pas une académie, elle est une assemblée législative. Apportez une proposition en autant d'articles que vous voudrez; il y a une tribune où retentiront vos raisons et les nôtres: l'Assemblée jugera, et le pays ensuite.

Mais prenez y garde, tant que vous n'apporterez pas ici une proposition sous forme legislative, vous n'avez pas le droit de dire que nous ne voulons pas améliorer la situation du peuple. Que voulons-nous interdire? Ce n'est pas la discussion des systèmes; nous voulons interdire ces écrits où, au lieu de discuter les systèmes, parce qu'on sait que les masses entendraient mal, n'entendraient pas volontiers la banque du peuple, les contradictions économiques, le phalanstère modifié, la triade... (On rit.) Ce n'est pas cela qu'on apporte au peuple. Savez-vous ce qu'on lui apporte? On lui apporte (et c'est là ce que nous voulons empêcher, vous allez voir pourquoi, vous allez voir si c'est pour nous seulement), on lui apporte orte de petits écrits rédigés avec un fiel, une intention abominables, on lui apporte cette assertion qu'il y a un bien suprême qui ferait cesser les souffrances de tous les hommes à l'heure même, qu'il dépendrait d'un seul acte de la volonté de la majorité de leur donner, mais que vous ne voulez pas leur donner, parce que vous êtes des riches et des méchants intéressés à perpétuer la situation actuelle.

C'est cette assertion abominable qu'on leur apporte sans cesse sous des formes déplorablement séduisantes. Voilà ce que nous ne voulons pas qui soit répandu. Les systèmes sérieux, nous les discuterons ici, avec passion, avec sincérité, parce que jamais questions plus graves, plus grandes, plus dignes d'hommes ayant un bon cœur, n'auront été soumises aux représentants d'un grand peuple (Très-bien!) Mais ce que nous vous demandons, c'est de formuler... ce que vous ne savez pas! (Rires et approbation au centre et à droite.)

Non, vous ne le savez pas, car si vous le saviez, vous auriez dû le dire ici, l'apporter à cette tribune; si vous aviez ces vérités qui doivent faire cesser la misère, vous auriez été bien coupables, depuis quinze mois, de ne pas les apporter ici; mais si vous ne les avez pas, ne venez pas parler à un peuple qui souffre et qui souffre plus par votre faute que par la nôtre, par suite de désordres dont vous êtes les auteurs plus que nous, les auteurs involontaires, ne venez pas lui parler approbation.) Car si vous parveniez à obtenir, ce que vous n'obtiendrez pas, la liberté de le corrompre jusqu'au bout, savez-vous ce qui arriverait? Ce n'est pas nous seulement qui serions dans une situation affreuse, vous seriez vous mêmes placés dans une position abominable.

d'un bien que vous ne pouvez pas lui donner... (Nouvelle | riez accusés de n'avoir été que des imposteurs en promettant fatal qui ait été fait à la dernière monarchie, j'ai eu l'honneur | des lois de 1819 et de 1822 et de la loi de 1848. Voilà le

Qu'auriez-vous fait si des Arts et Métiers avait surgi un gouvernement nouveau? Qu'auriez-vous fait? Rien! rien ! Vous auriez été placés en face d'exigences auxquelles vous n'auriez eu aucune réponse à faire, aucune, aucune. Et quand je fais une hypothèse, j'ai tort, elle s'est réalisée. Après le 24 février, vos amis ont été tout-puissants, ils ont pu tout, tout; il n'y a pas de loi qui les ait arrêtés; ils ne se sont pas arrêtés même devant la propriété, car ils ont voulu enlever et les chemins de fer et les caisses d'épargne..... Pardon, non pas les caisses d'épargne, je me trompe, mais les compagnies d'assurances. (Interruptions diverses.) Aucune loi ne les a arrêtés.

Il n'y a aucun pouvoir, même dans le temps de la monarchie absolue, aucun pouvoir qui se soit permis à l'égard des lois tout ce que s'est permis le Gouvernement provisoire, et je ne veux pas lui en faire un reproche, je veux seulement constater qu'il a tout pris, car il a pris les banques des provinces, je l'ai moi même approuvé dans cette mesure; mais vous voyez qu'il ne s'est pas arrêté devant la propriété; quand il a pris les banques de province, qui l'arrêtait donc, et qu'at-il fait?

Vous avez eu les conférences du Luxembourg.

Je ne dis pas que les conférences du Luxembourg pussent à l'instant réaliser tout; mais ce qu'on ne peut pas réaliser, on peut l'annoncer. Qu'avez-vous annoncé dans ces conférences du Luxembourg? quoi? L'association des ouvriers pour laquelle nous avons consenti à employer quelques mil lions pour faire des expériences. Mais quand vous avez renversé l'ancien gouvernement au nom du bien du peuple, vous ne l'aviez pas découvert encore, car enfin vous deviez le dire ce jour-là.

Il ne faut pas deux mois, quand ce bien est si certain, si réel, si grand, il ne faut pas deux mois pour l'énoncer. L'avez-vous énoncé un seul jour? Jamais. Je ne vous reproche pas de ne l'avoir pas fait, je dis que vous ne l'avez pas énoncé. Et ce n'est pas votre esprit, votre savoir que j'accuse; vous ne le saviez pas plus que nous, parce que personne n'a dans la main le moyen de faire à l'instant le bien des nations. C'est avec le temps, avec beaucoup d'ordre, de sécurité, de bonne volonté et de lumières réunis, que petit à petit on arrive à faire ce bien; mais il n'est personne qui le possède dans sa main.

Et vraiment ceux qui le tiendraient dans leur main et qui ne le laisseraient pas échapper sur l'humanité seraient les derniers des hommes! Mais quand on ne l'a pas, et vous ne l'avez pas plus que nous, on est criminel de venir l'annoncer sans cesse. C'est ce crime que nous voulons arrêter. (Applaudissements et bravos répétés à droite et au centre.)

A gauche. Vous n'êtes pas dans le vrai.

LE CITOYEN THIERS. Vous dites que nous ne sommes pas dans le vrai.

A gauche. Oui!

LE CITOYEN THIERS. Soit. Eh bien, en quittant cette tribune je vous réitère encore la sommation, de l'apporter. Les réponses que vous ferez à mes raisonnements sur la presse ne sont plus les vraies; faites-les si vous voulez; mais la meilleure réponse à me faire, la vraie manière de me confondre, c'est d'apporter ici ce bien suprême dont vous vous dites les possesseurs, et que vous ne possédez pas plus que nous.

Alors venez nous aider, pour n'être pas placés un jour dans cette horrible et funeste impuissance que je vous annonce.

Si vous devez être, dans l'avenir, les maîtres de notre pays, venez, préparez avec nous ce bien suprême; mais n'annoncez pas que vous êtes capables de le donner; car, le jour où vous serez appelés à le donner sans pouvoir le faire, vous se

ce que vous n'aviez pas à votre disposition. (Applaudissements prolongés à droite et au centre.)

(M. Thiers, en descendant de la tribune, est entouré d'un grand nombre de membres de la majorité, qui lui adressent des félicitations.

Une longue agitation succède à son discours.
La séance reste suspendue pendant dix minutes.)

LE CITOYEN PRÉSIDENT, lorsque le calme s'est rétabli. M. Crémieux a la parole.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Citoyens représentants, les précautions oratoires sont complétement inutiles; il faut avoir le sentiment impérieux d'un grand devoir à remplir, pour venir, après ce que vous avez entendu, monter à la tribune et solliciter votre bienveillante attention. Mais, en verité, messieurs, en même temps que l'éloge du gouvernement de la restauration et de la quasi-restauration, on vient de faire du gouvernement républicain, tout en ayant l'air de lui accorder beaucoup de louanges, une satire si vive et si animée, que si une voix ne s'élevait pas dans cette enceinte pour vous demander d'examiner à votre tour, au moins, ce qu'il y a de vrai ou de faux dans ces reproches, on pourrait se demander sans difficulté si la République existe. Messieurs, une réflexion m'a toujours frappé chaque fois que j'ai vu monter à cette tribune un de ces hommes éminents qui, dans les trente dernières années, ont exercé sur notre pays une si grande influence; ils nous accusent, nous qui en quelque sorte avons commencé d'hier; ils accusent même ceux qui n'ont fait que traverser le pouvoir, de n'avoir rien fait, quand ces mêmes hommes ont, pendant trente années et surtout pendant dix-huit années, exercé sur les pouvoirs déchus la plus grande influence, et voyez où ils les ont conduits.

Il me semble, et j'en demande bien pardon à M. Thiers, que quand on a joué le rôle immense qu'il a joué dans les dix-huit années dernières, il faudrait beaucoup de modestie pour soi-même et une indulgence immense pour les autres; car enfin l'homme qui vient aujourd'hui attaquer si vivement le Gouvernement républicain dans ses actes, non dans son principe, oh non! il approuve les pénalités contre ceux qui attaquent le principe républicain; cet homme, si éloquent par la parole, ne voit dans tous nos actes républicains que des sujets d'attaque sérieuse. A l'entendre, nous n'avons rien fait; la République n'a rien pu faire; je l'admettrai pour un instant, j'aurai ceci à lui répondre : Comme bien évidemment, dans les trente années qui se sont écoulées, tout ce que vous, ou ceux qui vous ont précédés, avez tenté de faire, n'a abouti qu'à trois chutes de dynasties, qu'à deux restaurations successives, qu'à l'arrivée àu trône d'un pouvoir nouveau qui a succombé encore après dix-huit ans, il faut au moins tirer des événements cette grande leçon, c'est que ce que vous avez fait n'était pas ce qu'il fallait faire.

Eh bien, de quoi nous plaignons-nous aujourd'hui ? car là est la question à laquelle je veux vous ramener; nous nous plaignons de ce que la loi qui vous est proposée fait plus de mal encore que n'en avaient fait les anciennes lois; nous nous plaignons que l'on nous ramène à 1835, que l'on recommence le passé.

L'habile orateur qui descend de cette tribune, en jetant un coup d'œil rapide sur ce qui s'est passé relativement à ces lois depuis la révolution de 1848, disait : « Vous attaquez les lois de septembre; vous venez déclarer qu'elles ont été désastreuses. Eh bien, depuis la République, vous avez fait pire que les lois de septembre, ou plutôt vous avez fait mieux qu'elles, car je les trouve, moi qui les ai soutenues, appuyées, présentées, je les trouve éminemment bonnes, et ce que vous avez fait prouve que vous avez enfin partagé mon avis.

Permettez-moi, à mon tour, de vous dire que ces lois de septembre, détestables et anticonstitutionnelles, présent le plus

d'en proposer l'abrogation au Gouvernement provisoire, et le Gouvernement provisoire les a abrogées.

Au moins, en cela, le Gouvernement provisoire n'a pas imité le gouvernement de juillet; au moins, en cela, il n'a pas fait comme lui.

Mais, dit-on, la loi du 9 août 1848 est la reproduction des lois de septembre. Non, elle n'est pas la reproduction des lois de septembre; voici ce que l'on a oublié de vous dire Avant la loi de septembre, il y avait la loi de 1819, il y avait la loi de 1822. Le Gouvernement provisoire avait abrogé les lois de septembre, il n'avait pas abrogé les lois précédentes, elles existaient; mais, elles punissaient l'attaque à l'ordre de successibilité au trône, à la dignité royale, enfin tous les mots qui s'étaient effacés naturellement de notre ordre républicain, et le rapporteur de la loi de 1848, M. Berville, vous disait: Nous n'avons voulu ni changer la pénalité ni entrer dans un système nouveau; nous nous sommes bornés à prendre les lois de 1819 et de 1822, et nous avons substitué des dénominations nouvelles aux dénominations anciennes.

Remarquez bien que je n'ai pas du tout pour but de justifier la loi de 1848, je me borne à dire qu'elle n'était que la répétition de la loi de 1819, de la loi de 1822, et qu'elle avait substitué les noms nouveaux de la République aux noms anciens de la royauté; elle n'est pas autre chose! Seulement toutes les lois de la restauration et du gouvernement de Louis-Philippe avaient excepté les lois de la presse de l'application de l'art. 463 du Code pénal; la loi de 1818 a déclaré que l'article 463 du Code pénal serait désormais applicable aux délits de la presse.

Une voix. Par amendement.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Voilà toute la loi de 1848; vous voyez si M. Thiers l'a bien jugée. Permettez-moi, maintenant, de suivre l'orateur. Il a posé des principes, et il a toujours un très-grand avantage, c'est que les principes qu'il pose et qui ne se rapportent pas aux conséquences elles mėmes, ne peuvent pas être contredits Ainsi il a été d'accord avec ce côté comme avec celui ci, quand il disait: Personne ne veut de liberté illimitée, pas plus la liberté de la presse que les autres libertés; car la parole peut produire d'aussi terribles résultats que les actes.

Mais est-ce que, par hasard, avant la présentation du projet actuel, la liberté de la presse se trouvait sans limite? est-ce qu'au moment où le Gouvernement actuel fait tout juste ce qu'avait fait le gouvernement de Louis-Philippe en 1835, estce que le Gouvernement n'est pas armé de lois répressives? est-ce que la liberté de la presse est illimitée P

On vous a dit que la presse est l'instrument des actes qui se commettent. Eh bien, les lois frappent des peines réservées aux crimes toutes les provocations aux crimes qui proviendraient de la presse. Elles punissent ces provocations, même quand elles n'ont eu aucun effet.

Oui, toutes les provocations à un crime ou à un délit par la presse sont punies par les lois de 1819, quand il ya eu effet comme complicité; quand il n'y a pas eu d'effet, des peines les plus graves et les plus sévères.

Ce n'est pas tout, à côté des peines pour les provocations on trouve dans les lois de 1819 et de 1822, qui ne sont pas abrogées, qui existaient au moment de la révolution de Février, une catégorie nombreuse de crimes et de délits punis énergiquement; on en a fait vingt-deux articles de pénalités, il n'y a pas un crime ou un délit que vous pourrez rechercher dans votre imagination, qui ne soit déjà prévu; car vous allez voir que la loi actuelle en a créé pour les punir, on les a pris dans les lois de septembre, ou plutôt elle les a cherchés. ❘ Comparons ces lois de septembre avec la loi actuelle, nous allons voir si, en effet, cette loi est aussi timide, aussi modeste que le disait l'honorable préopinant.

Les lois de septembre sont arrivées quand les lois de 1819

premier rapprochement entre elle et les lois de septembre; c'est-à-dire que les lois de septembre n'avaient pas d'autre origine que l'esprit de réacion qui voulait à cette époque entraver la révolution de juillet, déjà bien déviée, et la loi actuelle n'a point d'autre objet que d'arrêter l'esprit de liberté né de la République du 24 février.

Supposez donc que nous sommes en 1835, devant la royauté de Louis-Philippe, l'opposition disait à LouisPhilippe: Les lois de 1819 et de 1822 punissent tous les délits et tous les crimes de la presse; vous avez recherché dans toutes les législations passées et dans celles que vous avez créées, les moyens de prévoir et de punir tous les crimes et délits qui pourraient être commis par la liberté de la presse; vous n'avez donc aucun motif de présenter de nouvelles lois, et vous présentez celles de septembre.

Nous disons au Gouvernement républicain de 1849: Toutes les lois qui, en 1835, existaient, toutes les lois qui ne laissaient au gouvernement de Louis-Philippe aucun motif de présenter les lois de septembre, toutes ces lois existent, toutes ces lois sont vivantes, et cependant vous présentez une loi qui dépasse les lois de septembre.

Les lois de septembre! Nous entendions hier à la tribune un membre d'une des anciennes oppositions dire que les lois de septembre avait un seul titre contre lequel l'opposition s'était élevée, c'était celui qui est relatif à la compétence, mais quant aux autres, quant aux pénalités, l'opposition ne les avait pas attaquées. C'est une très-grave erreur. Je ne sais pas, et je n'ai pas eu besoin de l'examiner, si l'opposition à laquelle appartenait M. Dufaure n'a attaqué que ce qui était relatif à la transmission devant la cour des pairs de ce qu'on appelait des attentats et qui devaient désormais échapper au jury. Je sais bien que le premier qui a noblement attaqué cet article a été M Royer-Collard, qui deux fois seulement a fait entendre sa voix pendant le gouvernement de juillet, et je sais bien que celui qui lui a répondu c'est M. Thiers. Il n'est done pas extraordinaire que M. Thiers soutienne aujourd'hui contre nous ce qu'il a soutenu contre M. Royer-Collard en 1835.

Que l'opposition de M. Dufaure ne soit pas allée plus loin que celle de M. Royer-Collard, c'est possible; mais quant à l'opposition de M. Odilon Barrot, elle a été certainement plus loin. Et ici permettez-moi un mot.

Je ne rappelle pas les discours qui ont été faits sous l'ancien gouvernement par les membres de l'opposition; là n'est pas aujourd'hui le débat, le débat est dans la loi qu'on vous présente. Je n'irai donc pas mettre M. Odilon Barrot en opposition avec lui-même.

LE CITOYEN ODILON BARROT, président du conseil. Vous le pouvez bien, si vous avez lu mes discours.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Permettez, je le pourrais, sans doute. Mais je dirai nettement à M. Odilon Barrot que le motif qui me détermine est tout à fait personnel. Eh bien, aujourd'hui, je le déclare, je ne mettrai pas M. Odilon Barrot en face de lui-même dans les discussions de 1835 et dans les discussions de 1849, parce que moi, je n'en ai pas le courage. Voilà tout; je n'ai pas d'autre motif.

LE CITOYEN PRÉSIDENT DU CONSEIL. Je vous supplie, au contraire, de n'avoir pas ce ménagement-là. Je vous fais remise de votre générosité, monsieur Crémieux.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Eh bien, sans générosité, je dirai si l'opposition de M. Dufaure n'est pas allée plus loin, l'opposition de M. Odilon Barrot s'est élevée, et à juste titre, et avec une grande vigueur, et avec une grande énergie, nonseulement contre la partie de la loi qui enlevait au jury les attentats, mais contre la partie de la loi qui, comme celle-ci, enlevait au jury, avec ce mot de contravention et d'infraction, les délits les plus graves qui aient été inventés par les lois de septembre.

Cette opposition de M. Odilon Barrot, elle s'est élevée aussi et de 1822 existaient. La loi arrive aujourd'hui en présence ❘ contre le droit de suspension des journaux; il s'est récrié viLE CITOYEN CRÉMIEUX. Messieurs, on va vite avec les mots; soyez sûrs que ce ne sont pas là de petites choses, elles conduisent aux grandes. A l'époque de la révolution de Juillet, un ministre de Louis-Philippe vint déclarer à la tribune le mot de sujet en corrélation avec le mot de roi. L'op-partie de l'Assemblée qui me dit qu'il s'agit de la discussion

vement, avec cette ardeur qu'il apportait à la tribune, quand il soutenait cette grande et généreuse cause; il s'est récrié vivement contre cette confiscation de la fortune privée.

Il s'est aussi élevé avec beaucoup de cœur, d'énergie, contre cette épouvantable pensée que l'on ne peut pas venir en aide à celui qui avait été frappé de condamnation, et qu'il fallait le laisser en prison, dans la misère, pour ne pas lui donner, par une souscription, le moyen de payer l'amende dont il avait été frappé.

A gauche. Très-bien ! très-bien!

LE CITOYEN CHARLES DUPIN. C'était pour éviter qu'on ne se jouât de la loi; voilà le motif.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Votre motif à vous, non celui de l'opposition de 1835.

Je répète que l'opposition se plaignait en disant : Vous enlevez au jury ce que vous appelez des attentats, ce que vous appelez des infractions; vous voulez empêcher qu'on ne vienne au secours de la misère; vous voulez faire suspendre les journaux par tous les moyens; vous rumez l'industrie privée, sous prétexte de servir les intérêts publics; eh bien, cette loi est détestable, elle viole la charte, elle étouffe la liberté.

Mais on ne s'était pas borné à présenter ce réseau dans lequel on enlaçait la liberté de la presse, on avait voulu immédiatement la frapper de la manière la plus cruelle; et ane seconde loi avait déclaré le même jour que désormais la majorité du jury ne serait plus que de 7 voix pour la condamnation; voilà vos lois de septembre, que vous louez aujourd'hui à cette tribune.

Maintenant, que fait la loi nouvelle?

M. Thiers a bien annoncé quelques-uns des délits qui étaient punis par la loi nouvelle, mais il a glissé sur deux délits dont l'uu a une tendance antirépublicaine très-prononcée, sur laquelle je vais appeler l'attention de l'Assemblée, et dont l'autre est une reproduction déplorable des lois de septembre. Le premier de ces articles, dont il n'a rien dit est celui-ci: c'est qu'on punira, comme le veut l'article ler du décret du 11 août, c'est-à dire, de cinq ans de prison, non-seulement les attaques contre les droits que le président de la République tient de la constitution, mais aussi, remarquez bien le mot, les offenses envers sa personne. (Agitation.)

Permettez-moi de vous dire un mot sur cette expression d'offense.

Voix à droite. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

un autre titre que celui qui lui appartient; il faut l'appeler président de la République, chef du pouvoir exécutif; il faut bien vous garder de l'appeler le chef de l'Etat, et cependant vous l'appelez le chef de l'Etat. (Rumeurs à droite. - Approbation à gauche.)

Une voix à gauche. C'est lui-même qui s'appelle comme cela.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Oui, messieurs, à cette tribune, par une erreur qui s'est deux fois repro luite, et qu'il a immédiatement rectifiée en déclarant qu'il n'y retom-. berait plus, M. le président du conseil a appelé le président de la République, le chef de l'Etat. (Nouvelles rumeurs.)

Voix diverses. Quelles puérilités! Quelles misères que tout cela.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Dans les journaux qui rendent compte de toutes les situations de triomphe qui sont aujourd'hui faites par les populations au président de la République, le titre de chef de l'Etat est partout; on ne l'appelle plus autrement; je n'excepte aucun journal. Le titre de chef de l'Etat est partout, le Moniteur le dit, non pas dans la partie officielle, mais le Moniteur le dit.

Une voix à droite. Qu'est-ce que cela fait?

LE CITOYEN CRÉMIEUX Qu'est-ce que cela fait!

Qu'est-ce que cela faisait que M. de Montalivet signat « très-humble serviteur et sujet ? » Cela ne faisait rien; vous avez raison. Par conséquent, que fait le mot chef de l'Etat? Rien, à votre avis; mais moi je dis au président du conseil qu'il doit avoir les yeux ouverts sur ces mots qui sont des choses; qu'on ne se borne pas d'ailleurs à parler de chef de l'Etat, d'autres titres très antirépublicains sont constamment donnés; que si une poursuite vient d'ètre dirigée contre un journal, ce qui me touche peu, ce n'est pas seulement par une poursuite dirigée contre un journal, c'est par les actes du Gouvernement qu'il faut mettre un terme à ce qui touche évidemment au Gouvernement républicain, à l'autorité de la République. (Approbation à gauche.)

Si vous en doutez, voyez dans la loi le mot d'offense.

Savez-vous comment on le définissait dans la loi de 1819? On offense Dieu, disait-on, on offense le roi; le roi est l'Etat vivant, et le culte qu'on lui doit ne permet pas qu'on l'offense. Eh bien, ce mot d'offense, vous l'avez employé aujourd'hui pour le président de la République. (Interruptions diverses.) Quelques voix. On employait le même mot pour la chambre des députés; on l'emploie aussi pour l'Assemblée nationale.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Je m'en vais répondre... LE CITOYEN LACAZE. C'est la discussion des articles. (Rumeurs à gauche.)

Voix à gauche. Nous avons bien entendu M. Thiers!

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Je demande bien pardon à la

de la loi en elle-même; M. Thiers vous disait tout à l'heure, en vous citant chaque article de la loi, qu'elle n'avait rien innové du tout; que vous alliez trouver ce qui était déjà dans

position se souleva en masse, et à la tête de l'opposition, car lorsqu'il y avait un grand acte d'opposition, on trouvait toujours ce nom, à la tête de l'opposition était M. Barrot, qui ne permettait pas que le mot sujet fût en corrélation avec le mot | les anciennes lois. Moi je vous dis, au contraire, qu'il y a

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Une voix à droite. On peut être sujet de la République. LE CITOYEN CRÉMIEUX. Oui, monsieur, on est sujet de la République, parce qu'on est sujet des lois; on n'est pas le sujet d'un roi.

Un membre. Parce qu'on n'est pas sujet des hommes, on est citoyen d'une république.

LE CITOYEN CRÉMIEUX. La République est arrivée; nous avons un président de la République; la loi actuelle déclare que les droits qu'il tient de la constitution, que l'autorité qu'il tient de la constitution doivent être respectés, à peine d'un emprisonnement; mais il ne faut pas lui donner

deux articles surtout dont il n'a pas parlé; vous verrez tout à l'heure le second; mais le premier est celui-ci: Eh bien, quant à la question d'offense, dont il n'a pas dit un mot, je vous le répète, voilà comment on l'expliquait. On a ajouté ceci: L'offense s'adresse à ce qui est inviolable et irresponsable. Aussi quand il s'est agi de l'Assemblée, on a déclaré qu'on pouvait offenser l'Assemblée; mais voulez-vous qu'on offense quelqu'un qui est responsable, quelqu'un dont on peut attaquer tous les actes?

Voilà pour le mot d'offense. Maintenant voici un article que M. Thiers a couvert de la protection de son silence, et il couvre assez bien de la protection de sa parole pour que, lorsqu'il a fui devant cet article, on puisse croire qu'il a dû être arrêté par quelque grave objection.

Celui-ci est un des articles les plus détestables des lois de septembre; il y en avait deux plus détestables que les autres.

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