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Le premier est celui qui interdisait le vœu, l'espérance, qui les punissait comme des délits. C'était odieux, c'était indigne, et, certes, on ne l'a pas reproduit jusqu'à ce mo

ment.

L'autre article était celui qui interdisait les souscriptions particulières pour couvrir les condamnations. Nous ne saurions assez rappeler à ceux qui ont fait partie des assemblées législatives, et apprendre à ceux qui n'y étaient pas, le cri qui s'éleva contre cette disposition, qu'on appelait barbare, sauvage, inhumaine.

Eh bien, cette disposition était écrite dans le projet actuel, et M. Thiers n'en a pas dit un mot.

LE CITOYEN BAZE Il en a parlé.

LE CITOYEN CHÉMIEUX. L'honorable M. Baze me permettra de lui dire qu'il se trompe; M. Thiers n'en a pas dit un mot.

Et maintenant que j'en ai fini pour cette loi, laissez-moi vous dire ceci :

Les lois de septembre ont inventé, ont créé les délits dont on parle. Ces détits n'existaient pas avant elles. C'est à elles qu'il faut se reporter pour les retrouver.

Eh bien, quand les lois de septembre ont été présentées, qu'a dit l'opposition? Qu'elle en demande pardon aujourd'hui, je le veux bien, mais je répète ce qu'elle disait alors :

« Les lois que vous avez vous suffisent; les délits que vous créez sont indignes; vous n'avez pas le droit de les créer, vous n'avez pas le droit d'attaquer la liberté de la presse par des moyens qui ne sont avoués par aucun ami de cette liberté. »

Nous disons aujourd'hui la même chose dans la même situation.

Nous le disions, en 1848, au. Gouvernement républicain, qui fait ce que le gouvernement royal faisait en 1835.

Cela revient à ce que je disais au commencement de mon discours. Que fait on aujourd'hui? Ce qu'on a fait pendant dix-huit ans. Où ont amené tous les efforts qu'ils ont ainsi tentés contre ia liberté? A la chute de la dynastie dont ils avaient été les conseils. Quels étaient ceux qui s'élevaient contre ces actes? ceux-là même qui, aujourd'hui, viennent nous proposer de les convertir en loi.

A côté des pénalités, vous avez la cor pétence..

Vous trouvez que, lorsque dans les lois de septembre on avait mis les mots infraction et contravention, on violait la liberté, et aujourd'hui vous laissez mettre les mots de contravention et d'infraction. Pour ce délit si grave dont je viens de parler, celui dintervenir par voie de souscription

,

ce

délit est puni d'un emprisonnement de longue durée, d'une amende considérable. Eh bien, savez-vous qui applique cette peine? ce n'est pas le jury, c'est la police correctionnelle. On a voulu que la police correctionnelle fût saisie, et, pour cela, on ne dit pas que c'est un délit, mais une infraction. On enlève au jury, comme faisaient les lois de septembre, la compétence, pour ce délit, et l'on vient vous dire qu'on est bien loin des lois de septembre! Ce sont ces lois elles-mêmes.

Ce n'est pas tout: la commission est allée un peu plus loin, et je me reprocherais de ne pas le lui dire.

Il y avait une difficulté de jurisprudence. La cour d'appel de Paris avait décidé que cette annonce de souscriptions n'était un délit que quand elle était commise par les journaux. Ily avait eu débat à cet égard. Eh bien, la commission n'a

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LE CITOYEN CRÉMIEUX. Je ne peux pas, en présence de la loi, telle qu'elle vous est soumise, vous en faire une critique plus large et plus sanglante, que vous dirai-je? plus digne des attaques qui ont été dirigées contre les lois de septembre. Pour moi, la loi actuelle est la répétition, le reproduction des articles des lois de septembre qui avaient soulevé l'indignation de l'opposition de 1835. Pour moi, cette loi est présentée dans une situation qui est celle où se trouvait, d'après moi, le gouvernement de 1835. Et toutes les paroles qui ont été dites à cette époque peuvent se reproduire ici; si bien que, dans la séance d'hier, en croyant faire la critique de celui qui était à cette tribune, et en approuvant, par vos applaudissements, les paroles qui avaient été prises dans un des rapports des lois de septembre, vous nous avez reportés à la situation telle qu'elle était alors, situation telle qu'elle existe aujourd'hui.

Mais, messieurs, à côté des observations de M. Thiers sur la loi, M. Thiers, avec cette facilité qui n'appartient qu'à lui, s'est jeté dans l'examen des questions politiques qui avaient perdu les anciens gouvernements, et qui, dit-il, se trouvent aujourd'hui les mêmes. Il prétend que nous avons mis la République, ou que les gouvernements qui se sont succédé ont placé la République sur la pente même où avait été placée la monarchie de 1830.

Mais, messieurs, c'est là ce que je vous demanderai la permission d'examiner en peu de mots, rappelant plutôt des souvenirs que je ne soutiendrai un débat.

Messieurs, le discours de M. Thiers, dans sa dernière partie, a eu deux points principaux: l'un qui touchait au Gouvernement provisoire, l'autre qui touchait aux pouvoirs qui se sont succédé depuis que le Gouvernement provisoire a pris fin; il a prétendu que, soit dans le Gouvernement provisoire, soit dans les gouvernement qui se sont succédé, nous n'avons fait qu'imiter ce qui avait été fait avant nous.

Qu'y a-t-il de vrai dans ces reproches ?

Messieurs, je suis toujours étonné quand j'entends à cette tribune attaquer le gouvernement provisoire, non pas pour ce qu'il a fait, mais pour ce qu'il n'a pas fait. Il s'est trouvé une situation qui n'a pas, je crois, d'analogue dans l'histoire : un pouvoir qu'on a eu raison d'appeler souverain, car il n'a pas trouvé de limites, a été, pendant deux mois, préposé, par l'acclamation d'un jour, au gouvernement du pays, à la direction du pays; il n'avait pas autour de lui un soldat, il n'avait pas d'autre force que la force morale que lui donnait la révolution elle-même. Ce Gouvernement a eu à toucher aux questions les plus élevées... (Interruption.)

Je ne voudrais pas dire à ceux qui m'interrompent ici qu'ils ont été heureux (qu'ils me permettent de le dire cependant) de trouver le Gouvernement provisoire. (Rires ironiques à droite.)

LE CITOYEN ESTANCELIN. Ah! par exemple! LE CITOYEN CRÉMIEUX. Ne croyez pas, et je le dis à notre jeune collègue, ne croyez pas que je fasse ici de l'orgueil et de l'immodestie: ceux qui ont eu l'honneur de se trouver, même pour un instant, à la tête des destinées du

pas voulu laisser cette porte ouverte; elle demande que la pu-pays en conserveront un tel souvenir toute leur vie qu'ils n'é

nition soit infligée de quelque manière que les souscriptions aient été annoncées, directement ou indirectement, dans les journaux ou ailleurs. Voilà ce que prétend la loi telle qu'elle vous est présentée. Voilà ce qu'il y a de nouveau, même pour les lois de septembre; et j'ajoute enfin la suspension pour un gérant comme pour un journal, quand il y a dans la même arnée deux condamnations qui ont frappé le journal, même quand le journal changeait de gérant. Voilà la loi. (Le citoyen Crémieux s'arrête.)

prouvent plus d'orgueil quand ils sont obligés d'en parler à la tribune.

Je disais que nous nous sommes trouvés dans une situation au moins très-difficile: nous n'avions autour de nous que la force morale qui nous était donnée par la révolution qui venait de s'accomplir. Cette révolution s'était accomplie, messieurs... (Interruptions à droite.)

Un membre. Il ne faut plus parler de cette époque-là, c'est une époque néfaste! (Brunt.)

LE CITOYEN CRÉMIEUX. C'est vrai, messieurs, vous avez raison. Je ne dis plus qu'un mot, et je finis: nous avons eu, à la fin du Gouvernement provisoire, le peuple pour juge; ce speuple avait délégué son pouvoir à la première assemblée; je ne me fais pas un grand orgueil non plus de ce que, dans les premiers jours, cette assembléelà a bien voulu déclarer que le Gouvernement provisoire avait bien mérité de la patrie... (Interruption et rires à droite.) Vous avez raison de rire, la question n'est pas là pour nous, et j'avais raison de le dire, car vous ne l'auriez pas décidé aujourd'hui ; mais vous l'avez voté alors. (Rumeurs diverses.)

Plusieurs voix. Personne n'a voté contre.

Autres voix. Ce n'est pas nous.

LE CITOYEN CHÉMIEUX. Aujourd'hui, je le sais, les actes du Gouvernemenl provisoire ne méritent pas l'attention de l'Assemblée; elle a un moyen très-simple d'en finir avec ces actes; elle a commencé, elle n'aura qu'à poursuivre.

Les décrets que j'ai présentés existent encore, car j'ai en le bonheur jusqu'à présent, excepté ceux dont j'ai demandé moi-même la modification, qu'aucun n'a été aboli par l'Assemblée nationale.

On peut les abolir, on a commencé dans la loi d'aujourd'hui; vous revenez aux lois de septembre que j'ai brisées. Avec celles que vous pourrez présenter de jour en jour, vous abolirez facilement les lois du Gouvernement provisoire.

Pour moi, je vous le demande; car, je vous le déclare bien nettement, les lois du Gouvernement provisoire n'ont plus rien à faire ici, elles sont tout à fait en dehors et de ce qui se passe et de ce qui se fait. Mais je n'en suis pas surpris. Chaque temps à ses exigences. De notre temps, du temps du Gouvernement provisoire, c'était des exigences républicaines qui parlaient et nous avons agi républicainement.

Dans l'état actuel des choses, d'autres exigences se "font voir, et il faut leur céder; c'est juste et conséquent.

Je finirai en disant ceci aux hommes qui ont été dans l'opposition depuis 1830 jusqu'en 1848, et qui sont aujourd'hui dans ce ministère...

Voix au fond. On n'entend pas!

LE CITOYEN CRÉMIEUX. Aux hommes qui ont été dans l'opposition de 1830 à 1848, et qui sont aujourd'hui dans ce ministère, je dirai qu'ils marchent, qu'ils marchent vite; mais bientôt on voudra qu'ils courent, et ils seront bien étonnés, en se retournant, de se trouver seuls, et d'être remplacés par d'autres. (Vive approbation à gauche)

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut fermer la discussion générale. Quelques membres à gauche. On n'est pas en nombre! D'autres membres. Si! si!

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Je consulte l'Assemblée. (L'assemblée, consultée, ferme la discussion générale.)

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Maintenant je mets aux voix... (Bruit. - Un grand nombre de membres se lèvent et se préparent à quitter la salle.)

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Permettez donc que l'Assemblée règle son ordre du jour! Que ferez-vous demain? II faut, avant de mettre à l'ordre du jour de demain la discussion des articles du projet de loi, savoir si l'Assemblée veut passer à la discussion des articles. Veuillez vous asseoir pour que je puisse la consulter sur ce point.

(L'assemblée, consultée, décide qu'elle passe à la discussion des articles.)

La séance est levée à six heures vingt minutes.

"

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. SÉANCE DU MERCREDI 25 JUILLET.

tière.

Présidence du citoyen Dupin.

SOMMAIRE. - Dépôt, par le citoyen de Bussières, du rapport sur le projet de loi tendant à proroger l'état de dissolution des gardes nationales de Lyon, de La Croix-Rousse, de Vaise et de La Guillo- Rapport du citoyen Manescot sur l'élection du département des Vosges. Dépôt, par le citoyen Passy, ministre des fimances, 1o d'un projet relatif à la liquidation du dixième revenant au trésor public, sur le produit net de l'octroi de la ville de Paris; 2o d'un projet portant ouverture de crédits supplémentaires, et anmulation de crédits ouverts pour l'exercice 1848. - Congés. Rapport du citoyen Quentin Bauchart, sur les candidats au conseil d'Etat. - Dépôt, par le citoyen Sainte-Beuve, d'un rapport de la commission chargée de l'examen des projets émanant de l'initiative parlementaire, sur une proposition relative à la chasse. - Suite de la discussion du projet sur la presse. - Déclaration d'urgence. Art. 1. Amendement des citoyens Denayrouse et Charamaule : les citoyens Charamaule, Combarel de Leyval, rapporteur, Nettement, Odilon Barrot, président du conseil, ministre de la justice, Bac, Ваroche. Rejet. - Rejet d'un amendement du citoyen Soubies. Adoption de la première partie du paragraphe Ior de l'art. 1cr. Serutin public sur la seconde partie. Adoption. - Amendement du citoyen Raspail: le citoyen Raspail. Rejet. - Deuxième paragraphe. Amendement du citoyen Charamaule: le citoyen Charamaule. Rejet. - Adoption du paragraphe. - Paragraphe additionnel du citoyen Emile Leroux: les citoyens Emile Leroux, Combarel de Leyval, rapporteur, et Victor Lefranc. Rejet. - Adoption de l'article 1er. Demande d'interpellations par le citoyen La Claudure : le citoyen Odilon Barrot, ministre de la justice.

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34,570

Le chiffre des votanis a été de.............. M. Ravinel, qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages, en a eu 17,582.

Če chiffre 17,582 dépasse celui de 14,310, huitième du nombre total des électeurs inscrits. Ainsi, sur ce premier point, il y a accomplissement de la loi.

M. Ravinel, maire de Nossencourt et membre du conseil général, né le 16 avril 1806, est dans les conditions voulues d'âge et de nationalité.

Enfin les procès-verbaux particuliers des cantons et circonscriptions et le procès-verbal du recensement général constatent qu'il ne s'est produit sur aucun point ni protestation ni réclamation contre la régularité des opérations électorales.

Toutefois, il est à dire que, le 24 juillet, il est parvenu au bureau une protestation. Dix-sept électeurs de la commune de Valtin déclarent que, s'étant, présentés au scrutin, ils n'ont point été admis à déposer leurs bulletins, par la raison donnée que ces bulletins étaient imprimés. Le procès-verbal des opérations de cette commune ne mentionne nullement le fait articulé par les signataires de la protestation; il constate que, sur 130 électeurs inscrits, 44 se sont présentés et ont remis leurs bulletins. Le fait allégué par la protestation peut-il, étant admis, avoir exercé quelque influence sur le résultat de l'élection? M. Ravinel, a obtenu 17,582; il en reste 16,988, qui, en les supposant 34,570 suffrages, en réunis sur la tête d'un concurrent unique, de M. Ravinel, et augmentés des 130 votes de la commune de Valtin, laisseraient encore à ce dernier un avantage numérique de près de 500 voix. Or les voix refusées à M. Ravinel se sont, en réalité, partagées inégalement entre cinq ou six candidats; donc la protestation n'annonce aucune modification possible au résultat constaté par le procès-verbal du recensement général.

sur

Par ces motifs, le bureau estime qu'il n'y a point lieu de s'arrêter à cette protestation, insuffisante dans ses effets, unique du reste, et a l'honneur de proposer à l'Assemblée l'admission de M. Ravinel comme représentant du département des Vosges.

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Il n'y a pas d'opposition? Les conclusions du bureau sont adoptées. En conséquence, l'élection est déclarée régulière, et M. Ravinel admis comme représentant du peuple.

SUITE DE LA DÉLIBÉRATION SUR LE PROJET DE LOI
RELATIF A LA PRESSE.

LE CITOYEN PRÉSIDENT. L'ordre du jour appelle la suite de la délibération sur le projet de loi relatif à la presse.

Je consulte d'abord l'Assemblée sur l'urgence.
Voix à gauche. Nous ne sommes pas en nombre !
Autres voix. Mais on a déjà voté sur l'urgence!

LE CITOYEN PRÉSIDENT. C'est après la discussion générale, et au moment où l'on doit voter sur les articles, qu'on consulte l'Assemblée sur l'urgence.

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT.

LE CITOYEN PASSY, ministre des finances. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de M. le président un projet de loi relatif à la liquidation du dixième du revenu du trésor public sur le produit net de l'octroi de la ville de Paris.

(Voir aux Annexes, page 33, le texte de ce projet de loi.) J'ai l'honneur de déposer également un projet de loi porlant ouverture de crédits et annulation d'autres crédits relatits à l'exercice 1848.

(Voir aux Annexes, page 27, le texte de ce projet de loi.) LE CITOYEN PRÉSIDENT. Ces deux projets de loi seront imprimés et distribués.

CONGÉS.

est d'avis d'accorder des congés à MM. Gleizal, Francisque
LE CITOYEN PRÉSIDENT. La commission des congés
Bouvet, de Beaumont (de la Somme) et Lacave.
Il n'y a pas d'opposition? (Non ! non!)
Les congés sont accordés.

RAPPORT.

commission chargée de présenter des candidats au conseil LE CITOYEN BAUCHART, rapporteur. Au nom de la d'Etat pour remplacer M. Crépu, démissionnaire, j'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée les deux noms qui suivent par ordre alphabétique, conformément à la loi: 1° M. Causpel de Bordeaux; 2° M. Gauthier de Rumilly, ancien membre sin de Perceval, ancien procureur général près la cour d'apde l'assemblée constituante, ancien conseiller d'Etat.

le jour du scrutin.
LE CITOYEN PRÉSIDENT. On fixera ultérieurement

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT.

LE CITOYEN PRÉSIDENT. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

LE CITOYEN DUFAURE, ministre de l'intérieur. J'ai jets de loi d'intérêt local. l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée des pro

(Voir aux Annexes, page 37, le texte de ce projet de loi.) M. le ministre de l'intérieur de la présentation de ces projets LE CITOYEN PRÉSIDENT. L'Assemblée donne acte à de loi; elle en ordonne l'impression et la distribution.

DÉPÔT DE RAPPORT.

Beuve.
LE CITOYEN PRÉSIDENT. La parole est à M. Sainte-

LE CITOYEN SAINTE-BEUVE. J'ai l'honneur de dépochargée d'examiner les projets d'initiative parlementaire sur ser sur le bureau de l'Assemblée le rapport de la commission la proposition de MM. Marc Dufraisse et Pascal Duprat, relative à la demande d'une nouvelle loi sur la chasse.

(Voir aux Annexes, page 31, le texte de ce rapport.)

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Le rapport sera imprimé et distribué.

SUITE DE LA DISCUSSION SUR LA LOI RELATIVE A LA PRESSE.

LE CITOYEN PRÉSIDENT. Je consulte l'Assemblée sur la déclaration d'urgence du projet de la presse. J'aurais dù, mais il est toujours temps. je l'avoue, consulter l'Assemblée avant la discussion générale;

(L'Assemblée adopte l'urgence.)

LE CITOYEN PRÉSIDENT. L'urgence est déclarée. Nous passons à la discussion des articles.

Parmi les amendements qui ont été proposés, il y a dixsept articles présentés par MM. Favreau changent tout à fait l'économie du projet, ils mêlent la provéritablement, n'ont pas le caractère d'amendement; ils et Chauvin, qui, cédure avec le fond, et introduisent des délits nouveaux. C'est un contre-projet. Or je ne vois pas moyen de faire discuter ces articles par l'Assemblée. Il faudrait se rattacher au projet de loi qui a été présenté.

Quand une proposition a été faite, renvoyée à une commission qui a fait un rapport, on peut faire des amendeimmédiatement d'un tout autre projet qui n'aurait subi auments; mais un membre serait-il le maître de vous saisir cune épreuve? Ce serait un contre-projet, et je ne vois pas de contre-projet dans le règlement.

LE CITOYEN FAVREAU. Je demande à développer mon amendement à l'art. 12 du projet, article auquel il se rattache plus particulièrement.

Vous le voyez donc, messieurs, dans chacune de ces hypothèses, le mot offense venait en sauvegarde de pouvoirs essentiellement irresponsables, le roi, les chambres, les souverains

LE CITOYEN PRÉSIDENT. « Art. 1. Les art. 1 et 2 | étrangers. du décret du 11 août 1848 sont applicables aux attaques contre les droits et l'autorité que le président de la République tient de la constitution, et aux offenses envers sa per

sonne.

« La poursuite sera exercée d'office par le ministère public. »

Voici les amendements qui ont été présentés sur cet article :

M. Ségur d'Aguesseau, aux mots « délits commis par la voie de la presse, >> propose d'ajouter « ou par toute autre voie de publication. »

LE CITOYEN COMBAREL DE LEYVAL, rapporteur. La commission avait proposé précisément d'introduire les mots que demande aujourd'hui M. Ségur d'Aguesseau; ce n'est qu'une erreur d'impression, il n'y a donc pas d'objection. LE CITOYEN PRÉSIDENT. M. Emile Leroux propose...

LE CITOYEN ÉMILE LEROUX. C'est une addition. LE CITOYEN PRÉSIDENT. M. Charamaule et M. Benjamin Raspail proposent également une addition.

M. Denayrouse propose de rédiger ainsi l'art. 1er:

« Les art. 1 et 2 du décret du 11 août 1848 sont applicables aux attaques contre les droits que le président de la République tient de la constitution, et aux injures et diffamations dirigées contre sa personne. »

Ainsi le mot offenses disparaîtrait; il serait remplacé par ceux d'injures et de diffamations.

La parole est à M. Charamaule.

LE CITOYEN CHABAMAULE. Messieurs, ce n'est point une pensée d'opposition qui m'amène à la tribune. Je suis disposé, dans la faible mesure de mes forces, à prêter, je ne dis pas seulement au président de la République, mais au ministère, un concours sympathique, mais consciencieux, et par cela même que je ne relève que de ma conscience, j'ai, comme chacun de vous, le droit de dire en quoi il me paraît que le projet de loi excéderait la juste mesure et les limites que la constitution elle-même aurait dû lui assigner.

Qu'il me soit permis, avant tout, de bien déterminer la portée de cet amendement: il n'a nullement pour but de diminuer la mesure de garantie due au juste respect qui doit être porté au premier magistrat de la République; mais, en garantissant ce respect par des mesures efficaces, prenons garde de ne pas nous jeter dans un ordre d'idées peu en harmonie avec le régime nouveau, avec la constitution sous l'empire de laquelle nous sommes tous placés.

Dans le langage de la législation de la presse, dans le langage consacré, le mot offense avait reçu une telle signification, qu'il ne peut justement s'appliquer qu'aux attaques dirigées contre les pouvoirs irresponsables. Il m'a donc paru que c'était le détourner de sa signification légale d'abord, naturelle ensuite, je le prouverai tout à l'heure, que de vouloir l'introduire dans une loi qui a pour objet de garantir le respect dû au premier magistrat de la République sans doute, mais à un magistrat responsable, soumis pour tous ses actes à la discussion, et que, par conséquent, nul de nous ne peut avoir la pensée ni le désir de soustraire à une discussion constitutionnelle.

Dans la fameuse loi de septembre 1835, le mot offense fut employé dans le même sens pour sauvegarder et la personne du roi et les assemblées délibérantes.

Enfin, dans la loi du 11 août 1848, que l'on s'est plu hier è rapprocher des lois de la monarchie, le mot offense a été employé encore dans l'art. 11; mais pourquoi? pour sauvegarder le respect dû à l'Assemblée nationale, affranchie de toute responsabilité.

Tel est donc le sens légal de ce mot offense. Il n'a jamais été employé que pour sauvegarder les pouvoirs responsables: pourquoi donc, aujourd'hui, par une innovation difficile à comprendre, détourner cette expression de son sens légal et en faire usage pour sauvegarder le juste respect dû à un pouvoir essentiellement responsable? Cette innovation me paraît dangereuse, elle me paraît peu en harmonie avec la constitution; elle me paraît nous jeter dans un ordre d'idées au bout desquelles il y aurait des dangers d'abord et peutêtre des catastrophes ensuite.

On l'a compris; on a mûrement délibéré au sein de la commission sur la convenance de ce mot; témoin les développements du rapport. Une autre expression avait été proposée; on s'est demandé s'il ne convenait pas de préférer le mot outrage, expression générique aussi, pouvant embrasser dans sa généralité toute espèce d'outrage, de manquement de toute nature, de diffamation, d'injure, qui sont les expressions consacrées par les lois. La commission a reculé, elle n'a pas cru pouvoir accepter le mot outrage; elle a voulu s'en tenir à l'offense. Pourquoi ? Ceci mérite attention: parce que, dans la pensée de la commission, il fallait réprimer toute espèce d'attaque, l'attaque à tous les degrés, dans toutes ses nuances, envers le président de la République.

« Le mot outrage proposé dans la commission serait impropre, dit M. le rapporteur; car le dénigrement systématique peut se concilier avec un certain ménagement dans l'expression. Quel est le terme qui comprendra toute attaque distincte de ce qui, en langage ordinaire, s'appelle une insulte, une injure ou un outrage, et qui néanmoins est de nature à jeter sur la personne comme sur les intentions du premier magistrat de la République des insinuations portant atteinte à sa considération et à son honneur ? Le mot offense a paru à la commission le seul propre à y pourvoir, parce qu'il comprend toutes les nuances d'attaque, sans porter atteinte au droit de critique et de libre discussion. Ce droit est incontestable. >>>

Ainsi on a voulu mettre à l'abri de toute attaque le président de la République; on a voulu interdire contre lui l'attaque dans toutes ses nuances, et cependant on va prétendre maintenir le droit de libre discussion....

Eh bien, je demande sérieusement à la commission s'il n'y a pas là une contradiction absolue... (Non!) Je vais tâcher de la démontrer...; et qu'il est absolument impossible de maintenir le droit de libre discussion dans ses limites natu-: relles, incontestables, en prohibant ainsi toutes sortes d'attaque, l'attaque dans toutes ses nuances.

Messieurs, le droit de discussion entraîne d'abord le droit de libre examen, d'appréciation des actes et même des pensées; le droit d'appréciation entraîne à sa suite le droit nécessaire d'improbation, le droit nécessaire de critique et de censure. Nul que je sache ne pourrait le contester. Or, lorsque la censure commence et que la critique s'exerce, est-ce que l'attaque n'a pas commencé? Qu'est-ce donc que l'attaque? Qu'est-ce que l'offense? Mais, l'étymologie même du mot l'indique: offenser, c'est attaquer. (Dénégations.) Messieurs, en fait de langage, que faut-il consulter avant tout? Le vocabulaire, sans doute. Ouvrez donc le Dictionnaire de l'Académie, qu'y trouvez-vous? « Offense, attaque; - Offen

Messieurs, pour déterminer la portée légale du mot offense, il n'y a qu'à reporter les yeux sur la législation antérieure. Ainsi, dans la première des lois votées sous la monarchie pour réprimer les écarts de la presse, la loi du 17 mai 1819, trois articles employèrent le mot offense: l'art. 9, ayant pour objet de sauvegarder la personne du roi: cet article réprime l'offense envers le roi; l'art. 11, ayant pour objet de réprimer l'outrage envers les assemblées délibérantes, la chambre des députés et la chambre des pairs; enfin l'art. 12, ayant pour objet de sauvegarder les souverains étrangers. I ser, blesser. »

ASS. NAT. LÉGISL. - TOME II.

9

Voix à droite. Blesser, oui; mais attaquer, non! LE CITOYEN CHABAMAULE. Nous ne pouvons pas cependant discuter sur des faits matériels.

Avant de monter à la tribune, j'ai ouvert et lu le Dictionnaire de l'Académie. Si vous contestez, il faudra donc que j'apporte à la tribune ce dictionnaire.

Une voix. Il faut consulter un dictionnaire de droit.

LE CITOYEN CHARAMAULE. Un dictionnaire de droit ! Mais j'ai appelé tout à l'heure l'attention de l'Assemblée sur le sens légal du mot offense. J'ai commencé par établir que, dans le langage des lois, le mot offense n'avait jamais été employé que pour sauvegarder les pouvoirs irresponsables, et, par une innovation dont je vous demande ici les motifs, vous l'appliquez aux manquements envers le pouvoir responsable, essentiellement responsable. Pourquoi cette innovation? pourquoi détourner ce mot de son acception connue, consacrée par les lois elles-mêmes?

Votre pensée quelle est-elle? Est-ce que vous prétendez détruire la libre discussion? La constitution l'autorise. Vous ne pouvsz interdire ni l'examen, ni l'appréciation, ni l'improbation, ni la censure, ni la critique; et permettez-moi de le dire, car enfin, c'est un devoir, vous ne pouvez interdire à un citoyen, s'il croyait que l'intérêt du pays le lui ordonnat, de proposer même un acte d'accusation contre le président de la République! Ainsi, dans le droit de libre discussion des actes du président de la République, se trouve implicitement renfermée la faculté de débattre, de critiquer, de censurer, de proposer même une mise en accusation.

Est-ce que dans tout cela il n'y aura pas attaque à un certain degré, dans une nuance quelconque? Est-ce que vous ne reconnaîtrez pas là une nuance d'attaque? Comment! celui qui censure, celui qui blâme, celui-là n'offense pas, n'attaque pas? Evidemment il offense, évidemment il attaque!

Un membre. Il attaque, mais il n'offense pas. LE CITOYEN CHARAMAULE. Il attaque et il offense; car la commission a confondu l'offense avec l'attaque. Relisez le rapport, et vous y verrez que c'est précisément pour interdire l'attaque dans toutes ses nuances que la commission a voulu maintenir le mot d'offense dans la loi, et l'a préféré au mot outrage, qui avait été proposé dans son sein.

Voilà donc à quoi vous vous exposez, à dépasser votre propre pensée. Supposez un tribunal saisi d'un prétendu délit d'offense envers le président de la République; supposez qu'un écrivain, avec mesure, non sans mesure (l'honorable M. Thiers, dans ses concessions, allait hier jusque-là, il permettait de discuter sans mesure, jusqu'à la calomnie, les actes du pouvoir exécutif; concession excessive, dont, pour ma part, je ne veux pas); supposez, dis-je, qu'un écrivain ait formulé contre le président de la République une critique, un blâme, une censure sévère; qu'il ait suspecté même ses intentions; qu'il ait fait pressentir une accusation prochaine : tout cela, je vous le demande, ne constituera-t-il aucune nuance d'attaque, et le considérerez-vous comme une offense? Les tribunaux devront-ils le considérer comme une offense? Que devient alors le droit de libre discussion? Expliquez-vous.

Voici, messieurs, l'expédient que la commission a cru trouver pour sortir d'embarras. Comme probablement, toutes les questions que je porte à la tribune s'étaient élevées déjà dans son sein, la commission, embarrassée elle-même, a fini par dire: Eh bien, en tout cas, le jury, qui est le pays, restera le suprême appréciateur; et, dans l'indépendance de sa conscience, il dira quand il y aura et quand il n'y aura pas offense.

Messieurs, je ne crois pas qu'à ce système la presse eût rien à perdre; mais je doute que M. le ministre de la justice veuille accepter la théorie proposée par la commission.

LE CITOYEN ODILON BARROT, ministre de la justice. Je l'accepte complétement.

LE CITOYEN CHABAMAULE. J'en suis heureux; vous

allez me permettre alors de vous en indiquer toutes les conséquences, et vous allez reconnaître que vous venez de donner votre approbation à une théorie que les parquets ont toujours hautement repoussée, et à laquelle, que je sache, nul jurisconsulte n'avait encore acquiescé. Cette théorie, je serai très-heureux qu'elle ressorte de cette discussion; cette théorie, ce sera l'omnipotence du jury. (Rumeurs.)

LE CITOYEN ODILON BARROT, président du conseil. Il faut distinguer l'offense et la critique.

LE CITOYEN CHABAMAULE. Permettez-moi de conti

nuer.

Voilà ma conviction... (Interruption de M. Rouher.) Si M. Rouher veut me répondre, la tribune lui sera ouverte après moi.

LE CITOYEN ROUHER. Je demande la parole.

LE CITOYEN CHARAMAULE. Messieurs, cette discussion devient très-importante, la théorie qui en ressort est précieuse pour la liberté de la presse; si cette théorie est concédée, je ne veux pas autre chose. La presse s'estimera trèsheureuse.

Je dis que de la théorie proposée par la commission, il résulterait ceci, et j'espère le prouver en vous lisant un passage du rapport de la commission, c'est que désormais le jury, dans une omnipotence absolue, demeurerait l'appréciateur indépendant de la criminalité des écrits; que, sans qu'il eût besoin de se reporter aux lois écrites, ne consultant que sa conscience, au point de vue direct de la conscience, de la loyauté, de la bonne foi et du droit naturel, le jury serait desormais autorisé à dire qu'il y a ou qu'il n'y a pas délit.

Voilà, à mon avis, jusqu'où va la théorie indiquée par la commission, à laquelle M. le ministre de la justice donne son acquiescement. La preuve en est dans ce passage du rapport :

« Le mot offense a paru à la commission le seul propre à y pourvoir, parce qu'il comprend toutes les nuances d'attaque, sans porter atteinte au droit de critique et de libre discussion. Ce droit est incontestable ; les limites qui en séparent le légitime exercice des attaques malveillantes ou passionnées, c'est au jury de les marquer dans une souveraine et consciencieuse appréciation. »

Qu'est-ce à dire? Que désormais ce ne sera pas dans la loi, dans la loi écrite, dans la loi que vous nous proposez et qui sera bientôt promulguée, que le jury aura à rechercher les limites posées à l'écrivain; le jury n'aura plus à se demander, en se pénétrant d'abord des dispositions de la loi pour savoir ce qui constitue une offense, si, en effet, l'écrivain a commis une offense en dépassant les limites tracées par la loi; le jury n'aura plus cet examen à faire, il sera placé au-dessus de la loi, ou plutôt c'est lui qui deviendra le législateur, qui décidera souverainement, suivant l'impulsion de sa conscience, s'il y a ou s'il n'y a pas offense. Je vous le demande, avec ce système, où est la loi? Un écrivain qui, au moment où il écrit, voudra se rendre compte de ce qu'il vient d'écrire pour savoir s'il peut en toute sûreté publier son écrit, cet écrivain consciencieux et circonspect croyait trouver dans la loi une indication précise des règles auxquelles il devaitse soumettre, il croyait y trouver l'indication des limites qu'il ne devait pas franchir; il a consulté la loi, et, avec le commentaire dont vous l'accompagnez, qu'y a-t-il trouvé? Il y a trouvé que le mot offense est une expression employée pour valoir ce qu'elle pourra valoir dans la conscience du jury. Que pourra donc se dire l'écrivain? « Mais la limite que la loi m'imposait, je n'ai pu la connaître; elle n'est pas dans la loi elle-même; elle est seulement dans la conscience du jury qui, plus tard, décide si j'ai ou non excédé la mesure d'une juste et libre discussion; inspiré par ma conscience, je vais donc librement discuter, et le jury statuera librement. >>>

Je vous le demande, messieurs, que devient la loi? Elle se résout en cette théorie de l'omnipotence du jury contre lequel tous les parquets se sont constamment élevés.

Oh! souvent au barreau l'on s'est réfugié dans l'omnipotence du jury; on a voulu souvent placer le jury au-dessus

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