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de la loi en lui disant : « Vous n'avez de loi que votre conscience. » Mais cette théorie a toujours été condamnée et repoussée. Aujourd'hui on l'accepte; j'en remercie la commission et M. le ministre de la justice; il sera désormais bien acquis qu'en matière de presse il n'y a plus de loi écrite, que la loi s'en réfère absolument à l'appréciation souveraine, dans le sens absolu de ce mot, du jury seul. (Réclamations à droite.)

LE CITOYEN ODILON BARROT, ministre de la justice. Il faut bien que le jury distingue l'offense de la critique

Pour l'Assemblée législative, est-ce que la critique n'est pas permise? L'offense ne l'est pas.

LE CITOYEN CHARAMAULE. M. le ministre de la justice m'oppose cette objection: Mais, comment! est-ce qu'on ne discute pas les actes des assemblées délibérantes? (Bruit.) C'est bien là l'objection de M. le ministre; il faut bien la comprendre pour voir ce qu'elle vaut et où elle peut nous conduire.

On me dit: Même dans le langage légal de la monarchie, le délit d'offense contre les assemblées délibérantes était consacré, et cependant on a toujours pu discuter les actes des assemblées délibérantes, les critiquer, les blâmer, les improuver.

Voici la différence et ma réponse : Oui, l'on pouvait discuter les actes des assemblées délibérantes; mais, comme le pouvoir royal, elles étaient irresponsables. Au contraire, le président de la République est toujours responsable, et voilà pourquoi l'on ne peut employer le mot offense aujourd'hui en ce qui concerne le président, comme on l'employait autrefois pour les assemblées délibérantes.

Il ne faut pas confondre ces deux points bien distincts: on peut être soumis à la discussion et rester irresponsable; on peut être à la fois responsable et soumis à la discussion. Eh bien, lorsque les deux conditions se rencontrent, lorsque, soumis à la discussion, l'on est responsable, l'on ne peut pas être protégé de la même manière que les corps qui, soumis à la discussion, ne sont pourtant pas responsables. On le comprend.

La discussion ne comporte pas seulement le blåme, la censure, la critique; elle comporte encore (j'ai bien été forcé de le dire, pour le besoin de la théorie seulement, et sans que, dans les circonstances actuelles, rien dût nous entraîner à cette extrémité); elle comporte encore, au bout de l'examen, de l'appréciation, de la critique, du blâme, de la censure, le droit de proposer une mise en accusation. Eh bien, ceci peut-il se produire envers une assemblée délibérante? Non, évidemment; dans aucune hypothèse, la constitution n'autoriserait un écrivain à proposer la mise en accusation de l'Assemblée législative. Au contraire, dans la gradation des pouvoirs, dans le sens de la constitution, le président de la République demeure encore subordonné; il demeure subordonné au pouvoir de l'Assemblée, bien qu'elle-même ne résume pas le pouvoir souverain; car c'est là une erreur dont on a voulu nous bercer: Non, le pouvoir souverain n'est ni là ni ici; il est partout, il est dans l'universalité des citoyens; nous n'avons pas, nous, le pouvoir souverain; nous avons des pouvoirs définis, limités par la constitution; ils sont ce qu'ils sont, ils ne sont pas davantage. (Marques d'assentiment à gauche.)

Eh bien, voilà ma réponse à l'objection. Dans le langage des lois antérieures, le mot offense a été perpétuellement employé pour indiquer le manquement, l'attaque, l'outrage (expression générique encore) envers des pouvoirs qui, bien que soumis quelquefois à la discussion, et tous ne l'étaient pas, étaient cependant toujours irresponsables.

Ainsi, sous la monarchie, le pouvoir royal n'était ni responsable ni discutable; la loi de septembre avait précisément converti en délit toute discussion qui aurait tendu à faire remonter jusqu'à la personne du roi la responsabilité

des actes du pouvoir exécutif, c'est-à-dire de ses ministres, de ses agents. Donc, en aucun cas, il n'était responsable, il était, au contraire, essentiellement inviolable et au-dessus de la discussion. Les assemblées délibérantes, sans doute, ne sont pas au-dessus de la discussion, mais elles sont également inviolables. Voilà pourquoi, on a pu, à juste titre, quand on a voulu sauvegarder le respect dû aussi bien aux assemblées délibérantes qu'au pouvoir royal, on a pu indifféremment employer l'expression offense; mais, aujourd'hui, quand vous voulez sauvegarder seulement le juste respect dû au président de la République, vous ne pouvez pas vous servir de cette expression qui se rattache à d'autres idées, et qui serait un véritable anachronisme.

En dernière analyse, j'entrevois un grave danger dans l'introduction de ce mot offense dans la loi actuelle. Je le répèté, c'est une innovation, une innovation dont on ne peut pas indiquer le motif, si ce n'est que toute autre expression serait insuffisante; qu'il ne suffit pas de sauvegarder le premier magistrat de la République contre la diffamation, contre l'injure, contre l'outrage, contre l'insulte; qu'il faut le placer audessus de toute atteinte, au-dessus de l'attaque dans toutes ses nuances, selon la définition donnée de Toffense par la commission. Ainsi l'on veut à tout prix introduire dans une loi républicaine une expression consacrée dans les lois monarchiques et qui ne s'harmonise qu'avec les idées et les conditions de la monarchie.

Je le répète, il y a là une innovation dangereuse, et, s'il faut dire toute ma pensée, cette innovation rappelle ces traditions de dévouement et de fidélité qui ne sont plus ni de ce temps, ni de ce régime. (Assentiment à gauche.)

Avant de descendre de la tribune, et pour ne laisser aucun doute sur ma pensée, je le déclare de nouveau: ce n'est pas la garantie dont on veut environner le président de la République que je conteste; je combats l'art. 1 comme M. Dufaure combattait autrefois les lois de septembre. L'honorable M. Dufaure, dans une précédente séance, vous a dit qu'il avait combattu les lois de septembre, non pas parce qu'elles contenaient des aggravations de peine que les difficultés du temps pouvaient justifier alors, mais surtout parce qu'elles innovaient sur l'incrimination des faits. Voilà pourquoi sa conscience avait reculé devant la transformation du délit en attentat; voilà pourquoi je repousse le mot offense. Aujourd'hui, dans ma conviction, nous faisons quelque chose d'analogue, nous créons un délit nouveau, nous faisons entrer de nouveau dans nos lois un délit qui ne peut plus y exister selon les exigences de la constitution; nous voulons créer un délit d'offense qui, réellement, n'est plus en harmonie avec les dispositions de la constitution, qui fera évidemment obstacle à la libre discussion, quoi qu'on en ait dit. De deux choses l'une: ou la libre discussion en souffrira, ou le système de la loi en souffrira bien davantage encore, surtout si, comme on l'a dit, vous vous réfugiez dans la théorie de l'omnipotence du jury, à laquelle, je le répète, la liberté de la presse n'aura qu'à gagner; alors peut-être serions-nous dans la vérité des choses; mais alors aussi nous entrerions peut-être dans le système de liberté illimitée de la presse auquel nous reviendrons plus tard, à l'occasion d'un autre amendement que j'ai proposé; l'écrivain serait ainsi absolument libre dans l'expression de sa pensée, dont il n'aurait à répondre qu'envers la conscience absolument souveraine du jury.

LE CITOYEN PRÉSIDENT. M. le rapporteur a la pa

role.

LE CITOYEN COMBABEL DE LEYVAL, rapporteur. L'orateur qui descend de cette tribune accuse la commission et, avant elle, le Gouvernement, dont la commission n'a fait que reproduire l'expression, de porter atteinte au droit de discussion, et de revenir, par le terme qu'elle a adopté, à rappeler des sentiments de fidélité et de dévouement monarchiques qui ne sont plus en harmonie ni avec l'état républicain, ni avec la constitution qui nous régit.

Je demande à l'Assemblée la permission de lui expliquer, en peu de mots, le sens vrai de l'expression que la commission a adoptée; pour cela, je n'aurai qu'à rechercher la législation existante, son origine, ses causes; je lui demanderai ensuite si elle pense ou si elle ne pense pas que le président de la République, tel qu'il est, avec les attributions que lui a données la constitution, avec le rôle qui lui est imparti en France, dans notre Gouvernemeut, ne doit pas être, à juste titre, comme la commission le dit dans le rapport, l'objet d'une protection spéciale. J'exposerai, en second lieu, à l'Assemblée, les conséquences désastreuses qu'entraînerait la doctrine de M. Charamaule.

On nous dit d'abord que nous voulons porter atteinte au droit de discussion, et cela en présence des déclarations les plus formelles. Plus la commission s'efforce de proclamer que le droit de discussion est complet, qu'il est incontesté, plus on le conteste; et, pour cela, que fait-on? On fait, à mon avis, une confusion qui n'échappera à aucun esprit; on dit que, par la discussion, par la censure, par cette opposition surveillante et censoriale, et qui est de l'essence d'un gouvernement libre, on est nécessairement conduit à attaquer; c'est M. Charamaule qui a dit cela tout à l'heure.

Il a oublié, qu'il me permette de le lui dire, toutes les législations qui nous ont régi; il a oublié qu'en 1819 le mot attaque est devenu non-seulement un délit, mais a passé pour une provocation. Qu'il lise l'art. 2 de la loi du 17 mai 1819, il y verra que l'attaque formelle non-seulement n'est pas considérée comme une discussion, mais comme une provocation quand il s'agit des choses, et rentre dans l'offense, ou l'outrage, ou la diffamation quand il s'agit des personnes.

LE CITOYEN NETTEMENT. Je demande la parole. LE CITOYEN GREVY. « Attaque contre les droits que le roi tient de sa naissance! »

LE CITOYEN RAPPORTEUR. Qu'il lise la loi de 1822; et M. Crémieux vous a dit hier que cette loi était en vigueur, sans que vous l'ayez contesté; qu'il lise cette loi, et il y verra que l'attaque est un délit. Quelles conclusions devons-nous en tirer?.... (Interruptions diverses.)

LE CITOYEN CHARAMAULE, de sa place. Voulez-vous me permettre une observation?

LE CITOYEN CHABRAS. Lisez la suite de cet article. Voix nombreuses. N'interrompez pas! n'interrompez pas! LE CITOYEN PRÉSIDENT. Si tout le monde parle de tous les côtés de la salle, il n'y a pas de discussion possible.

LE CITOYEN RAPPORTEUR. La conclusion que je dois en tirer est celle-ci: à savoir, que l'attaque s'adresse aux droits que la constitution a donnés au président, ou que sous forme d'outrage, l'attaque atteigne sa personne, toutefois qu'il y a attaque, il y a autre chose qu'une libre discussion, il y a abus du droit de discussion... (Interruptions diverses.) Un membre. La question sera de savoir si l'attaque a été légitime.

LE CITOYEN RAPPORTEUR. L'appréciation de l'attaque est évidemment du ressort du jury. Vainement M. Charamaule soutiendra que c'est l'omnipotence du jury que nous allons constituer; que l'empire des lois s'efface; il pourrait dire cela pour un pays voisin où toute la législation sur la presse se résume dans un seul mot: libelle; et où on pose au jury cette simple question: Y a-t-il ou n'y a-t-il pas libelle? Mais dans notre pays il n'en est pas ainsi. Qu'a fait la législation, une législation qui n'est pas bien ancienne, qui date de 1819? Elle a défini avec un soin extrême les choses les plus difficiles, elle a spécifié la nature des délits et précisé en conséquence la gradation des peines: l'offense, l'injure et la diffamation; voilà les trois délits qu'elle a définis. Le jury a à s'expliquer sur la question de criminalité; la cour juge dans quel ordre la législation existante a classé le fait incriminé, et de là dépend l'application de la peine, nullement de l'omnipotence du jury, comme vous entendez le dire; il résultera du texte de la commission

que la loi pénale sera appliquée dans toutes ses dispositions spéciales.

Maintenant, quelles sont ces dispositions spéciales? quelle première limite a été tracée dans la classification des délits? C'est celle de l'offense. Croit-on, avec l'auteur de l'amendement, que l'offense ait été introduite dans nos lois antérieures, et aujourd'hui, dans le texte du Gouvernement et dans celui de la commission, comme une expression générique jetée au hasard? Il n'en est rien. Qu'on se reporte à la loi de 1819, on verra que le Gouvernement lui-même n'avait pas proposé le mot offense, qu'il avait proposé les mots allégations offen

santes.

Mais, quand la discussion vint, comme la distinction à établir entre les allégations offensantes, les outrages et les diffamations, échappait aux esprits les plus subtils, que fallut-il faire ? Il fallut revenir à la dignité des personnes qui étaient l'objet des injures, des diffamations ou des outrages; et on décida que l'injure, la diffamation et l'outrage, quand ils s'appliqueraient à certaines personnes, deviendraient une offense. On décida en ce sens, parce qu'il était d'intérêt public, d'intérêt gouvernemental, d'un très-haut intérêt politique et social, que ces personnes-là fussent présumées innocentes, et que les attaques dont elles étaient l'objet fussent considérées comme calomnieuses. Quelles étaient ces personnes? Le roi d'abord ; je n'ai pas à m'en occuper; mais il y avait bien autre chose, et, parmi ces classifications, l'honorable M. Charamaule en a oublié une : les princes de la famille royale.

LE CITOYEN CHARAMAULE. Je n'en ai pas parlé avec intention!

LE CITOYEN RAPPORTEUR. Je ne dis cela que pour vous prouver que ces princes, qui n'étaient pas inviolables, étaient compris dans la législation.

Il y avait encore les chefs des gouvernements étrangers, non-seulement les souverains, mais tous les chefs des gouvernements étrangers, quelle que fût la forme du gouvernement, tels que le président des Etats-Unis ou l'avoyer suisse; ces chefs de gouvernement étaient mis à l'abri, et sauvegardés, suivant l'expression de M. Charamaule, sous le mot offense, parce qu'il y avait là encore un grand intérêt politique, un intérêt dominant à le faire.

Maintenant vous dites que le mot offense, qui a été introduit dans la législation de 1848, par l'Assemblée constituante, attaque la constitution.

Je demande à l'Assemblée la permission d'examiner devant elle ce que c'est que le président de la République; car, après tout, toutes ces distinctions, toutes ces discussions aboutissent à ceci: Le président de la République est-il un simple fonctionnaire, et faut-il lui appliquer la législation qui concerne les autres fonctionnaires publics? J'examinerai plus tard la conséquence de cette application, et l'Assemblée en jugera.

Dans son caractère constitutionnel, le président est-il un fonctionnaire public? Je consulte la constitution et je consulte le rapport de l'honorable M. Marrast, je consulte l'esprit de la constitution, et j'y vois que le président de la République est un pouvoir, un vrai pouvoir; et c'est pour cela que, après des discussions longues et passionnées, et malgré des considérations de l'ordre le plus élevé, éloquemment présentées, on a voulu qu'il fût élu par le suffrage universel. Sa situation n'est donc pas celle d'un simple fonctionnaire public; elle ne peut l'être, car, vous le savez, la constitution ne lui permet pas d'agir spontanément par sa seule volonté; il n'est pas le maître de son ministère, en ce sens que lui-même puisse faire prévaloir la politique qui lui convient. Il n'est pas, comme le président des Etats-Unis, un magistrat responsable de tout, puisqu'il est servi par des commis en qui il a toute confiance. Sa situation, c'est quelque chose de mixte qu'a établi la constitution de 1848; il ne peut agir sans le contreseing des ministres; par conséquent, la responsabilité qui pèse sur lui est d'un ordre complétement différent de celle qui

pèse sur les fonctionnaires publics; car, quelles que soient les limites de ses attributions, le fonctionnaire public peut agir, se mouvoir dans le cercle de ces mêmes attributions. Le président, au contraire, ne le peut pas....

Une voix à gauche. Et la responsabilité?

LE CITOYEN BAPPORTEUR. Eh bien, est-ce que ce ne serait pas la plus complète anarchie, le renversement de votre propre autorité? Comment! vous auriez décidé, dans votre souveraineté, les représentants de l'universalité des Français auraient décidé que le président de la République n'est pas coupable, et un jury, en acquittant les journalistes, viendrait décider qu'il est coupable.... (Interruption à gauche.)

Quand je dis coupable, je sais parfaitement qu'aucune peine ne lui sera appliquée; mais est-ce que vous croyez un instant qu'on peut gouverner un grand pays sous le poids d'un jugement moral?

LE CITOYEN GREVY. Mais la responsabilité !

LE CITOYEN RAPPORTEUR. Je touche à la responsabilité; ayez la bonté de me tolérer jusqu'au bout; je mon. trerai les conséquences de votre système. Le président de la République est donc à la fois un pouvoir public; il l'est par l'origine; la constitution l'a voulu. Mais pourquoi l'a-t-elle voulu ? Afin qu'il eût un pouvoir suffisant, un pouvoir suffisant pour faire le bien. Et pourquoi donc n'a-t-on pas continué l'exercice du pouvoir exécutif, ainsi qu'il était établi avant la constitution ? Pourquoi l'a-t-on fait malgré de nombreuses demandes des hommes les plus dévoués au principe républicain ? Parce que le président eût été impuissant à faire le bien d'un pays de 35 millions d'hommes et qui a des affaires à régler avec l'Europe. La constitution ne l'a pas voulu. Soutenir que c'est un simple fonctionnaire, et que, ce fonctionnaire, il faut l'assimiler aux fonctionnaires ordinaires, c'est donner un démenti au texte et à l'esprit tout entier de | ceraient le président parmi les fonctionnaires publics, vous la constitution.

Mais voyons donc les conséquences que produirait l'amendement de M. Charamaule si vous l'adoptiez.

L'art. 20 de la loi du 26 mai 1819 admet, par exception, contre les fonctionnaires publics la preuve des faits imputés; si, avec les mots outrage, injure, diffamation, vous rangez le président de la République parmi les fonctionnaires publics, il faut lui appliquer cette législation de 1819. Voulezvous juger de son effet pour les fonctionnaires publics? Consultez l'expérience: un fonctionnaire poursuit; qu'arrive-t-il? A l'instant même, il faut qu'il descende dans le débat; il fait citer des témoins, ses adversaires en font autant; il devient clair qu'il est transformé en accusé; une enquête est ordonnée; il faut qu'il descende à se justifier continuellement, à examiner les témoignages, à les contrôler. Eh bien, quel a été le résultat de cette situation? c'est que depuis 1819, et je ne blâme pas la loi qui par là a assuré un contrôle de l'opinion sur les fonctionnaires publics; c'est que, depuis 1819, bien peu de fonctionnaires publics ont usé de la faculté qui leur était donnée et qu'ils ont mieux aimé garder dans leur cœur les attaques injustes dirigées contre eux que de s'exposer ainsi à une guerre qui ne pouvait jamais tourner à leur profit et à leur considération. (Approbation à droite.)

Voilà pour les fonctionnaires publics. Mais en serait-il de même pour le président? Vous représentez-vous le président de la République, le chef du pouvoir exécutif, le représentant de la France à l'étranger, comme dit la constitution? Vous représentez-vous le chef du pouvoir exécutif dans une enquête, produisant des témoins, contestant les déclarations des témoins? Avez-vous oublié que nous vivons au milieu de partis ardents? Croyez-vous que, dans la violence de ces partis, la vérité sera toujours ce qui dominera dans les déclarations des témoins?

LE CITOYEN RAPPORTEUR. Si l'honorable M. Grevy veut me le permettre, je lui répondrai sur la responsabilité; il ne me sera pas difficile de démontrer que ce n'est pas une responsabilité générale comme il l'entend, mais que la constitution a posé et défini les limites de cette responsabilité spéciale.

Je dis donc qu'avec ces mots diffamation et injure qui placréeriez à la place du Gouvernement l'anarchie, rien que l'anarchie.

A la place de cette Assemblée, qui seule, d'après la constitution, peut être l'accusatrice du président de la République, vous auriez pour accusateur quiconque serait armé d'une plume, et pour juge, au lieu de la haute cour, tous les jurys de France,

Je dis que c'est un résultat que vous ne pouvez pas vouloir.
Une voix à gauche. Pourquoi pas?

LE CITOYEN RAPPORTEUR. On dit: Pourquoi pas? C'est parce qu'on ne gouverne pas à ce prix, c'est parce que le pouvoir a besoin de respect, de considération; parce que, s'il est attaqué tous les jours, il est impossible qu'il remplisse sa mission. Vouloir que l'on gouverne ainsi, c'est vouloir qu'il n'y ait pas de gouvernement ou vouloir usurper le gouvernement pour soi-même. (Approbation à droite.)

On dit, et M. Grevy insiste : Il est responsable; sans doute, mais l'est-il comme tous les fonctionnaires publics? Non. Prenons encore la constitution et n'en sortons pas.

Ainsi, quand l'assemblée constituante a créé l'accusateur et le juge, elle a posé les limites :

L'accusateur, c'est elle-même; le juge, c'est la haute cour; et dans quels cas s'exerce celte responsabilité ? Lorsque l'Assemblée, non pas un simple jury, lorsque l'Assemblée juge que le président, manquant à ses devoirs, ne suivant pas même la direction politique qui lui est indiquée par l'Assemblée, envoie le président devant la haute cour; et il fallait bien que ce fût ainsi, pour que l'Assemblée eût le dernier mot; car, qu'est-ce que la constitution, sinon un acte destiné à regir un gouvernement populaire? Il fallait bien que l'Assemblée pût faire prévaloir sa volonté, puisqu'elle est souveraine. Mais cette liberté devait-elle être commune à tous ceux qui voudraient accuser le président? Non, certaiJ'en appelle à tous les hommes judiciaires, moi qui n'ai nement. Il y a, à côté de l'Assemblée un pouvoir de gouverjamais fait partie ni du barreau ni du ministère public. Ils nement; car gouverner, ce n'est pas seulement exécuter les vous diront avec tristesse qu'on ne peut pas espérer d'une lois, mais prévoir. Tous les jours l'Assemblée dit au Gouenquête une vérité complète; qu'on le peut d'autant moins que vernement: Prenez l'initiative, présentez-nous des projets de le personnage qui est l'objet de l'enquête est plus élevé. loi. Le pouvoir exécutif, c'est donc le Gouvernement, d'après Que serait-ce donc s'il s'agissait du président de la Répu- la (constitution. Eh bien, le Gouvernement ne relève que blique? Quel pouvoir serait possible en France si un pareil de l'Assemblée. Quand la constitution a proclamé la divispectacle pouvait être donné? Ainsi, dans cette Assemblée, ❘sion du pouvoir, dans l'intérêt de la liberté, quand la conune minorité fait une interpellation sur un acte du président ❘stitution a dit que c'était le premier intérêt d'un gouvernede la République; elle prétend qu'il trahit. La majorité sta- ment libre, vous reconnaîtrez, j'espère, qu'il était impostue après un mûr examen; elle déclare, par un ordre du jour, ❘sible, sous prétexte de responsabilité, de voir traîner le préou autrement, que le le président a fait son devoir.

Eh bien, un journaliste reprend la proposition de la minorité; il va devant un jury, et si le jury, impressionné par je ne sais quels témoignages, venait à dire le contraire de ce | que vous avez dit vous-mêmes...

Une voix à gauche. Eh bien !

sident de la République devant les cours d'assises, et d'exposer les jugements que vous rendez ici, au nom de l'universalité du peuple français, à être, par le fait, revisés par les jugements de vos jurys.

Soyez rassurés sur la responsabilité, elle reste pleine et entière.

Avec sept cent cinquante membres ici, avec les excitations de la presse de tous les jours, croyez-vous que la responsabilité du président, ainsi que l'a fixée la constitution, soit inefficace, qu'elle demeure inerte? Comment! nous serions ici sept cent cinquante représentants stimulés par la presse elle-même et par les pétitions! car c'est là le droit, je le reconnais, c'est là le moyen d'attaquer le président, non pas de manière à nuire à sa considération et à rendre le gouvernement impossible, mais franchement, loyalement, en venant proposer une mise en accusation.

M. Charamaule vous disait qu'un citoyen doit avoir le droit de proposer la mise en accusation du président. Sans doute, il l'a par voie de pétition à l'Assemblée; mais il n'a pas le droit de publier des attaques, des offenses, des outrages contre le président; il faut qu'il s'adresse à l'Assemblée. C'est ainsi que l'a voulu la constitution. Si la constitution ne l'avait pas voulu ainsi, elle aurait rendu le Gouvernement impossible. La constitution voulait un gouvernement fort, régulier, vigoureux; elle a voulu que la responsabilité s'exerçât, ainsi que j'ai eu l'honneur de l'expliquer, par le droit de pétition et par vous, par chacun des membres de cette Assemblée.

Et maintenant, les pouvoirs du président ainsi établis, la responsabilité ainsi expliquée, le Gouvernement a-t-il eu tort, et la commission a-t-elle eu tort d'adopter le mot offense? Que pouvait-elle y substituer? J'ai dit à l'Assemblee que les mots diffamation, injure, s'appliquaient, dans la législation existante, aux fonctionnaires publics. J'ai dit les graves inconvénients, inconvénients, selon moi, d'une nature telle qu'il est impossible que l'Assemblée veuille un seul instant soumettre le président de la République à l'obligation de faire la preuve, et à la condition des fonctionnaires publics

en France.

Quel était le terme que la commission pouvait choisir ? Nous avons vu qu'il y avait une raison de dignité dans le président, puisqu'il représente la France à l'étranger, puisqu'il est le pouvoir exécutif. Eh bien, quelle était cette raison de dignité ? Fallait-il ou ne fallait il pas que, dans la loi, il fût présumé innocent des faits qu'on lui imputerait? Ainsi, tandis qu'on a dit pendant deux mois, cette année ci, tous les jours, qu'il trahissait la République, qu'il trahissait la France, qu'il pactisait, au dehors, avec l'étranger, qu'il méditait un coup d'Etat au dedans, ne fallait-il pas, dans un intérêt politique, gouvernemental, qu'il fût présumé innocent? Eh bien, le mot d'offense n'a pas d'autre objet. Il est présumé innocent, et l'on n'admet pas à faire la preuve. Nous avons adopté ce motlà précisément parce qu'il est l'expression d'une necessité publique incontestable; nous l'avons adopté, parce qu'aucun | autre ne peut le suppléer: non-seulement on ne peut pas le suppléer dans la loi, mais même dans l'effet moral. Il suffit que les magistrats, que les fonctionnaires publics aient été placés, en France, jusqu'ici, dans la législation pénale, qu'ils aient été placés parmi ceux auxquels s'applique le mot outrage, pour qu'il soit impossible, politiquement, de ne pas l'appliquer au président.

Quel danger voyez-vous dans le mot offense? Est-ce parce qu'on aura appliqué au président, le chef du pouvoir exécu tif, ce que le décret du 11 août a fait pour l'Assemblée nationale, qui est le pouvoir législatif, que la République sera perdue? Est ce que la République a intérêt à ce qu'on offense son chef? (Rumeurs à gauche.)

LE CITOYEN BAC. Je demande la parole. LE CITOYEN RAPPORTEUR Comment se fait-il que ee soient les républicains les plus dévoués... Je ne voudrais pas discuter sur les mots, s'il faut, à chaque instant, dire chef du pouvoir exécutif, je le ferai; mais quand je dis qu'il est le chef de la République, je veux dire qu'il est le chef du pouvoir exécutif sous le régime républicain. Y a-t-il quelqu'un ici qui voulût abdiquer sa position de souveraineté, au profit du président? Nullement. Seulement il ne faut pas non plus, quand la constitution a séparé les pouvoirs, venir dire: Les

pouvoirs sont réunis, le président est un simple fonction naire. Cette assimilation est impossible.

Je comprends les réclamations de ce côté (la gauche), car de ce côté là on voulait, les uns un président nommé par l'assemblée et révocable à volonté, et les autres ne voulaient pas de président.

C'est précisément parce que nous avons un président, et qu'il n'est pas révocable, parce que, n'étant pas révocable, il est accusable simplement dans les limites et dans les formes tracées par la constitution, il est accusable par l'Assemblée seule, qu'il ne doit pas être laissé à la merci de toutes les attaques et à ce système de dénigrement qui, sans cesse répé tés, produit des effets tels que la considération nécessaire au chef du pouvoir exécutif d'un grand Etat comme la France en est bientôt amoindrie, et puislanéantie.

Telles sont les raisons, messieurs, qui ont déterminé la commission, et dont je maintiens que l'honorable M. Charamaule n'a pu détruire la portée.

LE CITOYEN CHARAMAULE. Je demande la parole. (Exclamations diverses.)

LE CITOYEN RAPPORTEUR. Je lui laisse la parole, et j'espère que tout ce qu'il pourra dire de nouveau laissera intact dans vos esprits l'effet des considérations que je viens de présenter au nom de la commission.

(Les citoyens Nettement, Bac et Charamaule se présentent en même temps à la tribune. (Hilarité.) Après quelques mots échangés entre eux, la parole reste à M. Nettement.)

LE CITOYEN NETTEMENT. Messieurs les représentants, j'appartiens à la minorité de la commission. J'aurais désiré que le mot offense fût remplacé par d'autres mots dans l'arti cle qui vous est présenté.

LE CITOYEN BAROCHE. Je demande la parole.

LE CITOYEN NETTEMENT. Nous sommes tous d'avis que le président de la République doit être respecté : c'est un pouvoir, c'est le chef du pouvoir exécutif; à ces deux titres et, comme issu du suffrage universel, il faut que la loi lui asssure le respect qui lui est dû; mais il faut aussi, et c'est le second principe que je pose, que les garanties, que les prescriptions légates qui lui assureront ce respect soient en harmonie avec la nature de son pouvoir et la position que lui fait la

constitution.

Eh bien, messieurs, je crois que, bien à son insu, la majorité de la commission, en adoptant le mot offense, s'est écartée de cette règle.

Je vous demande la permission de mettre quelques textes sous vos yeux; ces textes éclairciront bien mieux la question que la discussion à laquelle je pourrais me livrer.

D'abord, vous savez qu'il y avait un article, dans la charte de 1814, qui disait que la personne du roi devait être inviolable, irresponsable et sacrée.

Quand on fit la loi sur la presse, en 1819, il fallut naturellement mettre en harmonie la loi de la presse avec cet article de la charte.

C'est alors qu'on fit l'art. 7 de la loi de 1819; je vous demande la permission de vous donner lecture de cet article tel qu'il était dans son texte primitif :

« Quiconque, par l'un des moyens énoncés dans l'art. It de la présente loi, ce sera rendu coupable d'imputations offensantes ou d'allégations offensantes contre la personne du roi, sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être moindre de six mois. »

Vous voyez qu'il y a une harmonie parfaite entre l'article de la charte qui déclarait la personne du roi inviolable et sacrée, et l'art. 7 de la loi de 1819, qui ne permettait pas d'imputation offensante envers la personne du roi.

Il y a quelque chose qui éclaircit encore la question, ce sont les termes du rapport de M. de Serres, le garde des sceaux d'alors, qui présentait la loi. Je vous demande aussi la permission de vous donner lecture de deux ou trois phrases de son rapport.

L'exposé des motifs fut lu dans la séance du 23 mars 1819; et M. de Serres disait :

« L'art. 7 n'a pas besoin de commentaire.

« Si, en vertu du principe de l'inviolabilité, la personne du roi est en quelque sorte au dessus de la toute-puissance des lois, à combien plus juste titre doit-elle être placée audessus des atteintes de la témérité de ses sujets. Quand le respect dù à la majesté suprême est méconnu, la société tout entière est ébranlée dans ses fondements. »

Vous voyez ici que tous les mots portent. C'est l'inviolabilité, c'est la personne du roi en quelque sorte au-dessus de la toute-puissance des lois; c'est ensuite que la personne du roi doit être placée hors des atteintes de la témérité de ses sujets; et puis enfin vient le respect dû à la majesté supreme. Vous voyez donc que tous les termes de l'exposé des motifs de M. de Serres commentent le texte de la loi dans le sens que je vous ai présenté.

Il faut vous dire, messieurs, comment on passa de ces mots, allégations offensantes au mot d'offense; et ici, pour rester toujours dans la fidélité textuelle des rapports qui furent présentés à cette époque, je vous demande la permission de vous lire deux phrases du rapport de M. de Broglie à la chambre des pairs.

M. le duc de Broglie donnait les motifs suivants de cette substitution dans son rapport, le 17 mai 1819 :

« On a pensé qu'il existait des êtres individuels on collectifs placés si haut dans le respect des homines, que le trait le plus empoisonné lancé contre eux ne peut les atteindre. Quoi que l'on publie à leur sujet, peu importe en ce qui les concerne personnellement; il y a delit, mais il n'y a pas dommage; il y a un criminel, mais il ne peut y avoir de victime. Voilà un délit particulier que le mot offense caractérise particulièrement. >>>

Un membre sur le banc de la commission. Continuez, lisez une phrase de plus.

LE CITOYEN NETTEMENT. Vous voyez donc que la question est toujours dans le même système d'idées : c'est toujours l'irresponsabilité, l'inviolabilité, une nature de puissance au-dessus de la loi; enfin c'est la nature du pouvoir royal.

Il est vrai qu'on n'applique pas, comme M. le rapporteur l'a dit, le mot d'offense aux corps constitués; mais, ici, je vais encore vous donner un texte de M. Courvoisier qui parle comme rapporteur dans cette loi et qui explique pourquoi cet article fut appliqué aux corps constitués : « Le mot diffamation suppose non-seulement l'intention, mais l'effet de porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'autrui, par l'imputation d'un fait qui peut être vrai; mais quand la loi refuse la preuve de la vérité de l'assertion, elle se refuse par cela même à la possibilité du vrai; ce n'est plus la diffamation qu'elle punit, c'est la calomnie qu'elle repousse.»

Vous voyez qu'il faut qu'il s'agisse d'un pouvoir irresponsable, car, si on ne peut pas prouver le fait devant la juridiction ordinaire pour le président de la République, on le peut par la demande d'une mise en accusation portée devant la haute cour nationale, si l'Assemblée prononce la mise en accusation. Enfin, comme on l'a dit, le mot d'offense fut appliqué aux princes de la famille royale. Mais là fut encore une raison donnée par M. de Marchangy: c'est que la loi entendait moins venger la personne du prince, le prince luimême, que la majesté royale qui se réfléchit sur sa personne. » (Exclamations diverses.)

Je crois que ces courtes observations vous prouvent trèsbien que le mot d'offense est lié, inséparablement lié à l'irresponsabilité et à l'inviolabilité du pouvoir royal: cette inviolabilité et cette irresponsabilité n'existant plus, je crois que le pouvoir exécutif doit être protégé par d'autres garanties et par des lois conçues en d'autres termes. C'est pour cela qu'il me semble qu'en appliquant aux délits qui pourraient être commis contre le président de la République les mots de diffamation, d'injure, d'outrage, on atteindrait le

but qu'on s'est proposé, et qu'on l'atteindrait sans sortir de l'esprit de la constitution.

En effet, tous ces termes sont définis, et vous allez voir qu'ils le sont d'une manière très-satisfaisante.

La loi de 1819 définit ainsi la diffamation et l'injure :

« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation.

Voilà une définition bien large et qui empêchera toutes les allegations qui pourraient nuire à la considération ou à la personne du président de la République.

Et puis l'outrage, voilà comment il le définit :

« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invectives, qui ne renferme l'imputation d'aucun fait, est une injure. >>>

Avec les mots de diffamation et d'injure, on pourvoit à

tout.

M. le rapporteur a fait à cela une observation, c'est que ce serait une chose triste si le président de la République était obligé de comparoir, comme les fonctionnaires, devant un jury, pour faire la preuve contraire quand une diffamation serait dirigée contre lui.

Je suis de l'avis de M. le rapporteur sur ce point; mais je crois que la diffamation contre le président de la République, étant une diffamation dirigée contre un pouvoir, ne se trouve pas dans les mêmes conditions que celles dirigées contre un particulier, et que la preuve ne peut être admise.

Un membre. Non pas contre un particulier, mais contre un fonctionnaire.

LE CITOYEN NETTEMENT. C'est un pouvoir et non un fonctionnaire. Je crois donc qu'en adoptant les mots d'injure, d'outrage, de diffamation avec la réserve que j'ai faite, vous pourvoirez à la nécessité, et vous resterez dans la constitution, ce qui est un grand avantage. (Chuchotements à gauche); car, toutes les fois qu'on en sort, on autorise des soupçons malheureux, on est plus faible au lieu d'être plus fort.

Je ferai une dernière observation : c'est qu'il y a dans un pays à côté du nôtre un peuple, qui est pourtant sous la loi monarchique, chez lequel le mot offense n'est pas prononcé dans la loi qui protége la personne du roi. Ce pays, c'est la Belgique. Elle n'admet que les délits d'outrage et de calomnie contre le roi, et cependant le roi est protégé.

Ce serait une chose singulière que d'appliquer le mot offense à un président de la République, responsable et élu par le suffrage universel, digne sans doute de toute sorte de respect, quand on ne l'applique pas à un roi dans un pays voisin. (Approbation à gauche.)

LE CITOYEN ODILON BARROT, président du conseil. Messieurs, si, comme on le prétend, le mot offense, introduit dans la loi, excluait la responsabilité du président de la République, le droit de l'accuser et par conséquent le droit de critiquer ses actes, il faudrait à l'instant même rayer le mot offense de votre loi, car le droit d'attaquer, d'accuser, de critiquer, de mettre en jeu la responsabilité du Président de la République, est écrit dans la constitution; et, par une loi secondaire, détruire une disposition fondamentale de la constitution, ce serait un acte téméraire de la part du ministère, et qui ne pourrait avoir votre concours. (Bruits divers. Rires ironiques à gauche.)

Là est la seule difficulté sérieuse. Le mot offense exclut-il la responsabilité légale et constitutionnelle du président? Je n'en vois pas d'autre, quant à moi; car, si l'on repoussait ce mot parce qu'il élève trop haut cette magistrature populaire, parce qu'il assure trop de respect à ce pouvoir qui émane du sufssage universel, parce qu'on veut établir des distinctions entre le respect dû à telle autorité ou à telle autre, je dirai que nous n'admettons pas que le premier magistrat de la République, ce pouvoir qui sort des entrailles du suffrage universel, qui est chargé de représenter la République française dans tous ses rapports avec l'étranger et d'assurer à l'intérieur l'exécution des lois, que cette magistrature

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