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Avec sept cent cinquante membres ici, avec les excitations de la presse de tous les jours, croyez-vous que la responsabilité du président, ainsi que l'a fixée la constitution, soit inefficace, qu'elle demeure inerte? Comment! nous serions ici sept cent cinquante représentants stimulés par la presse elle-même et par les pétitions! car c'est là le droit, je le reconnais, c'est là le moyen d'attaquer le président, non pas de manière à nuire à sa considération et à rendre le gouvernement impossible, mais franchement, loyalement, en venant proposer une mise en accusation.

M. Charamaule vous disait qu'un citoyen doit avoir le droit de proposer la mise en accusation du président. Sans doute, il l'a par voie de pétition à l'Assemblée; mais il n'a pas le droit de publier des attaques, des offenses, des outrages contre le président; il faut qu'il s'adresse à l'Assemblée. C'est ainsi que l'a voulu la constitution. Si la constitution ne l'avait pas voulu ainsi, elle aurait rendu le Gouvernement impossible. La constitution voulait un gouvernement fort, régulier, vigoureux; elle a voulu que la responsabilité s'exercât, ainsi que j'ai eu l'honneur de l'expliquer, par le droit de pétition et par vous, par chacun des membres de cette Assemblée.

Et maintenant, les pouvoirs du président ainsi établis, la responsabilité ainsi expliquée, le Gouvernement a-t-il eu tort, et la commission a-t-elle eu tort d'adopter le mot offense? Que pouvait-elle y substituer? J'ai dit à l'Assemblée que les mots diffamation, injure, s'appliquaient, dans la législation existante, aux fonctionnaires publics. J'ai dit les graves inconvénients, inconvénients, selon moi, d'une nature telle qu'il est impossible que l'Assemblée veuille un seul instant soumettre le président de la République à l'obligation de faire la preuve, et à la condition des fonctionnaires publics en France.

Quel était le terme que la commission pouvait choisir? Nous avons vu qu'il y avait une raison de dignité dans le président, puisqu'il représente la France à l'étranger, puisqu'il est le pouvoir exécutif. Eh bien, quelle était cette raison de dignité? Fallait-il ou ne fallait il pas que, dans la loi, il fût présumé innocent des faits qu'on lui imputerait? Ainsi, tandis qu'on a dit pendant deux mois, cette année ci, tous les jours, qu'il trahissait la République, qu'il trahissait la France, qu'il pactisait, au dehors, avec l'étranger, qu'il méditait un coup d'Etat au dedans, ne fallait-il pas, dans un intérêt politique, gouvernemental, qu'il fût présumé innocent? Eh bien, le mot d'offense n'a pas d'autre objet. Il est présumé innocent, et l'on n'admet pas à faire la preuve. Nous avons adopté ce motlà précisément parce qu'il est l'expression d'une necessite publique incontestable; nous l'avons adopté, parce qu'aucun autre ne peut le suppléer: non-seulement on ne peut pas le suppléer dans la loi, mais même dans l'effet moral. Il suffit que les magistrats, que les fonctionnaires publics aient été placés, en France, jusqu'ici, dans la législation pénale, qu'ils aient été placés parmi ceux auxquels s'applique le mot outrage, pour qu'il soit impossible, politiquement, de ne pas l'appliquer au président.

Quel danger voyez-vous dans le mot offense? Est-ce parce qu'on aura appliqué au président, le chef du pouvoir exécutif, ce que le décret du 11 août a fait pour l'Assemblée nationale, qui est le pouvoir législatif, que la République sera perdue? Est ce que la République a intérêt à ce qu'on offense son chef? (Rumeurs à gauche.)

LE CITOYEN BAC. Je demande la parole.

LE CITOYEN RAPPORTEUR Comment se fait-il que ee soient les républicains les plus dévoués... Je ne voudrais pas discuter sur les mots, s'il faut, à chaque instant, dire chef du pouvoir exécutif, je le ferai; mais quand je dis qu'il est le chef de la République, je veux dire qu'il est le chef du pouvoir exécutif sous le régime républicain. Y a-t-il quelqu'un ici qui voulut abdiquer sa position de souveraineté, au profit du président? Nullement. Seulement il ne faut pas non plus, quand la constitution a séparé les pouvoirs, venir dire: Les

pouvoirs sont réunis, le président est un simple fonctionnaire. Cette assimilation est impossible.

Je comprends les réclamations de ce côté (la gauche), car de ce côté là on voulait, les uns un président nommé par l'assemblée et révocable à volonté, et les autres ne voulaient pas de président.

C'est précisément parce que nous avons un président, et qu'il n'est pas révocable, parce que, n'étant pas révocable, il est accusable simplement dans les limites et dans les formes tracées par la constitution, il est accusable par l'Assemblée seule, qu'il ne doit pas étre laissé à la merci de toutes les attaques et à ce système de dénigrement qui, sans cesse répé tés, produit des effets tels que la considération nécessaire au chef du pouvoir exécutif d'un grand Etat comme la France en est bientôt amoindrie, et puisjanéantie.

Teiles sont les raisons, messieurs, qui ont déterminé la commission, et dont je maintiens que l'honorable M. Charamaule n'a pu détruire la portée.

LE CITOYEN CHARAMAULE. Je demande la parole. (Exclamations diverses.)

LE CITOYEN BAPPORTEUR. Je lui laisse la parole, et j'espère que tout ce qu'il pourra dire de nouveau laissera intact dans vos esprits l'effet des considérations que je viens de

présenter au nom de la commission.

(Les citoyens Nettement, Bac et Charamaule se présentent en même temps à la tribune. (Hilarité.) Après quelques mots échangés entre eux, la parole reste à M. Nettement.)

LE CITOYEN NETTEMENT. Messieurs les représentants, j'appartiens à la minorité de la commission. J'aurais désiré que le mot offense fut remplacé par d'autres mots dans l'arti cle qui vous est présenté.

LE CITOYEN BAROCHE. Je demande la parole.

LE CITOYEN NETTEMENT. Nous sommes tous d'avis que le président de la République doit être respecté : c'est un pouvoir, c'est le chef du pouvoir exécutif; à ces deux titres et, comme issu du suffrage universel, il faut que la loi lui asssure le respect qui lui est dû; mais il faut aussi, et c'est le second principe que je pose, que les garanties, que les prescriptions légales qui lui assureront ce respect soient en harmonie avec la nature de son pouvoir et la position que lui fait la

constitution.

Eh bien, messieurs, je crois que, bien à son insu, la majorité de la commission, en adoptant le mot offense, s'est écartée de cette règle.

Je vous demande la permission de mettre quelques textes sous vos yeux; ces textes éclairciront bien mieux la question que la discussion à laquelle je pourrais me livrer.

D'abord, vous savez qu'il y avait un article, dans la charte de 1814, qui disait que la personne du roi devait être inviolable, irresponsable et sacrée.

Quand on fit la loi sur la presse, en 1819, il fallut naturellement mettre en harmonie la loi de la presse avec cet article de la charte.

C'est alors qu'on fit l'art. 7 de la loi de 1819; je vous demande la permission de vous donner lecture de cet article tel qu'il était dans son texte primitif :

« Quiconque, par l'un des moyens énoncés dans l'art. I de la présente loi, ce sera rendu coupable d'imputations offensantes ou d'allégations offensantes contre la personne du roi, sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être moindre de six mois. >>

Vous voyez qu'il y a une harmonie parfaite entre l'article de la charte qui déclarait la personne du roi inviolable et sacrée, et l'art. 7 de la loi de 1819, qui ne permettait pas d'imputation offensante envers la personne du roi.

Il y a quelque chose qui éclaircit encore la question, ce sont les termes du rapport de M. de Serres, le garde des sceaux d'alors, qui présentait la loi. Je vous demande aussi la permission de vous donner lecture de deux ou trois phrases de son rapport.

L'exposé des motifs fut lu dans la séance du 23 mars 1819; et M. de Serres disait :

« L'art. 7 n'a pas besoin de commentaire.

« Si, en vertu du principe de l'inviolabilité, la personne du roi est en quelque sorte au dessus de la toute-puissance des lois, à combien plus juste titre doit-elle être placée audessus des atteintes de la témérité de ses sujets. Quand le respect dû à la majesté suprême est méconnu, la société tout entière est ébranlée dans ses fondements. »

Vous voyez ici que tous les mots portent. C'est l'inviolabilité, c'est la personne du roi en quelque sorte au-dessus de la toute-puissance des lois; c'est ensuite que la personne du roi doit être placée hors des atteintes de la témérité de ses sujets; et puis enfin vient le respect dû à la majesté supreme. Vous Voyez donc que tous les termes de l'exposé des motifs de M. de Serres commentent le texte de la loi dans le sens que je vous ai présenté.

Il faut vous dire, messieurs, comment on passa de ces mots, allegations offensantes au mot d'offense; et ici, pour rester toujours dans la fidélité textuelle des rapports qui furent présentés à cette époque, je vous demande la permission de vous lire deux phrases du rapport de M. de Broglie à la chambre des pairs.

M. le duc de Broglie donnait les motifs suivants de cette substitution dans son rapport, le 17 mai 1819:

« On a pensé qu'il existait des êtres individuels ou collectifs placés si haut dans le respect des hommes, que le trait le plus empoisonné lancé contre eux ne peut les atteindre. Quoi que l'on publie à leur sujet, peu importe en ce qui les concerne personnellement; il y a delit, mais il n'y a pas dommage; il y a un criminel, mais il ne peut y avoir de victime. Voilà un délit particulier que le mot offense caractérise particulièrement. »

Un membre sur le banc de la commission. Continuez, lisez une phrase de plus.

LE CITOYEN NETTEMENT. Vous voyez donc que la question est toujours dans le même système d'idées : c'est toujours l'irresponsabilité, l'inviolabilité, une nature de puissance au-dessus de la loi; enfin c'est la nature du pouvoir royal.

Il est vrai qu'on n'applique pas, comme M. le rapporteur l'a dit, le mot d'offense aux corps constitués; mais, ici, je vais encore vous donner un texte de M. Courvoisier qui parle comme rapporteur dans cette loi et qui explique pourquoi cet article fut appliqué aux corps constitués: « Le mot diffamation suppose non-seulement l'intention, mais l'effet de porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'autrui, par l'imputation d'un fait qui peut être vrai; mais quand la loi refuse la preuve de la vérité de l'assertion, elle se refuse par cela même à la possibilité du vrai; ce n'est plus la diffamation qu'elle punit, c'est la calomnie qu'elle repousse.»

Vous voyez qu'il faut qu'il s'agisse d'un pouvoir irresponsable, car, si on ne peut pas prouver le fait devant la juridiction ordinaire pour le président de la République, on le peut par la demande d'une mise en accusation portée devant la haute cour nationale, si l'Assemblée prononce la mise en accusation. Enfin, comme on l'a dit, le mot d'offense fut appliqué aux princes de la famille royale. Mais là fut encore une raison donnée par M. de Marchangy: c'est que la loi entendait moins venger la personne du prince, le prince luimême, que la majesté royale qui se réfléchit sur sa per sonne.» (Exclamations diverses.)

Je crois que ces courtes observations vous prouvent trèsbien que le mot d'offense est lié, inséparablement lié à l'irresponsabilité et à l'inviolabilité du pouvoir royal: cette inviolabilité et cette irresponsabilité n'existant plus, je crois que le pouvoir exécutif doit être protégé par d'autres garanties et par des lois conçues en d'autres termes. C'est pour cela qu'il me semble qu'en appliquant aux délits qui pourraient être commis contre le président de la République les mots de diffamation, d'injuré, d'outrage, on atteindrait le

but qu'on s'est proposé, et qu'on l'atteindrait sans sortir de l'esprit de la constitution.

En effet, tous ces termes sont définis, et vous allez voir qu'ils le sont d'une manière très-satisfaisante.

La loi de 1819 définit ainsi la diffamation et l'injure : « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation.

Voilà une définition bien large et qui empêchera toutes les allégations qui pourraient nuire à la considération ou à la personne du président de la République.

Et puis l'outrage, voilà comment il le définit :

« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invectives, qui ne renferme l'imputation d'aucun fait, est une injure. >> Avec les mots de diffamation et d'injure, on pourvoit à

tout.

M. le rapporteur a fait à cela une observation, c'est que ce serait une chose triste si le président de la République était obligé de comparoir, comme les fonctionnaires, devant un jury, pour faire la preuve contraire quand une diffamation serait dirigée contre lui.

Je suis de l'avis de M. le rapporteur sur ce point; mais je crois que la diffamation contre le président de la République, étant une diffamation dirigée contre un pouvoir, ne se trouve pas dans les mêmes conditions que celles dirigées contre un particulier, et que la preuve ne peut être admise.

Un membre. Non pas contre un particulier, mais contre un fonctionnaire.

LE CITOYEN NETTEMENT. C'est un pouvoir et non un fonctionnaire. Je crois donc qu'en adoptant les mots d'injure, d'outrage, de diffamation avec la réserve que j'ai faite, vous pourvoirez à la nécessité, et vous resterez dans la constitution, ce qui est un grand avantage. (Chuchotements à gauche); car, toutes les fois qu'on en sort, on autorise des soupçons malheureux, on est plus faible au lieu d'être plus fort.

Je ferai une dernière observation: c'est qu'il y a dans un pays à côté du nôtre un peuple, qui est pourtant sous la loi monarchique, chez lequel le mot offense n'est pas prononcé dans la loi qui protége la personne du roi. Ce pays, c'est la Belgique. Elle n'admet que les délits d'outrage et de calomnie contre le roi, et cependant le roi est protégé.

Ce serait une chose singulière que d'appliquer le mot offense à un président de la République, responsable et élu par le suffrage universel, digne sans doute de toute sorte de respect, quand on ne l'applique pas à un roi dans un pays voisin. (Approbation à gauche.)

LE CITOYEN ODILON BABROT, président du conseil. Messieurs, si, comme on le prétend, le mot offense, introduit dans la loi, excluait la responsabilité du président de la République, le droit de l'accuser et par conséquent le droit de critiquer ses actes, il faudrait à l'instant même rayer le mot offense de votre loi, car le droit d'attaquer, d'accuser, de critiquer, de mettre en jeu la responsabilité du Président de la République, est écrit dans la constitution; et, par une loi secondaire, détruire une disposition fondamentale de la constitution, ce serait un acte téméraire de la part du ministère, et qui ne pourrait avoir votre concours. (Bruits divers. Rires ironiques à gauche.)

Là est la seule difficulté sérieuse. Le mot offense exclut-il la responsabilité légale et constitutionnelle du président? Je n'en vois pas d'autre, quant à moi; car, si l'on repoussait ce mot parce qu'il élève trop haut cette magistrature populaire, parce qu'il assure trop de respect à ce pouvoir qui émane du suffsage universel, parce qu'on veut établir des distinctions entre le respect dû à telle autorité ou à telle autre, je dirai que nous n'admettons pas que le premier magistrat de la République, ce pouvoir qui sort des entrailles du suffrage universel, qui est chargé de représenter la République française dans tous ses rapports avec l'étranger et d'assurer à l'intérieur l'exécution des lois, que cette magistrature

puisse être trop respectée; et si l'on voulait la subordonner | réunir sur une tête la consécration du suffrage direct et unidans cet ordre de respect, on commettrait un ananachronisme. Ce n'est donc qu'autant que ce mot offense jette quelque doute sur la portée de la disposition constitutionnelle sur la responsabilité, et semble l'exclure, que l'objection

commence à naître.

Il faut donc établir que le mot offense, pas plus que celui d'injure, pas plus que celui d'outrage, beaucoup moins que celui de diffamation, n'exclut la responsabilité du président de la République, et que ce mot seul répond au besoin auquel nous voulons satisfaire par la disposition de la loi. Quand, dans la loi de 1835, on a voulu tirer la conséquence de l'inviolabilité de l'autorité royale, de son irresponsabilité, ce n'est pas dans le mot offense qu'on a écrit ce principe, c'est dans une disposition formelle de l'art. 4, ainsi

conçue :

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Quiconque fera remonter au roi le blâme ou la responsabilité des actes de son gouvernement sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende. ... etc.»> Là est l'irresponsabilité, là est la sanction pénale de l'irresponsabilité. Ainsi, faire remonter au roi la responsabilité des actes de son gouvernement, cela n'était pas permis sous la monarchie, cela est fondamental sous la République. Vous propose-t-on de faire revivre cet article, de punir celui qui invoque la responsabilité du président de la République, d'établir ainsi une assimilation entre deux formes de gouvernement essentiellement distinctes, distinctes surtout par cette différence de la responsabilité et de l'irresponsabilité? Non, on ne vous le propose pas. On vous propose d'interdire, quoi? On vous propose d'interdire l'offense, l'outrage, ce qui n'est pas l'exercice de ce droit légitime d'invoquer la responsabilité du président de la République.

Et pourquoi voulons-nous interdire l'offense? Mon Dieu, nous interdisons l'offense, parce qu'ici ce n'est précisément pas l'acte attaquable par les voies légales. C'est la dignité de la personne, c'est le caractère, c'est le respect, c'est la dignité, c'est tout ce qui ne peut pas être attaqué sans dommage pour la République, que nous voulons préserver.

République, ceux qui s'accommodaient mieux de je ne sais
versel du pays, ceux qui prétendaient que c'était fausser la
quelle oligarchie qu'ils voulaient mettre à la place du pouvoir
constitué par la sagesse et par l'expérience même de l'assem-
blée constituante, ceux-là, oh! je le comprends parfaitement,
de sa force morale; ils ne demanderont pas mieux que de voir
se préoccuperont très-peu de la dignité de cette magistrature,
cette magistrature exposée à descendre incessamment et tous
les jours en police correctionnelle pour se débattre contre le
premier journal qui viendra lui jeter son défi et lui donner
ceux-là ne demandent pas mieux.
son rendez-vous à la barre du tribunal correctionnel. Oh! oui,

qui ont reconnu qu'elle était une puissante garantie de liberté, Mais ceux qui ont pris au sérieux cette magistrat ure, ceux de sécurité dans l'Etat, qui ont mieux aimé cette magistrature responsable que la puissance irresponsable d'un pouvoir collectif; ceux qui ont constitué cette magistrature, en faisant du pouvoir exécutif, en ne le combattant que par la resreposer sur elle les pouvoirs immenses attribués au chef ponsabilité sérieuse devant l'Assemblée nationale, ceux-là voudront au moins lui assurer le respect qui lui est nécesquestion. Il ne s'agit pas, comme pour la diffamation contre saire pour accomplir dignement sa fonction. Là est toute la public, de protéger son honneur individnel. Il s'agit bien de un particulier ou la diffamation contre un fonctionnaire son honneur individuel, mais son honneur individuel, vous avez le droit de l'attaquer par l'accusation, vous avez le droit de lui imputer un fait qui, s'il était vrai, non-seulement porterait atteinte à son honneur privé, mais le mettrait en face des sévérités de la loi.

C'est votre droit, votre droit constitutionnel. Il n'y a pas de loi de diffamation pour le protéger contre l'exercice de ce droit. Mais qu'est-ce que la loi de diffamation fait? Elle ne porterait atteinte à son honneur. Voulez-vous protéger le fait que protéger le particulier contre toute imputation qui président de la République comme un simple citoyen, et lai dire: Vous êtes protégé contre toutes les diffamations? Mais Et cela est si vrai, que vous proposez de substituer à ce mot le mot de diffamation, et de défendre la preuve; parce le coup moral est porté; mais celui qui a diffamé ne pouvant que vous sentez bien que si vous vous borniez à mettre le faite devant l'opinion publique, et celai qui a été diffamé en pas faire sa preuve devant le tribunal, la preuve est au moins mot diffamation dans la loi et que vous permissiez la preuve, selon le droit commun, toutes les fois que la diffamation est tection aux dépens de son honneur. Voulez-vous placer le est souvent à regretter que la loi lui ait accordé une telle proadressée contre un fonctionnaire public, vous feriez de la pre-président dans une pareille situation, que si vous le consimière magistrature de la République la condition la plus dérez comme fonctionnaire, vous êtes obligés de reconnaître misérable de ce pays. contraire à son honneur, sous la seule condition de la vérité? que tout le monde a le droit de lui ímputer un fait qui serait Alors vous le soumettez à la preuve, alors vous le faites descendre dans l'arène judiciciaire, tous les jours, incessamment ; vous détruisez sa dignité, vous lui enlevez toute force morale, si haut que pour qu'il soit un but plus assuré à tous les coups et alors que vous l'avez élevé, vous semblez ne l'avoir élevé qui lui seront portés.

Mais l'expérience la plus récente ne vous prouve-t-elle pas, ne savez-vous pas que c'est là le point de mire, le but de toutes les passions, de toutes les colères, de tous les ressentiments, de toutes les ambitions qui fermentent daus ce pays? Ne savez-vous pas que, lorsqu'on a voulu troubler cette société, lorsqu'on a voulu y allumer la guerre civile, lorsqu'on a voulu renverser tous les pouvoirs établis, on s'est attaqué à la clef de voûte, on s'est attaqué au président de la République? (Rumeurs à gauche.) On avait essayé vainement de faire disparaître de la constitution cette première magistrature; elle était importune; c'était, disait-on, un retour à la monarchie...

A gauche. C'est vrai!

LE CITOYEN PRÉSIDENT DU CONSEIL. C'est vrai! Vous étiez parfaitement conséquents avec vous-mêmes.

A gauche. Nous faisions un acte constitutionnel; vous n'avez pas le droit de l'attaquer.

LE CITOYEN LACROSSE, ministre des travaux publics (s'adressant aux interrupteurs de gauche). En disant : « C'est vrai!» vous protestez contre la constitution.

Voix à gauche. Vous faites un acte inconstitutionnel; vous attaquez la constitution!

A droite. C'est vous qui l'attaquez, la constitution! LE CITOYEN PRÉSIDENT DU CONSEIL. Ceux qui n'ont pas voulu d'une présidence, ceux qui n'ont pas voulu

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La diffamation n'est donc pas le mot propre; il ne s'agit pas de protéger son honneur contre une imputation, il ne s'agit pas de protéger son honneur par la défense de faire la preuve. Il s'agit de protéger son autorité et sa dignité; il s'agit de protéger en lui, non pas l'individu, non pas la perauquel la constitution doit conserver toute sa force. sonne, mais le pouvoir que la constitution a érigé, le pouvoir Voilà ce dont il s'agit.

N'espérez donc pas substituer le mot diffamation au mot offense, cela vous entraînerait dans une voie toute differente, cela vous détournerait du but qu'il faut atteindre, protéger le pouvoir, lui assurer le respect.

nitions, vous le savez bien, et qui dans le langage des lois et Quant à l'outrage, quant au mot injure, ce sont des défimême dans le langage du monde, ne peuvent pas s'appliquer les plus polies en apparence, ne sont souvent que plus perà cette série d'insinuations qui, même revêtues des formes fides, et n'arrivent que plus sûrement à la dégradation des

pouvoirs contre lesquels elles sont dirigées. C'est pour cela que le mot offense a été inséré dans la loi. Il est possible que vous ayez à accuser notre langue d'une trop grande stérilité, qu'il soit fâcheux de reproduire un mot qui a été appliqué à d'autres pouvoirs et à d'autres temps, mais que vous ne pouvez pas détourner de sa véritable acception. Le mot offense appliqué au président de la République ne peut pas exclure la responsabilité, il l'exclut moins que le mot diffamation; il l'exclut moins, car la diffamation peut être appliquée à l'exercice du droit que précisément vous voulez préserver et sauvegarder, tandis que le mot offense ne peut jamais exclure le droit d'accusation, droit sérieux, grave, constitutionnel, d'accusation contre le président de la République.

Quand j'use de mon droit vis-à-vis du président de la République, quand, restant dans toutes les formes du respect que je lui dois tant qu'il n'y a pas de condamnation, lorsque restant dans toutes les formes du respect, usant sérieusement et consciencieusement des droits que me donne la constitution de lui imputer tel ou tel fait, j'use d'un droit, je n'offense pas. L'offense est non-seulement dans la nature de l'imputation, mais dans sa portée et dans son intention, et c'est ici que j'ai été vraiment étonné d'entendre l'honorable M. Charamaule me contester l'influence inévitable et nécessaire de l'appréciation du jury. C'est précisément toutes les fois qu'un fait peut varier selon sa portée, selon son intention, que cette intervention du jury, dans son appréciation consciencieuse et souveraine, non-seulement est utile, mais est inévitable; vous ne pouvez pas faire des lois de la presse sans que cette intervention du jury, cette appréciation souveraine ne soit une nécessité impérieuse; et c'est pour cela que, dans toutes les circonstances et toutes les fois que des lois sur la presse ont été discutées, tous les amis de la liberté ont toujours mis au premier rang la conservation de cette juridiction du jury, de cette appréciation souveraine du jury, parce que là sont toutes les garanties et au profit de la société et au profit de la liberté. Le ministère est donc d'avis du maintien du mot offense. (Aux voix !)

Un membre à l'extrême gauche. Qu'est-ce qui ne sera pas offense? Y aura-t-il offense quand on parlera de Strasbourg et de Boulogne? (Bruit.)

LE CITOYEN BAC. J'avais demandé tout à l'heure la parole pour répondre à M. le rapporteur, et c'est plutôt à lui qu'à M. le ministre de la justice que je sens encore le besoin de répondre. M. le ministre de la justice a essayé de donner du mot offense une définition qui, si je ne me trompe, n'est pas celle qui a été dans l'esprit de la commission. J'aime beaucoup, et nous devons tous aimer, dans les lois, les termes précis, dont chacun peut se rendre compte, qui portent avec eux leur définition, ou qu'une définition accompagne. Ici je demande ce que veut dire le mot offense; la loi ne contient pas de définition.

LE CITOYEN PRÉSIDENT DU CONSEIL. Il se définit lui-même.

LE CITOYEN BAC. Les rapports des anciennes commissions des lois sur la presse contiennent des définitions qui ne peuvent plus aller à notre République.

M. le ministre de la justice vient d'en donner une, mais trop éloquente, trop étendue pour qu'on puisse la lire au jury chaque fois qu'un fait lui sera soumis.

Il en faut une, cependant. Où la trouvera-t-on? Dans le rapport lui-même. Le rapport a eu soin d'aller au-devant de toutes les difficultés qui se présentent.

Maintenant le mot offense n'a pas été choisi au hasard; il y avait déjà dans la loi des répressions contre la diffamation, contre l'outrage, contre l'injure même. Le mot offense est un mot qui renferme tous ceux-là, en les atténuant, en les affaiblissant, en prenant en lui-même toutes les nuances d'attaque, comme le dit la commission.

Voici la définition qu'elle donne : « Le mot outrage proposé dans la commission serait impropre, car le dénigrement systématique peut se concilier avec un certain ménagement ASS. NAT. LÉGISL. TOME II.

dans l'expression. Quel est le terme qui comprendra toute attaque, distincte de ce qui, en langage ordinaire, s'appelle une insulte, une injure ou un outrage, et qui néanmoins est de nature à jeter sur la personne, comme sur les intentions du premier magistrat de la République, des insinuations portant atteinte à sa considération et à son honneur? Cependant, dans ses fonctions constitutionnelles, il est le délégué direct du peuple français; sa personne et son caractère doivent être l'objet d'une protection spéciale. Le mot offense a paru à la commission le seul propre à y pourvoir, parce qu'il comprend toutes les nuances d'attaque. »

Ainsi voilà un mot qu'on ne définit qu'en disant qu'il ne parle ni de ce qui est diffamation, ni de ce qui est outrage, ni de ce qui est injure, ni de ce qui est insulte, mais de quelque chose qui échappe à toutes les définitions de ces mots, restés cependant comme une nuance d'attaque pouvant peser sur les actes, sur la personne, sur les intentions du président de la République.

Messieurs, ce mot offense, on a raison de le dire, il renferme tout. Selon les temps, selon les circonstances, selon les caractères...

LE CIYOYEN CHABAMAULE. Selon les lieux! LE CITOYEN BAC....Selon les lieux, on peut se sentir très-diversement touché d'une impression, d'un acte, d'une pensée. On peut voir aujourd'hui une offense là où hier on ne voyait qu'une vérité. Avec le mot offense vous iriez atteindre successivement tous les actes, toutes les paroles, toutes les intentions de la vie humaine. Lorsque les mots sans définition, les mots vagues comme celui d'offense, furent introduits dans les lois, ce fut la fin du règne des lois; lorsque, sous l'empire romain, le mot de lèse-majesté fut introduit, ce fut la ruine des principes mêmes des lois romaines. On voyait un crime de lèse-majesté dans les actes les plus vulgaires, les plus innocents, et c'en fut un que de ne pas porter, sur soi les images des empereurs romains.

LE CITOYEN ODILON BABBOT, président du conseil. Ce n'était pas le jury qui prononçait alors.

LE CITOYEN BAC. Vous me dites: Il n'y avait pas alors de jury qui prononçait.

Oui, le jury offre des garanties; et, tant que vous ne nous l'enlèverez pas, il restera de légitimes espérances aux amis de la liberté. Mais le jury lui-même a besoin d'être protégé par la netteté, la clarté de la loi; il ne faut pas qu'on puisse altérer son sens, son esprit, en lui soumettant légèrement des faits qui, en eux-mêmes, ne constituent pas de délits; mais il faut que, chaque fois que vous saisirez le jury d'une accusation, vous lui apportiez des définitions nettes et précises, et que rien ne soit laissé au caprice des magistrats, quelquefois mobile, suivant les passions, les nécessités du moment (Approbation à gauche); il faut que, dans votre loi, il n'y ait rien qui ne porte avec soi sa clarté et sa définition.

Le mot offense, le voulez-vous dans le sens qu'on lui altribuait dans la loi de 1822 et dans la loi de 1825? Non, vous ne voulez pas que cette délicatesse de protection dont on avait voulu entourer une monarchie considérée comme légitime, qui était une foi, à laquelle on ne pouvait pas plus porter atteinte qu'aux choses sacrées; vous ne voulez pas qu'un semblable principe protége un président responsable d'une République ; vous ne pensez pas que la protection qui pouvait convenir à la monarchie puisse lui convenir. Vous avez raison; il y a des protections fatales, dangereuses. A chaque chose, il faut la protection qui lui est propre. A la monarchie qui tombait,' qui s'en allait de vétusté, qui ne portait plus en elle-même le principe même du respect qu'elle devait inspirer, il fallait des lois de répression pour conserver devant elle un fantôme de respect à la place du respect réel qui s'en était allé. A gauche. Très-bien! très bien !

LE CITOYEN BAC. Sachez bien ceci : Le respect émane des personnes; on ne le fait pas autour d'elles. Le respect est comme la lumière qui vient des corps lumineux: on ne fait pas la lumière autour du soleil, elle vient de lui; on ne fait

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pas le respect autour de la monarchie, il vient d'elle quand elle a encore sa grandeur et sa force premières. (Approbation 、 à gauche.)

Ainsi ne créez pas des barrières toujours facilement franchies, autour de la majesté de votre président de la République; sachez qu'il y a au moins autant de grandeur dans cet empereur qui, apprenant que ses statues avaient été renversées disait « Je ne me sens pas blessé!» que dans cet autre qui faisait conduire au supplice ceux qui avaient placé dans des lieux néfastes ses propres statues.

La grandeur vient de l'homme; elle ne lui est pas communiquée par les choses extérieures. Vous ne pouvez donc pas faire que le respect s'attache au président de la République, en vertu d'autre chose qu'en vertu des principes mêmes de la République, qu'en vertu des principes qui le font exister, qu'en vertu du bien qu'il fera, qu'en vertu de la force, de l'intelligence avec lesquelles il dirigera les destinées de la République.

C'est pour cela, citoyens, qu'à la place de l'inviolabilité, de l'irresponsabilité, qui sont les bases de la monarchie, et qui protégent le monarque, vous avez mis la responsabilité pour le président de la République. Sa grandeur, où l'avez-vous prise? A deux sources: d'abord, dans le suffrage universel, qui l'investit de sa délégation; et, ensuite, dans l'obligation même où il se trouve lui-même d'incliner à chaque instant son pouvoir devant les autres pouvoirs de l'Etat et devant les principes écrits dans la constitution.

Voilà où est la force du président de la République. Eh bien, le président de la République, dans ces temps ci et dans tous les temps, peut être l'objet d'attaques. Ces attaques peuvent être justes ou injustes. Si elles sont injustes, et elles le sont quand on reproche au président de la République des faits qui ne sont pas exacts, c'est la diffamation; il y a la preuve ; quand, à l'occasion de faits exacts ou inexacts, on emploie des expressions qui, sortant de la limite d'une discussion ordinaire, arrivent à l'insulte, à l'injure ou à l'outrage, alors, dans la formule, dans l'expression, même quand on est dans la vérité, on peut arriver à outrager, à sortir de certaines mesures où tout homme doit se renfermer, s'il veut, je ne dis pas être respecté, mais être écouté. Ce sont là des délits; ils sont déjà prévus; ils sont déjà définis par les lois; les lois protègent tous les fonctionnaires de la République; elles protégent les ministres et je m'étonnerais que le président de la République ne se trouvât pas suffisamment protégé par les lois qui ont suffi à tous les ministres.

LE CITOYEN PRÉSIDENT DU CONSEIL. C'est bien différent !

:

pouvoir exécutif, fût en même temps le premier sujet du suffrage universel et de la constitution; nous avons voulu qu'il n'eût droit à d'autres prérogatives, à d'autres respects qu'à ceux qui sont dans la constitution et dans la loi. Nous avons voulu qu'il ne fût, en un mot, que le premier des citoyens, et que le principal signe de sa grandeur fût celui-ci qu'il fat soumis aux mêmes lois que tous les autres citoyens. (Mouvement.) Nous disons les mêmes lois, et voici pourquoi nous disons cela : c'est qu'en mettant le mot offense dans la loi, vous créez pour lui un genre de protection qui n'existe pour personne; car je ne sache pas qu'un citoyen dans l'Etat soit protégé contre les offenses non définies dirigées contre sa personne.

Voix diverses. Les membres de l'Assemblée !

LE CITOYEN BAC. Contre les offenses dirigées contre nos personnes! Non. Nous, membres de l'Assemblée, nous sommes soumis, à part un article de la constitution qui nous protége pendant vingt-quatre heures, nous sommes soumis aux mêmes lois que tous les citoyens. Nous n'avons pas de respect particulier qui nous soit da. Nous sommes protégés, en tant que particuliers, par la loi qui protége les particuliers. Mais, en tant que corps, en tant qu'Assemblée nationale, dans cet assemblage qui constitue ce qu'il y a de plus souverain dans l'autorité de ce pays-ci, nous sommes protégés contre l'offense, et nous sommes protégés contre l'offense par la loi du 11 août, qui a accepté ce mot.

Mais M. Thiers, hier, faisait un argument d'une grande puissance. Il disait à un côté de cette Assemblée : Vous ne pouvez pas reculer dans l'accomplissement de l'œuvre, car vous l'avez commencée; vous ne pouvez pas ne pas accepter le reste des lois de septembre, car vous les avez fait entrer vous mêmes dans votre législation, le 11 août; vous ne pouvez pas parler de votre amour pour la liberté illimitée de la presse, car vous lui avez déjà porté, depuis 1848, des coups assez

mortels.

Il avait raison de parler ainsi; il avait raison, mais quelle raison? Celle de Méphistophélès, qui dit à Faust: « Tu ne peux l'empêcher de commettre ce crime, car tu en as commis bien d'autres. » (Vive approbation à gauche.) Il n'avait pas raison contre nous, qui avions protesté au mois d'août contre le mot offense, comme nous protestons aujourd'hui contre ce mot; il n'avait pas raison contre ceux qui ont protesté alors comme aujourd'hui contre l'état de siége; il n'avait pas raison contre nous qui, alors comme aujourd'hui, avons porté à la tribune notre amour inaltérable de la liberté de la pensée et de l'opinion.

Ainsi cet argument ne peut pas nous toucher.

Si donc aucun citoyen n'est protégé par ce mot vague

LE CITOYEN BAC. Je sais bien qu'on s'efforce depuis longtemps, de faire de grandes distinctions entre les mem-d'offense, le président de la République n'a pas plus le droit bres du pouvoir exécutif temporaires, choisis par le pouvoir d'être protégé qu'un autre. Je dis plus, je dis qu'en voulant exécutif, entre les ministres et le président de la République le protéger avec tant d'imprudence, on lui porterait peut-être lui-même, qui, au lieu de recevoir sa délégation de l'Assemblée un coup dangereux. Il vaut mieux, selon moi, que dans un l'a reçue du peuple. Je sais très-bien qu'on s'efforce de créer Etat républicain, avec nos mœurs actuelles, un fonctionnaire autour de lui une foule d'institutions qui ont pour bat d'al-public, le président de la République, le fonctionnaire le plus térer la nature de la présidence elle-même. haut de tous...

Je le sais, et je le savais très-bien avant même que le président de la République n'existât, car lorsque je montai à la tribune pour demander qu'il n'y eût pas de président de la République et que l'Assemblée gouvernât elle-même, je faisais remarquer que le président de la République, issu même du suffrage universel, serait beaucoup plus impuissant, beaucoup moins grand, que ne se le figuraient ceux qui voulaient alors l'institution d'un président choisi par le suffrage universel. Mais la constitution existe; elle a créé pour le président une position; cette position ne peut être agrandie, ne peut être dénaturée; cette position a été créée à dessein; nous n'avons pas voulu faire le président de la république trop grand, nous n'avons pas voulu que les destinees de la France pussent jamais se personnifier dans un homme; nous avons voulu que la France put toujours les tenir dans ses mains; nous avons voulu que le président de la République, chef du

Au banc de la commission. C'est un pouvoir !

LE CITOYEN BAC. Soit, le pouvoir, si vous voulez!... Il vaut mieux, selon moi, que, comme nous sommes dans l'Assemblée placés dans la lumière, dans la contradiction, dans la discussion, il soit obligé de rendre compte de tous ses actes, prêt à les discuter envers et contre tous, et partout.

Au banc de la commission. Sans insulte!

LE CITOYEN BAC. Oui, sans insulte. Je dis que là est le principe et le germe de toute force véritable; je dis qu'il n'y a rien qui croisse avec plus de force et qui étende plus loin ses rameaux que ce qui a ses racines dans la liberté de discussion, et que nous ferions mieux de laisser le président de la République exposé à cet air violent des tempêtes révolationnaires et des discussions de journaux, que de l'enfermer dans je ne sais quelles précautions qui, sous prétexte de le protéger, pourraient bien, plus tard, servir à l'étouffer.

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