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l'Allemagne, par un traité signé à Stockholm, le 3 mars dernier, entre l'Angleterre et la Suède. Mais des deux côtés les forces seront doublées et triplées à mesure que la campagne avancera. Napoléon pourra faire entrer en ligne jusqu'à quatorze corps, sans compter la jeune et la vieille garde, et la cavalerie.

Ces quatorze corps, qui forment la grande armée, sont ainsi commandés :

Le premier corps, organisé à Wessel, par le général Vandamme; le second, organisé à Wagram et sur la Saale, par le maréchal duc de Bellune; le troisième, organisé à Francfort, par le prince de la Moscowa; le quatrième, organisé en Italie, par le général Bertrand; le cinquième, organisé à Magdebourg, par le général Lauriston; le sixième, organisé à Hanau, par le maréchal Marmont; le septième, organisé à Torgau, par le général Reynier; le huitième, organisé en Lusace, par le maréchal Poniatowski; le neuvième, par le maréchal Augereau; le dixième, formant la garnison de Dantzick, commandé par le général Rapp; le onzième, organisé sur l'Oder, commandé par le duc de Tarente; le douzième, organisé en Italie, par le maréchal Oudinot; le treizième, organisé à Hambourg, par le maréchal Davoust; le quatorzième, organisé à Dresde, par le maréchal Saint-Cyr; la vieille garde commandée par le due de Dalmatie, et la jeune garde par le duc de Trévise; enfin, la cavalerie de la garde, composée de grenadiers à cheval, de dragons, de chasseurs et de lanciers, commandée par le maréchal, duc d'Istrie, remplacé plus tard parle général Nansouty.

L'armée de quatre-vingt mille hommes réunie par Napoléon à Erfurth a commencé son mouvement; elle manœuvre de manière à opérer sa jonction sur la Saale avec celle du viceroi; les deux armées pivotant alors, leur gauche appuyée sur l'Elbe, du côté de Magdebourg, marcheront sur Dresde, et repassant l'Elbe, elles iront porter le théâtre de la guerre sur le territoire même de la Prusse, frappant la coalition sous les murs de Berlin, tandis que l'Autriche opérera une puissante diversion du côté de la Bohême. Tel est plan de de Napoléon.

Le fleuve sur lequel vont se dérouler les épisodes de cette campagne, coule dans une direction à peu près parallèle au cours du Rhin et aux cours de l'Oder, de la Vistule et du Niémen, que les débris de la grande armée, conduits par Murat et par le prince Eugène, ont successivement traversés pour venir attendre au centre de l'Allemagne les puissants renforts de Napoléon. L'Elbe a son embouchure dans la mer du Nord. Après avoir baigné la ville libre d'Hambourg, elle remonte, par le sud-est, jusqu'à Havelberg. Formant alors un angle, l'Elbe décrit son cours par le sud jusqu'à Barln, un peu audessous de Magdebourg, où, changeant de direction, le fleuve incline de nouveau vers le sud-est, en passant par Dussau, Wittemburg, Torgau, Meissen et Dresde, pour aller plonger ensuite dans la Bohême. L'Elbe reçoit le tribut de plusieurs rivières, et parmi celles qui l'alimentent par sa rive gauche, la Saale est une des plus importantes. Le confluent de cette rivière est à Barln, sa source aux environs de Munchberg, sur les frontières du royaume de Bavière. De Munchberg à Barln, la Saale baigne Hoff, Saalfeld, Rudolstadt, Naumburg, Weissenfeld, Merseburg, Halle et Bemburg. L'Elbe, la Saale et la grande route de Hale à Dresde forment un vaste triangle qui est le champ de bataille des premières opérations de la guerre de 1813. Dans ce triangle, au confluent de la Partha, de la Pleiss et de l'Elster qui se jette dans la Saale, est située la ville de Leipsick; enfin, en arrière de Leipsick, coule la rivière de la Mulde, qui se réunit à l'Elbe sous les murs de Dusseau. Nous avons dit précédemment que l'armée française s'étendait parallèlement à la Saale, de Magdebourg à Saalfeld. Le début de la campagne consistant à border l'Elbe de Magdebourg à Dresde, on comprend maintenant la marche et le mouvement de pivot que la grande armée avait à faire pour franchir le triangle que nous venons de décrire. L'occupation de Leipsick devait être une des conséquences de cette marche. Napoléon a quitté Erfurth le 28. Il est à Eckartsberg le même jour. Le 29, les premiers engagements ont lieu avec les Prussiens et les Russes, au passage de la Saale, à Naumburg, à Merseburg, et le 30 à Weissenfels. Dans ces combats d'avant-garde, l'avantage reste aux Français, et tous les corps ennemis qui occupent la rive droite de la Saale sont refoulés sur Leipsick. Un combat qui a lieu le 1er mai, à Poserna, dans le défilé débouchant dans les grandes plaines de Lutzen et de Pegau, nous fait éprouver une perte cruelle. Le maréchal Bessière, duc d'Istrie, qui commande la cavalerie de la garde, est emporté par un boulet, et Napoléon prononce sur le corps du vétéran cette courte oraison funèbre : « Il est mort de la mort de Turenne. » Ce combat de Poserna ouvre et déblaie à Napoléon la route de Leipsick. Dans la soirée du 15 mai, il occupe le village de Lutzen, et il opère sa jonction avec l'armée du vice-roi, qui amène sous les murs de Leipsick le cinquième corps commandé par le duc de Tarente, et le onzième commandé par le général Lauriston: précieux auxiliaires pour la bataille inattendue du lendemain.

La position de l'armée française, le 2 mai, dans la plaine de I.utzen et de Pegau, était la suivante : sa gauche s'appuyait sur l'Elster, formée par les deux corps du vice-roi; le centre, commandé par Ney, était au petit village de Kaïa; Napoléon, avec la jeune et la vieille garde, tenait Lutzen; la droite, formée par le corps du duc de Raguse, occupait le défilé de Poserna. En arrière et en marche pour se rallier, le général Bertrand s'avançait avec le quatrième corps. Le général Lauriston avait reçu l'ordre de se porter sur Leipsick; cette ville paraissait devoir être vivement disputée; mais, à juger des forces de l'ennemi par les troupes qu'il avait déployées dans les précédents combats, on ne croyait pas à une bataille. On entendait une vive canonnade: c'était Lauriston qui forçait le passage de l'Elster et de Pleisse, au faubourg de Lindeneau. Impatient d'entrer dans Leipsick, Napoléon avait mis en mouvement, dès le matin, toute son armée, qui défilait en une longue colonne, encombrée d'équipages, de trains d'artillerie, de convois. Les divisions du prince de la Moscowa couvraient cette marche, et ne devaient pas quitter leurs positions avant l'occupation de la ville. Rien donc n'était préparé pour une action décisive; et c'est tout au plus si l'on supposait que l'armée ennemie arriverait à temps pour se mettre en ligne entre la Mulde et Leipsick, après la prise de cette place. Napoléon, accompagné du vice-roi et du maréchal Ney, traversait le champ de bataille où Gustave-Adolphe trouva la mort, et il venait de passer devant le monument élevé à la mémoire de ce prince, lorsque tout à coup d'immenses détonations et des clameurs confuses se font entendre du côté de Kaïa. C'est toute une armée qui débouche de Pegau, et qui se précipite avec un entraînement irrésistible sur notre droite, qu'elle prend ainsi par le flanc. La plaine est noire de ses bataillons; sa cavalerie est nombreuse, son artillerie formidable. Au premier choc, elle a culbuté nos régiments, tout composés de jeunes conscrits. L'empereur ordonne à Ney de se porter au galop au milieu de ses divisions, afin de les rallier. Quant à lui, entouré de ses officiers d'ordonnance, il improvise en quelques minutes son plan de bataille, arrête la marche de ses colonnes, les place en face de l'ennemi par un demi-tour à droite. Le duc de Tarente, qui s'était dirigé dès le matin vers Leipsick pour renforcer Lauriston, revient sur ses pas et formera notre gauche; le duc de Raguse, dont on presse l'arrivée par un message, se placera à notre droite. Le général Bertrand, encore éloigné,

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n'entrera en ligne que fort tard; mais ce sera comme une réserve qui, en débouchant par les derrières de l'ennemi, peut décider du sort de la bataille si elle arrive au moment opportun. Voici maintenant par quelles circonstances l'armée combinée se trouvait ainsi en mesure de nous offrir la bataille dans les plaines de Lutzen, lorsque tout donnait à croire qu'on la rencontrerait seulement en arrière de Leipsick, et avec des forces insuffisantes. Le vieux Kutusow venait desuccomber aux fatigues de la campagne précédente; on l'avait remplacé par le général Wittgenstein, et celui-ci, à la nouvelle que Napoléon concentrait une armée à Erfurth, avait fait agréer un plan tout nouveau d'opération à l'empereur de Russie et au roi de Prusse. Il ne s'agissait plus maintenant de déborder et de couper, par Dresde et par Magdebourg à la fois, les divisions du prince Eugène. La grande armée de Napoléon demandait d'autres moyens d'attaque et une action décisive par masses imposantes. En conséquence, divers corps s'étaient groupés peu à peu sous Dresde et sous Leipsick: l'armée de Miloradowitch, forte de quinze mille hommes, celle de Wittgenstein de quinze mille, de Wintzingerode de quinze mille, de Tormasow de trente mille; les armées prussiennes de Blücher et d'Yorck, fortes de quarante-cinq mille hommes; en tout cent vingt mille combattants. Le plan de Wittgenstein consistait à mettre en mouvement ces masses considérables, à les réunir entre l'Elbe et la Saale, à prévenir la marche de Napoléon, à se porter vivement à sa rencontre par la route de Dresde à léna, et à prendre, dans cette plaine célèbre, une éclatante revanche de la défaite de 1806. L'amourpropre du roi de Prusse et de l'empereur de Russie était singulièrement flatté d'un tel plan. Le 26 avril, ils étaient sortis de la capitale de la Saxe pour suivre l'armée et assister de leur personne à l'action d'éclat qu'ils méditaient. Les divisions russes de Leipsick avaient quitté en partie cette ville, afin d'opérer leur jonction avec celles venues de Dresde.

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