et à gagner du temps, pour attendre les diversions de la saison rigoureuse. Barclai de Tolly marche sur Witepsk par la rive gauche de la Dvina; il compte y trouver Bagration. Mais celuici, échappé, par l'événement que nous savons, aux défilés de la Bérésiņa, était venu se heurter à Mohilow contre une barrière infranchissable. Le prince d'Eckmülh, groupant deux divisions autour du hameau de Soultanowka, rejette les Russes sur la route de Smolensk, et c'est désormais sur cette ville que Barclai de Tolly et Bagration devront opérer pour trouver ce point de jonction qu'ils cherchent depuis le passage du Niémen par l'armée française. Le 25 juillet, l'avant-garde, commandée par le roi de Naples, a rencontré l'arrière-garde de Barclai sur la route de Witepsk. Un engagement a lieu, et les Russes sont repoussés. Le combat recommence le lendemain, avec l'appoint du prince Eugène. C'est presque une bataille. Pendant la nuit, l'ennemi a renouvelé ses lignes par des troupes fraîches, et nous éprouvons une vive résistance. Mais Napoléon et le gros de l'armée arrivent; les Russes continuent leur marche, laissant deux mille cinq cents morts. Le 27, nous heurtons une troisième fois l'arrière-garde de Barclai de Tolly; de nouvelles escarmouches semblent nous annoncer une bataille pour le lendemain. Napoléon dispose donc tout pour une grande journée; les deux armées sont en présence sous les murs de Witepsk.... Le 28, Le camp et la ville sont vides et silencieux. Le lieutenant d'Alexandre a reçu un courrier de Bagration qui lui donne rendez-vous aux environs de Smolensk, et il a profité de la nuit pour nous dérober une marche. L'armée française occupe Witepsk, où il ne reste plus que quelques juifs et quelques familles pauvres. Tout le reste a fui, emportant les objets précieux et les subsistances. Les Russes ont manœuvré dans l'obscurité avec un tel art et de telles précautions, qu'ils n'ont laissé derrière eux aucune espèce de trace, pas un chariot abandonné, pas un traînard, pas un mort. On ignore, dans les premiers moments, la direction qu'ils ont prise. L'avant-garde de l'armée française se porte à Aponovchtchina, avec l'empereur, le roi de Naples et le prince Eugène, qui bivouaquent tous les trois, pendant la nuit, sous la même tente. Là, on apprend que l'ennemi se retire par une route qui conduit à Smolensk. Le 29, Napoléon rentre à Witepsk, où il séjournera pendant deux semaines. Ce temps d'arrêt, comme celui de Wilna, est indispensable à la grande armée pour rappeler et souder entre elles toutes ses divisions, qui n'ont que trop de tendance à s'écarter et à s'éparpiller; pour substituer une pensée commune, un vaste plan homogène dans toutes ses parties, aux impulsions personnelles, aux petites initiatives que chaque chef est prêt à écouter lorsque les troupes qu'il commande sont trop éloignées du quartier général. Mais, de ce qu'elles sont nécessaires, il ne faudrait pas conclure que ces deux longues haltes, prenant trente jours sur les quarante-quatre premiers de la campagne (du 24 juin, passage du Niémen, au 13 août, sortie de Witepsk), devront amener d'heureux résultats. Elles ne sont qu'une nécessité fatale d'une campagne mal conçue dans son ensemble, et qui doit aboutir à nous laisser surprendre, au centre même de la vieille Russie, à Moscow, par les rigueurs d'un hiver dont nos soldats n'ont aucune idée. Commencée un mois plus tôt, cette campagne aurait pu se terminer par une tentative de Moscow sur Saint-Pétersbourg, après un repos suffisant donné à nos troupes harassées. Mais nous n'entrerons à Moscow que dans le milieu de septembre; une troisième halte d'un mois sera encore indispensable, et lorsque nous pourrons reprendre notre marche, ce sera pour opérer une retraite et non pour continuer nos mouvements offensifs. En admettant que cette retraite ait lieu dans les meilleures conditions, que nous ramènions la grande armée intacte entre Witepsk et Smolensk, pour y prendre des cantonnements d'hiver, nous nous retrouverons au printemps prochain dans la même position qu'au moment actuel, et le colosse moscovite, à peine ébréché par nos assauts de géant, se dressera encore devant nous dans toute l'immobilité de sa puissante inertie. Sur le point où se concentrent, d'après les ordres de Napoléon, les différents corps qui ont traversé le Niémen il y a un mois, s'étend un vaste plateau de vingt-cinq lieues de large; à droite et à gauche coulent parallèlement la Dvina et le Dnieper (l'ancien Borysthène). Sur ce dernier, en face de Witepsk, à vingt-cinq lieues, s'élève la ville de Smolensk. Par Witepsk, en traversant la Dvina, nous nous trouvons encore sur la route de Saint-Pétersbourg; par Smolensk, en traversant le Dnieper, nous pouvons marcher sur Moscow. Ainsi, l'une et l'autre capitale de l'empire des czars s'offrent à nous presque à la même distance. La garde impériale occupe les environs de Witepsk. Le centre de l'armée tient le milieu du plateau baigné par les deux fleuves. Le prince Eugène, qui forme notre gauche, s'établit à Suraje, sur les bords de la Dvina; au-delà du fleuve, ses patrouilles poussent jusqu'à Velikie-Louki, sur la rivière de Loval qui va se jeter dans le lac Ilmen. Le corps du duc d'Elchingen, qui est le troisième, et la cavalerie de Murat, se placent en avant du centre, à Nicolino, Inkovo, Roudnia et Liosna. De Mohilow, où il a repoussé Bagration, le prince d'Eckmülh a rabattu sur la gauche, et, remontant le Dnieper, il s'établit à Orcha où se développe notre aile droite. Avec le premier corps, commandé par Davoust, se trouvent les contingents polonais, westphaliens, la cavalerie de Grouchy, les escadrons légers de Colbert ét ceux de Latour-Maubourg. Pendant que Napoléon prépare avec soin les opérations de la campagne et met à profit un repos de quinze jours pour s'occuper à la fois des affaires lointaines de son vaste empire 1 |