TITRE III. - De la loi de l'impôt. - L'impôt direct, foncier ou mobilier n'est voté que pour un an; les impôts indirects peuvent être votés pour plusieurs années. Aucun impôt direct ou indirect ne peut être perçu, aucun emprunt contracté, aucune inscription de dette au grand-livre ne peut être faite, aucun domaine aliéné ou échangé, aucune levée d'hommes pour l'armée ne peut être ordonnée, aucune portion du territoire ne peut être échangée, qu'en vertu d'une loi. Les propositions d'impôt, d'emprunt, de levée d'hommes, la présentation du budget général de l'État, et du compte des recettes et dépenses des années précédentes, ont lieu d'abord à la chambre des Représentants. TITRE IV. Des ministres et de leur responsabilité. - Les ministres sont responsables; ils peuvent être accusés par la chambre des Représentants, et ils sont jugés par la chambre des Pairs, pour avoir compromis l'honneur et la sûreté de la nation; la chambre des Pairs exerce, soit pour caractériser le délit, soit pour appliquer la peine, un pouvoir discrétionnaire. TITRE V. - Du pouvoir judiciaire. - L'empereur nomme tous les juges; ils sont inamovibles et à vie. Cependant la nomination des juges de paix a lieu comme il est indiqué par le sénatus-consulte de l'an x. L'institution des jurés est maintenue. Les délits militaires seuls sont du ressort des tribunaux militaires; tous les crimes et délits qui étaient attribués à la haute cour impériale, sauf les cas de responsabilité ministérielle, seront jugés devant les tribunaux ordinaires. TITRE VI. - Droits des citoyens. — Les Français sont égaux devant la loi. La juridiction légale, la liberté individuelle, la liberté des cultes, l'inviolabilité des propriétés, la liberté de la presse, le droit de pétition individuelle, sont garantis. Le décret ordonnant la présentation de l'Acte additionnel aux Constitutions, à l'acceptation du peuple français, prescrit le dépouillement de tous les registres et le recensement des votes à l'assemblée du Champ de Mai (décret rendu à Lyon le 13 mars) convoquée à cet effet à Paris, dans le Champ-de-Mars, pour le 26 mai. Un autre décret, publié le 24 avril, indique la composition de cette Assemblée, où siégeront des membres de tous les colléges électoraux de département et d'arrondissement de l'empire et des députations nommées par tous les corps de l'armée de terre et de mer. L'Acte additionnel aux Constitutions de l'empire sera promulgué au Champ de Mai, puis scellé du sceau de l'État. Après le serment de l'empereur, chaque délégation des colléges électoraux, successivement dans l'ordre alphabétique, par l'organe d'un de ses membres, prêtera serment d'obéissance aux Constitutions et à l'empereur. Des aigles seront distribuées pour les gardes nationales des départements et pour chacun des corps de l'armée de terre et de mer. Tout ce replâtrage de vieilles constitutions, de sénatus-consultes impuissants, toute cette pâle fantasmagorie de fédération, émurent médiocrement l'opinion publique, et causèrent aux patriotes une immense et profonde déception. Sauf l'entourage des Bourbons, sauf le personnel princier et aristocratique de la restauration dont on s'était délivré, qu'avait-on gagné en garanties, en institutions, en réformes politiques, dans la journée du 20 mars? Et d'ailleurs, l'entourage, le personnel de Napoléon, sa famille, ses courtisans, valaient-ils beaucoup mieux que ceux de Louis XVIII? Étaient-ils moins hostiles au progrès, moins avides de places, d'honneurs, de dotations, moins apres à la curée? C'était encore, évidemment, une révolution perdue, inutile, que la France avait accomplie au profit des ambitieux: trompée par ses instincts généreux, entraînée par ses aspirations incessantes vers le règne pur de la loi, vers le régime d'une intelligente et féconde démocratie. Enfermé dans un cercle vicieux, le peuple se meut en vain pour avancer; il ne fait que tourner: allant des Bourbons aux Napoléons, des Napoléons aux Bourbons, toujours déçu, toujours exploité, et voué pour longtemps encore à ces tristes épreuves du droit de tous luttant contre le privilége de quelques-uns. CHAPITRE XXII. Fédération. - Troubles en Vendée. - Assemblée du Champ de Mai. - Réunion des nouvelles Chambres. - Ouverture des hostilités. - Bataille de Ligny. Bataille et désastre de Mont-Saint-Jean. - La cour de Louis XVIII et le Moniteur de Gand. - Abdication de Napoléon en faveur du roi de Rome. - Gouvernement provisoire. - Débats orageux dans les deux Chambres. - L'empereur demande deux frégates pour se réfugier aux États-Unis. - Il se retire à la Malmaison. Les armées alliées marchent sur Paris. - Les Bourbons sont à leur suite. -Napoléon prisonnier de Fouché. - Départ pour Rochefort. - Capitulation de Paris et rentrée des Bourbons.- L'empereur, ne pouvant échapper aux croisières, se confie à la loyauté britannique. - Le Bellérophon. AVRIL - JUILLET 1815. Cependant l'approche imminente de la guerre avait réveillé les départements. Des manifestations eurent lieu; elles prouvèrent que la haine de l'étranger, ce sentiment qui survit en France à toutes les catastrophes, à toutes les contre-révolutions, à tous les malheurs publics, si grands qu'ils soient, subsistait toujours au fond des masses. La Bretagne, se rappelant à propos un des épisodes de la révolution, organise un pacte fédératif à l'imitation de celui qu'elle a signé à Pontivy en 1790. Une assemblée de représentants des cinq départements de cette ancienne province, se réunit le 23 avril à Rennes. Le projet d'un pacte fédératif « destiné à réunir tous les bons Français, pour << la défense de la Patrie, de sa liberté et de ses Constitutions,» est adopté avec enthousiasme. Des commissaires sont nommés pour aller recruter des adhérents dans toutes les villes de la Bretagne et de la basse Normandie. L'exemple de Rennes est suivi à Rouen, à Dijon, à Angers, à Lyon, à Strasbourg, à Metz, à Nancy, à Grenoble. Les faubouriens de Paris ont aussi leur démonstration patriotique. Le 10 mai, une proclamation couverte de plus de trois mille signatures fut portée par des délégués au Moniteur, qui la publia deux jours après. Elle était intitulée : << Les habitants, les ouvriers des faubourgs Saint-Antoine et << Saint-Marceau, à leurs concitoyens, à leurs camarades. » Cette proclamation portait: « Les déclarations odieuses des 13 et 25 mars ont dévoilé les projets odieux de l'étranger, qui, non content d'avoir fait disparaître du nombre des puissances l'Italie et la brave nation saxonne, d'avoir disposé à son seul profit de la Belgique et des départements du Rhin, voudrait aussi divisèr la France, et semble ne nous laisser d'autre choix que de mourir pour sa défense ou de cesser d'exister comme Français..... Nous demandons à être armés et organisés; nous le demandons tous, parce que nous réclamons tous le même droit, et que nous avons tous les mêmes devoirs à remplir..... nous voulons être, au besoin, les éclaireurs de la partie de la garde nationale qui, n'étant pas retenue par son service pour maintenir l'ordre dans l'intérieur et veiller à la garde des barrières, se porterait, comme l'an passé, hors des murs; et notre ambition serait satisfaite, puisque nous pourrions nous présenter les premiers au-devant de l'ennemi. Nous voulons aussi, par notre attitude, frapper de terreur les traîtres qui pourraient désirer encore une fois l'avilissement de leur patrie..... A cet effet, les habitants des faubourgs Saint-Antoine et |