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doit prêter son concours à la perpétration de cette filouterie. C'est absolument immoral et scandaleux (1).

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5. Du système d'aliénation de l'ancien droit, de celui de l'inopposabilité aux tiers de la cession non signifiée, et de celui de la scission du transfert, c'est ce dernier qui est le plus compliqué comme construction juridique.

6. Le système de la translation de la propriété de la créance entre parties est entaché d'hérésie, en ce qu'il confère au cessionnaire un droit de créance sans débiteur.

B. Critique du deuxième système de sanction.

I. 1. Il accorde aux tiers le maximum de protection désirable, en leur permettant de se comporter vis-à-vis de la créance comme si la cession n'était pas intervenue.

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2. Il respecte l'efficacité des conventions dans la plus large mesure possible.

Provision est accordée à la cession, jusqu'à ce qu'il se produise une réclamation d'un tiers lésé. Entretemps, le cessionnaire exerce toutes les prérogatives d'un créancier, hormis le droit de disposer définitivement de la créance.

3. Considérée au point de vue de la complication de son mécanisme intime, cette construction vient immédiatement après celle qui fait dépendre le déplacement de la propriété de la signification du transport (système de l'ancien droit).

4. Envisagée sous le rapport de son orthodoxie juridique, cette sanction est irréprochable.

En résumé :

Le premier système est irrationnel, absurde, immoral.
Le deuxième n'est l'objet d'aucun grief.

(1) TROPLONG, Vente, no 888; AUBRY et RAU, IV, p. 433; LAURENT, XXIV, no 529, et toute la doctrine. Il y a eu jadis quelques dissidences : Liége, 26 mars 1834, Pasic., à sa date; Cass. franç., 4 déc. 1827; req. 16 avril 1838, Bordeaux, 20 mars 1835; DALLOZ, vo Vente, nos 1729 et s.

CHAPITRE II. — Aperçu historique.

§ 8.

But d'un examen historique.

<< Dans une science aussi éminemment historique que celle du droit, c'est certainement apporter une forte preuve à l'appui d'une idée que d'en constater la généalogie. » THIRY, Belg. Jud., XIV, p. 842.

Deux principes nouveaux sont à considérer dans la doctrine actuelle de l'art. 1690, C. civ., doctrine que nous critiquons.

1. — La combinaison de deux procédés de translation de la propriété : transfert entre parties par l'effet du consentement, transfert à l'égard des tiers par l'effet de la tradition.

2.- La scission dans la propriété du droit transféré. Le cessionnaire est, de par la cession, propriétaire de la créance vis-à-vis du cédant et après la signification, propriétaire à tous égards.

Il est fort intéressant de consulter l'histoire de nos institutions juridiques afin d'établir la généalogie de ces principes et de constater les racines qu'ils peuvent avoir prises dans le passé.

Nous examinerons séparément l'histoire de l'aliénation des créances et celle du principe de la scission du transfert de la propriété.

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La signification du transport, prise en elle-même, est une information destinée à apprendre au débiteur que la créance a changé de main. Par surcroît, elle est une manifestation extérieure de la cession, car elle se réalise par un acte ostensible.

A Rome, la denuntiatio n'est qu'une simple information (1). Dans le droit de POTHIER et, s'il faut admettre la doctrine régnante, dans celui du Code civil, la signification est un acte officiel de publicité, qui tient en suspens la perfection du contrat. La conception moderne se sépare donc absolument de la conception ancienne.

Le système du droit français puise sa filiation dans la législation des Francs (2). Celle-ci opère surtout la translation de la propriété par la tradition, qui, par une assimilation dont on a recherché les causes historiques (3), s'applique également aux choses corporelles et aux choses incorporelles.

Elle était publique et entourée de formalités symboliques

(1) La denuntiatio est-elle assujettie à des conditions de forme? L'opinion commune est qu'à l'époque classique, elle ne comporte l'observation d'aucune forme ; mais que dans le droit primitif, il a pu en être autre. ment. L'analogie des termes usités pour désigner l'ajournement et la signification peut laisser croire qu'à l'origine, la denuntiatio se signifiait dans la forme des citations : « Condictio id est denuntiatio 66 ", Litis-denun

tiatio ".

(2) LEX SALICA, de affatomie, cap. XLVIII. LEX RIPUARIUM, de festucâ intercurrente, cap. LXXI. MARCULF, Formules, II, 18. (Baluzius, cap. reg. Franc.)

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France, t. III, p. 134, 229.

Histoire du droit et des institutions de la

HUC. Traité théorique et pratique de la cession et de la transmission des créances, t. I, p. 113 et 429.

CROS-MAYREVIEILLE.

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en droit français, p. 119.

Du transport des créances en droit romain et

SALEILLES. Essai d'une théorie générale de l'obligation d'après le projet de Code civil allemand, p. 77.

(3) CROS-MEYREVIEILLE, p. 118.

Huc, t. I, p. 113.

d'une certaine variété (1). Profondément liée à la tournure d'esprit éminemment positive du génie germanique, elle a traversé, vivace, la période chaotique d'où émergea la féodalité, se développa concurremment avec les modes d'aliénation que les Francs avaient tirés du droit romain de la dernière époque, et, triomphant de cette concurrence, devint le droit commun de la France et de l'Allemagne.

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Droit coutumier.

Dans les pays de coutumes, ce sont les principes du droit germanique qui sont appliqués (2).

« A la festucatio du droit germanique succède d'abord l'ensaisinement devant le juge du lieu; cet acte s'accomplissait au moyen des formalités du vest et du devest » (2).

L'origine de cet ensaisinement, c'est le contrat passé en justice. Celui-ci était déjà usité à la fin de l'époque franque, en place des solennités de la festucatio, grâce à l'influence du droit gallo-romain.

Nous reconstituons donc les trois chaînons, de la manière suivante: Festucatio, contrat en justice, ensaisinement (3).

La signification du transport apparaît comme mode de tradition dans un certain nombre de coutumes dont on ne donne pas les dates d'origine et plus tard dans l'article 108 de la Coutume réformée de Paris ainsi conçu :

« Un simple transport ne saisit point, et faut signifier à la partie et en bailler copie avant que d'exécuter... » (4).

(1) GLASSON, loc. cit. (2) CROS, p. 120. Coutume de Bretagne : Tous cessionnaires seront tenus se présenter en jugement à l'audience tenant et audit lieu, teste nue, sans ceinture, faire publiquement ladite cession, l'acte de laquelle sera banny au prochain marché du domicile des dits cessionnaires, à leur diligence, auparavant qu'ils puissent céder le bénéfice de la cession.

(3) CROS, p. 122, donne l'indication des modes de tradition variés des différentes coutumes, ainsi que les sources.

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(4) D'où peut provenir l'obligation de « bailler copie? Ne serait-ce point de la doctrine des auteurs qui suivaient le droit romain? De Olea, dans son Traité de la cession (titre VIII, quest. 2, p. 516, no 22), s'exprime en ces termes : « Verissime resolves simplicem denuntiationem non suffi

A première vue, l'on est induit à penser que ces coutumes ont emprunté ce procédé aux pratiques romaines usitées dans les pays voisins déjà régis par le droit écrit, en lui attachant toutefois la valeur, non d'une information, mais d'une prise de possession. Cependant, il n'est pas impossible que le droit franc n'y soit aussi pour quelque chose, et voici d'où cela résulte.

Des chartes du VIme siècle mentionnent des textes d'obligations contenant une clause au porteur; par cette clause, le débiteur s'engageait à payer au créancier ou au cessionnaire du titre qui dederit hanc cautionem (titre) ad exigendum. Ce porteur de la charte pouvait être un mandataire chargé de l'encaissement ou bien aussi un mandataire autorisé à garder le profit par devers lui à l'instar du procurator in rem sum (I). Cette dernière hypothèse est l'image de la cession romaine; nous disons l'image, parce qu'à Rome le mandataire n'était cessionnaire que du contenu de la créance (l'action), tandis qu'ici, dans les termes où le fait est rapporté, le bénéficiaire de l'opération paraît être investi de la créance elle-même.

De là une conjecture. Le débiteur devait payer sa dette au porteur de la charte, à la seule condition que celui-ci pût prouver que cet écrit lui avait été volontairement remis par le créancier.

L'efficacité de l'opération fut donc subordonnée à une notification; c'est de là que nous partons pour conclure à la pratique probable d'une signification du transport, qui, étant données les idées de l'époque, a pris la valeur d'une tradition.

M. GLASSON, d'accord avec BRUNNER, STOBBE et MITTERMAIER, reconnaît aussi la possibilité, selon le droit franc, de stipuler dans l'obligation, avec l'assentiment du débiteur,

cere, neque ex ea impediri debitorem cessum, ne solvere possit suo cre. ditori si vero denunciatio facta sit per judicem, vel extrajudicialiter, ostenso debitori instrumento, et ejus copia ei relicta, si eam petierit, denunciatio his casibus efficax erit. »

Sur l'origine de la Coutume de Paris réformée en 1580, voy. Nouvelle revue historique du droit français et étranger, t. VIII.

(1) GLASSON, Hist., t. III, p. 245.

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