prunté quelque somme de deniers et au payement d'icelle oblige ses héritages, ou vend et constitue rente sur iceux,... le créditeur d'icelle somme ou acquéreur de la dite rente pour acquérir droit d'hypothèque ** doit faire nantir les dites lettres sur les dits héritages exhiber les dites lettres au maire... et illec lui requérir... et que dorénavant il ne reçoive aucun nantissement que ce soit à la charge de son dit dû et rente et priorité de son droit. DUMOULIN met les deux notes suivantes à CXIX: Scilicet contra tertium sed contra obligatum et ejus heredem manet in jure communi. ** Scilicet in præjudicium tertiorum postea acquirentium. J.-B. BURIDAN, dans son traité Les Coutumes du bailliage de Vermandois (édit. de 1728), formule les observations suivantes sur les annotations dont il s'agit : « Cela est bien vrai, que quant à l'obligé, l'hypothèque n'est requise parce que la personnelle suffit et que tous les biens peuvent être saisis et décrétés. Contre les héritiers, il y a une autre raison, parce que aes alienum ipso jure dividitur inter eos et ut heredes ne sont tenus personnellement que pour leur part héréditaire aliud sit sint possessores pignorum. En conséquence toutefois de cette note de DUMOULIN, on veut prétendre qu'un des héritiers, ex eo qu'il détient les immeubles de la succession, quoique non nantis, est tenu hypothécairement pour le tout, ce qui est détruire et abroger 4 articles exprès de la Coutume, sçavoir les 116, 117, 118 et 123, par lesquels il est tout constant que l'héritier non détenteur des héritages nantis, ou de partie, ne peut être poursuivi outre sa part; et que, sans nantissement, il n'y a point d'hypothèque ni contre l'obligé ni contre les héritiers. Il est certain de droit que l'action personnelle, etiam intuitu hæredum, est toute distincte de l'hypothécaire et que l'héritier qui ne tient la chose hypothéquée ne peut être poursuivi hypothécairement, mais pour sa part seulement... Or, puisque l'hypothèque ne se constitue que par nantissement, on ne peut avec raison soutenir que l'héritier soit détenteur des biens hypothéqués, quand il n'y a eu aucun nantissement qui induise cette hypothèque. » Après ces observations, il ne reste plus rien à dire sur cet objet qui n'intéresse d'ailleurs pas directement la matière des aliénations. ** Aux deux opinions d'auteurs anciens invoquées par THIRY, l'on peut opposer un choix d'autorités explicites, conçues en sens contraire. MERLIN, en son Répertoire au mot Nantissement, § 1er, IV, est très instructif. « Quoique l'acquéreur qui n'a ni pris saisine, ni possédé pendant le temps requis pour y suppléer ne soit pas réputé propriétaire du bien qu'il possède de fait, il ne laisse pas de jouir à certains égards des effets d'une propriété véritable; et l'on peut dire en général que ses droits sont les mêmes dans tous les cas où il n'y a pas de tiers intéressés, que s'il avait rempli les formalités du nantissement. C'est ce qui résulte de la note de DUMOULIN sur l'art. 119 de la Coutume de Vermandois. >> L'auteur ajoute que les art. 167 de la Coutume de Reims, 129 de la Coutume de Vermandois et 34 de la Coutume de Channy confèrent à cet acquéreur les actions possessoires, mais non l'action pétitoire, ce qui est des plus significatifs. Des facilités spéciales lui étaient accordées pour prescrire, sans que MERLIN fasse cependant aucune mention de l'action publicienne. Celle-ci devait être accordée au possesseur bonitaire dont l'usucapion est presque terminée, à l'effet de revendiquer utilement le bien dont il aurait été dépossédé, conformément à ce qu'enseigne POTHIER.-V. supra, p. 40. MERLIN précise, pour les pays du nantissement, trois degrés dans la mutation : 1o Le simple contrat ne confère qu'un droit personnel; 2o Le contrat suivi de tradition privatim engendre une possession qualifiée, des droits et des actions qui, envisagés au point de vue très spécial des conventions matrimoniales, ne suivent pas le sort des meubles; 3o Le contrat suivi de tradition de fait et de tradition officielle (œuvres de loi comporte vêture et saisine et emporte mutation de la propriété. * * L'ancienne jurisprudence française se trouva devant une occasion très tentante (à laquelle elle sut résister) d'embrasser la doctrine du transfert de la propriété entre parties. Il s'agit du cas dans lequel une compétition s'élevait entre deux acquéreurs ; le premier ne s'est pas fait mettre en possession réelle, l'acte renferme une clause de dessaisine équivalant à une tradition feinte, l'aliénateur resté en possession opère ensuite la tradition réelle de la chose au profit du second acquéreur. Cette compétition donna lieu à une controverse au sujet de laquelle on rapporte des arrêts qui datent déjà de 1498 et qui n'était pas complètement vidée du temps de POTHIER. La situation du premier acquéreur fut l'objet de l'analyse que voici, citée par POTHIER: « Ces traditions feintes ne consistant dans aucun fait extérieur, mais dans une simple convention intervenue entre le vendeur et le premier acheteur, elles ne peuvent avoir la vertu et l'efficacité d'être réputées, au moins vis-à-vis des tiers, avoir transféré la propriété de la chose vendue au premier acheteur, suivant la règle non pactionibus, sed traditionibus rerum dominia transferebantur (L. 20, C. de pact.). Les conventions ne devaient avoir d'effet qu'entre les personnes qui y ont été parties; les traditions feintes qui ne résultent d'aucun · fait extérieur mais de la convention des parties ne peuvent être réputées avoir, vis-à-vis des tiers, transféré la propriété. » Telle fut jadis la jurisprudence des Parlements de Bretagne, de Dauphiné (1) et de Paris (2). Remarquons la prudence de cette doctrine; l'occasion d'errer était séduisante; l'antithèse entre la tradition publique et celle qui ne l'était pas pouvait conduire tout droit à l'hérésie de la propriété transférée entre parties; seulement on évita l'écueil. Que dit-on? La propriété est transférée au premier acquéreur, mais elle sera réputée ne pas l'être vis-à-vis des (1) POTHIER, Vente, no 322. (2) BRODEAU sur LOUET, Lettre V, no 1. tiers lésés par la clandestinité de l'aliénation. Ces termes méritent de fixer l'attention; ce langage implique que la mutation intégrale est accomplie sans toutefois que le transfert de propriété puisse être opposé aux tiers à l'égard desquels il est réputé non avenu Cela revient à dire que la mutation est annulable en ce qui les concerne, ou qu'elle ne leur est pas opposable. Ces différentes formes de langage expriment la même idée. POTHIER estime que la solution n'est pas fondée et nous sommes assez de son avis; c'est faire une fausse interprétation des lois romaines que l'on invoque, que d'assimiler la vente avec tradition opérée par constitut possessoire ou brevi manu à un nudum pactum, mais l'intérêt de la question n'est pas là. Il gît dans la sanction. La clandestinité du contrat ne fait pas obstacle à la mutation, mais elle la rend inopposable, inefficace, pour ce qui regarde les tiers, voilà ce qu'il faut retenir. Cette solution est semblable à celle que VOET préconise, d'après nous, en cas d'omission des œuvres de loi. La doctrine des donations contient une nouvelle application de la même décision. Dans l'ancien droit, les donations étaient parfaites par l'effet du consentement suivi ou non de tradition selon les coutumes (1), mais qu'arriverait-il si la donation n'était pas insinuée? La mutation avait lieu, mais sans qu'elle pût être opposée au préjudice des tiers. POTHIER caractérise l'insinuation en ces termes : C'est la transcription qui se fait de l'acte de donation dans un registre public, pour la rendre notoire. Cette formalité, qui est extrinsèque à l'acte de donation, a été ordonnée par les ordonnances et par la coutume, en faveur des tiers qui contracteront avec (1) On peut s'étonner de voir en pays de droit écrit et dans un certain nombre de coutumes, les parties contractantes dispensées de la formalité de la tradition. Cette particularité tient à ce que l'on suivait le droit romain de la dernière époque, c'est-à-dire de JUSTINIEN, qui avait supprimé la nécessité de la tradition en matière de donations parce qu'elle faisait double emploi avec l'insinuation. Voy. POTHIER, Traité des donations, § 2, art. 2, § 1er; MERLIN, Répert., vo Nantissement, § 1er, no VIII. le donateur (1). Faute de la dite insinuation, les donations seront nulles et de nul effet tant en faveur des créanciers que de l'héritier du donnant (2). POTHIER confirme cette leçon ailleurs. L'effet de la donation, dit-il, est de dépouiller le donateur de la propriété de la chose et de la transférer au donataire par la tradition qui lui est faite (3). L'insinuation n'appartient pas proprement à la perfection, mais à la publicité de la donation. Elle a été parfaite par le contrat, mais sujette à être annulée vis-à-vis des tiers, si le donateur ne satisfait pas à la loi qui exige l'insinuation (4). MERLIN a consacré une étude notable à dégager avec précision le principe déjà consigné dans POTHIER. L'acte de donation opère mutation, l'inobservation des formes de publicité l'annule en ce sens qu'elle le rend inefficace vis-à-vis des tiers lésés (5). Les coutumes de Gand, Alost et Bruges, entr'autres coutumes de la Flandre flamande, exigent, pour que la donation des biens immeubles sortisse son effet, que le donateur s'en démette par dessaisine et tradition devant la loi. A ce propos, CNOBBAERT (Ad jus civile Gandav., p. 632 à 635) établit, de l'avis conforme des avocats les plus distingués consigné dans trois différentes consultations et de celui de la jurisprudence, que les formalités du nantissement ne sont requises par la coutume de Gand que pour l'intérêt des tiers. Le placard du 6 décembre 1586, rédigé dans les mêmes termes que cette coutume, explique la sanction. Les mots «< ne sortiront leurs effets » signifient : « n'auront effet de réalisation au préjudice de personnes tierces ». Cette jurisprudence est en complète concordance avec celle que le jurisconsulte hollandais VOET adopte au sujet des contrats d'aliénation qui n'ont pas satisfait aux œuvres de loi ainsi que nous l'avons expliqué supra, P. 40. (1) Introduction au titre XV de la C. d'Orléans, no 45. (2) Ordonnance de 1731, art. 27. (3) Traité des donations entrevifs, Sect. III, art. 1er, § 1er, (4) Eod., Sect. II, art. 3, § 4, alin. 8. (5) Répert., vo Nantissement, § 1er, VIII. |