natusconsulti in hac causá cessante (1). » Combien ces paroles n'ont-elles pas plus de force, quand elles s'adressent à une mère qui dote sa fille ou son fils et paye la dette sacrée de leur établissement ! Si l'on objecte que la mère peut outre-passer par des libéralités indiscrètes les bornes de la quotité disponible, nous ne nions pas que cet abus ne se place quelquefois à côté de l'usage de la liberté concédée par l'art. 1556. Mais le législateur n'a pas ignoré que cet excès était possible: pourquoi n'a-til pas introduit, dans le titre que nous analysons, un texte analogue à celui de la coutume d'Auvergne et de la coutume de la Marche (2)? c'est qu'il ne l'a pas voulu, s'en rapportant à l'affection des parents, à leur sagesse, à leur prudence, à leur propre intérêt. Il y a d'ailleurs la loi du rapport. II Mais, dira-t-on, la disposition dont il est ici question n'est pas faite en faveur de l'enfant; elle est faite en faveur du gendre et du mari dotant, et tel n'est pas le but de la loi. Comment! répondrai-je, ce n'est pas à cause de l'enfant, ce n'est pas uniquement pour assurer et faciliter son établissement que la mère est intervenue? Sans aucun doute, le gendre profite de cette intervention. Mais pourquoi donc n'en profiterait-il pas? est-il étranger à la constitution de la dot? n'est-ce pas autant dans son intérêt (1) L. Ult., C., ad senatusconsultum Velleianum. (2) Suprà, no 3344. le que dans celui de sa future, que les valeurs dotales. sont portées au taux le plus élevé que permettent les facultés des dotants? ne s'est-il pas engagé à supporter les charges du mariage, et n'est-ce pas avec cette dot qu'il suffit à ce devoir? quoi de plus naturel et de plus légitime que tout cela? Mais ce qui est décisif, c'est que c'est surtout pour l'enfant que ces combinaisons du contrat de mariage occupent la sollicitude des parents. Quoi! l'on viendra dire que cautionnement donné par la mère, de la dot promise par le père, n'est pas dans l'intérêt de l'enfant! et à qui donc le père a-t-il promis la dot, si ce n'est à son enfant? qui la recueillera, cette dot, si ce n'est son enfant? est-ce que, sans cette assurance, le mariage se serait fait? est-ce que, le cautionnement manquant, l'enfant serait arrivé à cet établissement qui a décidé de son avenir et consolidé sa position dans le monde ? Et puis, qu'on ne parle pas ici de libéralité; le cautionnement n'est pas une pure libéralité (1). Bien qu'il soit un contrat de bienfaisance, il n'appartient pas à la classe des donations, par la raison bien simple que le fidejusseur entend se faire rembourser par le débiteur qu'il cautionne, et que le créancier payé par ce même fidejusseur ne fait que recevoir ce qui lui est dû suum recipit. Repoussons donc des scrupules méticuleux, et (1) Mon comm. du Cautionnement, no 14 et 41. sachons nous contenter d'être aussi sages que la loi, sans viser à la dépasser en prudence et en justice. L'arrêt de Limoges s'est trop souvenu du droit romain et du sénatus-consulte Velléien; en se rappelant ce vieux monument des rigueurs de Rome contre la liberté des femmes, il a oublié qu'il se montrait bien plus Romain que les Romains euxmêmes, et que jamais le sénatus-consulte Velléien n'a été conduit à de pareilles extrémités (1). 3352. Ceci nous amène à la question plus géné rale traitée dans les livres, et qui consiste à savoir si la loi, en accordant à la femme le droit de donner son bien dotal pour l'établissement de ses enfants, l'autorise à l'hypothéquer ou à s'obliger personnellement. Ce que nous avons dit tout à l'heure fait pressentir notre opinion. Malgré la trop fameuse distinction dont nous parlerons plus bas (2), entre le droit d'aliéner et le droit d'hypothéquer, nous n'hésitons pas à poser en principe incontestable, que nos deux art. 1555 et 1556, en autorisant la femme dotée à donner son bien dotal pour l'établissement des enfants, l'autorisent virtuellement non-seulement à aliéner par donation, mais encore à s'obliger et à hypothéquer ses biens dotaux pour cette destination sacrée de l'établissement de ses en (1) V. infrà, no 3355. (2) Sur l'art. 1557. fants (1). Qui peut le plus peut le moins il est étonnant qu'il ait fallu des arrêts pour consacrer cette vérité. Il est plus étonnant encore que des décisions judiciaires l'aient méconnue, et se soient laissé fasciner par l'abus du raisonnement jusqu'à décider que la femme ne peut hypothéquer ses biens pour l'établissement de ses enfants (2); comme s'il n'était pas clair qu'il est souvent plus avantageux d'hypothéquer ou d'emprunter que d'être obligé de vendre, puisque vendre est la dernière extrémité, puisque l'emprunt ou même l'hypothèque peuvent prévenir la rigoureuse nécessité d'aliéner un immeuble qu'on affectionne. Quand une femme s'est obligée pour procurer à son fils un établissement, et qu'ensuite elle vient refuser au créancier de bonne foi de tenir ses promesses, n'annonce-t-elle pas qu'elle a voulu tromper cet homme qui est venu à son secours? C'était donc une tendresse feinte que celle qu'elle affichait pour son fils; elle ne songeait donc qu'à surprendre la religion de celui qui s'est confié à (1) Montpellier, 7 janvier 1825 (Dalloz, 26. 2, 11; Devill., 8, 2, 84). elle, et, dès lors, quel intérêt pourrait-elle mériter (1)? Voici, du reste, une espèce remarquable jugée à mon rapport par arrêt de la Chambre des requêtes du 1 avril 1845 (2), et où les principes du droit, de l'équité, du crédit, ont été solennellement consacrés. Il s'agissait en fait d'une mère, mariée sous le régime dotal, qui, voulant favoriser l'achat d'une étude d'avoué par son fils, s'était engagée solidairement avec ce fils pour le prix de l'étude et avait promis une hypothèque de garantie. Voici le texte de l'arrêt, rédigé par moi : a Considérant que l'intérêt des enfants et l'avantage de leur établissement ont paru, avec raison, au législateur devoir faire fléchir le principe de l'inaliénabilité de la dot; » Que cette exception est même si favorable, que l'art. 1556, s'en rapportant à la tendresse et à la sagesse des parents, n'a pas exigé l'intervention du juge, comme il l'a fait par les art. 1558 et suivants; Que le pouvoir de donner, conféré à la femme par ledit art. 1556, peut s'exercer par tous les moyens directs et indirects de nature à procurer ou à facili ter un but aussi pieux que celui dont il s'agit; » Que la renonciation de la femme à son hypo D (1) Nîmes, 10 avril 1837 (Devill., 38, 2, 112). (2) Devill., 45, 1, 256. |