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d'appel; fausse application du chap. 3, tit. 2, de la loi du 31 mars 1919, et notamment des art. 22, 23 et s.; violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le jugement statuant sur une demande de déchéance du droit à pension de la veuve d'un mobilisé n'était pas susceptible d'appel, et que, par suite, l'appel relevé par les exposants du jugement du tribunal de Pontoise du 28 oct. 1919 était irrecevable. ARRET (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le moyen unique Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel formé par les époux Ravel contre le jugement du tribunal civil de Pontoise qui les a déboutés de leur demande en déchéance de pension militaire, poursuivie contre la dame Durmez, veuve de leur fils Paul, décédé des suites de blessures reçues à la guerre; - Attendu

que l'art. 23 de la loi du 31 mars 1919 ne prévoit que l'intervention du tribunal ci vil, pour prononcer sur les demandes en déchéance du droit à la pension de veuve d'un mobilisé de la guerre ou de la marine; que, loin de considérer comme implicitement ouvertes les voies ordinaires de réformation appartenant de droit commun aux intéressés, il concède, par une disposition expresse, le droit d'opposition, dont il règle la forme et abrége les délais; qu'il en eût été de même de l'appel, s'il n'avait entendu l'exclure; que, d'autre part, il institue une procédure sans frais, en chambre de conseil, avec audition personnelle des parties, conduisant à une solution rapide, incompatible avec le recours à la juridiction du second degré; qu'enfin, aux termes de l'art. 24, le procureur de la République doit transmettre une expédition du jugement au ministre des finances et une expédition au ministre de la guerre ou de la marine, suivant les cas: d'où il résulte que le législateur n'a voulu réserver aux parties aucun moyen de se pourvoir contre ce jugement, puisqu'il en prescrit l'exécution. immédiate, et qu'il n'édicte aucune disposition en vue de l'éventualité d'un appel, dont l'effet serait, cependant, de remettre les choses en état; que, par suite, en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés au pourvoi; - Rejette, etc.

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Du 27 avril 1922. Ch. civ. MM. Falcimaigne, prés.; Lénard, rapp.; TrouardRiolle, av. gén.; Coutard, av.

CASS.-CIV. 28 avril 1922 (2 ARRÊTS). AVARIES, ACTION EN JUSTICE, DÉLAI, Guerre, DÉCRET DU 10 AOUT 1914, SUSPENSION, NON-APPLICATION.

(1 à 4) L'application, aux délais impartis par l'art. 435, C. comm., soit pour signifier la protestation, en cas d'avaries survenues à des marchandises transportées par mer, et au cas de manquants constatés, soit pour intenter la demande en justice, du décret du 10 août 1914, édictant, pendant la durée des hostilités, la suspension des prescriptions ou péremptions, et de tous délais pour accomplir un acte (art. 1er et 2), a provoqué des divergences dans la jurisprudence des Cours d'ap

Le bref délai imparti par l'art. 435, C. comm., pour notifier les protestations relatives au dommage arrivé à la marchandise transportée par mer ou aux manquants, et pour former la demande en justice, étant fixé dans l'intérêt du commerce maritime et de la navigation, qui exigent, à raison de la rapidité et de la multiplicité des opérations de transports mariti mes, que les causes du dommage allégué soient constatées et les litiges engagés sans retard, ce délai n'est pas susceptible d'être suspendu en vertu de l'art. 1er du décret du 10 août 1914 (1) (C. comm., 435; Décr., 10 août 1914, art. Ier). Ire et 2o espèces.

En conséquence, doit être cassé l'arrêt qui, pour déclarer recevable l'action en dommages-intérêts intentée par le destinataire contre le capitaine du navire plus d'un mois après la constatation qui a été faite des manquants lors de la livraison des marchandises, se fonde sur ce que les dispositions de l'art. 435, C. comm., ont été modifiées par le décret du 10 août 1914, qui a suspendu les délais pendant la durée des hostilités (2) (Id.). Tro espèce.

Sur ce que la déchéance édictée par l'art. 435 se confond avec la prescription extinctive, le bénéfice de la suspension des délais s'étendant manifestement aux déchéances légales encourues pendant les hostilités, s'agissant d'un acte qui n'a pu être accompli dans le délai imparti par la loi (3) (Id.). Ire et 20 espèces.

...

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Ou sur ce qu'en admettant que la suspension des délais, motivée exceptionnellement par l'état de guerre, ne soit pas d'ordre public, el laisse aux parties la faculté d'y renoncer expressément ou tacitement, rien, dans l'espèce, ne peut être invoqué comme révélant une renonciation 2e espèce. expresse ou tacite (4) (Id.). Ire Espèce. (Capitaine Petersen C. Bigeon). ARRÈT.

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LA COUR; Sur le moyen unique : Vu l'art. 435, C. comm.; Attendu que, d'après cet article, toutes protestations relatives au dommage arrivé à la marchandise ou aux manquants sont nulles, si elles ne sont faites et signifiées dans les vingt-quatre heures, et si, dans le mois de leur date, elles ne sont suivies d'une demande en justice; Attendu que ce bref délai est fixé dans l'intérêt du commerce et de la navigation; que la rapidité, la multiplicité des opérations de transports maritimes exigent que les causes du dommage allégué soient constatées et les litiges engagés sans retard; que, pour ces motifs, le délai de l'art. 435, précité, n'est pas susceptible d'être suspendu en vertu de l'art. Ir du décret du 10 août 1914;

pel. V. les renvois de la note sous Cass. civ. 21 juin 1921 (S. et P. 1921.1.348; Pand. pér., 1921.1.348). La chambre civile de la Cour de cassation a décidé que les délais de l'art. 435 n'avaient pas été suspendus pendant la guerre, et, pour donner cette solution, elle s'est refusée à envisager si, par leur nature, les délais de l'art. 435 rentraient dans les délais prévus par le décret du 10 août 1914; elle s'est placée à un autre point de vue; elle s'est uniquement préoccupée du but

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Attendu, cependant, que, pour déclarer recevable l'action endommages-intérêts intentée par Bigeon contre le capitaine Petersen plus d'un mois après la constatation des manquants, lors de la prise de livraison des marchandises, l'arrêt attaqué décide que les dispositions de l'art. 435, C. comm., ont été modifiées par le décret du 10 août 1914, qui a suspendu les délais pendant la durée des hostilités; qu'il y a lieu d'admettre, en effet, que la déchéance édictée par l'art. 435 se confond avec la prescription extinctive, et que le bénéfice du moratorium s'étend manifestement aux déchéances légales encourues pendant les hostilités, s'agissant d'un acte qui n'a pu être accompli dans le délai déterminé par la loi ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt a violé l'art. 435, C. comm., et faussement appliCasse qué le décret du 10 août 1914; l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, le 28 oct. 1918, etc. Du 28 avril 1922. Ch. civ. MM. Sarrut, le prés.; Kuntz, rapp.; Trouard-Riolle, av. gén.; de Ségogne et Mornard, av. 2e Espèce. (Capitaine Stokk C. Bellouard et fils et Cie). ARRÈT. LA COUR; Donne défaut contre Bellouard et fils et Cie, qui n'ont pas signifié de mémoire en défense; Et sur le moyen unique : Vu l'art. 435, C. comm.; Attendu (motifs de droit identiques à ceux de la re espèce); Attendu, cependant, que, pour déclarer recevable l'action en dommages-intérêts intentée par Bellouard et fils et Cie contre le capitaine Stockk et la compagnie de navigation plus d'un mois après la constatation de manquants, lors de la prise de livraison des marchandises, l'arrêt attaqué décide que la déchéance édictée par l'art. 435 se confond avec la prescription extinctive; que le bénéfice de la suspension des délais s'étend manifestement aux déchéances légales encourues pendant les hostilités, s'agissant d'un acte qui n'a pu être accompli dans le délai déterminé par la loi; qu'en admettant que cette suspension, motivée exceptionnellement par l'état de guerre ne soit pas d'ordre public, et laisse aux parties la faculté d'y renoncer expressément ou tacitement, rien dans l'espèce ne peut être invoqué comme révélant une renonciation expresse ou tacite »; qu'en statuant ainsi, l'arrêt a violé l'art. 435, C. comm., et faussement appliqué le décret du 10 août 1914; - Casse l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, du 28 oct. 1918, etc.

Du 28 avril 1922. -- Ch. civ.- MM. Sarrut, ler prés.; Kuntz, rapp.; TrouardRiolle, av. gén.; de Ségogne, av.

que s'est proposé le législateur en assignant un très bref délai pour la protestation (24 heures) et pour la demande en justice (un mois), et il lui a paru qu'une prolongation de ces délais, telle qu'elle serait résultée de l'application da décret du 10 août 1914, et qui aurait été égale à la durée des hostilités, était incompatible avec les nécessités de la navigation et du commerce maritime. V. Cass. civ. 21 juin 1921, précité, et la note.

CASS.-REQ. 17 janvier 1922. ALSACE-LORRAINE, CHEMIN DE FER, TRANSPORT DE MARCHANDISES, MANQUANT, FAUTE GRAVE, Convention de Berne, MAINTIEN EN VIGUEUR, POURVOI EN CASSATION, MOYEN, INTÉRÊT (DÉFAUT D').

Lorsque, dans une expédition de fûts de

(1) I. Les décisions rapportées ci-dessus sont très intéressantes, parce qu'elles sont intervenues dans une matière qui met en jeu des principes tout à fait fondamentaux, et qui touchent vraiment aux origines premières de la science du droit international.`

Lorsqu'un territoire est annexé par un autre, quel est l'effet de cette cession relativement aux traitės diplomatiques? A cet égard, la doctrine et la pratique de l'annexion sont à peu près unanimes à répondre (Cf. Rép. de dr. intern, privé et de dr. pén. intern., vo Annexion et démembrement de territoire, n. 131 et s. V. aussi, Piédelièvre, Précis de dr. intern. publ., t. 1, n. 196 et ɛ.; Deepagnet, Cours de dr. intern. publ., 3o éd., n. 91 et 8., 96 et s.) que, d'une part, les traités de l'Etat démembré cessent de plein droit de s'appliquer sur le territoire cédé, tandis que, d'autre part, les traités de l'Etat cessionnaire prennent la place des précédents. Il y a là un mouvement de reflux de la législation internationale de l'ancien Etat, bien vite recouvert par le flux automatique de celle du nouvel Etat. Il en a toujours été ainsi au cours des annexions, et, comme il est des territoires qui ont, hélas! connu les vicissitudes d'un changement de souveraineté, ils se sont trouvés soumis successivement aux traités de l'un et de l'autre pays. C'est ainsi, plus particulièrement, que la Savoie et Nice, lorsqu'elles sont devenues françaises, ont cessé immédiatement d'être régies par les traités de l'Italie pour subir désormais ceux de la France. Prenons le cas concret du traité de 1760, sur l'exécution des jugements étrangers. Tandis qu'autrefois ce traité s'appliquait dans les rapports de la France et de la Savoie et de Nice, à partir de 1860, il a cessé de régir, bien entendu, ces rapports, mais il s'est appliqué, au contraire, aux rapports de la Savoie et de Nice devenues françaises avec l'Italie. V. Cass. civ. 5 nov. 1878 (S. 1879.1.126. P. 1879.290), et le renvoi. Lorsqu'en 1871, l'Alsace et la Lorraine nous furent arrachées, les traités de la France cessèrent immédiatement de s'y appliquer (Trib. rég. de Mulhouse, 31 oct. 1885, et Trib. sup. de Colmar, 2 avril 1886, cités au Journ. du dr. intern. privé, 1886, p. 629), tandis que ceux de l'Allemagne les remplaçèrent de plein droit. Spécialement, la convention franco-badoise du 16 avril 1846 cessa d'être invoquée dans les rapports de l'Alsace et de Bade (Conv. additionnelle da 11 déc. 1871, art. 18), pour intervenir désormais dans ceux de la France, d'une part, et de l'Alsace comme du duché de Bade, d'autre part.

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Bref, l'extension des traités de l'Etat cessionnaire s'effectue de plein droit. Il ne peut pas en être autrement théoriquement. Les traités signés par un pays avec un autre ne sont jamais applicables que dans les rapports des Etats contractants. A partir de l'annexion, le territoire cédé cesse de faire partie de la souveraineté de l'Etat cédant, et, par suite, les traités de ce dernier deviennent sans force sur ce territoire. Ils n'engagent que des Etats. Or, l'Etat, ici, a changé, et l'étendue d'application des traités doit varier avec l'étendue territoriale de la souveraineté de l'Etat. Là où cesse l'imperium, là aussi les traités perdent leur vie. ANNÉE 1922. 5o-6° cah.

vin faite de l'intérieur de la France en Alsace-Lorraine, il a été relevé un manquant, qui, d'après les constatations des juges du fond, était la conséquence, non du mode de transport, mais d'une faute grave du transporteur, il n'échet pour la Cour de cassation d'examiner le moyen tiré de ce que le transport aurait été régi par la Con

Inversement, comment concevoir que, dans les rapports du territoire cédé et du pays annexant, on applique encore les traités antérieurs, ce qui ferait, au point de vue juridique de ces traités, un véritable monstre, le mot n'est pas trop fort? En effet, un traité diplomatique suppose au moins deux contractants dans les rapports desquels il s'applique. Or, où sont-ils ici ces deux contractants? On peut les chercher; on n'en trouvera jamais qu'un seul : l'Etat cessionnaire. Le territoire cédé n'est qu'un morceau de terre sans souveraineté dans le passé comme dans le présent, et, par suite, comment concevoir qu'un traité puisse s'appliquer à l'égard d'une seule et même personne juridique, c'est-àdire d'un seul Etat, qui serait à la fois ayant droit et obligé, créancier et débiteur? Cela n'est même pas concevable.

Et pourtant, s'agissant de l'Alsace et de la Lorraine réintégrées en 1918, on a voulu et très sérieusement soutenir le contraire. Les décisions ci-dessus rapportées sont précisément intervenues à ce sujet. Si nous avons tenu à rappeler d'abord quelques principes incontestables du droit des gens, c'est qu'à l'occasion de l'Alsace, ils nous seront tout particulièrement nécessaires, malgré des apparences contraires.

En Alsace et en Lorraine, on n'a pas introduit dès l'annexion le droit français; on doit procéder petit à petit. En particulier, et s'agissant des transports par chemins de fer, le droit français n'a été introduit que pour les transports par marchandises, et avec effet à dater du 15 sept. 1921 (Décr., 28 juill. 1921; J. off, 31 juill.). C'est qu'en effet, la loi fondamentale du 17 oct. 1919, sur le régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine (S. et P. Lois annotées de 1921, p. 205; Pand. per., Lois annotées de 1921, p. 205), a disposé (art. 3) que les lois allemandes resteraient en vigueur jusqu'à nouvel ordre. Déjà, avant cette loi, un arrêté du commissaire général, du 19 juin 1919 (Bull. off. d'Alsace-Lorraine, 1919, p. 970), avait précisé, à propos des chemins de fer, dans son art. 11, que « l'Administration des chemins de fer d'Alsace-Lorraine reste soumise aux lois, ordonnances et règlements en vigueur en Alsace et Lorraine à la date du présent arrêté. Ses relations avec les tiers sont réglées sur la base des conventions et traités existant à la même date, et cet arrêté a été ratifié après coup par la loi précitée du 17 oct. 1919. Dès lors, on a soutenu que la Convention internationale de Berne, sur les transports internationaux de marchandises, régissait encore les transports d'Alsace et Lorraine vers l'intérieur de la France, ou vice versa, jusqu'au décret du 15 sept. 1921, portant introduction des art. 103 et s., C. comm. français. L'Administration des chemins de fer d'Alsace-Lorraine continua pendant cette période, comme par le passé, à soumettre ces transports au régime de la lettre de voiture internationale, tandis qu'une réponse du ministre des travaux publics à une question posée le 21 mai 1920 par la voie du Journal officiel déclarait cette pratique des plus légitimes (J. off. du 2 juin 1920, déb. parl. de la Chambre des députés, p. 1765; Rev. de dr. intern. privé et de dr. pén. intern., 1920,

vention de Berne, puisque, par l'effet de l'art. 41 de cette convention, la responsabilité de la compagnie serait engagée aussi complètement, si le transport y était soumis (1) (C. comm., 103; Conv. de Berne, 14 oct. 1890, art. 41; Arr. gouv. gén., 19 juin 1919; L. 17 oct. 1919).

p. 557-558). C'est dans ces conditions que nos tribunaux ont été saisis de la question de savoir si les transports en question étaient bien vraiment soumis à la Convention de Berne de 1890, ou si, au contraire, ils tombaient sous les dispositions du pur droit interne, sauf à déterminer dans chaque cas lequel des deux codes, français ou local, serait applicable, ce qui posait un problème de conflit de lois interprovincial.

La Cour de Colmar, par son arrêt du 3 janv. 1921, ci-dessus rapporté, ainsi que dans un autre arrêt du 28 juin 1922 (publié dans la Rev. jurid. d'Alsace et de Lorraine, 1922, p. 390, avec une note de M. Degand), a tranché avec une grande netteté la question: L'Alsace et la Lorraine étant réintégrées dans la souveraineté française, les traités de l'Allemagne sont inapplicables, et l'on doit soumettre un pareil transport, fait d'une localité du Midi de la France en Alsace, non à la Convention de Berne, mais à la loi allemande maintenue en Alsace, et déterminer d'après cette loi la responsabilité du transporteur.

Déjà, un jugement du tribunal de commerce de Lyon, du 8 juill. 1920 (Bull. ann, des chem, de fer, 1921, 2e part., p. 173), avait statué en ce sens, à propos d'un transport d'Alsace-Lorraine sur l'intérieur de la France.

Par contre, deux jugements du tribunal de commerce de la Seine des 23 avril et 21 déc. 1920, rapportés infra, 2° part., p. 85, sont nettement contraires, et décident fermement que la Convention de Berne régit tous les transports antérieurs à l'introduction du droit français et à sa mise en vigueur.

La Cour de cassation a été saisie d'un pourvoi contre l'arrêt de la Cour de Colmar du 3 janv. 1921, et l'on pouvait espérer qu'elle se prononcerait dans le même sens que cet arrêt. Obéissant à sa méthode rigoureuse, qui la conduit à ne jamais engager l'avenir inutilement et à se montrer dans ses arrêts d'une grande sobriété, la Cour n'a pas cru devoir se prononcer sur ce point, qui, dans l'arrêt de Colmar, était pourtant le principal. Peutêtre eût-elle été mieux avisée ici en n'esquivant pas la difficulté, ce qui paraît sans doute un peu inélégant, en raison de la confusion extrême dans laquelle le laconisme des textes plonge l'interprète pour les questions d'Alsace. Il y avait là une occasion pour notre plus haute autorité jurisprudentielle de fixer une solution, quelle qu'elle fût. L'éminent rapporteur de la chambre des requêtes conviait pourtant celle-ci à se prononcer; elle a préféré se contenter de constater que la solution de l'arrêt de la Cour de Colmar se justifiait à raison de la faute lourde de la compagnie de chemins de fer. On ne peut donc rien tirer de cet arrêt ni dans un sens ni dans l'autre, et nous le regrettons bien sincèrement.

II. Telle étant la situation en jurisprudence, que faut-il penser des deux thèses en présence? Jusqu'ici, la solidité de la thèse émise par la Cour de Colmar nous paraissait tellement évidente que nous nous en voudrions d'insister sur elle, si l'opinion contraire n'avait trouvé crédit auprès du tribunal de commerce de la Seine, dans les deux jugements des 23 avril et 21 déc. 1920, précités, 29 Ire PART.

(Chem. de fer d'Alsace-Lorraine C. Schwartz).

Le 3 janv. 1920, le Tribunal régional supé

et, ce qui nous paraît plus grave encore, sous la plume du rapporteur de la Cour de cassation.

Nous avons débuté dans cette note en rappelant que les traités de l'Etat cédant ne peuvent continuer à s'appliquer sur les territoires cédés. A cela, qu'oppose-t-on comme argument? On invoque la loi du 17 oct. 1919, qui a conservé le droit local, et l'arrêté précité du 19 juin 1919, du commissaire général d'Alsace et Lorraine. Par suite, si tout le droit local reste en vigueur, c'est, dit-on, ce droit dans son intégralité, en y comprenant notamment les traités diplomatiques, qui en font incontestablement partie. On invoque, en outre, l'autorité du ministre des travaux publics, qui, rẻpondant à une question qui lui était posée par la voie du Journal officiel, s'est, en effet, nous l'avons déjà appelé, prononcé en ce sens très nettement. Les transports d'Alsace sur la France resteraient des transports internationaux, soumis à la Convention de Berne.

Cette thèse nous semble bien difficile à justifier, Remarquons tout d'abord que la réponse du ministre des travaux publics, à laquelle nous venons de faire allusion, n'a aucune valeur légale. C'est une simple opinion, celle des bureaux; elle ne saurait lier en rien les tribunaux. Elle est même contredite, et de la façon la plus nette, par la pratique diplomatique qu'a suivie le ministre des affaires étrangères. En effet, par un échange de notes des 12 mars 1920, 30 mai 1920, etc. (Feuille fédérale suisse, 1920, vol. IV, p. 375, et févr. 1921, p. 213), la France et la Suisse ont constaté que les traités de l'Allemagne avaient cessé de s'appliquer en Alsace, et que ceux de la France s'y étendaient de plein droit; d'un mutuel accord, les deux puissances ont conservé, mais alors en se les assimilant, un ou deux accords relatifs au Rhin et d'un effet limité à l'Alsace, ce qui est encore conforme aux règles du droit des gens (ainsi, une convention du 18 juin 1887, sur la pêche dans le Rhin, etc.). Un peu plus tard, et comme un traité de travail avait été signé par la France avec l'Italie, le 30 sept. 1919 (J. off., 29 mai 1921), la France a pris soin de préciser, par un arrangement du 16 févr. 1920 (J. off, 29 mai 1921), - ce qui paraissait donc indispensable, - que ce traité du 30 sept. 1919 ne s'étendrait que plus tard à l'Alsace, et que les rapports italo-alsaciens resteraient provisoirement régis par l'accord germano-italien des 31 juill. 1912 et 25 mars 1913, dont les deux puissances ont fait un accord franco-italien, en raison de ce qu'elles se le sont approprié.

D'autre part, en jurisprudence, la Cour de Colmar ne s'est pas contentée de décider que les traités de la France, parmi lesquels la Convention de Berne, étaient inapplicables dans les rapports franco-alsaciens, mais elle a admis aussi que le traité franco-suisse du 15 juin 1869 était étendu de plein droit dans les provinces recouvrées (arrêt du 23 juill. 1920, Rev. jurid. d'Alsace et Lorraine, 1920, p. 515).

Si la thèse d'après laquelle les transports par chemins de fer d'Alsace sur l'intérieur de la France, et vice versa, restaient régis par la Convention de Berne, était exacte, il faudrait l'étendre à tous les traités. Or, pour ceux de la Suisse, on va déjà à l'encontre de l'entente diplomatique dont nous avons parlé. Pour les autres, on n'en heurte pas moins des principes fondamentaux, et l'on se

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trouve surtout en présence de véritables impossibilités. Cette thèse repose sur un vice initial très grave, et, hélas! sur une idée encore trop répandue, qui consiste à assimiler, disons mieux, à confondre les traités diplomatiques avec les lois, sans doute parce que le Parlement (art. 8 de la loi constitutionnelle du 16 juill. 1875) autorise par une loi le Président de la République à les ratifier. Contre cette erreur, des internationalistes modernes ne cessent de protester (Cf. Pillet, Le rég, intern, de la propr. industr., p. 231 et s.; Noel, De l'autorité des traités comparée à celle des lois, p. 65 et s.; Niboyet, note sous Trib. mixte franco-allemand, 4 mars 1921, S. et P. 1921.2.81; Pand. pér., 1921.2.81), pour montrer tout ce qu'il y a de faux et surtout de dangereux dans cette confusion, de nature à vicier toute l'interprétation des traités. Le traité est un acte supra-national qui lie deux Etats, tandis que la loi, acte purement unilatéral, n'intéresse que l'Etat. On n'a jamais vu, en droit civil, un contrat synallagmatique fait par une seule personne ou dans lequel il n'y aurait plus qu'un seul contractant. Bien mieux, le principe de la cause n'est-il pas là pour assurer l'équilibre nécessaire entre les obligations respectives des parties? Un traité ne se concevant pas sans deux contractants, comment nos tribunaux pourraient-ils appliquer, dans les rapports de l'Alsace et du restant de la France, un traité dont les deux signataires étaient autrefois la France et l'Allemagne, alors que l'Alsace n'a elle-même aucune souveraineté. Doit veiller à l'exécution d'un traité l'Etat qui l'a signé; or, celui que l'a signé pour l'Alsace, c'est l'Allemagne. Ce serait donc à l'Allemagne à s'assurer que, dans les rapports de deux régions de la France, la Convention de Berne signée par elle est toujours respectée! Mais il y a mieux. On se trouve enfermé dans un dilemme dont nous croyons difficile de sortir. Si vraiment les traités de l'Allemagne sont restés en vigueur en Alsace et Lorraine, alors cela conduit à deux conséquences: 1o la première, que les rapports dits franco-alsaciens sont régis par tous les traités signés entre l'Allemagne et la France, y compris les célèbres Conventions de La Haye du 12 juin 1902 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 882, 883, 884) et du 17 juill. 1905 (S. et P. Lois annotées de 1909, p. 845; Pand. pér., Lois annotées de 1909, p. 845); 2o la seconde, encore plus incroyable, que les rapports de l'Alsace et de l'Allemagne sont actuellement encore des rapports de pur droit interne et non international, auxquels ne s'applique aucun traité. Spécialement, sur le terrain des transports, l'expédition de Strasbourg à Paris aurait obéi à la Convention de Berne, mais celle de Strasbourg sur Berlin n'y obéirait pas, et resterait soumise au droit interne allemand. Pour tout dire, un transport d'Alsace sur l'Allemagne serait encore un transport interne, et un transport d'Alsace sur France un transport international, comme le ministre des travaux publics a cru pouvoir l'affirmer. Cette thèse nous paraît tellement extravagante que nous nous demandons comment on a pu sérieusement s'y arrêter un seul instant, si ce n'est par l'assimilation erronée qu'on a faite entre les traités et les lois. Qu'on le veuille ou non, les traités diplomatiques sont faits pour s'appliquer entre deux pays, et non à l'intérieur d'un seul et même pays.

III. Recherchons pourtant s'il n'aurait pas été

vac (Gard, Paris-Lyon-Méditerranée), et livrés au demandeur les 4 et 28 avril 1919, par l'intermédiaire de la gare de MulhouseDornach (service des chemins de fer d'Al

possible de faire valoir, à l'encontre de la thèse que nous soutenons, un argument d'un certains poids, et que nous sommes étonné de n'avoir pas rencontré. Nous l'exposerons d'abord a) et nous en ferons ensuite la critique b).

a) Il s'agissait de transports effectués de l'inté 'rieur de la France sur l'Alsace en août et en septembre 1919, c'est-à-dire à une date où le Traité de Versailles, quoique signé le 28 juin, n'était pas encore en vigueur. Dès lors, ces transports avaient été effectués durant l'occupation militaire. Or, tout le monde est d'accord (V. Cass. crim. 31 juill. 1913, S. et P. 1915.1.57; Pand. pér., 1915.1.57, et la note de M. Roux; 30 avril 1920, S. et P. 1921.1. 188; Pand. pér., 1921.1.188. Comp. Trib. de Montdidier, 17 nov. 1921, Rec. Gaz. Pal., 1921.2.604) que celle-ci laisse intacte la souveraineté de l'Etat occupé, et, par suite, l'application de ses traités diplomatiques, comme de sa législation. Certes, le Traité de Versailles (art. 51) a innové en faisant remonter le changement de souveraineté au 11 nov. 1918. Mais cette rétroactivité était subordonnée, dans son effet, à la mise en vigueur du traité, qui n'est intervenue que le 10 janv. 1920. Or, pour les traités comme pour les lois, c'est un principe, au moins en l'absence d'un texte formel contraire, qu'ils ne préjudicient pas aux droits acquis. V. Oass. req. 22 janv. 1883 (S. 1884.1.25. P. 1884. 1.38), le rapport de M. le conseiller Babinet et la note de M. Lacointa. Cette rétroactivité ne pouvait donc pas produire tous ses effets, car il était impossible de faire abstraction d'un fait, à savoir que l'Alsace n'était pas encore en droit redevenue française avant cette date. Or, c'est un autre principe admis que, lorsqu'il y a un changement de législation dans un pays, ce qui était le cas ici par la substitution du droit interne à la Corvention de Berne au plus tard le 10 janv. 1920, date de la mise en vigueur du traité, - les droits qui sont nés sous l'empire de la loi ancienne restent régis par elle. V. Cass, req. 22 janv. 1883, précité, le rapport de M. le conseiller Babinet et la note de M. Lacointa. Un transport fait en 1919, à un moment où les transports franco-alsaciens étaient incontestablement encore en droit des transports internationaux, était donc régi par la Convention de Berne. Chaque fois qu'un traité disparaît par dénonciation ou autre cause, son extinction n'influence que les droits à naître, au moins en principe. Tel était bien le cas ici. Et, dès lors, aurait-on pu essayer de soutenir, l'arrêté précité du commissaire général du 19 juin 1919 s'éclaire d'un jour nouveau : intervenu durant l'armistice, il n'a signifié qu'une chose, c'est que rien n'était changé, et ses termes restent exacts, lorsqu'il déclare que les traités et conventions alors en vi. gueur régiront les transports.

On pourrait ajouter - et ceci est intéressant que, pour les rapports franco-suisses, les traités ont été considérés comme modifiés seulement à la date de la mise en vigueur du Traité de Versailles (échange de notes franco-suisses précitées des 12 mars et 30 mai 1920, fixant l'extension à l'Alsace des traités de la France au 10 janv. 1920). Si le décret du 28 juill. 1921, qui a introduit la législation française en matière de transports de marchandises d'Alsace sur l'intérieur de la France, et inversement, a supprimé toute difficulté pour les transports postérieurs à la date

At

sace et de Lorraine), il manquait 1.480 kilos pour le premier, et620 kilos pour le second; qu'il est reconnu, en outre, que ce manquant est dû à des vols commis en cours de route sur les fûts, dont trois étaient vidés de plus de la moitié; - Attendu que le demandeur réclame une somme de plus de 3.558 fr. comme dommages-intérêts; que la défenderesse décline toute responsabilité, par la raison que le transport a été effectué en wagons découverts ; tendu que le contrat de transport a été conclu en France métropolitaine, où, de même, l'exécution a pris son commencement, tandis que la livraison s'est effectuée par les chemins de fer d'Alsace et de Lorraine qu'on se trouve donc en présence de trois législations qui pourraient régir la matière le droit français, le droit allemand et la Convention internationale de Berne; - Attendu que les parties sont, et avec raison, d'accord que le droit français est inapplicable, le demandeur et la défenderesse étant domiciliés en Alsace; que, d'ailleurs, la défenderesse elle-même reconnait que cette législation ne lui prête aucune chance de succès; Attendu qu'en ce qui concerne le droit allemand (local) et la Convention de Berne, les deux textes intéressants, c'est-à-dire les art. 459,

par lui fixée, qui est celle du 15 sept. 1921, nombreux sont pourtant encore les transports qui, effectués durant l'armistice, donneront lieu à des règlements contentieux. On soumettra ces transports à la Convention de Berne. Seuls les transports effectués depuis le 10 janv. 1920, date de la mise en vigueur du Traité de Versailles, d'Alsace sur l'intérieur de la France, échappent à la Convention de Berne pour obéir, soit au Code de commerce français, soit à la loi locale interne (O. comm.local et Eisenbahn Verkehrs Ordnung du 23 déc. 1908), sauf à déterminer, ce qui est une question de conflit de lois, celle des deux législations qui devra s'appliquer. Inversement, tout transport d'Alsace sur l'Allemagne est, depuis le 10 janv. 1920, soumis non plus à la loi locale, mais à la Convention de Berne.

Mais pour les transports antérieurs au 10 janv. 1920, il faut appliquer le régime de la Convention de Berne à l'égard de la France. Ainsi se justifierait la solution donnée par les deux jugements du tribunal de commerce de la Seine. Mais alors, il faudrait considérer comme erronée celle de la Cour de Colmar dans l'espèce ci-dessus rapportée; car, dans cette espèce également, il s'agissait de transports effectués en 1919, durant l'armistice, c'est-à-dire à un moment où l'Alsace, en droit, était encore allemande : la thèse de la Cour de Colmar, excellente en droit, ne serait exacte que pour les transports postérieurs à la mise en vigueur du Traité de Versailles (10 janv. 1920).

b) Cette objection, qui maintient la Convention de Berne jusqu'au 10 janv. 1920, présente pourtant un côté faible. Dès le jour de l'entrée des troupes françaises en Alsace et Lorraine, la France n'a pas du tout considéré qu'elle fût en présence d'une occupation militaire, au même titre qu'en Rhénanie, mais d'une véritable réintégration, ainsi d'ailleurs que le Traité de Versailles l'a proclamé et en a fait de nombreuses applications, ne seraitce que sur le terrain de la nationalité (Cf. notre note sous Cass. req. 23 déc. 1920, S. et P. 1921. 1.321; Pand. pér., 1921.1.821. V. aussi, sur une

C. comm., et 86 de la Eisenbahn-VerkehrsOrdnung-E. V. O. (règlement sur le trafic général des chemins de fer) du 23 déc. 1908, d'un côté, et l'art. 31 de la Convention de Berne, de l'autre, sont identiques, sauf un passage supplémentaire de la E. V. O., mais qui est de nature à aggraver la responsabilité du chemin de fer; qu'il convient, dans tous les cas, d'établir le texte déterminant; - Attendu qu'à présent, alors que l'Alsace et la Lorraine sont définitivement réintégrées, la question ne se poserait plus, les lieux d'expédition et de destination étant situés dans un seul et même territoire de la France, ce qui exclut, suivant l'art. 1er et le protocole de clôture n. 1, l'application de ladite convention; mais qu'il en est de même pour les contrats passés et effectués avant la ratification du traité de paix, étant donné que la Convention de Berne était, avec les autres traités entre la France et l'Allemagne, abrogée par suite de la guerre, et qu'elle ne fut plus remise en vigueur depuis, ni par le traité de paix (V. les art. 282 et s.), ni par l'art. 11 de l'arrêté sur l'organisation des chemins de fer en Alsace-Lorraine du 19 juin 1919 (Bull. off. d'Alsace-Lorraine, 1919, p. 970), lequel texte se borne à maintenir les lois et traités existants;

application de la même idée à propos de l'Afrique équatoriale, Cass. crim. 14 mai 1920, Rec. de législ., de doctr. et de jurispr. colon., 1920, 3o part., p. 138). Elle a immédiatement agi en souverain, parce qu'elle s'est considérée comme restituée dans ses droits, et c'est cela que le Traité de Versailles a entendu confirmer, en faisant remonter le changement de souveraineté au 11 nov. 1918. Le 30 nov. 1918, les tribunaux allemands furent suspendus (Arrêté du 30 nov. 1918, Bull. off. d'Alsace-Lorraine, 1918-1919, p. 15), et, dès le début de décembre 1918, la magistrature française se substitua à la précédente pour rendre des jugements au nom de la France. L'arrangement de Baden-Baden du 5 mai 1920 (J. off., 5 déc. 1920) fixe au 30 nov. 1918 le terme de l'administration judiciaire allemande. Dans ces conditions, si on peut considérer, à la rigueur, que les traités de la France ne se sont pas étendus à l'Alsace avant le 10 janv. 1920, on peut sans doute admettre que ceux de l'Allemagne devaient au moins, en fait, dans cette période intermédiaire, cesser de s'appliquer. Tout ceci nous met évidemment en présence d'une situation bien compliquée, pleine d'incertitudes pour les particuliers, mais qui découle précisément de la nature très particulière qu'a affectée l'occupation de l'Alsace et Lorraine durant l'armistice. En admettant même que la Convention de Berne soit restée applicable aux transports faits durant l'armistice, cela se limiterait à certaines matières de la convention, celles touchant au fond du droit, à l'exclusion notamment des règles de compétence judiciaire qu'elle contient. Le jugement du tribunal de commerce de la Seine du 23 avril 1920, précité, qui décide que le tribunal de Strasbourg était compétent en vertu de l'art. 27 de cette convention, ne serait exact sur ce dernier terrain que si le tribunal ce qu'on ne avait été saisi avant le 10 janv. 1920. En effet, c'est un principe que la compétence judiciaire doit s'apprécier à la date de l'introduction de l'instance. V. Cass. req. 9 janv. 1906 (S. et P. 1906.1.262), et les renvois. Adde, la note de M. Audinet sous Cass. req. 8 juin 1921

sait pas

Attendu que, de l'emploi d'une lettre de voiture internationale, on ne saurait conclure à la volonté des parties de se soumettre par là aux règles établies par la Convention de Berne; que ce sont plutôt des raisons d'ordre pratique qui ont généralement amené les intéressés à se servir, pour les transports de la métropole en Alsace et en Lorraine, des lettres de voiture internationales, ces dernières rédigées dans les deux langues; - Attendu qu'il ne reste donc plus qu'à examiner si, selon le Code de commerce allemand et la E. V. O., ou plutôt d'après les dispositions de cette dernière, puisqu'elles sont plus favorables à l'expéditeur, et par conséquent seules applicables (art. 454,471, C. comm. allemand), la responsabilité du chemin de fer est engagée; Attendu que l'art. 86, n. 1, de la E. V. O. est ainsi conçu : « Le chemin de fer n'est pas responsable du dommage survenu aux marchandises, qui, en vertu des prescriptions de la E. V. O., du tarif et des conventions passées avec l'expéditeur, et mentionnées dans la lettre de voiture, sont transportées en wagon découvert, en tant que le dommage sera résulté du danger inhérent à ce mode de transport; n'y sont pas comprises la diminution considérable du poids ou la perte

(Supra, 1re part., p. 113). Peu importe donc que l'art. 27 de la Convention de Berne déclare que la réclamation doive être intentée devant le tribunal du lieu du siège de l'administration actionnée (Strasbourg, dans l'espèce). Cette règle de compétence judiciaire de la Convention de Berne était inapplicable, même pour les transports effectués avant le 10 janv. 1920, aux procès postėrieurs à la mise en vigueur du traité de paix, parce que la saisine judiciaire est quelque chose de bien différent de la compétence législative, c'est-à-dire de la loi applicable au fond du droit. A partir du 10 janv. 1920, cet art. 27 de la Convention de Berne avait indiscutablement perdu toute efficacité devant un tribunal français qui n'avait pas encore été saisi de l'instance et ne pouvait plus être appliqué par lui. Pour apprécier la validité d'une règle de compétence judiciaire découlant d'une loi ou d'un traité, il faut se placer à l'introduction du procès et ne pas tenir compte de la date des faits qui nécessitent l'instance judiciaire. Quel était alors le tribunal qu'il fallait saisir? C'est une tout autre question, que nous ne saurions aborder ici (Cf. notre note sous Trib. comm. de Belfort, 22 juill. 1920, et Trib. comm. de la Seine, 17 août 1920, S. et P. 1921.2.17; Pand. pér., 1921.2.17, et notre ouvrage sur Le conflit entre les lois françaises et les lois locales d'Alsace et Lorraine, n. 186 à 192). Nous voulons seulement dire que l'on ne pouvait plus la résoudre au moyen de la Convention de Berne. Il est donc indispensable de bien dissocier, dans la Convention de Berne, même dans le dernier système que nous venons d'exposer et de critiquer, les règles de compétence législative et de fond des règles de compétence judiciaire, ces dernières n'ayant, en tout cas, pas survécu au 10 janv. 1920 pour les instances qui n'étaient pas encore engagées à cette date, et cela, quoi qu'on décide sur le premier point.

J. P. NIBOYET,

Professeur de droit international privé à la Faculté de Droit de Strasbourg.

de colis entiers »; Attendu qu'on ne saurait, d'une manière générale, considérer le vol dans les wagons découverts comme danger inhérent à ce mode d'expéditions; que, si la jurisprudence allemande était, avant la guerre, assez affirmative à ce sujet, elle paraît avoir abandonné depuis le point de vue exclusif (Cass. autrichienne, 11 juill. 1916, Eger, 35, p. 293; Trib. de Berlin, 14 déc. 1916, Eger 32, p. 304; C. de Cologne, 28 janv. 1915; C. d'appel de Darmstadt, 11 juin 1920); qu'il convient, en effet, ainsi que l'ont fait déjà les premiers juges, d'apprécier les circonstances de l'espèce, desquelles il peut résulter une diminution aussi bien qu'une aggravation du danger de vol pour les transports en wagons découverts; Attendu qu'en l'occurrence, le mode de perpétration du vol, application de forets, faussets, récipients pour emporter les grandes quantités, durée de la procédure, démontrent suffisamment que ce vol n'a pas eu lieu accidentellement, mais qu'il était prémédité et préparé de longue main, de sorte que même la fermeture d'un wagon n'aurait pu arrêter la convoitise des malfaiteurs; qu'il en serait autrement, si des charbons ou des pommes avaient disparu en petite quantité en cours de route; Attendu quê, dans ces conditions, il est superflu d'analyser plus longuement le dernier alinéa de l'art. 86, n. 1, précité, suivant lequel la responsabilité du chemin de fer est rétablie en cas de perte considérable de poids ou de la totalité de la marchandise, texte apparemment clair, mais sur le but et la portée duquel aucun auteur n'a su donner une interprétation satisfaisante, sinon celle d'exclure le privilège du chemin de fer dans la plupart des vols; Attendu qu'il résulte, d'ailleurs, des circonstances dans lesquelles fut commis le vol, une faute du chemin de fer; qu'en effet, ce sont ou bien les employés de ce service même qui en sont les auteurs ou les complices, ce qui est plus probable, ou bien c'étaient des étrangers, mais qui ne pouvaient avoir, ni accès aux wagons, ni le loisir de soutirer de grandes quantités de vin, que par un manque de vigilance du personnel, qui aurait dû apporter d'autant plus de soin que les vols se sont multipliés en ce temps-là; Attendu que le chemin de fer est responsable des fautes commises par ses employés; Par ces motifs; Rejette l'appel formé par la défenderesse contre le jugement du tribunal régional de Mulhouse en date du 26 mars 1920, etc. ».

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POURVOI en cassation par l'Administration des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine. Moyen unique. Fausse application des art. 459, C. comm. allemand, 86 du règlement sur le trafic général des chemins de fer du 23 déc. 1908; violation de l'art. 31 de la Convention internationale de Berne du 14 oct. 1890, sur le transport des marchandises par chemin de fer, des art. 1382, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a condamné la compagnie exposante comme responsable de manquants constatés sur deux expéditions

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Il faut reconnaître qu'elle est présentée avec une grande force. L'examen approfondi de la théorie relative au sort qui advient, en cas de guerre,' aux conventions internationales, nous dirige vers cette conviction qu'elles sont seulement suspendues, non pas détruites, et cela est en faveur du pourvci. Il triomphe encore, croyonsnous, quand il soutient que, au point de vue des transports internationaux par chemins de fer, il n'y aura unification du territoire de la France avec celui des provinces rédimées que lorsque l'unification de législation aura été réalisée. Nous savons que c'est l'opinion du ministère des travaux publics, et, bien qu'elle froisse certains sentiments, en traitant l'Alsace et la Lorraine en pays étrangers (V. Delpech, Rev. jurid. d'AlsaceLorr., 1921, p. 99), il n'y a qu'un moyen d'en faire disparaître les inconvénients, qui est de placer le réseau des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine sous le régime français. C'est ce qu'a réalisé, au moins en principe, le décret du 28 juill. 1921 (J. off, 31 juill.). Mais le transport litigieux est antérieur à ce changement de législation, c'est-à-dire qu'il se place sous un régime qui comporte l'application de la Convention de Berne.

Ne fait pas obstacle à cette thèse, d'après le pourvoi, l'art. 366 du Traité de Versailles, qui prévoit le renouvellement de ladite convention. Le mémoire ampliatif explique cette disposition par le fait que cinq des nations belligérantes avaient dénoncé la convention, ce qui rendait son renouvellement nécessaire. Cette réponse serait topique, si le texte de l'art. 366 faisait mention des motifs sur lesquels il se base. Malheureusement, il ne les laisse pas deviner. L'applicabilité de la Convention de Berne, n'est donc pas justifiée par cet argument ».

Faisant état des constatations des juges du fond sur les circonstances dans lesquelles s'était produit le manquant, le conseiller rapporteur a conclu en ces termes :

Ainsi donc, l'existence d'une faute grave de la Comp. des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine serait démontrée, et, en conséquence, il y aurait ouverture à l'application de l'art. 41 de la Convention de Berne, article aux termes duquel l'indemnité due à l'ayant droit sur la marchandise peut, en cas de dol ou de faute grave du transporteur, comprendre le montant plein et entier du préjudice subi. V. Cass. civ. 12 déc. 1911 (S. et P. 1912.1.284; Pand. pér., 1912.1.284); 22 avril 1913 (S. et P. 1914.1.471; Pand. pér., 1914.1. 471).

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Mais, si nous aboutissons à une telle conclusion, il devient sans intérêt actuel d'approfondir la controverse instituée par le pourvoi sur l'applicabilité de la Convention de Berne à un transport de marchandises de France en Al

sace ».

LA COUR;

ARRÊT.

Sur le moyen unique du pourvoi: Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré la Comp. des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine comme responsable de manquants constatés sur deux expéditions de vins en fûts, alors que ces transports, devant être considérés comme internationaux, se trouvaient régis par la Convention de Berne, et que les pertes survenues au cours d'expéditions en wagons découverts, et provenant de vols effectués en cours de route, résultaient du danger de vol inhérent à ce mode de transport; - Mais attendu qu'il résulte des constatations de la décision attaquée que, sur deux wagons de fûts de vins expédiés de la gare de Bénévac (Gard) à celle de Mulhouse-Dornach (Alsace), il manquait 1.480 kilogr. pour le premier et 620 kilogr. pour le second, soit 2.100 kilogr. pour la totalité; que cette quantité considérable de vin a été volée au moyen de faussets; que, si quelque incertitude subsiste quant à la personnalité des voleurs, deux hypothèses sont seules possibles, c'est-à-dire que la soustraction de la marchandise a été opérée par des agents de la compagnie, ou qu'elle est due à des tiers; que, dans le premier cas, la compagnie, responsable de ses préposés, doit indemniser du préjudice subí; qu'il en serait de même dans le second, puisque des tiers n'auraient pu, sans un défaut absolu de surveillance, s'approcher des wagons, s'introduire dans la gare, et dérober les 21 hectolitres qui manquaient à l'expédition; - Attendu que le Tribunal supérieur de Colmar a donc démontré que le manquant est la conséquence, non du mode de transport, mais d'une faute grave du transporteur, qu'il a ainsi donné une base légale suffisante à sa décision, et qu'il n'échet d'examiner si le transport était régi par la Convention de Berne, puisque, par l'effet des dispositions de l'art. 41 de cette convention, la responsabilité de la compagnie serait engagée aussi complètement, si le transport y était soumis; Rejette, etc. Du 17 janv. 1922. Ch. req. MM. le cons. Bonnet, prés.; Berge, rapp.; Matter, av. gén.

CASS.-CIV. 19 décembre 1921.

HUISSIER, RESPONSABILITÉ, ACTE D'APPEL, SIGNIFICATION TARDIVE, DÉLAI EXPIRÉ, NULLITÉ, ACTION EN GARANTIE, Cour d'apPEL, INCOMPÉTENCE, CASSATION (Rép., vo Huissier, n. 537 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 759 et s.).

L'attribution de juridiction qui résulte de l'art. 1er de la loi du 10 mars 1898, aux termes duquel « toutes condamnations d'amendes ou de dommages-intérêts seront prononcées contre les huissiers par le tribunal civil de leur résidence », ayant pour objet d'assurer le droit de surveillance des tribunaux sur les officiers ministériels près

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