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(Lebon et C C. Taurin et C),

MM. Lebon et Cie avaient, le 13 janv. 1920, affrété de MM. Taurin et C, en vue d'un transport de charbon de Newcastlesur-Tyne á Fécamp, le steamer Brosund, au prix de 50 shellings la tonne anglaise de 1.015 kilogr., le chargement devant avoir lieu en 160 heures, et les surestaries étant fixées à 1/9 par tonne de jauge et par 24 heures. L'affrètement était soumis aux conditions de la charte-partie type anglaise Chamber of shipping coast charter party 1913 », plus connue sous le nom abrégé de Coastcon, dont une disposition spécifie que le charbon doit être pris aux mines indiquées par les affréteurs, les affréteurs n'étant pas tenus de se fournir dans d'autres mines », avec les stipulations qui y ont été introduites depuis la guerre sous le nom de War Clauses (clauses de guerre), et où on lit : 1° sous le n. 2: Au cas où les charbons destinés à la cargaison ne seraient pas livrés en conséquence d'une interdiction du ministère de la marine, au moment où le vapeur sera prêt à charger, les affré

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teurs devront en donner connaissance immédiatement aux propriétaires, et ceuxci auront pleine liberté, soit d'annuler la présente charte-partie, ou d'attendre jusqu'à ce que l'autorisation de charger ait été obtenue. Si les armateurs se décident à attendre, le temps qui s'écoulera sera pour le compte du vapeur, mais le temps du chargement comptera... dès que l'autorisation aura été accordée »; 2° sous la rubrique Loading time (temps de chargement): «Si, après que le bateau aura été stemmé (inscrit au tour de charge), une éventualité se produit, touchant le chargement du bateau, de la part des autorités compétentes, les affréteurs seront exemptés du paiement d'une surestarie, suivant l'importance de la durée de l'interruption. En cas de contestation à ce sujet, elle sera tranchée par une mission composée de quelques arma

teurs ».

com

Dès le 16 janv. 1920, le Brosund a été stemmé à la mine Boldon; mais c'est seulement le 6 février que le capitaine a donné à la mine l'avis, prescrit par la Coastcon Charter, qu'il était prêt à charger, avis qui devait faire courir les jours de planche. Toutefois, dès ce moment, des instructions avaient été données aux mines de Newcastle par les autorités anglaises de ne livrer aucun charbon pour l'expor tation, à moins qu'elles n'eûssent ni bateau ni wagons pour l'intérieur du royaume. Le Brosund n'ayant pas effectué son chargement, MM. Taurin et Cie ont, le 1er mars 1920, assigné MM. Lebon et Cio devant le tribunal de commerce de Fécamp pour voir dire qu'ils devaient avoir chargé le navire dans la huitaine, à défaut de quoi la résiliation de la convention serait prononcée, avec dommages intérêts, et pour s'entendre condamner au paiement des surestaries déjà acquises. Un premier jugement du 6 mars 1920 a prescrit que le

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par la jurisprudence entraîne cette conséquence qu'étant un supplément de fret, les surestaries doi

chargement devait être commencé dans les trois jours de la signification. Ce jugeement a reçu exécution, et le chargement, commencé le 12 mars 1920, a été terminé le 16. MM. Taurin et Cie ont alors abandonné leur demande de résiliation, et se sont bornés à réclamer le paiement des surestaries et contrestaries. Un nouveau jugement du 31 mars 1920 a condamné MM. Lebon et Cio à payer: 1o 1884 livres sterling 40 pour surestaries acquises jusqu'au 28 févr. 1920, à minuit; 2o 204 livres sterling 12 1/2 par jour du 28 févr. 1920 au 16 mars, le tout au cours du change du jour du paiement. Sur appel principal de MM. Lebon et Cie, et sur appel incident de MM. Taurin et Cie, ceux-ci ont conclu 1 à ce que la condamnation fût élevée de 7.306 livres sterling 19 shellings 7 pence à 8.408 livres 16 shellings penny, à raison d'une erreur dans la jauge du navire; 2° à ce que les surestaries, étant un fret supplémentaire, füssent réglées sur la même base de change que le fret lui-même, c'est-à-dire sur le change au jour du débarquement.

Par arrêt du 18 déc. 1920, la Cour de Rouen a débouté MM. Lebon et Cie de leur appel, et fait droit, au contraire, aux conclusions d'appel incident de MM. Taurin et Cie,

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POURVOI en cassation par MM. Lebon et Cic. 1er Moyen. Violation ou fausse application des art. 1134, 1157, C. civ., 273, 276, 377, C. comm., manque de base légale, contradiction entre les motifs et le dispositif, et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que, saisie des conclusions des exposants, tendant au rejet de la demande de MM. Taurin et Cio, par application d'une clause dite Loading time, aux termes de laquelle, en cas d'intervention des autorités compétentes affectant le chargement du navire, les affréteurs sont exemptés du paiement des surestaries, la Cour d'appel a décidé que les exposants ne pouvaient être exonérés de leur obligation de charger que par un fait de force majeure, que les ordres de priorité du Coal controller (contrôleur du charbon) n'avaient pas ce caractère, et qu'il était dès lors sans intérêt de rechercher si le Loading time réglait ou non les interventions des autorités compétentes, alors, d'une part, que, les conclusions des exposants tendant à l'application d'une clause conventionnelle d'exonération, la Cour avait à se placer sur le terrain de l'interprétation de cette clause, et non sur celui de la force majeure; alors, d'autre part, qu'en tout cas, l'impossibilité de charger devait être appréciée au seul point de vue du chargement du Brosund en charbon de la mine Boldon, à laquelle il était stemmé, les exposants n'étant pas tenus, aux termes de la Coastcon Charter, de s'adresser à d'autres mines; alors, enfin, qu'en confirmant le dispositif du jugement dont appel, l'arrêt reconnait que l'empêchement avait tout au moins existé depuis le 19 fé

vent être payées en même temps que le fret et

vrier, et que, dès lors, il aurait dû déclarer que, d'après le Loading time, les surestaries n'étaient dues qu'à partir de cette date.

2e Moyen. Défaut de motifs, ei violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté, sans en donner aucun motif, des conclusions des exposants, tendant 1° à faire prendre l'avis des organisations anglaises compétentes sur le point de savoir si les ordres de priorité ayant apporté obstacle au chargement du Brosund rentraient dans les prévisions de l'art. 2 des War clauses ou dans celle du Loading time; 2o à faire ramener à 3.884 livres 18 shellings 3 pence, soit, au cours du jour où le règlement avait été effectué sur exécution provisoire, à 195.226 fr., le chiffre des condamnations prononcées.

3o Moyen. Violation des art, 443 et s., 461, C. proc. de la maxime sans intérêt, pas d'action; violation des art. 1134 et 1153, C. civ.; manque de base légale et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'appel de MM. Taurin et Cie contre un chef du jugement qui, conformément à leurs propres conclusions, avait condamné les exposants à leur payer les surestaries au taux du change du jour du paiement, et, faisant droit à cet appel, a condamné les exposants à payer lesdites surestaries au taux du change du dernier jour du débarquement, alors, d'une part, que MM. Taurin et Cie étaient non recevables à appeler d'une décision rendue conformément à leurs conclusions de première instance, et alors, d'autre part, que, les surestaries étant stipulées payables en livres sterling, les exposants s'acquittaient intégralement de leur obligation, en les payant en francs au taux du change du jour du paiement.

LA COUR;

ARRÊT.

Sur le premier moyen, pris dans ses trois branches : Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que les affréteurs Lebon et Cie ne pouvaient être exonérés du paiement des surestaries réclamées, parce qu'ils n'apportaient pas la preuve que le chargement du navire Brosund eût été empêché par un fait de force majeure, et refusé d'interpréter la clause dite Loading time, aux termes de laquelle les affréteurs sont exempts du paiement des surestaries, en cas d'intervention des autorités compétentes, affectant le chargement du navire, alors que lesdits affréteurs avaient conclu principalement au rejet de la demande, par application de cette clause, et, à titre subsidiaire seulement, à l'existence d'un cas de force majeure, ou tout au moins, d'avoir méconnu la clause de la Coastcon Charter, dont les parties avaient accepté les conditions, et suivant laquelle, l'impossibilité de charger devant être appréciée au seul point de vue du chargement du Brosund en charbon de la mine Baldon, à

dans les mêmes conditions.

laquelle il était stemme, les affréteurs n'étaient pas tenus de s'adresser à d'autres mines, et, en tout cas, d'avoir, par une véritable contradiction, adopté les motifs du jugement, qui affirmaient l'existence de la force majeure, pour la période postérieure au 19 févr. 1920, et cependant décidé pour le tout que Lebon et Cie n'avaient pas fait la preuve de la force majeure par eux alléguée; Mais attendu qu'il résulte des motifs et des qualités de l'arrêt attaqué que Lebon et Cie ont, le 13 janv. 1920, affrété le navire danois Brosund, appartenant à Taurin et Cio, pour effectuer, à Newcastle-sur-Tyne, un chargement complet de charbon á gaz, à destination de Fécamp, moyennant le prix de 50 shellings par tonne de 1.015 kilogr., le chargement et le déchargement devant avoir lieu en 160 heures réversibles, avec obligation, ce délai passé, de payer des surestaries et des contrestaries fixées au contrat, étant entendu que, pour le surplus, les parties acceptaient les clauses. imprimées dans la charte-partie du Coastcon Charter, avec l'annexe des War Clauses; Attendu que les armateurs, en exécution de leur engagement, dirigèrent le navire Brosund sur Newcastle, et, le 6 février, remirent aux affréteurs la notice de « prêt à charger », prescrite par l'art. 3 du Coastcon Charter, faisant ainsi courir le délai prévu de 160 heures; Attendu que, le 15 févr. 1920, le chargement n'étant pas encore commencé, Taurin et Ci, après plusieurs mises en demeure inutiles, assignèrent Lebon et Cic en résiliation de la convention et en paiement des surestaries et contrestaries convenues; mais que, les charbons ayant été ultérieurement chargés, leur demande fut restreinte au paiement des surestaries et contrestaries; que, pour résister à cette demande, Lebon et Cie ont invoqué la condition des War Clauses, dite Loading time, et prétendu que l'intervention des autorités gouvernementales anglaises, en empêchant le chargement du Brosund, les avait mis dans l'impossibilité absolue de tenir leurs engagements; qu'ils ont eu soin de préciser eux-mêmes que cette intervention constituait un cas de force majeure les exonérant du paiement de toutes surestaries, au proratà de la durée de l'empêchement; Attendu qu'en cet état des conclusions, la Cour de Rouen a jugé à bon droit que Lebon et Cie devaient, pour être exempts de toute responsabilité, faire la preuve que l'exécution de leur obligation avait été rendue impossible; que, par une appéciation souveraine des documents de la cause, elle a considéré que le droit de priorité réservé à l'Angleterre n'a pas, au cours de la période litigieuse, dégénéré en interdiction d'exporter; que, dans cette période, un grand nombre de navires avaient pu charger, dans le Tyne, du charbon à gaz pour les pays étrangers; que Lebon et Cie avaient eux-mêmes reçu trois navires de charbon de cette provenance, et qu'enfin, il avait été possible de charger à la mine de

(1) La loi du 31 juill. 1920 (J. off., 1er août 1920), qui, dans son art, 106, donne aux veuves,

Durnbtan, pendant que le navire était en surestaries; que, par suite, Lebon et Ĉie étaient en faute, et ne pouvaient imputer qu'à leur négligence le non-chargement du Brosund dans le délai fixé au contrat;

Attendu, il est vrai, que les demandeurs en cassation soutiennent qu'aux termes du Coastcon Charter, le charbon devait être pris exclusivement à la mine Boldon, indiquée par eux, et qu'ils n'étaient pas tenus de se fournir à la mine de Durnbtan, signalée par l'arrêt attaqué; · Mais attendu que cette prétention n'a pas été soumise aux juges du fond et qu'elle ne peut être proposée pour la prepremière fois à la Cour de cassation; Attendu, d'autre part, que, la Cour de Rouen n'ayant, en confirmant les jugements frappés d'appel, adopté que les motifs non contraires à ceux qu'elle énonçait elle-même, aucune contradiction ne peut être élevée entre les motifs qu'elle s'est appropriés et le dispositif de sa décision; que, dans ces conditions, la Courde Rouen, dont l'arrêt est motivé, n'a violé aucun des textes visés au moyen, en condamnant Lebon et Cie au paiement des surestaries et contrestaries réclamées par Taurin et Cie;

Sur le second moyen:

Attendu

qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sans motifs les conclusions des exposants tendant 1° à faire prendre l'avis des organisations anglaises compétentes sur le point de savoir si les ordres de priorité ayant apporté obstacle au chargement du Brosund rentraient dans les prévisions de l'art. 2 des War Clauses ou dans celles du Loading time; 2o à faire ramener à 3.884 livres sterling 18-3, soit, au cours du jour où le règlement avait été effectué sur exécution provisoire, à 195.226 fr., le chiffre des condamnations prononcées; Mais attendu que la Cour d'appel, qui avait dû rejeter comme mal fondées les demandes, fins et conclusions, tant principales que subsidiaires, de Lebon et C, a répondu implicitement à ces conclusions, notamment en déclarant, sur le premier point, que les ordres de priorité des autorités anglaises n'avaient pas entraîné une impossibilité abolue de charger, et que l'inexécution des engagements de Lebon et Cie était due à leur négligence ou à celle de leurs représentants, que, dès lors, il devenait inutile de rechercher dans les prévisions de quelle clause rentraient des ordres de priorité dont il n'y avait pas lieu de faire état, et ensuite, sur le second point, en prenant pour base de calcul des surestaries, non le change au jour du règlement sur exécution provisoire, comme il était demandé, mais celui du jour de la livraison du chargement; que l'arrêt attaqué a ainsi pleinement satisfait aux prescriptions de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810;

Sur le troisième moyen, pris dans ses deux branches :- Attendu qu'il est soutenu, à l'appui du pourvoi, que l'appel incident de Taurin et Cie contre un jugement qui avait fait droit à toutes leurs conascendants ou descendants de militaires ou marins morts pour la France le droit d'obtenir la restitu

clusions n'était pas recevable, et que, d'ailleurs, l'arrêt attaqué a violé l'art. 1131, C. civ., en condamnant Lebon et Cie à payer, au taux du change du jour de la livraison de la marchandise, des surestaries stipulées payables en livres sterling, alors qu'ils devaient s'acquitter intégralement de leur obligation en les payant en francs au taux du change du jour du paiement; Mais attendu, sur le premier point, que si, en principe, une partie ne peut, même par voie d'appel incident, demander à la Cour de modifier le jugement obtenu conformément à ses conclusions, il en est autrement, lorsque cette partie a intérêt à faire rectifier une erreur matérielle que les juges ont commise en adoptant ses conclusions, qui la renfermeraient elles-mêmes; Et attendu que c'est bien, en fait, le cas de l'espèce, l'appel incident de Taurin relevant deux erreurs matérielles qui ont été corrigées par l'arrêt attaqué; Attendu, sur le second point, qu'en jugeant que les surestaries et contrestaries, simple supplément du fret, seraient réglées au même change que le fret lui-même, c'est-à-dire au change du jour de livraison, la Cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'interpréter la convention, d'autant plus qu'elle déclarait que les parties étaient d'accord sur le change à appliquer; qu'en statuant ainsi, elle n'a contrevenu à aucune disposition légale; - Rejette, etc.

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Ch. req. rapp.;

Du 27 févr. 1922. MM Blondel, prés., Rambaud, peiges, av. gén.; Hannotin, av.

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CASS.-REQ. 27 avril 1922. INHUMATION ET SÉPULTURE, MILITAIRE MORT POUR LA FRANCE, LOI DU 31 JUILL. 1920, TRANSFERT, LIEU DE LA SÉPULTURE, ConFLIT ENTRE PARENTS DIVORCÉS, CHOIX DE LA SÉPULTURE LAISSÉ AU PÈRE, POUVOIR DU JUGE, LIBRE ACCÈS DE LA MÈRE A LA SÉPULTURE DE SON FILS, CONCLUSIONS (ABSENCE DE) (Rép., vo Inhumation et sépulture, n. 80 et s.; Pand. Rép., vo Inhumations, n. 150 et s., 159 et s.).

Il appartient aux juges, appelés à se prononcer sur le différend qui s'est élevé entre le père et la mère, divorcée et remariée, d'un militaire mort pour la France, l'un et l'autre réclamant à l'autorité militaire, en vertu de l'art. 106 de la loi du 31 juill. 1920, la restitution et le transfert du corps de ce militaire, le père pour le faire inhumer dans son tombeau de famille, la mère pour le faire inhumer dans le cimetière de son domicile actuel, de trancher le différend, en se conformant, à l'art. 106 de la loi précitée du 31 juill, 1920, et en s'inspirant des diverses circonstances de la cause pour déterminer à qui, du père ou de la mère, devra être remis le corps de leur enfant (1) (LL. 15 nov. 1887; 31 juill., 1920, art. 106).

Et, en ordonnant la remise du corps au père, aux fins d'inhumation dans le tom

tion et le transfert aux frais de l'Etat des corps de ces militaires et marins, n'a pas établi un ordre de

beau de sa famille, les juges du fond n'ont, fait qu'assurer l'application des principes consacrés par la loi (1) (Id.).

Il ne peut être fait grief aux juges du fond, qui, dans les circonstances ci-dessus spécifiées, reconnaissent au père le droit de réclamer le corps de son fils, mort pour la France, et de le faire inhumer dans le tombeau de sa famille, de n'avoir pas réservé à la mère, dans le dispositif de leur décision, le droit d'accéder librement à la sépulture de son fils, et de s'être bornés à déclarer, dans les motifs de la décision, qu'il n'était pas à supposer que le droit d'accès pût lui être contesté, si les juges n'étaient saisis d'aucunes conclusions de la mère tendant à lui réserver ce droit (2) (L. 20 avril 1810, art. 7).

(Lebel C. de Villeneuve-Esclapon). Les époux Lebel se sont pourvus en cassation de l'arrêt de la Cour d'Aix du 20 avril 1921, rapporté infra, 2o part., p. 105. Moyen unique. Violation des art. 3 et 4 de la loi du 15 nov. 1887, des art. 105 et 106 de la loi du 31 juill. 1920, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de base légale et excès de pouvoir, en ce que la Cour, après avoir reconnu que la dépouille mortelle de Pierre de Villeneuve-Esclapon, sergent pilote aviateur, tué en combat aérien le 14 sept. 1918, et inhumé dans le cimetière de la commune d'Omelmont, devait reposer au milieu de ses compagnons d'armes, sur les lieux mêmes où il était tombé, n'en a pas moins décidé que son corps serait remis à son père, M. de Villeneuve-Esclapon, pour être inhumé à Valensole, et cela, sans même avoir réservé, dans le dispositif, le droit qu'aurait la mère d'accéder librement à son tombeau.

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préférence entre les différentes catégories d'ayants droit qu'elle énumère. V. Agen, 6 juill. 1921 (Infra, 2 part., p. 30), et la note. Il a été jugé, en conséquence, qu'il appartient aux juges de décider à quel membre de la famille doit être réservé le droit de fixer le lieu et le mode de sépulture du militaire ou marin. V. Agen, 6 juill. 1921, précité, et la note. Le pouvoir d'appréciation que la jurisprudence reconnaît aux juges, par application de la loi du 15 nov. 1887, pour déterminer à quel membre de la famille doit être laissé le soin de choisir, en l'absence de manifestation expresse de la volonté du de cujus, le lieu et le mode de sa sépulture (V. Cass. req. 23 janv. 1899, S. et P. 1899.1.233; Pand. pér., 1899.1.255; 24 mars 1903, S. et P. 1903.1.391; Pand. pér., 1903.1.399; 18 juin 1908, S. et P. 1908.1.336; Pand. pér., 1908.1.336, et les renvois), doit, en effet, et pour les mêmes raisons, leur appartenir pour décider quel sera, soit dans le conflit entre les différentes catégories de parents énumérés par l'art. 106 de la

France, le 14 sept. 1918, en combat aérien, à Erbevillers (Meurthe-et-Moselle), et inhumé dans le cimetière de la commune d'Omelmont: - Attendu qu'en présence des prétentions opposées et inconciliables du père et de la mère, il appartenait aux tribunaux, régulièrement saisis, de trancher le différend en se conformant à la loi invoquée du 31 juill. 1920, et en s'inspirant des diverses circonstances de la cause pour déterminer à qui des deux, du père ou de la mère, devait être remis le corps de leur enfant; Attendu qu'en ordonnant la remise du corps au père, aux fins de transport dans le tombeau de la famille de Villeneuve, à Valensole (BassesAlpes), la Cour d'appel d'Aix n'a fait qu'assurer l'application des principes consacrés par la loi;

Sur la seconde branche du moyen : Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt de n'avoir pas réservé, dans son dispositif, à la mère le droit d'accéder librement au tombeau de son fils; - Mais attendu que, si la Cour indique, dans ses motifs, à titre de considération morale, qu'il n'est pas

supposer que le droit d'accès de la mère au tombeau de son fils puisse être contesté, elle n'était saisie d'aucune conclusion tendant à lui réserver ce droit; qu'elle n'avait, par suite, aucune mesure à prendre sur ce point dans son dispositif; D'où il suit qué l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés au pourvoi; Rejette, etc. Du 27 avril 1922. — Ch. req. - MM. Blongén.; del, prés.; Assaud, rapp.; Péan, av. Boivin-Champeaux, av.

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CASS.-CIV. 17 juin 1922. PRUD'HOMMES, Appel, Délai, Jugement par DÉFAUT, DÉLAI D'OPPOSITION, SIGNIFICATION (DÉFAUT DE), FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Prud'hommes, n. 210 et s.; Pand. Rép., vo Conseils de prud'homme, n.687 ets.). En disposant que l'appel des jugements susceptibles d'opposition n'est pas recevable pendant la durée du délai d'opposition, Vart. 455, C. proc., déclaré applicable à la juridiction des prud'hommes par l'art. 43 de la loi du 27 mars 1907, a entendu que la voie de l'appel n'est ouverte contre les

loi du 31 juill. 1920, soit dans le différend entre parents du même ordre, comme dans l'espèce, celui qui aura le droit de réclamer le corps du militaire ou marin mort pour la France, et de le faire inhumer dans une sépulture de son choix. V. d'ailleurs, sur la question, l'arrêt attaqué d'Aix, 20 avril 1921 (Infra, 2° part., p. 105), la note de M. Hugueney et les renvois.

(1) V. la note qui précède.

(2) Le grief allégué par le pourvoi manquait en fait. Les juges du fond, qui laissaient au père le droit de faire inhumer son fils dans une sépulture de son choix, n'avaient pas à réserver à la mère le libre accès de la sépulture de son fils, dès lors qu'ils n'étaient saisi d'aucunes conclusions sur ce point. La mère demeurait en droit, si l'accès de la sépulture de son fils lui était refusé, de se pourvoir à nouveau devant la justice; en déclarant qu'il n'était pas à supposer que ce droit pût lui être contesté, les juges laissaient entendre que, si un nouveau et douloureux conflit s'élevait sur ce point entre le

jugements par défaut que lorsque celle de T'opposition est fermée (3) (C. proc., 455; I. 27 mars 1907, art. 34, § 3, et 43).

En conséquence, le délai de trois jours, imparti pour l'opposition par l'art. 20, C. proc., également applicable à la juridiction pru l'homale, ne courant que de la signification du jugement par défaut, est irrecevable l'appel interjeté avant que le jugement par défaut ait été signifié (4) (C. proc., 20, 445; L. 27 mars 1907, art. 34, § 3, et 43). (Soc. des tissus caoutchouc et simili cuirs C. Gormand). ARRÉT.

LA COUR; Sur le moyen unique : Attendu que le jugement attaqué déclare irrecevable l'appel interjeté le 9 mars 1921, par la Comp. parisienne des tissus caoutchouc et simili-cuirs, d'une sentence, rendue par défaut le 17 févr. 1921 par le conseil de prud'hommes de la Seine au profit de Gormand, et dont elle a reçu signification le 25 mars 1921; Attendu qu'aux termes de l'art. 455, C. proc., déclaré applicable à la juridiction des prud'hommes par l'art. 43 de la loi du 27 mars 1907, les appels des jugements susceptibles d'opposition ne sont point recevables pendant la durée du délai pour l'opposition; que ce texte doit être entendu en ce sens que la voie de l'appel n'est ouverte contre les jugements par défaut que lorsque celle de l'opposition est fermée; Attendu que la Comp. parisienne des tissus caoutchouc et similicuirs pouvait, conformément à l'art. 20, C. proc., également applicable à la juridiction prud'homale, faire opposition à la sentence du 17 févr. 1921 tant qu'elle ne lui avait pas été signifiée, et pendant trois jours à partir de la signification, c'est-à-dire jusqu'au 29 mars 1921; que, par suite, en déclarant irrecevable l'appel du 9 mars 1921, le jugement attaqué a exactement appliqué l'art. 455, précité, et n'a pas violé les autres textes visés au moyen; Rejette le pourvoi formé contre le jugement du tribunal civil de la Seine du 10 juin 1921, etc.

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Du 17 juin 1922. - Ch. civ. MM. Sarrut, 1er prés.; Leturc, rapp.; Matter, av. gén.; Texier, av.

père et la mère, ils feraient respecter le droit de la mère. Mais il n'y avait là, comme le fait justement observer la Cour de cassation, qu'une simple considération morale; il n'y avait pas et il ne pouvait y avoir une décision, à défaut de conclusions.

(3-4) La chambre civile de la Cour de cassation s'est déjà prononcée dans le même sens, par un arrêt du 23 mai 1911 (S. et P. 1911.1.360; Pand. pér., 1911.1.360), en écartant l'objection tirée de ce que l'art. 34, § 3, de la loi du 27 mars 1907, en n'impartissant pour l'appel qu'un délai de dix jours après la signification des jugements, apportait exception à la règle de l'art. 455, C. proc. V. la note sous cet arrêt.

Les lois qui ont modifié la loi du 27 mars 1907 (LL. 3 juill, 1919, 30 mars 1920 et 20 juill. 1921, S. et P. Lois annotées de 1922, p. 644, 652 et 653; Pand pér., Lois annotées de 1922, p. 644, 652 et 653) n'ont apporté aucun changement, ni à l'art. 34, ni à l'art. 43 de la loi de 1907.

CASS.-CIV. 22 mars 1920.

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, ENTREPRISES ASSUJETTIES, SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE, VINIFICATION, Propriétaires rÉCOLTANTS, SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE DE COCHERS, LOUAGE DE SERVICES (Rép., vo Responsabilité civile, n. 1472 et s.; Pand. Rép., v Travail, n. 1359 et s.).

Une société coopérative, qui a pour but la vinification, la conservation, la vente, la distillation en commun des produits provenant exclusivement des exploitations de ses, adhérents et se propose notamment d'obtenir des prix plus rémunérateurs, est considérée à bon droit comme accomplissant une œuvre qui n'est pas simplement agricole, mais plutôt industrielle, et comme telle soumise à la responsabilité des acci dents du travail, en vertu de la loi du 9 avril 1898, alors que les juges du fond

(1-2) On distingue généralement deux classes d'associations coopératives : les associations coopératives de production et les associations coopératives de consommation.

I. La principale difficulté que soulèvent les premières est celle de savoir si les associés qui collaborent à la production sont, en même temps, des cuvriers ou employés, recevables à invoquer, en cas d'accident du travail, le bénéfice de la loi du 9 avril 1898. Telle était la question en litige dans l'arrêt de la chambre des requêtes du 6 janv. 1914, rapporté en sous-note (a).

Il s'agissait d'une société coopérative de cochers, c'est-à-dire d'une entreprise de transport spécialement visée par l'art. 1er de la loi de 1898. L'accident on ne le contestait pas était arrivé par le fait ou à l'occasion du travail. Quant à la victime, elle était un cocher, mais, sa qualité de cocher, elle joignait celle d'associé. Toute la controverse résidait dans la conciliation de ces deux qualités. Celle-ci excluait-elle celle-là? L'associé, émanation du patron, anéantissait-il l'ouvrier au service du patron?

La Cour d'appel avait répondu négativement dans des motifs d'une remarquable précision : ceux des associés qui fournissaient la main-d'œuvre recevaient, disait-elle, un salaire qui ne se confondait pas avec les bénéfices de l'association; et l'association agissait, dans ses rapports avec eux, comme un chef d'entreprise au regard de ses ouvriers. Ces constatations mettant en pleine lumière l'existence du contrat de louage de services, le rejet s'imposait. V. l'avis du Comité consultatif des assurances contre les acccidents du travail, du 31 mai 1899 (J. off, 6 janv. 1900); et Sachet, Tr. de la législ. sur les acc. du trav., 6o éd., t. 1er, n. 200. Comp. Cass. req. 2 mars et 8 avril 1910 (S. et P. 1911.1.187; Pand. pér., 1911.1.187), et le renvoi.

II. Dans les associations coopératives de consommation, la situation est toute différente. Les (a) (La Nouvelle Société coopérative des cochers C. Raymond). ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation des art. 1er et s. de la loi du 9 avril 1898, 1er et s. de la loi du 12 avril 1906, 1382, 1845, 1850, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810: -- Attendu que Raymond, cocher, membre de la Nouvelle société coopérative des cochers, dont le siège est à Neuilly-sur-Seine, se prévalant des lois des 9 avril 1898 et 12 avril 1906, a introduit contre ladite société une demande tendant au paiement d'une rente annuelle et viagère à raison d'un accident dont il a été victime au cours de son travail; Attendu que la société a conclu devant les juges du fond à la non-receva ANNÉE 1922. 9o cah.

-

déclarent que le fait de vinifier tous les rai sins des sociétaires, sans aucune distinction de provenance, constitue une véritable opération industrielle; que les manutentions et les divers travaux exécutés dans les locaux de la société exposent les ouvriers à un ensemble de risques professionnels; que le président a signé la police d'assurance comme exerçant la profession de vinificateur, et occupant, en cette qualité, un personnel variable; que la société faisait usage fouloir à raisins et d'une pompe à vins mue par l'électricité, ainsi que de wagons du modèle en usage dans les chais de vin; qu'enfin, le travail de vinification peut recevoir dans sa préparation des améliorations de qualité et de goût fort appréciables, grâce à l'emploi de savants procédés de chimie et à la perfection de l'outillage (1) (L. 9 avril 1898).

d'un

Une société coopérative de cochers, qui est dirigée par un conseil d'administration,

associés ne sont que des consommateurs. Le travail de l'association est exécuté par des ouvriers ou employés. En cas d'accident survenu à l'un d'eux, ce n'est pas l'existence du contrat de louage de services qui donne lieu à discussion, c'est le point de savoir si l'association elle-même est ou non une entreprise assujettie. D'après la Cour de cassation, elle ne peut être considérée comme une société commerciale, parce qu'elle ne poursuit la réalisation d'aucun bénéfice. V. Cass. civ. 22 nov. 1911 (S. et P. 1912.1.5; Pand. pér., 1912. 1.5), et la note de M. Lyon-Caen; Sachet, op. cit., t. 1er, n. 125.

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III. Dans les faits qui ont donné lieu à l'arrêt ci-dessus, nous nous trouvons en présence d'une association coopérative qui ne rentre exactement ni dans l'une ni dans l'autre des deux catégories dont nous venons de parler. Constituée entre agriculteurs pour la vinification, la conservation, la vente, la distillation en commun des produits provenant exclusivement des exploitations de ses adhérents », la Société La Vidaubanaise « se propose notamment d'obtenir des prix de vente plus rémunérateurs. A l'inverse d'une société coopérative de consommation, son but n'est pas d'acheter à bon compte, mais de vendre cher. Ses membres ne sont pas, non plus, comme ceux des coopératives de production, des, ouvriers qui s'unissent pour participer à la direction de l'entreprise; ils sont, au contraire, des chefs d'exploitation qui abdiquent leurs pouvoirs. A vrai dire, ils s'associent pour produire, ou, plus exactement, pour transformer leurs produits et les écouler; mais, étant tous des patrons, ils ont besoin d'une main-d'oeuvre; dès lors, pas de doute sur le contrat de louage de services conclu avec les ouvriers qu'ils emploient. Un accident survient-il, l'applicabilité de la loi de 1898 dépendra uniquement du caractère agricole ou industriel de la transformation qu'ils font opérer. Tel est bien le procès.

bilité de la demande, par ce motif que Raymond, membre de la société, n'était pas lié à elle par un contrat de louage de services, mais seulement par les clauses du pacte social; que le moyen urique du pourvoi reproduit cette même prétention; Mais attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la société est dirigée par un conseil d'administration, lequel est investi, en outre, de pouvoirs disciplinaires étendus, permettant même de prononcer l'exclusion d'un des adhérents; que le travail de ceux-ci est rémunéré par un salaire fixe et quotidien sur les mêmes bases que celui des cochers travaillant à la moyenne dans les entreprises ordinaires de transport; que les bénéfices à répartir sont calculés sur les produits de l'exploitation, défalcation faite des sommes attribuées journellement aux associés à titre

investi, en outre, de pouvoirs disciplinaires étendus, permettant même de prononcer l'exclusion d'un des adhérents; qui rémunère le travail de ceux-ci par un salaire fixe et quotidien, sur les mêmes bases que celui des cochers travaillant à la moyenne dans les entreprises ordinaires de transport; qui répartit des bénéfices calculés sur les produits de l'exploitation, défalcation faite des sommes attribuées journellement aux associés à titre de salaire et des autres frais généraux, constitue une personne morale distincte de la personne des associés; elle agit, au regard de ceux de ces associés qui fournissent la main-d'œuvre moyennant un salaire ne se confondant pas avec les bénéfices distribués en fin d'exercice, comme un véritable chef d'entreprise, et se trouve, en conséquence, assujettie aux prescriptions des lois des 9 avril 1898 et 12 avril 1906 (2) (LL. 9 avril 1898 et 12 avril 1906). Rés. par l'arrêt rapporté en sous-note.

Un ouvrier de l'association coopérative La Vidaubanaise fait une chute mortelle en procédant au nettoyage d'une cuve destinée à la fermentation du raisin. Le travail de vinification au cours duquel l'accident s'est produit est-il agricole ou industriel? Agricole chez le propriétaire récoltant, comme nous le verrons plus loin, devient-il industriel hors du domaine rural, et à quelles conditions? Tout spécialement, ces conditions se trouvent-elles réunies dans l'association coopérative des agriculteurs? Par suite, nécessité de rechercher et de préciser la nature des rapports juridiques existant entre la Société La Vidaubanaise et chacun de ses adhérents. L'examen progressif de ces diverses questions devait, nous semble-t-il, conduire par la voie la plus sûre à la solution cherchée. Malheureusement, ce plan n'a pu être suivi, ainsi qu'on s'en convaincra par la suite.

A la différence des travaux de culture et de ceux de récolte des produits du sol, qui sont toujours agricoles, quel que soit le but industriel ou commercial poursuivi par l'exploitant (V. Cass. civ. 19 mai 1914, S. et P. 1914.1.320; Pand. pér., 1914. 1.320, et la note; 23 nov. 1915, S. et P. 1916.1. 119; Pand. pér., 1916.1.119; 6 mars 1917, S. et P. 1917.1.8; Pand. pér., 1917.1.8, et la note; 22 janv. 1918, Bull. civ., n. 10; Sachet, op. cit., t. 1o, n. 921), la transformation des produits agricoles, telle que la transformation du lait en beurre ou en fromage, la distillation du vin, du cidre, des betteraves, etc., ne conserve un caractère agricole que si elle est le complément indispensable de l'exploitation rurale. V. Cass. civ. 6 avril 1909 (20 espèce) (S. et P. 1912.1.37; Pand. pér., 1912.1.37); 8 nov. 1910 (2 arrêts) (S. et P. 1912.1.17; Pand. pér., 1912.1.17), et la note de M. Naquet; 24 janv. 1912 (S. et P. 1912.1.196; Pand. pér., 1912.1.196); 6 nov. 1912 (S. et P. 1913.1.96; Pand. pér., 1913. 1.96); Sachet, op. cit., t. 1o, n. 910. V. aussi, Cass. civ. 6 avril 1909 (1° espèce) (S. et P. 1912.1 de salaire et des autres frais généraux; Attendu que, dans ces circonstances, relevées par les juges du fond, ceuxci ont, à bon droit, écarté la fin de non-recevoir proposée par la société ; qu'en effet, ladite société constitue une personne morale distincte de la personne des associés; qu'elle agit, au regard de ceux des associés qui fournissent la main-d'oeuvre moyennant un salaire ne se confondant pas avec les bénéfices distribués en fin d'exercice, comme un véritable chef d'entreprise, et se trouve, en conséquence, assujettie aux prescriptions des lois des 9 avril 1898 et 12 avril 1906; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la Cour de Paris le 21 déc. 1912, etc. Du 6 janv. 1914. Ch. req. -MM. Tanon, prés.; Malepey re, rapp.; Eon, av. gén.; Mornard, av.

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(Soc, coopérative La Vidaubanaise C. Vve Sigaud).

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Le tribunal civil de Draguignan a rendu, le 17 mars 1915, le jugement suivant : --Le Tribunal; Attendu que la dame Joséphine Beausset, veuve de Philémon Sigaud, agissant tant en son nom personnel que comme mère et tutrice légale de ses quatre enfants mineurs, réclame, à la suite du décès de son mari, l'indemnité résultant des lois du 9 avril 1898 et du 12 avril 1906 au sieur Paul Jourdan, pris en sa qualité de président du conseil d'administration de la société dénommée La Vidaubanaise, cave coopérative, dont le siège est à Vidauban, et pris en sa qualité de représentant de ladite société ; tendu que la demanderesse allègue que, le 29 septembre dernier, son mari, qui était contre maître de ladite société, ayant fait pratiquer par deux ouvriers le nettoyage d'une cuve, voulut s'assurer que le nettoyage avait été bien fait; qu'étant monté sur une échelle, il tomba au fond de la cuve, d'une hauteur de 4 mètres, et se fit des blessures qui ne tardèrent pas à entraîner la mort; - Attendu que la société défenderesse ne conteste pas l'accident, mais soutient que cet accident est

At

37; Pand. fér., 1912.1.37). Comment l'agriculteur fera-t-il cette preuve? Si nous consultons les arrêts ci-dessus visés, nous y trouvons énumérées les trois conditions suivantes. Il faut : 1° que la transformation ait été effectuée dans l'exploitation; 2° qu'elle l'ait été avec les produits de l'exploitation; 5 enfin, que, sans elle, l'agriculteur n'aurait pas pu tirer parti de sa récolte.

Cette dernière condition, il est vrai, n'est pas reproduite dans le seul arrêt (6 avril 1909, 1o espèce, précité) qui ait eu à s'occuper d'une fromagerie annexée à un domaine rural, tous les autres arrêts ayant trait à des distilleries. Sans insister sur les motifs de cette différence, qu'il serait d'ailleurs facile d'expliquer, admettons l'hypothèse la plus favorable à l'agriculture, à savoir que le viticulteur qui vinifie ses raisins dans son domaine fait toujours œuvre agricole, sans qu'il ait à prouver, en outre, la nécessité où il se trouve d'opérer cette transformation pour pouvoir tirer parti de sa récolte.

Dans la cause, les raisins ont été vinifiés hors du domaine des viticulteurs et par les soins d'une association coopérative ayant une personnalité juridique distincte. Cette circonstance n'était-elle pas, à elle seule, de nature à imprimer à l'opération transformatrice un caractère industriel? Une objection se présente immédiatement à l'esprit : l'association coopérative pouvait n'agir que comme mandataire des viticulteurs; or, d'après l'opinion généralement admise, l'acte exécuté par le mandataire ne peut avoir un caractère différent de celui qu'il aurait eu, s'il avait été exécuté par le mandant (Cf. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4 éd., t. 3, n. 419). Sans avoir à prendre parti sur la controverse qui s'élève au sujet des caractères distinctifs du contrat de mandat et du contrat de commission (Cf. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 3, n. 412 et s.; Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4 éd., n 1110 et s.), notons ici la présence d'un élément d'une importance qui eût pu être décisive. L'association coopérative ne se bornait pas à vinifier les raisins récoltés par chacun

purement agricole; Attendu qu'il est souverainement jugé par la Cour suprême que la loi du 9 avril 1898 assujettit à la responsabilité du risque professionnel, sous la dénomination d'usines, de manufactures ou de chantiers, tous les établissements industriels, grands ou petits, danAttendu qu'aux termes

gereux ou non:

de l'art. 3 de ses statuts, La Vidaubanaise a pour but la vinification, la conservation, la vente, la distillation en commun des produits provenant exclusivement des exploitations de tous ses adhérents; qu'elle se propose notamment d'obtenir des prix de vente plus rémunérateurs; Attendu que chaque sociétaire agriculteur s'engage à fournir les produits de sa récolte de raisin, à l'exception de ceux qui sont nécessaires à la consommation de sa famille et du personnel de son exploitation; que, déduction faite de certains frais et de certains prélèvements, les bénéfices doivent être répartis aux sociétaires, au prorata des produits fournis par eux à la société ; Attendu que le fait de vinifier tous les raisins des sociétaires, sans aucune distinction de provenance, constitue une véritable opération industrielle; - Attendu que les manutentions et les divers travaux exécutés dans les locaux de La Vidaubanaise

de ses adhérents; autant qu'on peut en juger d'après les termes assez ambigus du contrat d'association, tous les raisins étaient mis en commun et tranformés en vin d'une qualité unique pour être ensuite mis en vente.

S'il en était ainsi, la transformation opérée dans les chais de l'association coopérative avait eu pour effet de faire perdre aux produits qui y étaient apportés leur individualité propre. Dès lors, comment chaque agriculteur aurait-il pu conserver la propriété privative de son vin? La porte était ainsi ouverte à toutes les interprétations. L'association coopérative ne cessait-elle pas d'être un simple intermédiaire entre le producteur et l'acquéreur? N'achetait-elle pas elle-même les récoltes de ses adhérents pour en opérer la revente après vinification? Ou, tout au moins, le droit de propriété du viticulteur sur sa récolte n'avait-il pas fait place à un droit de copropriété indivise sur tous les produits confiés à l'association coopérative?

Ces divers points, qui sollicitaient des éclaircissements, n'avaient pas été discutés devant les juges du fait. La Cour d'appel les avait laissés dans l'ombre; elle s'était abstenue d'interpréter le contrat qui liait l'association coopérative à ses adhérents et de s'expliquer sur l'application qui en avait été faite par les parties. Ces lacunes ont mis la Cour de cassation dans l'impossibilité de dégager une thèse juridique.

Par contre, l'arrêt attaqué abondait en motifs, les uns tirés du texte pur et simple du contrat d'association ou des stipulations de la police d'assurances, les autres concernant des constatations matérielles sur le perfectionnement de l'outillage, les procédés de fabrication, etc.

La Cour de cassation, sans approuver ni désapprouver ces motifs pris isolément, et sans attacher une importance prépondérante à l'un d'eux, a trouvé dans leur ensemble un faisceau de présomptions assez graves, précises et concordantes pour que les juges du fait en aient pu valablement déduire la preuve du caractère industriel de l'œuvre accomplie par l'association coopérative. La réserve

exposent les ouvriers qui y sont employés à un ensemble de risques professionnels de la nature de ceux qui se rencontrent dans les entreprises énumérées par l'art. Ier de la loi du 9 avril 1898; Attendu qu'il est de jurisprudence constante que le marchand de vins en gros, dans l'établis sement duquel il est procédé à la manutention des tonneaux et leur mise en place, est assujetti à la loi du 9 avril 1898; Attendu, au surplus, que la société défenderesse est une véritable entreprise commerciale, puisqu'elle a pour but de vendre le vin au mieux des intérêts des sociétaires; Attendu qu'il importe peu que La Vidaubanaise ne paie pas patente, que les fonctions des administrateurs soient gratuites et que ses membres soient tous des agriculteurs; · Attendu que l'inscription ou la non-inscription d'une société au rôle des patentes ne peut produire effet pour la détermination du caractère civil ou commercial de cette société; - Attendu que la Société d'assurances Les Travailleurs français, avec laquelle a contracté la société défenderesse, mentionne dans la police qu'elle assurait tout le personnel de cette société, sans aucune exception ni réserve, contre les risques de la loi du 9 avril 1898; Attendu que la police con

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extrêmement prudente de cet arrêt lui enlève toute portée doctrinale.

Aussi bien, l'exactitude de la solution adoptée apparaît-elle avec la clarté de l'évidence, si on examine les faits à la lumière de la thèse si judicieuse développée par notre savant collaborateur M. Naquet dans sa dissertation sous l'arrêt précité du 8 nov. 1910, thèse qu'on peut résumer ainsi. En excluant, hormis dans des cas limitativement déterminés, l'agriculture de l'application de la loi du 9 avril 1898, le législateur de 1898 a entendu faire une place à part aux ouvriers agricoles, c'est-àdire aux ouvriers affectés aux travaux des champs et à ces ouvriers seuls. Or, étaient-ce des ouvriers des champs qu'employait l'association coopérative La Vidaubanaise? Il lui eût été difficile de le soutenir, puisqu'elle n'exploitait aucun domaine rural. Tous ses employés, spécialisés dans la vinification des raisins et le traitement des vins, ne pouvaient se recruter que dans le personnel des établissements de commerce de vins. Ouvriers agricoles, ils ne l'étaient pas, à coup sûr. C'est donc avec raison et fort justement que le droit au bénéfice de la législation sur les accidents du travail leur a été

reconnu.

ADRIEN SACHET.

Il convient d'observer que, lorsque la loi du 15 déc. 1922 (J. off. du 16 déc. 1922), qui applique le risque professionnel à l'agriculture, sera entrée en vigueur, c'est-à-dire un an après la publication des réglements d'administration publique rendus pour son exécution, si la distinction faite par l'arrêt ci-dessus et les arrêts cités dans la note de M. le conseiller Sachet entre les sociétés coopératives agricoles à caractère industriel et les sociétés coopératives purement agricoles perdra intérêt en ce qui concerne l'application même du risque professionnel, les solutions données par la jurisprudence antérieure permettront de déterminer si les accidents survenus au personnel employé par ces sociétés coopératives seront régis par la loi du 9 avril 1898 ou par la loi du 15 déc.

1922.

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