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ledit article; Attendu qu'aux termes de l'article susvisé, les crimes, délits et contraventions commis avant et jugés après la mise en vigueur des lois françaises, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, doivent être punis de la peine la moins rigoureuse, portée, soit par la législation française, soit par la législation antérieure; Attendu qu'Haaser a été déclaré coupable, le 25 févr. 1920, sans admission des circonstances atténuantes, d'attentats à la pudeur commis ou tentés sans violence à Kanigshoffen, en juillet 1919, sur la personne de sa fille, agée de moins de treize ans ; - Attendu que ces faits, commis avant et jugés après la mise en vigueur des lois françaises, introduites dans les anciens territoires de l'Alsace et de la Lorraine par l'art. 1er du décret du 25 nov. 1919, étaient, au moment de leur perpétration, punis, par l'art. 176, C. pén. allemand, de la peine de la réclusion pendant dix années au plus; que, néanmoins, la Cour d'assises, faisant application des art. 331, 333, C. pén. français, et de l'art. 19 de la loi du 27 mai 1885, qui édictent des peines plus sévères, a prononcé contre l'accusé les peines de cinq ans de travaux forcés et de cinq ans d'interdiction de séjour; Attendu que, pour justifier cette condamnation, l'arrêt attaqué se fonde sur ce que les poursuites avaient été, dès le principe, engagées par l'autorité militaire, en raison de la compétence des conseils de guerre en matière criminelle, résultant de l'art. 4, § 2, du décret du 6 déc. 1918; que, devant cette juridiction, les lois pénales françaises étaient seules applicables; Mais attendu

que, sans rechercher si les termes de l'art. 3 du décret du 25 nov. 1919 comportent cette dérogation, il suffit de constater qu'au moment où ils ont été commis, les faits retenus à la charge du demandeur étaient, aux termes de l'art. 37, n. 4, de l'ordonnance du 27 janv. 1877, justiciables, non de la Cour d'assises et, par suite, du conseil de guerre, mais de la juridiction du tribunal régional; qu'il suit de là qu'il a été fait au condamné une fausse application de la peine; Casse, mais seulement en ce qui touche l'application de la peine, la déclaration de culpabilité demeurant maintenue, etc.

Du 15 avril 1920.— Ch. crim. — MM. Bard, prés.; Cénac, rapp.; Depeiges, av. gén.

CASS.-CRIM. 10 mars 1922.

1° TRIBUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE, COMPÉTENCE, DOMMAGES INTÉRÊTS, QUALIFICATION DES FAITS, ELÉMENT NOUVEAU (Rép., vo Tribunal de police correctionnelle, n. 134 et s., 159 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 2503 et s., 2514). 2o CASSATION, EFFETS, ACTION PUBLIQUE,

(14) Le droit du juge correctionnel de changer, le cas échéant, la qualification des faits qui lui sont déférés (V. Cass. crim. 25 avril 1907, S. et P. 1908.1.63; Pand. pér., 1908.1.63; Paris, 9 déc. 1910, S. et P. 1912.2.311; Pand. pér., 1912. 2.311, et les renvois), et de leur appliquer un texte de loi autre que celui visé dans la poursuite (V.

ACTION CIVILE, CASSATION PARTIELLE (Rép., vo Action civile, n. 816 et s.; Pand. Rép., vo Appel correctionnel, n. 97).

1° En matière correctionnelle, toute condamnation à des dommages et intérêts doit étre fondée sur un délit légalement retenu (1) (C. instr. crim., 3).

Et les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou par la citation qui les a saisis (2) (C. instr. crim., 3, 182).

Ce principe est d'ordre public, et ne souffre d'exception que dans le cas où le prévenu renonce à s'en prévaloir, et accepte le débat sur des faits non dénoncés dans le titre de la poursuite (3) (Id.).

Doit dès lors être cassé le jugement qui porte condamnation à des dommages-intérêts sur une prévention ajoutée, en instance d'appel, à la poursuite initiale (4) (Id.).

26 L'action du ministère public, pour la poursuite des infractions à la loi pénale, et l'action civile étant indépendantes l'une de l'autre, le vice qui affecte exclusivement la décision rendue en cause d'appel sur l'action civile, et qui en entraine la cassation, ne saurait entrainer la cassation de la décision rendue sur l'action publique par le premier juge, si celle-ci n'a fait l'objet d'aucune critique, ni en cause d'appel, ni devant la Cour de cassation (5) (C. instr. crim., 3, 408, 413).

(Gomez Romano). ARRÊT.

LA COUR; Sur les troisième et quatrième moyens réunis, pris de la violation de l'art. 182, C. instr. crim., en ce que le juge d'appel a, dans sa décision, fait état d'une prétendue contravention à la police du roulage dont il n'était question, ni dans la citation, ni dans le premier jugement, et de la violation des art. 182, er et 3, C. instr. crim., en ce que, le seul délit retenu par la citation et par le dispositif du premier jugement étant le délit de fuite, le juge ne pouvait statuer que sur les dommages-intérêts qui avaient été causés à la partie civile par ce délit de fuite : Vu lesdits articles; Attendu qu'en matière correctionnelle, toute condannation à des dommages-intérêts doit être fondée sur un délit légalement retenu; que les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou par la citation qui les a saisis; que ce principe est d'ordre public; qu'il ne reçoit d'exception que dans le cas où le prévenu renonce à s'en prévaloir, et accepte le débat sur des faits non dénoncés dans le

titre de la poursuite; Attendu que, devant le premier juge, Lhacem et Bouchaïeb, chameliers au service de Gomez Romano, ont été poursuivis et condamnés chacun à 15 fr. d'amende, et solidairement à 450 fr. de dommages-intérêts et aux Cass. crim. 4 févr. 1905, S. et P. 1905.1.477, et la note; 25 avril 1907, précité), est subordonné à la condition de n'ajouter aucun fait nouveau (V. Cass. crim. 15 déc. 1894, S. et P. 1895.1.151; Pand. pér., 1896.1.231; 11 août 1899, S. et P. 1902.1.61; 15 déc. 1911, S. et P. 1914.1.54; Pand. per., 1914.1.54; Besançon, 22 mai 1912, S. et P.

frais, comme auteurs d'une seule infraction à la police du roulage, qualifiée de fuite après accident occasionné, délit prévu et puni par l'art. 34 du dahir du 7 oct. 1914; que, sur l'action de Milone, géomètre, partie civile, et du ministère public, Gomez Romano a été, par application de l'art. 36 du même daliir, déclaré civilement responsable tant des amendes prononcées que des dommages-intérêts et frais; Attendu que les deux prévenus, qui avaient fait défaut, n'ont formé ni opposition ni appel; Attendu que le tribunal de Casablanca, deuxième degré de juridiction, a été saisi d'un appel du civilement responsable, et aussi d'un appel formé par le ministère public, mais limité à la disposition du premier jugement qui déclarait Gomez Romano civilement responsable; - Attendu que ce tribunal, ainsi saisi, a statué sur la responsabilité de Gomez Romano; mais qu'il a retenu, comme base juridique des dommagesintérêts contre le délit de fuite constaté par le premier juge à la charge des deux chameliers, l'infraction de défaut de conduite, délit prévu par l'art. 20 du dahir; qu'il a ainsi ajouté à la poursuite initiale une nouvelle prévention, sans que les prévenus, toujours défaillants, aient jamais accepté le débat sur cette incrimination; D'où il suit qu'il y a eu violation des textes visés au moyen;

Sans

Sur l'étendue de la cassation: - Attendu que l'action du ministère public pour la poursuite des infractions la loi pénale et l'action civile étant indépendantes l'une de l'autre, le vice qui affecte exclusivement la décision rendue en cause d'appel sur l'action civile ne saurait entacher la décision rendue sur l'action publique par le premier juge, décision qui n'a fait l'objet d'aucune critique ni en cause d'appel, "ni devant la Cour de cassation; que la cassation ne doit donc être que partielle; qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi; - Casse le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Casablanca, le 21 oct. 1921, mais seulement dans la disposition qui a déclaré Gomez Romano civilement responsable des condamnations aux dommages-intérêts et frais prononcées contre les deux chameliers Lhacem et Bouchaïeb, la responsabilité relative aux amendes étant maintenue, etc.

Du 10 mars 1922. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Peyssonnié, rapp.; Wattinne, av. gén.

CASS.-CRIM. 6 avril 1922. CASSATION, ACCUSÉ, MISE EN ÉTAT, CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION, ARRÈT DE RENVoi (Rép., vo Cassation [mat. crim.], n.

1912.2.304; Pand. pér, 1912.2.304, et les renvois; Cass. crim. 25 juin 1920, Bull. crim., n. 285), sauf si le prévenu accepte le débat. V. Cass. crim. 6 avril 1894 (S. et P. 1894.1.376, et le renvoi; Pand. pér., 1894.1.522); 25 juin 1920, précité. (5) Point certain. V. Cass. crim. 1er sept. 1904 (S. et P. 1907.1.803), et les renvois.

472 et s.; Pand. Rép., v° Cassation criminelle, n. 644 et s.).

Il résulte du système général du Code d'instruction criminelle, et notamment des dispositions, d'une part, des art. 296,297 et 298, et, d'autre part, des art. 465, 468 et 475, que l'accusé qui n'a pas obéi aux mandements de justice décernés contre lui, et qui s'est dérobé par la fuite à leur exécution, n'est pas recevable à se pourvoir en cassation contre l'arrêt qui prononce sa mise en accusation (1) (C. instr. crim., 296 et s., 465, 468 et 475).

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LA COUR; Sur la recevabilité du pourvoi - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en prévision de l'information qui allait être ouverte contre lui, Judet a quitté la France et n'y a plus reparu depuis; qu'il s'est ainsi dérobé à l'exécution des mandats décernés par le juge d'instruction; que son pourvoi a été formé par un mandataire, et qu'il ne s'est pas mis en état; Attendu qu'il résulte du système général du Code d'instruction criminelle, et notamment des dispositions, d'une part, des art. 296, 297 et 298, et, d'autre part, des art. 465, 468 et 475, que l'accusé qui n'a pas obéi aux mandements de justice décernés contre lui, et qui s'est dérobé par la fuite à leur exécution, n'est pas recevable à se pourvoir en cassation contre l'arrêt qui prononce sa mise en accusation; -Déclare Judet non recevable en son pourvoi, etc.

--

Du 6 avril 1922. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Cénac, rapp.; Wattinne, av. gén.

CASS.-CRIM. 17 juin 1922.

1o ESCROQUERIE, MANOEUVRES FRAUDULEUSES, MÉDECIN, OUVRIER, ACCIDENT DU TRAVAIL, INDEMNITÉ TEMPORAIRE, BONS D'ACOMPTE, DÉLIVRANCE FRAUDULEUSES (Rép., v° Escroquerie, n. 297; Pand. Rép., eod. verb., n. 104 et s.). 2o MÉDECIN (OU CHIRURGIEN), LOI DU 30 NOV. 1892, COMPLICITÉ D'ESCROQUERIE, SUSPENSION

1846.1.861.

(1) Pour former un pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel qui prononce sa mise en accusation, l'accusé doit se mettre en état. Cela résulte de différentes dispositions du Code d'instruction criminelle, et spécialement de l'art. 465, qui porte que toute action en justice est interdite au contumace. V. Cass. crim. 27 oct. 1815 (S. et P. chr.): 23 avril 1846 (P. 1849.2.325); 23 mai 1846 (S. - P. 1849.2.325); 28 juin 1856 (Bull. crim., n. 230); 19 sept. 1895 (Bull. crim., n. 243). Adde, F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 5, n. 2311, ett. 8, n. 3940. La jurisprudence a apporté toutefois une exception à cette règle, en décidant que le pourvoi était recevable, bien que l'accusé ne fût pas actuellement en état, s'il avait été laissé en liberté provisoire pendant l'instruction, et si la notification de l'arrêt ordonnant son renvoi devant la Cour d'assises ne lui avait été faite que postérieurement à sa déclaration de pourvoi. V.

DE L'EXERCICE DE LA PROFESSION (Rép., vo Complicité, n. 549 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 507 et s.).

10 Se rend coupable du délit de complicité d'escroquerie le médecin qui, sciemment et de mauvaise foi, délivre à un même ouvrier blessé, mais avec indication de prénoms différents, des bons d'acompte lui permettant de toucher en même temps, de deux sociétés différentes, des indemnités de demi-salaire pour deux blessures consécutives (2) (C. pén., 405).

20 L'art. 25 de la loi du 30 nov. 1892, qui permet de prononcer contre un médecin coupable d'escroquerie la peine accessoire de la suspension temporaire ou de l'incapacité absolue de l'exercice de sa profession, est applicable au médecin condamne pour complicité d'escroquerie (3) (L. 30 nov. 1892, art. 25).

...

(Fauvel).

--

ARRÈT.

LA COUR; (sans intérêt); Sur le deuxième moyen, pris de la violation ou fausse application de l'art. 405, C. pén., en ce que l'arrêt attaqué a qualifié d'escroquerie des faits auxquels cette qualification était inapplicable: Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Goulon, journalier au service de la Comp. transatlantique, blessé à la main gauche le 20 déc. 1920, a touché d'abord régulièrement l'indemnité de demi-salaire, sur la production de bons d'acomptes à lui délivrés par le docteur Fauvel, et indiquant le nom d'Alfred Goulon; que, le 11 févr. 1921, n'étant pas encore guéri, il est entré au service de la Société Poitevin, Maunoniet Cie; qu'il a été atteint, dès le lendemain 12 février, d'une nouvelle blessure à l'avant-bras gauche; que, sur la production de bons d'acompte à lui délivrés par le docteur Fauvel, et indiquant le nom d'Alphonse Goulon, il a touché une nouvelle indemnité de demisalaire de la Société Poitevin et Maunoni;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il a, néanmoins, continué frauduleusement à toucher de la Comp. transatlantique, toujours à l'aide de bons d'acomptes délivrés par le docteur Fauvel,

Cass. crim. 13 déc. 1872 (S. 1873.1.48. —P. 1873. 77), et la note. Comp. en ce qui concerne la mise en état, lorsqu'il s'agit d'un pourvoi contre un arrêt de condamnation, Cass. crim. 7 janv. 1921 (Supra, 1 part., p. 286), et la note.

(2) Solution certaine. Les manœuvres frauduleuses, caractéristiques du délit d'escroquerie, consistaient dans la production et l'usage frauduleux de bons d'acomptes de nature à persuader l'existence d'un crédit imaginaire, ainsi que dans la participation consciente du médecin traitant à cette fraude.

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et indiquant le nom d'Alfred Goulon, des indemnités de demi-salaire, arrivant ainsi à cumuler double indemnité: - Attendu que la production desdits bons et l'intervention du docteur Fauvel ont constitué la manoeuvre frauduleuse lui attribuant un crédit imaginaire; Attendu que l'arrêt attaqué constate que ce médecin, qui connaissait Goulon et qui le soignait en même temps pour ses deux blessures, lui a délivré à diverses reprises, notamment le 19 févr. 1911, sous le; deux noms d'Alfred Goulon et d'Alphonse Goulon, des certificats lui permettant de toucher à la fois des indemnités de la Comp. transatlantique et de la Société Poitevin-Maunoni; qu'agissant avec connaissance de cause et de mauvaise foi, il a aidé Goulon à commettre le délit d'escroquerie; Attendu qu'en se fondant sur ces faits pour déclarer Fauvel coupable du délit de complicité d'escroquerie, la Cour d'appel a fait une exacte application des art. 405, 59, et 60, C. pén.;

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Sur le troisième moyen, pris de la fausse application de l'art. 25 de la loi du 30 nov. 1892, en ce que, sous prétexte que le dogteur Fauvel était condamné comme com. plice d'une escroquerie, l'arrêt attaqué l'a suspendu pendant six mois de l'exercice de sa profession: Attendu qu'aux termes de l'art. 25 de la loi du 30 nov. 1892, la suspension temporaire ou l'incapacité absolue de l'exercice de leur profession peuvent être prononcées accessoirement à la peine principale contre tout médecin, officier de santé, dentiste ou sage-femme condamnés, 2, à une peine correctionnelle pour crime de faux, pour vol, escroquerie, etc. »; Attendu qu'il est de principe de droit commun que la complicité d'un délit n'est qu'une participation à ce délit, et, par suite, un mode de son accomplis sement; qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la Cour de Rouen le 23 déc. 1921, etc.

-

Du 17 juin 1922. — Ch. crim. - MM. le cons. André Boulloche, prés.; Peyssonié, rapp.; Wattinne, av. gén.: de Ségogne et Dambeza, av.

P. 1911.1.125; Pand. per., 1911.1.125), et la note. (3) Cette solution se trouve déjà dans un arrêt antérieur du 30 avril 1909 (S. et P. 1911.1.125; Pand. per., 1911.1.125). Elle est en contradiction avec l'art. 59, O. pén., qui porte que le complice d'un crime ou d'un délit sera puni de la même peine que l'auteur principal. Naturellement, cette règle s'applique aux peines accessoires comme aux peines principales, puisque la loi ne distingue pas. Dès lors, quand l'auteur principal, en l'espèce, un ouvrier, ne peut pas encourir la suspension de l'exercice de la profession de médecin, le complice, médecin lui-même, ne peut pas davantage l'encourir. Il faut donc voir dans la solution de la jurisprudence une création prétorienne, réagissant contre la théorie que le complice a une criminalité d'emprunt, et à ce titre abusive. V. la note qui accompagne. l'arrêt précité du 30 avril 1909.

DEUXIÈME PARTIE

JURISPRUDENCE DES COURS D'APPEL,

DES TRIBUNAUX ET DÉCISIONS DIVERSES

AIX 23 janvier 1922.

1o ET 3o GUERRE, SÉQUESTRE DES BIENS ENNE

MIS, LIQUIDATION, FORMES ET DÉLAIS, HOTEL, LOCATION A UN SUJET ALLEMAND, PROROGATION CONVENTIONNELLE, CONDITION SUSPENSIVE, CONDITION NON ACCOMPLIE, EXPIRATION DU BAIL, DEMANDE EN EXPULSION CONTRE LE SÉQUESTRE, RECEVABILITÉ, MINISTÈRE PUBLIC, ACTION D'OFFICE, INTERVENTION, FIN DE NON-RECEVOIR. 2° RÉFÉRÉ, COMPETENCE, LOCATAIRE, EXPULSION, BAIL EXPIRÉ, SÉQUESTRE DES BIENS ENNEMIS, PROROGATION CONVENTIONnelle, CondiTIONS NON ACCOMPLIES, CONTESTATION (ABSENCE DE), INSTANCE AU PRINCIPAL, DESSAISISSEMENT, URGENCE, DÉCISION PROVISOIRE (Rép., vo Référés, n. 284 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 84 et s.).

1° Ni la loi du 7 oct. 1919, sur la liquidation des biens faisant l'objet d'une mesure de séquestre de guerre, ni le décret du 23 oct. 1919, ni les délais que prévoient ces textes pour les opérations de liquidation, n'ont pu avoir une influence sur la détermination des droits qui pouvaient résulter, entre le sujet ennemi objet du séquestre et un co-contractant français, des conventions intervenues entre eux avant la guerre (1) (L. 7 oct. 1919; Décr., 23 oct. 1919).

En conséquence, lorsque le bail d'un hotel, consenti par une société française à un sujet allemand avant la guerre, contenait une clause de prorogation conventionnelle du bail, subordonnée à l'exécution de certains travaux, le droit éventuel à la prorogation du bailn'est entré dans le patrimoine séquestré qu'affecté de la condition suspensive à laquelle il était subordonné (2) (Id.).

Par suite, la société propriétaire de l'hôtel est recevable et fondée à opposer au séquestre des biens du sujet ennemi, loca

(1 à 12) La Cour d'Aix a eu à se prononcer dans une espèce assez compliquée, aux aspects multiples, ce qui ne rend son arrêt que plus important d'ailleurs. Il s'agissait d'un hôtel situé sur la Cote d'Azur, qu'une société immobilière avait donné à bail depuis 1888 à un Allemand. En 1909, le bail avait été prorogé jusqu'au 29 sept. 1920. Enfin, par un acte du 8 août 1913, une nouvelle prorogation de huit années était accordée au preneur, mais en compensation, cette fois, ANNÉE 1922. - 1er cah.

taire de l'hôtel, devant les tribunaux, l'expiration du bail, à défaut par le locataire ou le séquestre d'avoir accompli la condition à laquelle était subordonnée la prorogation, et à conclure à l'expulsion du séquestre (3) (C. civ., 1737; L. 7 oct. 1919; Décr., 23 oct. 1919).

Vainement il serait allégué que l'expulsion prononcée aurait pour effet de mettre fin à la liquidation, et de mettre ainsi obstacle à l'exercice des fonctions du sequestré; l'instance à fin d'expulsion a, en effet, uniquement pour but de demander à la justice la consecration des droits du propriétaire de l'hotel vis-à-vis de son locataire, et non de liquider une partie dupatrimoine de ce locataire, en telle sorte que le principe que la liquidation ne prend fin que par la mainlevée du séquestre n'est pas mis en échec par la demande d'expulsion formée par la société propriétaire de l'hôtel (4) (ld.).

Vainement encore il serait opposé que l'instance n'aurait pas été formée dans les délais prévus par le décret du 23 oct. 1919, pour l'introduction des contestations relatives à l'ordonnance de mise en liquidation, puisque l'instance n'a pour but, ni de critiquer la décision prescrivant la liquidation, ni de contester une des opérations de la liquidation (5) (Id.).

2o Le juge des référés est compétent pour ordonner l'expulsion d'un locataire dont le bail a pris fin, soit par l'expiration du temps fixé pour sa durée, soit par un congé régulier, alors du moins que la durée ou l'expiration du bail ne sont pas sérieusement contestées (6) (C. proc., 806).

Spécialement, lorsqu'une société, propriétaire d'un hôtel, a consenti au locataire de cet hôtel, sujet allemand, une prorogation subordonnée à la condition de l'exécution de certains travaux, le juge des référés est compétent pour ordonner l'expulsion du séquestre, nommé, au cours de la

de certaines installations onéreuses qu'il sollicitait l'autorisation d'entreprendre. Survint la guerre, durant laquelle le fonds d'hôtel exploité par cet Allemand fut mis sous séquestre. Après avoir été occupé par l'autorité militaire, il était finalement restitué à l'administrateur séquestre, qui s'était contenté de le fermer, et ne songeait nullement à en reprendre l'exploitation. Cette situation était des plus préjudiciables aux intérêts de la société propriétaire de l'hôtel, qui, d'une part, ne touchait

guerre, au sujet allemand, dès lors qu'il n'est pascontesté que la condition, moyennant laquelle la prorogation avait été consentie n'a pas été accomplie, et qu'ainsi le bail est expiré (7) (C. civ., 1736, 1737; C. proc., 806).

Il importe peu qu'une demande en résiliation de la prorogation du bail ait été portée par la société propriétaire de l'hotel devant les juges du fond, si, au moment où le juge des référés est saisi de la demande d'expulsion, il est intervenu un arrêt, par lequel la Cour s'est dessaisie (pour cause d'incompétence) de la demandé en résiliation (8) (Id.).

Au surplus, le juge des référés est compétent, alors même qu'une instance est por-tée devant les juges du fond, à la condition que l'urgence soit constatée, et que le juge des référés ne fasse pas préjudice au principal (9) (C. proc., 806, 809).

Lorsque l'exploitation d'un hôtel, loué à un sujet allemand avant la guerre, et mis sous séquestre au cours des hostilités, a été interrompue depuis plusieurs années, l'urgence de la mesure qui permettra de le rouvrir est par là même démontrée (10) (Id.).

D'autre part, la décision des juges des référés, ordonnant l'expulsion du séquestre, ne fait pas échec au principal, dès lors que la solvabilité de la société propriétaire de l'hôtel donne toutes garanties au séquestre, pour le cas où, son droit de se maintenir en possession des lieux loués étant reconnu au principal, des dommages-intérêts pourraient lui être dús (11) (id.).

30 Le ministère public n'est pas recevable à intervenir comme partie principale sur une demande en expulsion des lieux loués par un sujet allemand, formée contre le séquestre des biens de cet Allemand (12) (LL. 16-24 août 1790, tit. 8, art. 2; 20 avril 1810, art. 46; C. civ., 1736, 1737; C. proc., 806; L. 7 oct. 1919: Décr., 23 oct. 1919).

pas de loyers, et qui, d'autre part, voyait péricliter petit à petit le fonds de commerce qui donnait à cet immeuble sa valeur, sans préjudice de l'état de complet délabrement dans lequel le séquestre avait laissé le bâtiment et le parc. Après avoir vainement tergiversé, la société de l'hôtel avait assigné le séquestre devant le tribunal de Grasse, à seule fin d'obtenir le paiement des loyers arriérés et la résiliation du bail pour inexécution à peu près totale de toutes les conditions, enfin pour défaut d'enII. PART. 1

(Chiris et Proc.. de la République de Grasse C. Soc. du Grand Hôtel de Grasse).

Le 3 oct. 1921, le président du tribu

tretien de la chose louée. Elle avait obtenu gain de cause devant le tribunal; mais cette décision avait été infirmé par un arrêt de la Cour d'Aix, d'ailleurs soumis actuellement à la Cour de cassation, sur le fondement de l'incompétence des tribunaux de droit commun pour connaître de semblables demandes, qui seraient de la compétence, soit de l'Office franco-allemand de compensation, prévu par la 3 section de la partie X du Traité de Versailles du 28 juin 1919 (J. off. du 11 janv. 1920), et créé par la loi du 10 mars 1920 (J. off. du 13 mars), soit du Tribunal arbitral mixte francoallemand, institué en vertu de l'art. 204 du Traité de Versailles. Sur ces entrefaites, et sans attendre l'issue du pourvoi devant la Cour de cassation, la société demanderesse s'adressait au juge des référés et obtenait l'expulsion de l'administrateurséquestre par l'ordonnance du 3 oct. 1921, depuis confirmée, par adoption de motifs, par la Cour d'Aix, dans l'arrêt du 23 janv. 1922, ci-dessus rapporté.

La Cour d'Aix a été en somme saisie de deux catégories de problèmes nettement distincts, et qu'elle a résolus, soit expressément, soit tacitement, par l'arrêt du 23 janv. 1922. Le juge des référés n'était-il pas incompétent pour prononcer l'expulsion d'après les règles du pur droit commun? N'était-il pas, à tout le moins, incompétent à raison des règles spéciales de la législation des séquestres? Envisageons ces deux aspects de la question, résolus négativement par notre arrêt, avec raison selon nous.

§ 1er.

On n'avait évidemment pas manqué d'élever de graves objections au droit du juge des référés de procéder à l'expulsion du locataire (nous laissons provisoirement de côté ce qu'il y a de spécial aux séquestres). On faisait valoir qu'il n'est pas possible au juge des référés d'intervenir en matière de bail, lorsqu'une action est pendante au principal. En ordonnant l'expulsion, il préjudiciait au principal, c'est-à-dire à la question de la validité ou du maintien du bail. Le droit d'expulsion suppose qu'il n'existe pas de bail, et que, par suite, rien ne fait échec à cette mesure. Et, la Cour d'Aix ayant été saisie d'une action en résiliation du bail, au sujet de laquelle elle s'était d'ailleurs déclarée incompétente en raison du Traité de Versailles, les choses n'étaient plus entières.

A. Tout d'abord, il parait difficile de dénier au juge des référés le droit que lui reconnaît l'art. 806, C. proc., de statuer en cas d'urgence, bien que le principal soit déjà pendant. V. en ce sens, Paris, 1er août 1890 et 21 janv. 1891 (S. et P. 1892.2. 249), avec la note de M. Tissier; Cass. req. 27 oct. 1903 (S. et P. 1904.1.337), et la note de M. Tissier; Bourges, 24 juill. 1905 (S. et P. 1906.2.64); Cass. civ. 4 mai 1910 (S. et P. 1912.1.580; Pand. vér., 1912.1.580); Lyon, 22 avril 1913 (S. et P. 1914.2.118; Pand. pér., 1914.2.118), les notes et les renvois. Ainsi que le déclare, dans sa note sous Cass. req. 27 oct. 1903, précité, notre savant collaborateur, M. Tissier, c'est ajouter arbitrairement au texte que d'exclure les cas où les parties sont déjà engagées dans un procés devant le tribunal... Le rôle du juge des référés peut s'exercer aussi utilement au cours d'un procès déjà engagé qu'en dehors de tout procès; une mesure peut se trouver nécessaire pendant l'instance, et avec une telle ur

nal civil de Grasse, statuant en référé, a rendu l'ordonnance suivante : Nous, Président; Attendu que la Société anonyme du Grand Hôtel de Grasse demande

gence qu'il y aurait grave danger à attendre un jugement du tribunal ». Constatons d'ailleurs qu'aucune action principale n'était plus pendante dans notre espèce. En effet, la Cour d'Aix, par un arrêt antérieur, s'étant déclarée incompétente, se trouvait dessaisie de l'affaire (V. Glasson, Précis de proc., 2e éd., par Tissier, t. 1, n. 573), et, le pourvoi en cassation introduit contre cet arrêt n'étant pas suspensif, aucune juridiction ne se trouvait plus saisie de l'action principale.

B. Dans ces conditions, et en l'absence d'une instance au principal, le juge des référés pouvaitil expulser le preneur à bail? La question est évidemment très controversée de déterminer la limite exacte des pouvoirs du juge des référés. Tout le monde est d'accord pour lui permettre d'expulser un locataire qui n'a pas de titre, car l'expulsion ne préjuge alors nullement le principal (V. Cass. req. 23 oct. 1888, S. 1891.1.155. P. 1891.1.371, et les renvois; Pand. pér., 1889.1.91; Paris, 21 janv. 1891, précité, et la note de M. Tissier; Cass. req. 19 oct. 1908, S. et P. 1908.1.519; Pand. pér., 1908.1.519, et les renvois), ou qui n'a plus de titre, ainsi celui dont le bail est arrivé à expiration sans contestation possible. V. en ce sens, Cass. req. 4 janv. 1898 (S. et P. 1899.1.441, et la note; Pand. pér., 1898.1.153); Paris, 29 nov. 1918 (S. et P. 1914.2.176; Pand. pir., 1914.2.176); Cass. req. 25 oct. 1920 (S. et P. 1921.1.76; Pand. pér., 1921.1.76), et les renvois. Mais l'accord cesse, lorsqu'il existe un bail, et que le propriétaire prétend qu'il n'a pas été exécuté pour défaut de paiement des loyers ou toute autre cause. - a) Pour les uns, la voie normale et obligatoire consisterait à faire résoudre tout d'abord le bail avant d'ordonner l'expulsion. Cette opinion a rencontré un certain crédit auprès de quelques juridictions, en petit nombre d'ailleurs (V. Paris, 13 janv. 1886, S. et P. 1892.2.249, ad notam; Paris, 18 juin 1891, S. et P. 1892.2.249) b) D'autres, tout en se rattachant, en principe, à la même opinion, y . apportent une restriction importante, en ce qu'elles autorisent cependant le juge des référés à ordonner l'expulsion du preneur, lorsque le bail crit contient une clause de résiliation de plein droit à défaut de paiement des loyers. V. Paris, 9 déc. 1886, 10 et 24 févr. 1888, et 6 avril 1889 (S. et P. 1892.2.249, ad notam), · c) Pour d'autres enfin, le juge des référés peut, en cas d'urgence, ordonner l'expulsion du preneur à raison du défaut de paiement des loyers, même en présence d'un bail dont la résiliation n'est pas encore prononcée. V. Paris, 21 avril 1860 (S. 1862.2.164. P. 1861. 1176), et le renvoi; Paris, 12 janv. 1867 (S. 1867. 2.36. P. 1867.204). V. au surplus, sur l'exposé de cette controverse, la note, § 2 e, de M. Tissier sous Paris, 1er août 1890, et autres décisions précitées. A plus forte raison ceux qui reconnaissent au juge des référés le droit d'ordonner une expulsion, même au cas d'instance déjà pendante au principal, lui donnent-ils ici ce pouvoir. Cette dernière opinion nous parait la meilleure, car elle répond au but même de l'institution. Certes, il faudra que le juge des référés puisse fonder ses solutions sans préjuger le principal; mais cela lui sera souvent assez facile. Dans le cas contraire, il dépasserait alors ses pouvoirs. C'est ainsi que la Cour de cassation, par un arrêt du 12 janv. 1904 (S. et P. 1905.1.332; Pand. pér., 1905.1.60). a décidé avec raison que le juge des référés ne

l'expulsion de M. Chiris, séquestre Rost, de l'immeuble dénommé Grand Hôtel, et la désignation d'un expert ayant pour mission de dresser l'état descriptif de

pouvait ordonner une expulsion pour ce motif que la convention de bail n'avait pas été exécutée, et que les loyers n'avaient pas été payés d'avance, alors qu'il lui avait fallu interpréter une convention de bail, dont les termes étaient contestés par les parties, et alors que la mesure demandée n'était pas urgente. Cf. encore, au sujet de l'hypothèse de vente, Douai, 10 nov. 1919 (Rec. de Douai, 1920, p. 67).

Mais, dans le cas où le juge des référés peut éviter ce cumul du principal et de la mesure urgente, l'art. 806, C. proc., lui donne le droit de statuer, abstraction faite de l'existence ou de la non-existence du bail, toutes les fois que la mesure sollicitée se justifie par l'urgence, dont l'appréciation lui appartient souverainement. V. Cass. civ. 14 nov. 1917 (S. et P. 1917.1.87; Pand. pér., 1917.1.87); 20 nov. 1917 (S. et P. 19181919.1.46; Pand. pér., 1918-1949.1.46), et les renvois. Adde, la note in fine et les renvois sous Nancy, 11 févr. 1920 (S. et P. 1921.2.26; Pand. pér., 1921.2.26). Tel était le cas dans l'espèce, où il était établi souverainement par les juges du fond que le parc de l'hôtel et le bâtiment luimême étaient laissés dans un tel état de délabrement, depuis plusieurs années, que les intérêts de la société propriétaire qui n'avait d'ailleurs touché aucun loyer depuis longtemps paraissaient commander la restitution immédiate des biens loués. La société offrait d'ailleurs une caution largement suffisante pour garantir le preneur au cas où il aurait gain de cause au principal, et dont il était possible de se contenter. Adde, la note précitée de M. Tissier, § 2, sous Paris, 1er août 1890, et autres décisions. Cf. Cass. civ. 4 mai 1910, précité, Ajoutons, au surplus, que le juge des référés pent prescrire en matière de bail une mesure causant un préjudice aux tiers. V. Cass, req. 20 nov. 1900 (S. et P. 1905.1.455, et les renvois; Pand. pér., 1901.1.376).

C. L'ordonnance sur référé du tribunal de Grasse, confirmée par adoption de motifs, s'est placée, pour justifier le droit d'expulsion, sur un terrain quelque peu différent, qui lui permettait d'éviter les graves objections faites par les appelants. Elle a analysé la convention de prorogation de bail de 1920 à 1928, intervenue en 1913, comme faite sous la condition suspensive que les travaux envisagés seraient réalisés avant 1920 par le preneur. Or, en 1920, date de l'expiration du bail commencé en 1907, aucun travail n'avait encore été commencé. Par suite, la condition Buspensive était défaillie, il n'y avait plus aucun titre de bail, mais un preneur dont le bail était arrivé à expiration en 1920. Sur ce terrain, le droit d'expulsion du juge des référés ne pouvait plus être contesté, conformément à la doctrine de la Cour de cassation, dans le cas où le bail est expiré. V. Cass. req. 4 janv. 1898 et 25 oct. 1920, précités, les notes et les renvois. Cette interprétation de la convention des parties paraissait en somme conforme à ses termes. Le preneur avait sollicité dès 1913 l'autorisation de procéder à de gros travaux, et la prorogation n'était intervenue en sa faveur qu'à titre de compensation, et « pour dédommager M. R... des dépenses qu'il va faire ». Le bail ne devant primitivement prendre fin qu'en 1920, l'intervalle de sept années (1913 à 1920) devait être mis à profit pour effectuer ces travaux Il était largement suffisant et conditionnait

l'immeuble; qu'elle fait valoir que, depuis le 29 sept. 1920, le séquestre est un occupant sans titre; Attendu que le défendeur, ès qualité, répond qu'il a un titre de possession formel, constitué par un bail expirant le 29 sept. 1928, et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société ; Attendu que M. le procureur de la République, intervenant, requiert qu'il nous plaise lui donner acte de son inter

la prorogation accordée, qui ne commençait à courir qu'autant que la condition suspensive se réalisait. Les deux choses étaient liées.

§ 2.

La législation de guerre des séquestres était invoquée comme contraire aux prétentions des demandeurs, tant par le ministère public que par l'administrateur-séquestre.

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a) La première objection était tirée de l'art. du décret du 23 oct. 1919 (J. off. du 30 oct.), intervenu en exécution de l'art. 3 de la loi du 7 oct. 1919. En vertu de l'art. 5 de ce décret, toute personne intéressée peut intervenir par voie de référé devant le président saisi de la requête à fin de liquidation de biens ennemis, si elle a des droits à faire valoir à l'encontre du séquestre Un délai très court est établi (deux mois, réduits à quinze jours par le décret du 17 sept. 1920, J. off. du 22 sept.), passé lequel aucune intervention de quelque personne ou de quelque nature que ce soit ne peut être admise Dans l'espèce, le délai se trouvait dépassé depuis longtemps. Dès lors, l'action de la Société de l'Hôtel de Grasse était irrecevable comme tardive, d'une part, et comme n'étant pas intervenue, d'autre part, dans les conditions de forme de l'art. 5 du décret précité.

Une action tendant à l'expulsion d'un preneur, et éventuellement à la résolution d'un bail, est-elle visée par l'art. 5 du décret précité? Le ministère public le soutenait, en vertu des mots : Toute intervention faite par n'importe qui et pour quelque cause que ce soit... par toute personne intéressée ». Ces termes très larges engloberaient toute réclamation, quelle qu'elle soit. Mais c'est donner aux termes du décret une étendue démesurée. Il s'agit là d'une mesure exceptionnelle, dérogatoire au droit commun, et, par suite, on doit l'interpréter restrictivement. Ce que l'on a voulu, c'est assigner un terme aux interventions qui tendraient à remettre en question la mesure du séquestre elle-même. Il faut bien qu'à partir d'un certain moment, celle-ci soit définitive, ne serait-ce que pour permettre de procéder à la liquidation des biens, de même que, dans une faillite, les intéressés doivent intervenir dans les délais de droit fixés par l'art. 580, C. comm., pour obtenir, s'il y a lieu, la réformation du jugement déclaratif de faillite. Tel serait le cas d'un individu qui prétendrait qu'il est Français ou qu'il possède une nationalité non ennemie. V. comme exemples de l'action exercée en vertu de l'art. 5 du décret du 23 oct. 1919, Paris, 22 déc. 1920 (Rec. Gaz. Trib., 1921.2.227); Trib. de Belfort (référés), 9 févr. 1921 (Rec. Gaz. Pal., 1921.2.418); Paris, 16 févr. 1921 (Rec. Gaz. Trib., 1921.2.353); Paris, 22 juin 1921 (Rec. Gaz. Trib., 1921.2.574). Echappent, au contraire, à la forclusion du décret du 23 oct. 1919, les-actions qui sont étrangères à la mesure du séquestre. Tel est le cas de l'action en reprise d'un des immeubles séquestrés, qui n'était pas la propriété du sujet séquestré. L'action du véritable propriétaire ne vise pas la mesure même du séquestre. L'action par laquelle un propriétaire réclame son immeuble

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met en jeu le grand principe que nul ne peut transférer plus de droits qu'il n'en a lui-même. L'Etat ne peut liquider que les biens qui sont la propriété du sujet ennemi et les tiers ne les acquièrent que dans les conditions du droit commun. Il est impossible d'admettre que les régles fondamentales du droit civil ont été mises de côté implicitement par un simple décret, dont le but est d'ailleurs tout autre. C'est là ce que la Cour de cassation a déjà proclamé nettement à propos d'une action en résolution de la vente d'un immeuble, faite en 1914 à un Allemand qui n'avait jamais payé le prix d'achat. Successivement, le tribunal de Boulogne-sur-Mer, par jugement du 28 nov. 1919, et la Cour de Douai, par arrêt du 3 nov. 1921 (Rec. de Douai, 1921, p. 5), ont précisé nettement la portée du décret de 1919, qui, n'ayant eu en vue que les biens qui feraient partie régulièrement de la masse à liquider, ne met pas obstacle à ce que certains immeubles sortent du patrimoine du sujet séquestré par l'exercice d'une action en résolution. Sur pourvoi, la chambre des requêtes (14 juin 1921, S. et P. 1921.1.219; Pand. pér., 1921.1.219, et la note) a adopté cette these que les règles du droit commun conservent tout leur empire. Etendant cette solution à l'action de la Société du Grand Hôtel de Grasse, il convenait de décider également que l'administrateur - séquestre ne pouvait avoir un droit que ne possédait pas le preneur mis sous séquestre, et qu'il n'avait à sa disposition l'hôtel qu'avec les charges qui le grevaient. Sur la possibilité d'actionner le séquestre à raison des obligations par lui contractées, V. d'ailleurs, Cass. req. 12 janv. 1921, qui sera publié ultérieurement. A vrai dire, une objection avait déjà été énoncée à cet égard par le ministère public contre le rapprochement des deux hypothèses. Dans le cas d'une vente résolue, disait-il, la rétroactivité de la condition fait que l'immeuble n'a jamais été dans le patrimoine de l'acquéreur (C. civ., 1183) (V. Cass. civ. 28 déc. 1885, motifs, S. 1887.1.289. P. 1887.1.721), et par suite, l'administration du séquestre ne s'y est jamais étendue, tandis qu'en matière de bail, si l'on admet bien que la résiliation n'est après tout qu'une condition résolutoire (Aubry et Rau, 5 éd., t. 5, p. 348, § 369, 3°; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Du louage, 3° éd., t. 1o, n. 1380), la jurisprudence n'en décide pas moins que cette condition joue sans rétroactivité (V. Cass. req. 8 nov. 1882, S. 1884.1.333.

P. 1884.1.817, et les renvois. Adde, Aubry et Rau, 3o éd., t. 5, p. 348, § 369, note 9 bis; BaudryLacantinerie et Wahl, op. cit., t. 1er, n. 1391). Il faut, ajoute-t-on, tenir compte des faits, et, en particulier, les loyers seront dûs pour la partie du bail qui a couru. Mais nous croyons que ce serait mal interpréter l'arrêt de la chambre des requêtes du 14 juin 1921, précité, que de faire reposer sa solution sur la rétroactivité de la condition. Si la Cour a admis la recevabilité de l'action en revendication du propriétaire, c'est parce qu'elle a considéré, et elle l'a dit, que la lor et le décret de 1919 ne dérogeaient nullement aux règles du droit commun, et devaient se limiter aux actions ayant

dénommé le Grand Hôtel, et ce, moyennant un loyer annuel de 43.365 fr., outre les contributions, les primes d'assurances et les réparations; Attendu que cette location, commencée en 1888, devait prendre fin, après plusieurs prorogations successives, le 29 sept. 1920; - Attendu qu'à la date du 8 août 1913, la société avait consenti, moyennant certaines conditions, qui n'auraient pas été réalisées, notam

pour objet la mesure du séquestre. Or, l'action tendant à l'expulsion du preneur et à la résolution du bail est étrangère à ce dernier objet. La mise sous séquestre et la liquidation des biens des sujets ennemis en France, décidées contre les ressortissants de l'Allemagne, ne doit pas dégénérer en une spoliation des intérêts français ou neutres. V. Paris, 17 déc. 1919 (motifs) (Rec Gaz. Pal., 1920. 1.34). V. pourtant, en sens contraire, Paris, 22 déc. 1920 (Rec. Gaz. Trib., 1921.2.459), déclarant dans ses motifs qu'une déclaration de faillite d'un sujet sous séquestre n'est pas possible, car il existe déjà une procédure de liquidation collective, celle du séquestre, et la circulaire de la Chancellerie du 11 févr. 1920, rapportée par Gidel et Barrault (Le Tr. de paix avec l'Allemagne et les intérêts privés, p. 68), interdisant aux créanciers hypothécaires les voies d'exécution du droit commun. V. au surplus, au sujet d'une revendication par un tiers d'un immeuble situé en Alsace et faisant partie de biens sous séquestre, Trib. régional de Strasbourg, 10 déc. 1919 (Rev. jurid. d'Alsace-Lorraine, 1920, p. 33), décidant que l'arrêté du commissaire général, du 17 avril 1919 (Bull. off. d'AlsaceLorraine, 1919, p. 562), étant resté muet sur ce point, cette action reste soumise au droit com

mun.

b) L'administrateur-séquestre prétendait enfin que la mesure du séquestre ne pouvait disparaître que par une mainlevée intervenant conformément à la législation des séquestres et dans les formes prescrites par elle. Or, l'actif du séquestre comportant ici exclusivement le droit au bail de l'hôtel, en ordonnant l'expulsion de l'administrateurséquestre, on mettait fin indubitablement à son administration. Il y a, dans cette objection, une véritable méprise. Autre chose est de récupérer un bien qui ne fait pas partie à juste titre de la masse à liquider (c'est l'hypothèse également de Cass. req. 14 juin 1921, précité), autre chose de mettre fin au séquestre. De même, dans une faillite, la revendication exercée par un tiers, au sujet d'un immeuble, à l'encontre de la masse (C. comm., 574 et s.), n'a aucun rapport avec la solution à donner à la faillite et notamment avec sa mainlevée. L'expulsion de l'administrateur-séquestre ne mettait nullementun terme à sa mission en droit, et les biens du sujet ennemi restaient sous séquestre, mais ses biens seulement. Il est possible que l'administration du séquestre devint sans objet en fait, dès lors que l'hôtel cessait d'en faire partie, parce que le droit au bail était son seul élément actif; mais cela ne changeait rien à la question. L'objection ne portait donc pas, et la Cour d'Aix ne s'y est pas arrêtée à juste titre, pour ce motif excellent qu'il ne s'agissait nullement de revenir sur la mesure du séquestre, mais de solutionner simplement un litige qui relevait du droit commun. A cet égard, l'arrêt rapporté ci-dessus nous paraît bien rendu.

J.-P. NIBOYET,

Professeur de droit international privé à la Faculté de droit de Strasbourg.

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