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(Soc. des établissements Goulet-Turpin C. Epoux Sureau).

Les époux Sureau, gérants d'une succursale de la Société des établissements Goulet-Turpin, s'étaient interdit pendant deux ans, sous un dédit de 2000 fr., s'ils venaient à quitter cette maison, dé s'établir comme gérants d'une succursale vendant des produits similaires dans un rayon de 6 kilomètres. Ayant abandonné leur situation pour prendre la gérance de la Société coopérative civile de Vitry-le-François, ils ont été assignés par la Société des établissements Goulet-Turpin en paiement du dédit stipulé.

11 juin 1919, jugement du tribunal civil de Vitry-le-François, jugeant commercialement, qui rejette cette demande pour les motifs suivants: « Le Tribunal; Attendu, qu'aux termes des statuts de la coopérative, la fourniture des denrées que celle-ci se procure ne peut être faite qu'aux sociétaires munis de leurs carnets; que les étrangers à la société n'ont aucun moyen de se procurer lesdites denrées; que celles ci sont payées comptant par le sociétaire qui en prend livraison; qu'au surplus, ladite société a eu soin, par le titre même qu'elle s'est donné, de bien marquer son caractère non commercial; qu'elle ne fait pas appel à la clientèle étrangère et qu'elle n'a aucun compte ouvert avec ses clients; qu'aux termes d'une doctrine et d'une jurisprudence constantes, le caractère de société civile doit lui être reconnu sans conteste, et qu'elle ne peut être assimilée, à aucun point de vue, à une société commerciale; que les époux Sureau n'ont violé aucune des règles en usage entre les établissements Goulet-Turpin et leurs gérants et n'ont pas pris la direction d'une maison vendant des produits similaires; que les clauses pénales doivent, au surplus, en raison de la gêne qu'elles apportent dans la liberté commerciale, qui est la règle générale, ètre interprétées dans un sens des plus restrictifs; Par ces motifs; Déclare la Société anonyme des établissements Goulet-Turpin mal fondée en sa demande, etc. ».

Appel par la Société des établissements Goulet-Turpin.

ARRÈT.

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges; - Considérant, en outre,

ment dans la même ville, peut être considéré comme s'immisçant dans le commerce qu'il s'est interdit, s'il loue ses services à une société coopérative, établie pour l'exploitation du même commerce, et qui vend, non seulement à ses associés, mais encore à tous ceux qui veulent lui acheter. V. Rouen, 26 juill. 1867 (2° espèce) (S. 1868.2.146. P. 1868.680), et le renvoi.

(1-2) V. la note de M. Niboyet sons Cass. civ. 26 juill. 1921 (3 arrêts) (Supra, 1° part., p. 305).

(3-4) La Cour de cassation a déjà décidé qu'à raison de sa généralité, l'art. 96 de la loi du 13 juill. 1911 affranchit l'avocat de l'obligation de produire une procuration devant les juridictions

que les époux Sureau s'étaient interdit pendant deux années de s'établir, notamment comme gérants d'une maison vendant des produits similaires à ceux de la Société Goulet-Turpin, à une distance de moins de 6 kilomètres de la maison de vente qu'ils quittaient, sous un dédit forfaitaire de 2000 fr.: Considérant que cette prohibition doit être entendue dans un sens restrictif; que la Société coopérative civile de l'arrondissement de Vitry-le-François, où sont entrés, comme gérants, les époux Sureau, ne vend pas, mais répartit entre ses adhérents seuls, ayant versé une cotisation de 30 fr., les produits qu'elle achète; Par ces motifs; Confirme, etc. Du 3 juin 1922. C. Paris, 4° ch. MM. Le Berquier, prés.; Legris, subst.; Gallois et Penancier, av.

TRIB. REG. DE SARREGUEMINES
1er mai 1920.

FRANÇAIS, TRAITÉ DE VERSAILLES, SUJET
ALLEMAND, RÉCLAMATION DE LA NATIONA-
LITÉ FRANÇAISE, ASCENDANT Domicilié en
ALSACE-LORRAINE.

Le $ 2, 3o, de l'annexe à la section V de la partie III du Traité du 28 juin 1919, autorisant à réclamer la nationalité francaise tout Allemand dont un ascendant était, au 15 juill. 1870, domicilié en AlsaceLorraine, exige expressément que l'ascendant, duquel le réclamant prétend_tenir son droit, ait eu son domicile en AlsaceLorraine à la date même du 15 juill. 1870 (1) (Tr. de Versailles, 28 juin 1919, part. III, annexe à la sect. V, § 1er).

Il ne suffit pas que cet ascendant ait été domicilié en Alsace-Lorraine à une date quelconque antérieure au 15 juill. 1870 (2) (Id.).

(G ..). JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; - Attendu que le requérant invoque la disposition du § 2, n. 3, de l'annexe à la section V du Traité de paix, et qu'il fait valoir, à l'appui de son recours, que sa mère, née à Rosbruck (Alsace), le 5 nov. 1837, de parents francais, avait jusqu'au jour de son mariage, le 2 mal 1851, son domicile à Rosbruck (Alsace); · Attendu que cette allégation est exacte; Mais attendu que la mère du requérant, après son mariage, a quitté la Lorraine, et à transféré son domicile à

consulaires, non seulement pour plaider, mais encore pour représenter son client dans les diverses opérations prescrites au cours de l'instance, et pour prendre au nom de celui-ci toutes conclusions paraissant utiles à la défense de ses intérêts, sauf les exceptions pouvant être apportées à cette régle par un texte spécial de loi. V. Cass. civ. 1er juill. 1914 (S. et P. 1917.1.157; Pand. per., 1917.1.157), et la note. Et elle en avait déduit cette conséquence que l'art. 352, C. proc., à le supposer applicable à l'avocat plaidant devant le tribunal de commerce, ne mentionnant pas la dénégation d'écriture au nombre des actes nécessitant la production d'un pouvoir spécial et cette

Nassweiler, en Prusse rhénane, pays de son mari, où elle est restée; Attendu qu'il ne suffit nullement que l'ascendant de celui qui réclame la nationalité francaise ait été domicilié à une date quelconque antérieure au 15 juill. 1870 en Alsace-Lorraine, mais que la loi exige. expressément que l'ascendant y ait eu son domicile à la date même du 15 juill. 1870;

Attendu que la mère du requérant n'était pas domiciliée à cette date en Lorraine; que, dès lors, le requérant ne remplit pas les conditions exigées par le texte qu'il a invoqué en sa faveur; Par ces motifs; Rejette le recours, etc.

Du ler mai 1920. Trib. rég. de Sarreguemines. M. Ernwein, prés.

TRIB. COMM. DE LA SEINE
14 décembre 1921.

AVOCAT, TRIBUNAL DE COMMERCE, DISPENSE DE PROCURATION, LOI DU 13 JUILL. 1911, DÉNÉGATION DE SIGNATURE, POUVOIR SPECIAL (ABSENCE DE) (Rép., vo Avocat, n. 353 et s.; Pand. Rép., vo Tribunal de commerce, n. 661 et s.).

La disposition de l'art. 96 de la loi du 13 juill. 1911, qui a dispensé les avocats régulièrement inscrits à un barreau de présenter une procuration devant la juridiction commerciale, est générale, et ne comporte aucune restriction (3) (L. 13 juill. 1911, art. 96).

En conséquence, un avocat peut valablement, sans pouvoir spécial, dénier, au nom de son client, la signature de celui-ci, apposée sur une lettre de change (4) (Id.).

(Chabre C. Dumont). JUGEMENT. LE TRIBUNAL; Attendu que Chabre réclame à Dumont et à Seppe, solidairement, paiement de la somme de 30.000 fr., montant d'une traite tirée de Paris le 19 févr. 1921 par un sieur Raymond sur Dumont, acceptée par ce dernier, stipulée payable au 28 février alors prochain, causée valeur en compte, transmise par endos régulier, après échéance, à l'ordre de Seppe et par ce dernier à Chabre, enre gistrée, impayée et protestée; En ce qui touche Dumont : Attendu que Dumont, par l'organe de son avocat, dénie la signature qui lui est attribuée; - Attendu que, bien que ledit avocat ne produise pas un pouvoir spécial pour dénier la signature,

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cette dénégation est valable, en vertu de l'art. 96 de la loi de finances du 13 juill. 1911, qui a dispensé les avocats régulièrement inscrits à un barreau de présenter une procuration devant la juridiction. commerciale; Attendu que cette dispense est générale et ne comporte aucune restriction; que, dès lors, il y a lieu de donner à Dumont acte de sa dénégation, et de surseoir à statuer sur la demande formée contre lui; Par ces motifs; - Donne à Dumont acte de sa dénégation; -Surseoit à statuer sur la demande formée contre ce défendeur jusqu'après décision à intervenir sur l'incident par les juges compétents, etc.

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Du 14 déc. 1921. Trib. comm. de la Seine. MM. Piot, prés.; d'Abgarowicz,

av.

TRIB. CORR. DE ROANNE 2 juin 1922.

CHASSE, ANIMAUX MALFAISANTS OU NUISIBLES,

DESTRUCTION, PIES, BETES FAUVES, ARRÉTÉ PRÉFECTORAL, INOBSERVATION DES CONDITIONS, PERMIS DE CHASSE (DÉFAUT DE) (Rép., vo Destruction des animaux malfaisants ou nuisibles, n. 19 et s.; Pand. Rép., v Chasse, n. 383 et s.).

La pie ne saurait rentrer dans la catéde gorie des betes fauves, que l'art. 9, 3o, la loi du 3 mai 1844 permet au propriétaire, possesseur ou fermier de détruire, même avec arme à feu et sans autorisation spéciale, lorsqu'elles portent dommage à ses propriétés (1) (L. 3 mai 1844, art. 9).

Mais la pie est un animal malfaisant ou nuisible, qui, si elle est classée comme telle par un arrêté préfectoral, peut être détruite sur ses terres par le propriétaire, possesseur ou fermier, à la condition de sé conformer aux conditions prescrites par l'arrêté (2) (L. 3 mai 1844, art. 9, 3o).

En conséquence, en présence d'un arrêté préfectoral sur la police de la chasse, qui permet la destruction au fusil des nids des oiseaux nuisibles, moyennant l'autorisation préalable du préfet, accordée sur déclaration transmise par le maire, constitue une infraction à cet arrêté, réprimée par l'art. 11, 3o, de la loi du 3 mai 1844, le fait d'un propriétaire qui, sur son ter

(1-2-3) Il est certain que les pies ne rentrent pas dans la catégorie des bêtes fauves, qui, en cas de dommage à la propriété, peuvent être détruites en tout temps par le propriétaire, possesseur ou fermier, même avec l'aide d'armes à feu, et sans autorisation spéciale, conformément à la disposition de l'art. 9, 3°, in fine, de la loi du 3 mai 1844. V. Angers, 10 mars 1874 (S. 1875.2.207. P. 1875.824); Cass. crim. 11 juin 1880 (S. 1880. 1.438.-P. 1880.1084, et les renvois ; Pand. chr.). Adde, Giraudeau, Lelièvre et Soudée, La chasse, 2o éd., n. 697; Chenu, Chasse et procès, p. 145, texte et note 2; Baudouin, Jaffeux et Radot, Dict. en mat. de chasse, v° Pie, n. 2 et 3. V. égal., pour les corbeaux, Lyon, 19 mai 1905 (S. et P. 1906. 2.213), et les renvois.

Mais les pies sont des animaux auisibles, qui, dès lors qu'ils ont été classés comme tels par arrêté préfectoral, peuvent, conformément à l'art. 9, 3o, de la loi du 3 mai 1844, être détruits sur ses terres

rain, a tiré sur un nid de pies, sans avoir fait la déclaration ni avoir obtenu l'autorisation prescrites par l'arrêté (3) (L. 3 mai 1844, art. 9, 3o, et 11, 3o).

Toutefois, le droit de destruction dês animaux malfaisants et nuisibles par le propriétaire, possesseur ou fermier n'étant pas subordonné à la détention d'un permis de chasse, iln'y a pas lieu de faire au prévenu l'application de l'art. 16 de la loi du 29 avril 1921, d'après lequel ceux qui auront chassé sans permis de chasse seront, en outre de l'amende prévue à l'art. 11, n. 1, de la loi de 1844 condamnés à payer une somme égale au prix du permis de chasse général (4) (LL. 3 mai 1844, art. 9, 3o, 11, 3; 25 juin 1920, art. 44; 29 avril 1921, art. 16).

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LE TRIBUNAL; Considérant qu'il résulte des documents de la cause et des débats que Tissot, au moment où il était rencontré par les gendarmes, le 7 mai 1922, à Balbigny, venait de tirer sur un nid de pie se trouvant sur un peuplier situé sur son terrain; qu'aux termes de l'arrêté préfectoral sur la clôture de la chasse en 1922, du 22 déc. 1921, l'arrêté réglementaire sur la police de la chasse, du 1er août 1913, est remis en vigueur, notamment en ce qui concerne la destruction des animaux malfaisants et nuisibles; qu'aux termes de l'art. 15 de ce dernier texte, les nids des oiseaux nuisibles pourront être détruits, au fusil, avec l'autorisation du préfet, sur déclaration transmise par le maire; qu'il est constant qu'en fait, Tissot ne présente aucune déclaration ni autorisation de ce genre, et que, dès lors, il est contrevenant à l'arrêté susvisé, et tombe sous le coup des dispositions pénales de l'art. 11, 3o, de la loi du 3 mai 1844; qu'on ne saurait, toutefois, lui faire grief de ne pas être porteur en la circonstance, d'un permis de chasse; qu'en effet, le texte de la loi de 1844 est formel, quand, dans son art. 9, §3, 3°, il donne au propriétaire, possesseur ou fermier, le droit de détruire, en tout temps, sur ses terres, les animaux malfaisants ou nuisibles; que, d'ailleurs, l'autorisation dont s'agit, accordée par le préfet, n'est pas subordonnée à l'obligation du permis de chasse; qu'on

par le propriétaire, possesseur ou fermier, à la condition de se conformer aux conditions prescrites par l'arrêté préfectoral. V. Angers, 10 mars 1874, et Cass. crim. 11 juin 1880, précités, avec les renvois. Adde, Giraudeau, Lelièvre et Soudée, op. cit., n. 665; Chenu, op. cit., p. 137; Baudouin, Jaffeux et Radot, op. et loc. cit. Et la destruction des animaux malfaisants ou nuisibles par le propriétaire, possesseur ou fermier, au cas d'inobservation de prescriptions de l'arrêté préfectoral, constitue une infraction réprimée par l'art. 11, 3o, de la loi du 3 mai 1844. V. Orléans, 3 févr. 1893 Pand. pér., 1893.2.67); (S. et P. 1893.2.39. Douai, 17 févr. 1897 (S. et P. 1897.2.233; Pand. pér., 1897.2.276); Paris, 17 févr. 1899 (S. et P. 1899.2.109); Lyon, 19 mai 1905, précité, et les les renvois. V. aussi, Angers, 15 juin 1916 (S. et P. 1920.2.22; Pand. pér., 1920.2.22), la note et les renvois.

(4) Le propriétaire, possesseur ou fermier, pour

ne peut donc, dès lors, appliquer l'art. 16 de la loi de finances du 29 avril 1921, visant le paiement d'une somme égale au prix du permis de chasse général; mais qu'on ne saurait, par contre, s'arrêter au moyen mis en avant par Tissot, à savoir qu'il s'agirait ici, non d'un animal malfaisant ou nuisible, mais d'une bête fauve », et qu'en conséquence, eu égard aux dispositions de ce même art. 9, 3°, qui réserve aux propriétaires, possesseurs où fermiers, le droit naturel de détruire, même avec arme à feu et sans autorisation spéciale, les bêtes fauves qui portent dommage à ses propriétés, il n'y aurait pas d'infraction punissable; que la loi, en la matière, en effet, laisse à l'autorité judiciaire le soin d'apprécier quels sont les animaux auxquels la qualification de « bêtes fauves » appartient, au point de vue de l'applica tion de l'art. 9, § 3, 3o; or, il est géne ralement admis que cette expression de « bêtes fauves doit être entendue dans son acception normale et habituelle, c'està-dire avec la signification que lui donnent les ouvrages de vènerie et les anciennes ordonnances; qu'à cet égard, les pies ne peuvent, évidemment rentrer dans cette catégorie, qui comprend les sangliers. loups, renards, blaireaux, loutres, cerfs et biches, fouines et putois; mais qu'elles sont bien, de leur nature et par leur nombre, des animaux malfaisants ou nuisibles à l'agriculture, comme les corbeaux, geais, étourneaux ou sansonnets, pigeons et autres oiseaux du même genre, ainsi d'ailleurs que l'indique l'arrêté préfectoral précité du 1er août 1913, dans son art. 11; que, dans ces conditions, s'il ne peut être question ici de délit de chasse sans permis et en temps prohibé, il n'en reste pas moins acquis que Tissot a commis une infraction à l'arrété du préfet, prévue et punie par l'art. 11, 3o, de la loi du 3 mai 1844; DisPar ces motifs; qualifiant la prévention, condamne Tissot Jean-Baptiste à la peine de 16 fr. d'amende pour contravention à l'arrêté réglementaire permanent sur la chasse du préfet de la Loire, en date du 1er août 1913, etc. Du 2 juin 1922. Trib. corr. de Roanne. MM. Fouchère, prés.; Roux, proc. de la Rép.; Chanteret, av.

détruire sur ses terres les animaux malfaisants ou nuisibles, n'a pas besoin d'être muni d'un permis de chasse. V. Cass. crim. 28 (et non 27) oct. 1899 (S. et P. 1892.1.608, et la note; Pand. pér., 1895. 1.105). Adde, Baudouin, Jaffeux et Radot, Diet. es mat. de chasse, v° Animaux nuisibles, n. 2 et 3. On ne peut donc relever à sa charge le délit de chasse sans permis. V. Cass. crim. 28 (et non 27) oct. 1899 (motifs), précité. La conséquence en est que l'infraction qu'il a pu commettre, en contrevenant aux prescriptions de l'arrêté préfectoral autor:sant la destruction des animaux malfaisants et nuisibles, ne peut comporter l'aggravation de peine édictée, pour la chasse sans permis, pat l'art. 16 de la loi du 29 avril 1921 (J. off. da 30 avril 1921), et qui consiste dans le paiement, en outre de l'amende, du montant d'un permis de chasse général, c'est-à-dire, d'après l'art. 44 de la loi du 25 juin 1920 (J. off. du 26 juin 1920), une somme de 100 fr.

TRIB. RÉGIONAL DE MULHOUSE

6 avril 1922.

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1° MARQUES DE FABRIQUE, DÉPÔT, PROPRIÉTÉ, DénomINATION COMMERCIALE, CARACTÈRE ABSOLU, USURPATION, ENSEIGNE, NON-APPOSITION SUR LES PRODUITS (Rép., vo Marques de fabrique, n. 107 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 421 et s.). 20 ALSACE-LORRAINE, MARQUES DE FABRIQUE, DENOMINATION COMMERCIALE, ENSEIGNE, DÉPÔT EN FRANCE, INTRODUCTION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE, EMPLOI ANTÉRIEUR, ETABLISSEMENT CRÉÉ APRÈS L'ARMISTICE, DROITS ACQUIS, TRAITÉ DE VERSAILLES, EFFET RÉTROACTIF.

1o La propriété exclusive et absolue d'une marque de fabrique ou de commerce, régulièrement déposée, confère au déposant un droit de revendication, sur tout le territoire français, contre quiconque l'aurait usurpée d'une manière quelconque... (1) (LL. 23 juin 1857; 3 mai 1890; Décr., 27 févr. 1891).

...

Sans qu'il soit nécessaire que l'usurpation résulte de l'apposition de la marque de fabrique sur des produits, cette condition n'étant pas exigée par l'art. 1or de la loi du 23 juin 1857 (2) (Id.).

Spécialement, les dénominations devant être considérées comme marques de fabri que, aux termes de l'art. 1er de la loi du 23 juin 1857, constitue une atteinte au droit du propriétaire d'une marque régulièrement déposée en France, constituée par une

(1) Il est de jurisprudence que la propriété d'une marque de fabrique ou de commerce, régulièrement déposée, est absolue (V. Cass. civ. 20 déc. 1909, S. et P. 1910.1.303; Pand. pér., 1910.1.303; 19 févr. 1919, S. et P. 1921.1.250 ; Pand. pér., 1921.1.250), et s'étend à tout le territoire français. V. Cass. civ. 19 févr. 1919, précité, et les renvois.

(2-3) La loi du 23 juin 1857, art. 7, punit la contrefaçon d'une marque déposée, sans exiger comme condition constitutive du délit que la marque, usurpée d'une manière quelconque, soit apposée ou destinée à être apposée sur les produits livrés au public. V. Cass. crim. 22 janv. 1892 (S. et P. 1892.1.221; Pand. pér., 1895.1.40); Cass. civ. 15 févr. 1909 (S. et P. 1909.1.510; Pand. per., 1909.1.510), les notes et les renvois.

(4 à 7) La décision du tribunal régional de Mulhouse est très curieuse en droit, et c'est pourquoi nous avons cru utile d'attirer l'attention sur elle (V. dans le même sens, Trib. rég. de Strasbourg, 5 mai 1922, Journ. La Loi, 26 janv. 1923). Les faits, dans notre espèce, étaient les suivants. En août 1919, un commerçant s'installe à Mulhouse, où il fonde un magasin qu'il appelle La Belle Jardinière, mais qui n'a absolument rien de commun avec la société de nom similaire dont la maison principale est à Paris. L'intéressé pouvait se croire autorisé à utiliser ce nom, bien connu en France, alors que, d'une part, La Belle Jardinière de Paris ne possédait aucune maison en Alsace et Lorraine, et que, d'autre part, ce nom, ainsi que celui d'autres grands magasins de Paris, était déjà utilisé dans d'autres villes. On rencontrait ainsi à Strasbourg des magasins de La Belle Jardinière, du Louvre, du Bon Marché, etc., maisons dont certaines étaient établies déjà au temps allemand. A l'époque où La Belle Jardinière était installée par l'intéressé à Mulhouse, soit en août 1919, ANNÉE 1922. 10-11 cah.

enseigne dans l'espèce, « la Belle Jardi- | nière, et s'appliquant, aux termes du certificat de dépôt, sur les devantures du magasin, sur les annonces et tous autres imprimés de la maison, comme aussi sur les produits et marchandises, le fait, par un commerçant, de se servir en Alsace de la même dénomination sur les enseignes de son magasin, ses prospectus et ses imprimés pour factures (3) (Id.).

20 Le commerçant qui a pris pour enseigne de ses magasins, dans une ville d'Alsace, et a employé dans ses annonces et prospectus, une marque de fabrique régulièrement déposée en France par un autre commerçant, -en l'espèce l'enseigne « A la Belle Jardinière", - n'est pas fondé à opposer à l'action dirigée contre lui par le propriétaire de la marque qu'ayant créé son magasin en Alsace, en 1919, avant que la législation française concernant les marques de fabrique et de commerce ait été introduite en Alsace, il avait pu valablement se servir de cette dénomination, conformément aux dispositions de l'art. 30, C. comm. allemand, alors en vigueur, dès lors que la raison sociale qu'il avait ainsi adoptée se distinguait nettement de toutes raisons sociales préexistantes dans la même localité (4) (LL. 23 juin 1857; 3 mai 1890; Décr., 27 févr. 1891).

En effet, en admettant qu'au moment de la création de son magasin, le défendeur eût pu adopter, en vertu de la législation locale, la denomination litigieuse, cette

on se trouvait encore durant l'armistice, puisque le Traité de Versailles n'est entré en vigueur qu'en janvier 1920. La législation applicable était donc indiscutablement celle de l'Allemagne, d'après laquelle la maison parisienne ne pouvait invoquer en aucune mesure une usurpation de marque de fabrique, puisque l'art. 30, C. comm. local, lui refusait ce droit, en ne protégeant que l'usurpation des marques enregistrées dans le même lieu, ce qui n'était pas le cas de la marque enregistrée à Paris. Quant à la Convention d'union du 20 mars 1883, approuvée par la loi du 25 janv. 1884 (S. Lois annotées de 1885, p. 730. - P. Lois, décr., etc. de 1885, p. 1213), à laquelle l'Allemagne avait ultérieurement adhéré, et dont il n'a pas été d'ailleurs question au cours du procès, le défendeur eût pu faire remarquer qu'elle se bornait à assimiler les ressortissants de chaque pays aux nationaux, et rien de plus, et qu'en outre, le Traité de Versailles (art. 286) ne la remettait en vigueur qu'à dater de la mise en vigueur du traité lui-même. Mais un décret du 10 févr. 1920 (S. et P. Lois annotées de 1922, p. 450; Pand. pér., Lois annotées de 1922, p. 450), ratifié par la loi du 17 juill. 1922 (J. off. du 22 juill. 1922), a introduit en Alsace et Lorraine la législation française sur les marques de fabrique. A l'avenir, les marques nouvellement créées sont soumises à notre loi du 23 join 1857, et il est bien certain que de nouveaux magasins, portant le nom d'un de ceux qui actuellement fonctionnent en France, ne sauraient se constituer en contrefaisant leur marque sans tomber sous les sanctions pénales (art. 7 et 14) et civiles de cette loi.

La Belle Jardinière de Paris pouvait-elle interdire l'usage de sa marque, c'est-à-dire de son nom, à la maison constituée à Mulhouse en août 1919 ? Le tribunal de Mulhouse l'a estimé, et nous voudrions maintenant entrer dans le détail de son

faculté, n'ayant pu persister que tout aulant que demeurait en vigueur la législation à la faveur de laquelle elle s'exerçait, avait nécessairement pris fin à la date à laquelle, par le décret du 10 févr. 1920, en vigueur en Alsace-Lorraine, les lois françaises concernant les marques de fabrique et de commerce avaient été mises en vigueur en Alsace-Lorraine (5) (C. civ., 2; LL. 23 juin 1857; 3 mai 1890; Tr. de Versailles, 28 juin 1919, art. 306 et 311; Décr., 10 févr. 1920; L. 17 juill. 1922).

Pour qu'il en fût autrement, il eût fallu que le défendeur pût invoquer un droit acquis; or, en cette matière, les droits acquis sont déterminés par l'art. 311 du Traité de Versailles, visé par le décret du 10 févr. 1920, aux termes duquel les droits · de propriété industrielle, qui devront être reconnus par l'Etat français, et maintenus en vigueur sur le territoire transféré, sont exclusivement ceux qui étaient en vigueur sur le territoire au moment de sa separation d'avec l'Allemagne, c'est-à-dire au 11 nov. 1918, ou ceux qui seront rétablis ou restaurés par application de l'art. 306 du traité de paix, c'est-à-dire ceux acquis avant la guerre ou pendant la durée de la guerre (6) (Id.).

Le commerçant français, qui est venu de l'intérieur de la France s'établir en Alsace après le 11 nov. 1918, ne peut donc invoquer un droit acquis à l'encontre des lois reconnues par les lois françaises sur les marques de commerce (7) (ld.).

argumentation, car la solution donnée, qui paraît quelque peu rigoureuse et contraire à la notion des droits acquis (C. civ., 2), n'en est pas moins fondée, eu égard aux textes sciaux qui régissent la matière. Certes, il est toujours admis qu'une loi nou velle ne doit pas porter atteinte aux droits acquis antérieurement, à moins bien entendu que le législateur n'ait voulu faire une loi rétroactive. V. Cass. civ. 7 juin 1901 (S. et P. 1902.1,513), la note de M. Wahl, avec les renvois; Trib. de SaintLô, 10 juill. 1913 (S. et P. 1913.2.259; Pand. pér., 1913.2.259); Toulouse, 3 déc. 1917 (S. et P. 1920. 2.3; Pand. pér., 1920.2.3); Cass. req. 30 nov. 1920 (S. et P. 1921.1.167; Pand. pér., 1921.1.167), et la note. Or, l'usage d'une marque donnée étant libre en Alsace en 1919, il ne paraît pas possible, au premier abord, que l'introduction de la loi française en février 1920 pút avoir rétroactivement une conséquence aussi peu respectueuse des droits qu'avaient acquis les intéressés. De là résultait donc que l'intéressé pouvait continuer à se servir de la marque de La Belle Jardinière.

Notre jugement répond que le législateur, usant de son droit souverain, a entendu faire rétroagir l'introduction des lois françaises. L'art. 4 du décret da 10 févr. 1920 est, en effet, ainsi conçu : • Les marques des établissements situés dans les territoires réintégrés seront considérées comme des marques françaises à dater du 11 nov. 1918. Les établissements n'en garderont pas moins la faculté d'invoquer, dans les territoires réintégrés, les droits qu'ils tenaient de l'enregistrement en Allemagne, conformément à l'alin. 2 de l'art. 311 du traité de paix ». De ce texte résulte donc que les droits à l'usage d'une marque, acquis avant l'introduction de la législation française, sont bien maintenus; mais la fin de l'alinéa contient une formule qui constitue le fond de l'argumentation de notre jugement: les droits qu'ils tenaient de l'enreII PART. 16

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gistrement en Allemagne, conformément à l'alin. 2, de l'art. 311 du traité de paix Ces droits acquis sont maintenus, dit bien le texte, mais seulement conformément à l'alin. 2 de l'art. 311. Que dit cette dernière disposition? Elle est ainsi conçue : Les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique en vigueur sur les territoires séparés de l'Allemagne, conformément au présent traité, au moment de la séparation de ces territoires d'avec l'Allemagne, ou qui seront rétablis ou restaurés par application de l'art. 306 du présent traité, seront reconnus par l'Etat auquel sera transféré ledit territoire, et demeureront en vigueur sur ce territoire, pour la durée qui leur sera accordée suivant la législation allemande ». On saisit des lors aisément le raisonnement auquel conduisait l'interprétation littérale de ce texte : Puisque les droits maintenus sont ceux qui étaient en vigueur au moment du retour de l'Alsace et Lorraine à la France, seuls constituent des droits acquis, au point de vue du décret de 1920, les marques déposées avant le 11 nov. 1918, cette date étant celle de la réintégration à la France des provinces recouvrées (art. 51 du traité de paix). Par suite, la marque: A la Belle Jardinière, déposée à Mulhouse en août 1919, ne constitue pas un droit acquis qui puisse prévaloir contre le droit à la même marque appartenant à La Belle Jardinière de Paris.

Cette solution, qui résulte d'un rapprochement des textes envisagés, pourrait néanmoins susciter des scrupules, tant elle est rigoureuse, et l'on serait tenté, tout d'abord, de protester contre cette rétroactivité, si l'exposé des motifs du décret du 10 févr. 1920 ne montrait que ses auteurs ont bien voulu ce résultat. Voici, en effet, comment il s'exprime à ce sujet : t: a Les droits sur les marques déposées en France deviennent valables, en principe, dans les territoires réintégrés, sous réserve des droits maintenus en rigueur par l'art. 311 du traité de paix, c'est-à-dire des droits résultant de l'enregistrement de marques en Allemagne (Rev. jurid. d'Alsace-Lorraine, 1920, p. 233); et, plus loin, nous lisons: " A dater du 11 nov. 1918, le territoire alsacien est redevenu français; l'usurpation des marques connues comme appartenant à autrui en France n'a pu créer aucun droit acquis (Rev. jurid. d'Alsace-Lorraine, 1920, loc. cit.). Ainsi donc, la pensée est claire. Toutes les marques déposées en Alsace, du 11 nov. 1918 au 10 févr. 1920, conformément à la loi locale alors encore en vigueur, sont soumises rétroactivement à la loi française, et se trouvent sans valeur, toutes les fois que, d'après notre loi de 1857, elles sont postérieures à des marques similaires françaises.

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Le jugement ci-dessus a donc admis l'action de La Belle Jardinière de Paris, qu'imposait le décret d'introduction des lois françaises.

Comment pourrait-on justifier cette rétroactivité, admise par le décret, et qui paraît si contraire aux principes de notre droit?

L'idée qui est à la base du décret est que les droits acquis, aussi bien dans le conflit dans le temps de deux lois successives que dans le conflit qui est consécutif à l'annexion d'un territoire et à l'extension à ce territoire des lois de l'annexant, exigent que l'ordre public ne s'oppose pas à leur reconnaissance. Or, tel était précisément le cas ici dira-t-on. Certes, en août 1919, un droit ne pouvait être acquis en Alsace que conformément à la loi locale alors en vigueur; bien plus, la loi sur

demandeurs ont assigné Conchon - Quinette pour faire constater que la dénomination Belle Jardinière, régulièrement déposée par eux, constitue leur propriété

le régime transitoire du 17 oct. 1919. (S. et P. Lois annotées de 1921, p. 205; Pand. per., Lois annotées de 1921, p. 205) décide le maintien des lois locales dans son art. 3, de sorte que, le voulût-on, on ne pouvait respecter à l'avance la loi française, dont nul ne savait quand elle serait introduite. Néanmoins, ajoutera-t-on, ne serait-il pas un peu immoral de respecter des droits acquis après l'armistice par des personnes dans des conditions telles qu'ils sont une usurpation de droits appartenant à des Français. Dans notre espèce, il s'agissait d'un Français de l'intérieur, qui avait utilisé en connaissance de cause la marque de La Belle Jardinière, parce qu'il espérait en tirer un véritable bénéfice. S'il pouvait se prévaloir de la loi locale, on légitimerait une action peu honnête, ne serait-ce que sur le simple terrain de la morale. Or, c'est parce que, durant l'armistice, de nombreuses situations de ce genre se sont produites que les auteurs du décret ont admis la rétroactivité de la loi française sur les marques de fabrique. Ils ont prononcé sans aucun doute en connaissance de cause. En d'autres termes, ils ont créé une véritable présomption juris et de jure de fraude à l'égard de toutes les marques déposées depuis le 11 nov. 1918, et usurpant des marques françaises. La loi locale leur a donc paru contraire à l'ordre public, dans la mesure où elle couvre des agissements considérés comme de nature à favoriser l'usurpation des marques de fabrique françaises.

Il n'est pourtant pas bien certain qu'une loi locale, alors en vigueur régulièrement en Alsace, devait être considérée rétroactivement comme contraire à l'ordre public, même en Alsace et Lorraine (Cf. sur cette notion de l'ordre public dans le conflit des lois françaises et des lois locale d'Alsace et Lorraine, notre ouvrage sur Les Conflits entre les lois françaises et les lois locales d'Alsace-Lorraine, n. 62 à 66), bien que le législateur, dans son omnipotence, puisse, il est vrai, tout décider et même se contredire.

En effet, on ne peut s'empêcher de relever l'étrange contradiction législative qui existe entre la loi du 17 oct. 1919, sur le régime transitoire, et notre décret. La première dispose que la loi locale est maintenue, et nous savons que les Codes civil et de commerce ne doivent être introduits que le 1er janv. 1924 au plus tôt. Désormais, la loi locale a donc cessé d'être une loi allemande, c'est-à-dire étrangère, pour devenir une loi française, c'est-àdire la loi française applicable à trois départements français, et cela, le législateur l'a consacré luimême formellement, lorsque, par la loi du 24 juill. 1921 (art. 15, alin. 3) (J. off. du 26 juill. 1921), il a décidé que l'erreur d'interprétation de cette loi donnerait lieu au recours en cassation. V. Niboyet, op. cit., n. 21, 21 bis, 68.

Dès lors, n'était-il pas quelque peu contradictoire de décider, par le décret du 10 févr. 1920, que nos lois sur les marques seraient introduites rétroactivement à la date du 11 nov. 1918, malgré la loi sur le régime transitoire, qui déclarait encore n vigueur le 17 oct. 1919 tout le droit local, et ont les intéressés araient le droit de se prévaloir? Le décret n'aurait dû rétroagir, en bonne législation, qu'à cette dernière date tout au plus, à supposer qu'il dut même rétroagir. Il n'est pas bon de décider d'abord que les lois locales sont maintenues, puis de se raviser peu après pour effacer rétroactivement ce qu'on vient d'admettre.

exclusive, à titre de marque de fabrique et de commerce, pour lui défendre d'en faire usage d'une façon quelconque, et pour lui réclamer 20.000 fr. à titre de

Au fond, on a surtout voulu éviter certaines situations un peu choquantes, dans lesquelles les intéressés ne s'étaient servis du droit local que pour usurper des marques françaises Il eût alors suffi, peut-être, au lieu d'une solution rigide, de décider que les droits acquis pourraient être rejetés, lorsque l'intention frauduleuse serait établie.

Quoi qu'il en soit, notre décret a force de loi, d'autant que la loi du 17 juill. 1922 l'a ratifié, et il convient de s'y conformer, comme notre jugement l'a d'ailleurs fait.

Néanmoins, il sera impossible d'appliquer la loi française rétroactivement, au pied de la lettre, et nous croyons qu'il faut distinguer trois choses : a) l'usage de la marque; b) les poursuites pénales; c) les poursuites civiles.

a) En ce qui concerne l'usage de la marque, force est d'appliquer la loi française, et de décider que les marques en question cesseront de pouvoir être utilisées toutes les fois qu'une marque française existera antérieurement au 11 nov. 1918. Notre jugement le décide très nettement, et il a raison, puisque le décret est formel.

b) Les poursuites pénales prévues par la loi du 23 juin 1857 (art. 7 et s.) sont, au contraire, inapplicables, en vertu de la règle: Nulla pons sine lege. Le texte ne le dit pas, mais les principes généraux du droit pénal sont formels sur ce point (Cf. l'art. 4, C. pén. fr., introduit en Alsace et Lorraine par le décret du 25 nov. 1919, 8. et P. Lois annotées de 1921, p. 217; Pand. pér., Lois annotées de 1921, p. 217). L'exposé des motifs du décret du 10 févr. 1920 rappelle d'ailleurs que le fait que la législation sur la propriété industrielle et la concurrence déloyale n'est entrée en vigueur qu'ultérieurement n'a pas d'autre conséquence que de ne permettre les poursuites d'après la loi française que pour les actes postérieurs (Rev. jurid. d'Alsace-Lorraine, 1920, p. 233).

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c) Poursuites civiles en dommages-intérêts. Notre jugement a admis la possibilité d'une pareille demande, bien qu'en fait, il n'ait pas alloué de dommages-intérêts. Voilà qui n'est peut-être pas tout à fait inspiré par la rétroactivité du décret. On ne peut pas dire qu'on commette une faute, lorsqu'on dépose une marque valable d'après la loi actuellement applicable. Supposons, en effet, que le défendeur eût, ce qui n'était pas le cas, causé un préjudice pécuniaire aux demandeurs; il eût pa ainsi, après coup, se trouver condamné à des dommages-intérêts énormes. Nous ne craignons pas de rejeter cette solution. D'ailleurs, à supposer qu'il y eût à reprocher au défendeur une faute, étant donné qu'il n'était pas sans connaître La Belle Jardinière de Paris, l'action ne pouvait être fondée que sur les dispositions du Code civil local, relatives à la faute et aux conditions que ce texte pose pour qu'elle puisse ouvrir droit à des dommagesintérêts. Notre jugement est élégamment passé à côté de la question, en décidant qu'à raison des circonstances exceptionnelles de l'affaire, et compte tenu de la satisfaction qu'avaient reçue les demandeurs par la suppression du magasin, fermé par suite de faillite, il n'y avait pas lieu d'allouer des dommages-intérêts. 11 eût mieux fait, statuant en droit, de rejeter le principe même de toute action en dommages-intérêts fondée sur la loi française. J.-P. NIBOYET,

Professeur de droit international privé à la Faculté de droit de Strasbourg.

dommages-intérêts, à cause de l'usage abusif et préjudiciable qu'il en aurait fait à Mulhouse; Attendu qu'il est justifié que les demandeurs ont déposé leur marque de fabrique et de commerce conformément à la loi; qu'il résulte des certificats concernant les dépôts effectués par eux, le 23 févr. 1894 et le 22 févr. 1909, que la marque constituée par l'enseigne Belle Jardinière s'applique sur les devantures du magasin, sur les annonces et tous autres imprimés de la maison, comme aussi sur les produits et marchandises »; · Attendu qu'en vertu de l'art. 2 de la loi du 23 juin 1857, modifié par la loi du 3 mai 1890, une marque de fabrique ou de commerce devient la propriété exclusive de celui qui en a effectué le dépôt dans les formes et conditions prescrites par le décret du 27 févr. 1891; que cette propriété est absolue; qu'elle s'étend à tout le territoire français; que, par suite, elle confère au déposant un droit de revendication contre quiconque l'aurait usurpée (Cass. civ. 19 févr. 1919, S. et P. 1921.1.250; Pand. pér., 1921.1.250); Attendu, en outre, que l'art. 1er de la loi du 23 juin 1857, qui, notamment, considère les dénominations comme marques de fabrique et de commerce, n'exige pas que la marque soit apposée sur les produits pour qu'elle ait été usurpée d'une manière quelconque (Cass. crim. 22 janv. 1892, S. et P. 1892.1.221; Pand. per., 1893.1.40); Attendu qu'en conséquence, les demandeurs, dont le droit a, du reste, été déjà reconnu par plusieurs décisions de justice, sont fondés à défendre, sur tout le territoire français, l'emploi de la marque Belle Jardinière, tant sur les devantures que sur les annonces, imprimés, et produits livrés au public; qu'on ne saurait leur opposer une liste de maisons de commerce similaires usant de la marque Belle Jardinière, un abus ne pouvant justifier un autre abus, et les demandeurs étant d'ailleurs seuls juges de l'intérêt qu'ils peuvent avoir à tolérer T'emploi de leur marque ou à l'empêcher suivant les circonstances; - Attendu, en fait, que Conchon-Quinette a ouvert un magasin à Mulhouse en août 1919; qu'à cette occasion, il a répandu dans le public des prospectus illustrés, portant comme titre A la Belle Jardinière, vêtements confectionnés et sur mesure; que ses imprimés pour factures contenaient les mentions suivantes : < Etablissements

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(1) La prohibition de la vente entre époux, édictée par l'art. 1595, C. civ., ne doit pas être étendue au partage; l'interdiction formulée par l'art. 1595 doit, en effet, être interprétée restrictivement, et ne peut être étendue en dehors des dispositions du texte. V. Huc, Comment. du C. civ., t. 10, n. 48; Guillouard, Tr. de la vente et de l'échange, t. 1, n. 145; Baudry-Lacantinerie et Saignat, De la vente, 3o éd., n. 203. Le droit, que reconnaît l'art. 815, C. civ., à tout co-indivisaire de sortir de l'indivision peut d'ailleurs être exercé par les époux qui sont propriétaires par indivis, aussi bien que par toute autre personne. V. Baudry-Lacantinerie et Wahl, Des succ., 3o éd., t. 2, n. 2150, in fine. Cette règle ne souffre exception qu'en ce qui concerne les biens dépen

Conchon-Quinette, A la Belle Jardinière, Maison de tailleur, la plus importante spécialité de vêtements tout faits »; qu'en outre, de grandes enseignes « A la Belle Jardinière étaient apposés sur les deux facades de l'immeuble occupé par le magasin; qu'il n'est pas douteux que ces faits rentrent dans les prévisions de la loi du 23 juin 1857, et constituent une atteinte à la propriété de la marque des demandeurs; que, d'ailleurs, Conchon-Quinette, après qu'il a été assigné, a liquidé ses marchandises et fermé son magasin; que le procès ne présente plus d'intérêt qu'en ce qui concerne la question des dommages et des frais;

Attendu que le défendeur soutient que, lorsqu'il a fondé son magasin à Mulhouse, en août 1919, la législation française concernant les marques de fabrique et de commerce n'avait pas encore été introduite en Alsace, et que, par conséquent, il pouvait, en se conformant aux dispositions du Code de commerce allemand (art. 30), prendre comine raison sociale la dénomination A la Belle Jardinière », qui se distinguait nettement de toutes les raisons sociales préexistantes dans la même localité; qu'il en déduit qu'ayant pu, en vertu de la législation locale, se servir valablement de cette raison sociale, il ne saurait, par l'effet de l'introduction de la loi française, être dépouillé de ce qu'il considère comme un droit acquis, ni par conséquent être condamné à payer des dommages-intérêts;

Mais attendu qu'en admettant qu'au mois d'août 1919, Conchon-Quinette eût pu adopter à Mulhouse, comme raison sociale, en vertu de la législation locale, la dénomination Belle Jardinière, cette faculté n'eût pu durer que tout autant que serait en vigueur la législation à la faveur de laquelle cette faculté s'exerçait; que cette faculté aurait donc cessé à partir du 10 févr. 1920, date du décret qui a mis en vigueur, en Alsace-Lorraine, les lois françaises concernant les marques de fabrique et de commerce; que, pour qu'il en fut autrement, il faudrait que Conchon-Quinette pût invoquer valablement un droit acquis; mais qu'en cette matière, es droits acquis ont été déterminés par l'art. 311 du Traité de Versailles, visé par le décret du 10 févr. 1920; qu'aux termes de cet article, les droits de propriété industrielle, qui devront être reconnus par l'Etat français, et maintenus en vigueur sur le territoire transféré, sont exclusivement

dant de la communauté tant qu'elle subsiste (V. Laurent, Princ. de dr. civ., t. 10, n. 233; BaudryLacantinerie et Wahl, op. cit., t. 2, p. 646, n. 2150, texte et note 4), ou les biens qui ont fait l'objet d'une convention d'indivision insérée dans le contrat de mariage. V. Cass. req. 30 nov. 1886 (S. 1887, 1.401. P. 1887.1.1009), et la note de M. Labbé.

Ce qui vient d'être dit du partage de biens indivis entre époux est également vrai pour la licitation d'immeubles indivis entre époux, toutes les fois que la licitation n'a pas le caractère d'une vente. Et, sans entrer dans les controverses qu'ont fait naître les différentes hypothèses qui peuvent se présenter au cas de licitation de biens indivis entre plusieurs héritiers ou co-indivisaires (V. les notes et les renvois sous Cass. civ. 2 févr. 1915,

Attendu

ceux qui étaient en vigueur sur le territoire au moment de la séparation d'avec l'Allemagne, et ceux qui seront rétablis ou restaurés par application de l'art. 306 du traité de paix; que l'Alsace et la Lorraine ont été séparées de l'Allemagne à dater du 11 nov. 1918, ainsi que le proclame l'art. 51 du traité; que les dispositions de l'art. 306 visent les droits de propriété industrielle acquis avant la guerre ou pendant la durée de la guerre; qu'ainsi, en aucune façon, Conchon-Quinette, commercant français, venu de l'intérieur en Alsace après le 11 nov. 1918, ne peut invoquer un droit acquis à l'encontre des droits reconnus par les lois françaises sur les marques de commerce; qu'en raison des circonstances exceptionnelles dans lesquelles est né ce procès, et compte tenu de la satisfaction qu'ont déjà reçue, par la suppression du magasin de Conchon-Quinette à Mulhouse, les demandeurs, qui, d'ailleurs, n'établissent pas que l'usurpation commise par le défendeur leur ait causé un préjudice appréciable, il y a lieu d'admettre comme suffisante l'allocation des entiers dépens pour tous dommages; Par ces motifs; Dit et juge que la dénomination Belle Jardinière constitue la propriété exclusive des demandeurs, à titre de marque de fabrique et de commerce; que le défendeur a porté atteinte à cette propriété;... lui fait défense d'employer d'une façon quelconque la dénomination Belle Jardinière, etc. Du 6 avril 1922. - Trib. rég. de Mulhouse, 2 ch. MM. Richard, prés.; Kræhling et Nordmann, av.

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PARIS 20 juillet 1922.

VENTE, VENTE ENTRE ÉPOUX, IMMEUBLE INDIVIS, LICITATION, ADJUDICATION AU PROFIT DE L'UN DES ÉPOUX, EFFET DÉCLARATIF, PARTAGE (Rép., v Partage, n. 867 et s.; Pand. Rép., v Successions, n. 7794 et s.).

La disposition de l'art. 1595, C. civ., qui, sauf les cas qui y sont spécifiés, interdit la vente entre époux, n'est pas appli cable à la licitation d'un immeuble indivis entre les époux, l'adjudication sur licitation, si elle est faite au profit de l'un des époux, ayant le caractère, non d'une vente, mais d'un partage (1) (C. civ., 815, 883, 1595).

S. et P. 1921,1.135; Pand, pér., 1921.1.135, et sous Cass. civ. 23 avril 1918, supra, 1° part., p. 10), il est certain que, si l'adjudication sur licitation d'immeubles indivis, prononcée au profit de l'un des indivisaires, fait complètement cesser l'indivision, elle est assortie de l'effet déclaratif, et n'est pas une vente. V. Cass. civ. 3 déc. 1913 (S. et P. 1920.1.135; Pand. pér., 1920.1.135), et la note de M. Wahl; 2 févr. 1915, précité, et les renvois.

Tel est le cas où l'adjudication d'un immeuble indivis entre les époux est tranchée en faveur de l'un d'eux. L'indivision ayant complètement cessé par le fait de la licitation, l'époux adjudicataire est censé avoir toujours été propriétaire de l'immeuble pour la totalité; la licitation a un effet déclaratif, et non pas translatif et elle ne

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