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PRÉFA CE.

LE caractère d'authenticité dont ces Pièces sont revêtues, est la raison la plus solide de l'intérêt qu'elles doivent obtenir. Prétendre à cet intérêt par des opinions qui voudroient l'usurper, ce seroit l'affoiblir.

Les relations des Contemporains sont les meilleures, quand elles sont des souvenirs sincères, des consignations de faits; les jugemens des contemporains sont ce qu'il y a de pire, parce qu'ils ne sont que des conjectures ou des conséquences tirées de motifs particuliers. La mauvaise foi qui perce dans tous les Écrits modernes, justifie tellement d'avance la défiance de nos neveux, que les hommes probes voudroient l'accroître encore, et les mettre, pour ainsi dire, en garde contre tout ce qui doit leur venir de notre temps. Peut-on les armer de trop de précaution dans leur créance, à l'aspect de tant d'impostures qu'ils sont condamnés à recevoir? Qu'on Tome I.

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jette les yeux sur les Écrits de certain personnage qui se dit gravement l'Historien de la Révolution française, et dont la perspicacité découvre cette Révolution toute entière, et dans son origine, et dans ses phases, comme une œuvre des menus plaisirs de d'Orléans, ou comme le résultat des méditations de la franc-maçonnerie; on suppose, pour un moment, que les Ecrits d'un pareil personnage, échappés à un incendie général de toutesdes Bibliothèques, arrivent seuls, par cet accident, aux temps les plus reculés: peut-on ne pas trembler de voir les Lecteurs prendre alors, pour des faits, les romans de la sottise et de la vénalité? Telle seroit sans doute la méprise. Devenus vénérables à travers les siècles, ces romans seroient des antiquités incontestables; car, qui pourroit contester des choses affirmées par un contemporain de visu et auditu?

On ne peut donc faire assez attentivement et précisement, cette distinction des faits d'avec les jugemens; car les jugemens des Contemporains étant, répétonsle, sur-tout dans les agitations politiques, l'effet trop immédiat de sensations toutes récentes, dont ils se donnent rarement le

loisir d'appeler à la réflexion, leur premier devoir seroit presque de s'interdire leur propre témoignage; le nôtre est de transmettre au tribunal irréfragable de l'Histoire, les pièces du grand procès de la Révolution, nues en quelque sorte et dégagées de toute glose. La postérité seule prendra ce qui lui appartient. C'est en ne reconnoissant d'autre compétence que la sienne, que l'Éditeur lui adresse telles qu'elles, les Correspondances Originales des plus fameux Royalistes qui ont figuré dans la Guerre de la Vendée. Un Tacite, qui viendra dans vingt ans, quand les passions seront refroidies, trouvera peut-être ici quelques matériaux. Mais jusque-là, tout ce que nous disons, ncus génération mutilée de vainqueurs et de vaincus , tout ce que nous écrivous, nous faisons, nous prétendons, nous espérons, qu'estce autre chose que des matériaux pour l'Histoire ?

Les événemens, dont la scène a été le plus rapprochée de nous, sont ceux précisément qui, jusqu'ici, nous ont été le moins connus. C'est sans doute parce que les passions qui y ont été réciproquement plus froissées, les obscurcissent

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davantage. La guerre de la Vendée est une des circonstances de notre révolution, dont l'Histoire paroît avoir reçu le plus d'altération de cette influence fatale.

Les uns (les défenseurs exclusifs de l'humanité) n'ont pas hésité d'avancer que Robespierre étoit l'auteur de ce fléau; ils se disent les ennemis déclarés de Robespierre, et toujours il faut qu'ils en fassent un génie supérieur, qui couvre de sa puissance suprême le passé, le présent et l'avenir. Cette opinion, par sa seule absurdité, devoit rencontrer beaucoup d'oreilles crédules; cependant, lorsqu'on entend par-tout retentir dans la Vendée ces audacieuses Proclamations pour relever le Trône et l'Autel, on ne peut guère s'obstiner davantage à méconnoître les vraies causes de la guerre de la Vendée le Royalisme et le Papisme purs.

On seroit étonné que l'opinion publique eût ainsi pris le change sur la cause tant démontrée de ces funestes événemens, si l'on ne se rappeloit que ceux qui composèrent cette opinion furent long-temps ceux-là même pour lesquels son erreur étoit un voile nécessaire. Non, la Nation Française ne fut ja

mais royaliste, comme se plaisoient à le répéter sans cesse Puisaye et ses complices. La preuve qu'elle est au contraire toute républicaine, c'est la fraude éternelle dont ils ont eu besoin de se servir pour en séduire et égarer la portion la moins éclairée; et cette fraude elle - même n'a pu obtenir quelques succès qu'en prenant au gré de chaque circonstance des formes et des modifications nouvelles. Si, par exemple, l'on monte au principe de la réaction post-thermidorienne, on voit clairement que les royalistes n'ont commencé à recouvrer alors leurs espérances, et bientôt leur existence, qu'en se présentant d'abord sous l'égide de factions républicaines qui, ayant des vengeances à contenter, n'étoient nullement scrupuleuses sur le choix des auxiliaires qui s'offroient à les aider. Le parti qui restoit à ces royalistes étoit bien celui de se mêler aux bannières apparamment démocratiques; ils avoient été repoussés: par la terreur trop loin du gouvernement pour oser, je ne dirai pas s'en ressaisir au détriment des républicains, mais seulement soutenir son regard. Le gime de fer sous lequel ils venoient de

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