Dans les Révolutions, les partis ou leurs subdivisions nés de mal-entendus sur les hommes ou sur les choses peuvent et doivent se concilier quand ils reconnoissent leur parfait accord sur le but; mais ce seroit une grossière erreur d'espérer que les partis, nés d'intérêts diamétralement contraires 9 puissent jamais se réunir et se fondre. Les premiers partis peuvent s'user en se frottant; les seconds ne font que s'aiguiser. Où rencontrer un point de contact? Quelle amalgame sincère espérer, entre les Royalistes d'une part, qui, prédestinés pour l'ignorance et l'oisiveté, sur lesquelles reposent complaisamment toutes les combinaisons de leur existence, appellent sans cesse et nécessairement un Roi qui vienne réaliser leurs vœux insensés; et de l'autre part, des Républicains qui, parvenus à rentrer dans la route où les talens et les vertus doivent obtenir la préséance, voudroient plutôt s'anéantir que de renoncer à cette nouvelle vie, pour reprendre l'opprobre de l'ancienne. Dans ce combat à mort, il sembleroit que la victoire dût rester à ces derniers; oui, si elle restoit à la force généreuse; mais toutes les histoires qui précèdent notre République, ne nous la présentent-elle pas toujours soumise à la ruse comme une vile esclave. Lorsqu'éclairée par l'expérience de la domination de Cromwel, mais surtout indignée d'être revenue sous le joug de Charles II, la Nation anglaise, révoltée contre le bigotisme féroce de Jacques II (en 1688), se reportoit avec enthousiasme vers la République, qu'est-ce qui, détournant le mouvement des esprits en faveur d'un seul, appela Guillaume d'Orange, et parvint à réintégrer la royauté ? Ne furent-ce pas les Cavaliers? Dans le moment d'interrègne, qui suivit la mort de la reine Anne, on vit encore une fois le peuple prêt à briser les chaînes dans lesquelles ses droits avoient été retenus; mais s'obstinant à faire peser un trône sur l'Angleterre, les éternels Torys introduisirent la famille d'Hanôvre, régnante aujourd'hui, par la grâce de Dieu et de M. Pitt. Il est vrai que les routes leur avoient été, dès long-temps, préparées par les Royalistes de l'intérieur. Ceux-ci, ayant commencé par perdre les Patrio tes dans l'opinion du peuple, savoient qu'il seroit facile de les lui faire bientôt égorger. Aussi M. Hume, quand il voit, après la mort de Cromwel, jouer sur les théâtres et présenter, à la risée publique, les Têtes rondes, a-t-il raison d'annoncer, dès-lors, l'arrivée de Monck, puis la restauration de la Monarchie. Quelle orgueilleuse satisfaction les Historiens royaux ne trouvèrent-ils pas jusqu'à notre ère, à représenter comme la leçon des peuples, ce lamentable spectacle de la Liberté impuissante, s'agitant vainement pour retomber, bientôt après, dans les bras de la Monarchie. La République Française est le glorieux démenti donné à tous les tyrans, à tous les esclaves anciens et modernes. Quand on considère tant d'intrigues et tant de combats, dont elle est sortie victorieuse, on reconnoît combien elle est digne du nom d'impérissable, que lui ont donné ses intrépides fondateurs; et ses amis les plus inquiets seroient tentés de remettre à sa destinée, le soin de la préserver encore. La raison, elle-même, la moins confiante semble pouvoir s'autoriser de l'expé rience, pour croire à cet instinct, à ce fatalisme, peut-être inspiré par le cœur, mais que la raison ne repousse pas toujours. En effet, les machinations des ennemis de la Liberté, et les erreurs même de ses amis semblent avoir conspiré pour soutenir et étendre ses premiers progrès. Les résistances lui ont donné une nouvelle force; et la force, qui lui a été nécessaire pour vaincre ces résistances, est devenue encore un moyen d'impulsion plus rapide pour arriver à son but; c'est parce qu'il a été obligé de regagner, pour ainsi dire, le temps perdu, que le char de la Révolution a renversé quelquefois, les conducteurs eux-mêmes. Alors, les sauts et les bonds désordonnés succédant tout-à-coup à sa rotation régulière, ont dû écraser, comme obstacle, ceux qui ne se trouvoient souvent sur la route que par hasard, et ceux même qui s'en tenoient à des distances plus éloignées. , Parmi les causes de ces désastres, de ces révolutions nouvelles, se précipitant les unes sur les autres dans notre Révolution, nous avons vu qu'on doit mettre, au premier rang, la persécution pas exercée sur les Républicains à ses différentes époques; les souvenirs les moins passionnés donnent cette analyse. Proscrits en même-temps que la République, les Républicains ont dû se relever terribles avec elle; et comme ils avoient été poussés au dernier terme de l'agonie leur résurrection n'a guère pû n'être convulsive. Semblables à ce gladiateur qui, dangereusement blessé, rassemble ses forces et frappe au cœur l'ennemi qui l'avoit terrassé tout - à - l'heure ils ont pû, dans la chaleur du combat, marquer quelquefois les premiers momens de leur renaissance, par des punitions qui ont paru des vengeances, mais qui tomboient aussi le plus souvent sur les véritables ennemis de la République et chaque fois c'est parce qu'on s'est éloigné des principes, qu'il a fallu des coups de force pour y revenir. Sic fata voluere. Tel est le cercle parcouru dont il est impossible de sortir, et dans lequel doit se retrouver toujours la République. Puisqu'il est écrit là haut, que la République française doit triompher de toutes les volontés et de toutes les puissances qui tenteroient encore de la dé |