Lettre de Mercier, Capitaine Royaliste, à M. d'Azé, en Angleterre. Candé, le 11 janvier 1796, l'an deuxième du règne de Louis XVII. Si vous désirez avoir des fonds, vous pouvez envoyer un petit billet à votre homme d'affaires; il connoît votre écriture et cela Jui suffira. Nous jouissons de vos revenus, et nous tâcherons d'en faire le meilleur usage possible. Si vous voulez écrire, adressez vos lettres à Mercier, major-général de l'armée de Georges, à moins que vous n'ayiez une occasion de les faire passer à l'armée de Scepeaux, dont nous faisons partie, ou autrement à Mercier, capitaine, division de M. Gauthier, et je me charge de faire passer vos lettres à qui elles seront adressées. Daignez m'honorer d'une réponse, et vous obligerez celui qui a l'honneur d'être, votre trèshumble et très-obéissant serviteur, MERCIER, capitaine royaliste. Lettre du Baron de Breteuil, au Chevalier de Colbert. Landacs, le 16 janvier 1796. Je ne sais ni où ni quand cette lettre vous trouvera, M. le chevalier; je la remets à M. le comte de Moustier qui vous la fera passer où et quand il pourra; son départ pour s'approcher de vous ne dépend plus que du vent. Vous le connoissez, et vous êtes sûrement bien aise de ce choix, que le roi a fait de sa personne, pour avoir parmi vous un homme capable de contribuer à mettre de l'en semble semble dans les mesures et dans les opérations de vos merveilleuses armées, ainsi qu'à maintenir la bonne intelligence entre les différens chefs. Je pense bien que le roi ne pouvoit faire un meilleur choix pour remplir ce but. M. de Moustier a également la confiance du gouvernement britannique, et a même la disposition entière des secours de tous genres qu'il paroît bien résolu de vous accorder. M. le comte de Moustier 1'étant point militaire, ne peut inquiéter la juste ambition d'aucun de vos chefs. Mes dernières nouvelles reçues de votre père sont du 18 du mois dernier, il est toujours à Elbon, et il y passera tout l'hiver ; sa santé est bonne: il espère vous le faire savoir, et désire impatiemment de vos nouvelles. Je lui ai déjà mandé que ceux qui se mêlent de vos affaires, Vous savent arrivé très heureusement à votre but; je m'en réjouis beaucoup, et je suis bien sûr de l'utilité dont vous serez à tout ceque vous avez si courageusement envisagé dans votre démarche. Quand vous êtes parti de l'île d'Yeu, les républicains étoient en, Allemagne, dans la plénitude de leurs étonnans succès; peu de jours out fait changer ce tableau; et les succès des Autrichiens sont devenus par leur rapidité, aussi fabuleux que l'avoient été ceux de l'ennemi. Je ne doute pas qu'on ne prenne soin de vous tenir instruit que c'est derrière la Moselle que Pichegru passera l'hiver. M. le maréchal de Clairfait lui a accordé une suspension d'armes de deux mois, avec possibilité de la rompre tous mpre les 10 jours. On trouve par cette clause le désir et le moyen d'empêcher les Républicains de détacher de leurs armées d'Allemagne, de quoi augmenter les embarras des royalistes de la Vendée. Je ne sais si les hostilités recommenceront dans deux mois: je ne serois pas étonné que l'armistice se prolongeât d'un mois où de six semaines. L'armée de l'empereur profitera plus de ce repos que les Républicains, pour se mettre en état d'ouvrir une campagne vigoureuse. Je ne crains point que vous vous laissiez aller à l'idée de ceux qui voient la paix dans cette suspension d'armes, parce que tout le monde montre le désir, ainsi que le besoin du repos; mais l'Angleterre ne sauroit songer ni permettre à ses alliés de s'en occuper avant qu'elle ait la solution de ses calculs et mesures sur les îles du Vent et Saint-Domingue, et l'effet de son convoi parti le mois dernier, et de celui du mois prochain qui ne pourra être connu ici qu'à la fin de juin. Il faut donc guerroyer nécessairement au moins jusque-là. Monsieur est arrivé à Edimbourg, après 17 jours de navigation des plus mauvaises. Ce prince brûle de vous joindre et l'Angleterre lui en fournira les moyens. Soyez toujours bien persuadé, monsieur, de tous les sentimens de mon tendre attachement. Si vous rencontriez le comte de la Briffe, je vous demande amitié pour lui. LE BARON DE BRETEUIL. Lettre du Chevalier de Colbert. Essen, ce 19 janvier 1796. JE vous écris, mon ami, sans savoir où, quand, ni comment ma lettre vous parviendra; mais pour vous répéter combien je suis affligé d'apprendre par mon beaufrère, revenu à Londres, que vous êtes parti sans avoir de mes nouvelles; ou plutôt de recevoir par lui cette triste confirmation. Incertain de votre sort et de celui qu'auroient eu mes lettres, je vous ai moins écrit que je ne l'aurois désiré, mais j'étois tranquille à cet égard, parce que j'avois prié mon beau-père et le baron de Breteuil de vous donner de mes nouvelles. Enfin, le premier me mande qu'il vous écrit par M.de Moustier, ce que je lui avois mandé pour vous en réponse à vos lettres, et qu'il vous instruit de tout ce qui a rapport à moi. A tout hasard, je vais vous répéter sommairement ce que je pense. J'ai reçu depuis peu une lettre de celui avec qui vous êtes, du mois d'octobre. Il me confirme mes malheurs; c'està-dire la destruction de mes propriétés; mais P'expression de ses sentimens est bien faite pour me consoler. Vous lui direz combien j'en avois déjà été touché, et ce que je lui avois répondu. Je sais que M. de Sapinaud, parti de l'armée de Condé pour aller le joindre par l'Angleterre, portoit qui auroit dû lui arriver bien plutôt par M. de Bourmont. Je n'ai rien à vous dire sur ce qui m'intéresse personnellement vous sentez et voyez comine moi; ainsi vous êtes bien sûr qu'avec tout pouvoir de faire, vous aurez bien fait, et que j'y applaudirai. Quant aux intérêts de la chose générale, il en est de même; et comme je n'attends que vos avis et renseignemens pour agir, vous pouvez répondre de mes sentimens comme des vôtres, et que j'agirai en conséquence. J'entretiens mes mêmes relations et n'en obtiens rien de plus décisif; la seule chose satisfaisante pour moi, c'est qu'on sait, où je suis, ma bonne volonté, et qu'on ne trouve pas que je puisse mieux faire que d'attendre les événemens. Il faudra que nous les fassions naître ou que nous sachions de nous-mêmes tirer parti de ceux qui surviendront. Cependant, on appelle à Verone MM. de Saint-Priest et de la Vauguyon; je ne peux croire que ce ne soit que pour jouer à la Madame, et j'espère qu'ils rendront un peu de ressort. Ne croyez point à la paix. M. Pitt a joué au plus fin avec le parti de l'opposition : voilà tout. On compte également à Vienne sur la prochaine campagne: telle qu'elle soit, elle aura lieu; et les gouvernans en France veulent encore moins la paix que les puissances. On parle diversement de ce que fera le roi de Prusse. Il seroit imprudent à moi de vous conseiller, et bien difficile de le faire avec quelqu'apparence de raison. Mais peut-être que le parti le plus sage où vous êtes, est de tâcher d'y rétablir l'harmonie entre les chefs, de se tenir tranquille, en s'occupant d'accroître ses forces jusqu'au moment où elles pourront assurer des succès suivis et durables. Se distinguer par le bon |