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vivre dans les prisons, le spectacle fré quent de la mort de leurs proches les avoit enlevé tout-à-coup à leurs affections les plus chères. Cette situation rigoureuse triomphant un moment de toutes les habitudes de la molesse, frappoit d'un utile contraste leurs anciennes prétentions; elle les transportoit hors de la sphère monarchique; elle avoit même pu faire que plusieurs fûssent réellement de bonne-foi dans les promesses de résignation qu'ils annonçoient aux loix de la République. Mais après le 9 thermidor, l'espérance fut insensiblement ranimée dans leurs cœurs par ceux même qui les avoient précédemment combattus de la manière la plus déclarée; or telle étoit la marche naturelle des choses, que dans le relâchement d'un gouvernement qui étoit lui-même la première conquête faite sur les Emigrés, ceux-ci crussent voir une invitation formelle à reprendre toutes les prérogatives qui leur étoient déjà partiellement restituées. Un trait rendra sensible cette observation, fruit de l'expérience si cruellement acquise par la perte de tant de Républicains.

Les Chefs de la Vendée ont long

temps prétendu dans leurs diverses proclamations que des Représentans du peuple s'étoient formellement engagés dans les Conventions secrètes de la première pacification à rétablir la Royauté. Sans doute il n'est pas vrai qu'aucun Représentant du peuple se fût jamais dégradé jusque-là; mais dans une conduite trop indulgente qui, concédant à ces coupables Chefs la plus insolente partie de leurs demandes, laissoit ainsi fléchir devant eux la République, et leur livroit en même-temps les Républicains, sous le nom de terroristes, ces Chefs exécrables trouvèrent un moyen très-favorable de faire croire à leurs créatures égarées, et peut-être crurentils eux-mêmes que le rétablissement de la royauté devoit s'ensuivre de toutes ces foiblesses.

Il n'est pas inutile de faire ici remarquer en passant l'identité frappante des formules homicides dont les Royalistes de l'intérieur (ceux qu'ils appellent entre eux les Royalistes utiles) et ceux de l'extérieur se servirent parallèlement pour flétrir les Républicains, et priver ainsi la République de ses moyens moraux de résistance. On se rappelle qu'une

des plus familières fut celle d'Anar chiste et de Jacobin. Combien devront frémir à jamais ceux qui ont mis et remis en valeur ces formules liberticides, lorsqu'ils y reconnoîtront le protocole des assassins royaux!

S'il est démontré que nos plus grands malheurs sont venus des méprises dans lesquelles on avoit fait tomber la raison publique, rétablir sa voie perdue paroîtra, sans doute, le moyen de réparer ces malheurs. L'exposition toute simple des crimes incontestables du Royalisme, présentée par lui-même, est faite pour atteindre ce but. C'est dans cette intention que, minutieusement peut-être, on n'a pas voulu dérober au Lecteur, même les méchans vers des Emigrés, non moins impies dans leurs cantiques dans leurs actions. C'est en voyant nos paladins, peints par eux - mêmes, également vils et féroces, plats et menaçans, insolens et impuissans, dans la poésie comme dans la prose, et dans les armes, qu'on sentira toute la justesse de ce mot de d'Alembert : que les Nobles sont le CAPUT MORTUUM de l'espèce humaine.

que

Quoique cette accusation contre les

Emigrés ne soit pas nouvelle, puisqu'elle n'est au fond que celle de leurs œuvres, leurs amis ne manqueront pas de la trouver peu généreuse.

Mais, si indociles à la leçon de misère, qui corrige tous les mortels, les Emigrés s'obstinent dans des erreurs qu'ils ne peuvent plus justifier comme préjugés (1); si, au sein des revers, qu'on voudroit vainement appeler leurs malheurs, ils n'ont rien rabattu de cette férocité dont ils nous menaçoient en partant pour Coblentz (2); si l'espoir, qui leur luit un moment, de remettre le pied sur la terre natale, n'est pour eux que l'espoir de se baigner dans le sang français; si le mouvement de cette affreuse volupté a trahi

(1) En vain objecteroit-on que M. de Charette ayant reçu du Roi le Cordon-rouge, il sera fâcheux que ses collègues n'en soient pas décorés..... Mais M. de Stofflet n'est pas Gentilhomme.... Extrait du Mémoire des Gráces pour l'Armée Catholique et Royale du Bas-Anjou et Haut-Poitou , p. 507. (2) Quand par la force des armes, nous aurons balayé les immondices constitutionnelles et républicaines... Puisaye, à MM. de Pont-Bellanger, etc. p. 179.... Je suis parfaitement décidé à suivre, jusqu'au dernier moment, le parti que j'ai pris de me battre, avec la bravoure d'un bon Français, par-tout où je serai à même de détruire les ennemis de la Religion et de mon Roi, tant que l'un et l'autre ne seront pas rétablis..... Lettre de Gourlet à sa mère, p. 452,

leur secret (1); si chaque ligne qu'on lit de leurs homicides correspondances, devient une preuve nouvelle de la part horriblement active qui leur appartient dans tous les maux qui ont désolé notre République (2); s'ils revendiquent audacieusement sur l'infame Anglais, le patrimoine de tous les crimes; il paroît alors difficile d'accuser encore d'âcreté quelques expressions véhémentes échappées à la justice; il est difficile de ne pas sentir son se fermer, pour jamais, à toute pitié envers ces êtres dénaturés; il est impossible de ne pas croire à la guerre éternelle entre le peuple et la horde conjurée de ses assassins.

cœur

(1) Dans les places qui vous seront livrées par les Républicains, qu'aucune capitulation ne rende à la France des Citoyens perfides, et ne suscite de nouveaux ennemis aux Royalistes de l'intérieur. Les garnisons de Mayence et de Valenciennes..... si devenues prisonnières de guerre, le droit du vainqueur eût fixé leur sort, la France n'auroit point à gémir... Déclaration des Armées Catholiques et Royales, aux Puissances belligérantes.

.....

(2) Il est temps; il faut, mon bon ami, que les braves gens se montrent de toute manière, soit politiquement, soit militairement. 11 sera très-avantageux que les Emigrés soient en France. ..... Lettre à M. le Comte Descorches j. p. 486.

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