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Loix Politiques et Civiles qui ont régi la Vendée et autres Pays insurgés, extraites d'un Registre trouvé dans les Papiers de Charette.

E

Ce n'est point ici le code politique et civil des pays insurgés, mais seulement l'esprit des loix qui les ont régis durant l'insurrection. Il seroit trop long, en effet, et peutêtre fort ennuyeux, de tracer en entier le plan d'un gouvernement despotiquement militaire, et de faire connoître toutes ces loix de circonstance, qu'aucun législateur ne pourroit prévoir en organisant un gouvernement aussi irrégulier. Les traits épars que l'on rassemble dans une courte analyse, suffiront au lecteur, pour lui faire saisir parfaitement l'esprit de ces ordonnances draconiennes.

Ces loix plaçoient l'autorité suprême dans le roi, le régent du royaume et leur conseil; mais elle étoit de fait dans les généraux de chaque armée et leur conseil militaire et royal. Cette autorité se distribuoit ensuite à des officiers militaires et civils, et à des conseils d'administration.

Le conseil militaire étoit composé du général, de tous les chefs de division, du major général et du commandant général de cavalerie. Chaque armée avoit un commissaire général, et chaque division un inspecteur nommé par le conseil général de l'armée. Ils ne pouvoient être destitués

que par lui, et pour cause d'incapacité ou d'infidélité prouvée. Ils n'avoient point voix délibérative dans les séances, et ne pouvoient s'assembler sans le consentement du conseil militaire, ni former un corps délibérant sans sa participation.

Le commissaire général étoit chargé de faire imprimer ou transcrire les arrêtés ou ordonnances du conseil militaire, de les certifier conformes aux originaux, de les adresser aux inspecteurs divisionnaires, de les interpréter en cas de besoin, et d'en surveiller l'exécution. Il étoit obligé d'entretenir une correspondance suivie avec le conseil militaire; de l'instruire des abus et contraventions qui parvenoient à sa connoissance; de surveiller les inspecteurs qui lui étoient subordonnés; de coter et parapher les registres de naissances, baptêmes mariages et sépultures, et de rendre la justice en matière purement civile.

Les inspecteurs divisionnaires surveilloient la conduite des commissaires particuliers des différentes paroisses qui leur étoient subordonnés, et leur faisoient passer les arrêtés du conseil militaire, veilloient à leur exécution, et à la conservation des titres, chartes, dépôts, magasins et autres établissemens d'utilité publique; facilitoient l'exécution des ordres des chefs et les moyens d'approvisionnement; entretenoient une correspondance suivie pour tout ce qui concerne l'administration, tant avec le conseil de guerre, qu'avec le commissaire général et les commissaires particuliers; jugeoient

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par appel des sentences et jugemens rendas pour faits de police par les commissaires de paroisse; cotoient et paraphoient les registres servant aux administrations paFoissiales, et les vérifioient dans le cours de leurs visites; surveilloient enfin l'administration des biens nationaux, et autres abandonnés par les propriétaires. (1)

Administration de la Justice.

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Le conseil militaire avoit seul le droit de vie et de mort; à lui seul appartenoit de prononcer des peines afflictives; il faisoit provisoirement l'office d'une justice prévôtale.

Le commissaire général prononçoit sur toutes les contestations qui s'élevoient entre particuliers pour cause d'héritages, successions, partages de biens, paiemens de dîmes, rentes ou fermages, demandes en réparations de dommages, et autres affaires purement civiles, Cette jurisdiction ne lui fut accordée que jusqu'à l'organisation de l'ordre judiciaire (2). Il étoit tenu d'appeler, pour rendre

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(1) Ils étoient autorisés, ainsi que les conseils d'administrations à requérir tous les hommes non-armés ainsi que les femmes, d'aider, chacun à leur à faire les récoltes de ces biens, sans autre salaire que la nourriture. Ceux qui s'y refusoient étoient sévèrement punis.

tour,

(2) Cette organisation fat faite quelque temps après par Charette et son conseil. Il établit provisoirement trois tribunaux de justice, chacun composé au moins de trois juges et d'un procureur du roi; deux de ces tribunaux furent placés dans l'étendue de son commandement en Poitou, et le troisième en Bretagne. Ces tribunaux prononçoient en dernier ressort

son jugement, le commissaire du domicile des parties, et de se faire assister d'un greffier et de quatre personnes éclairées et prudentes agréées des parties. Ses jugemens n'étoient exécutoires que lorsqu'ils avoient l'attache du conseil militaire, au nom duquel ils étoient rendus, de par le roi.

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La police administrative et contentieuse étoit exercée par les commissaires de paroisse, sauf l'appel des parties devant les inspecteurs divisionnaires, et dans le cas de partage de sentimens, les deux commissaires s'adjoignoient une troisième personne pour prononcer, laquelle devoit être agréée des parties.

Tout ce qui a rapport à la police, comme le maintien du bon ordre dans les villes, bourgs et hameaux, l'examen des passeports, la salubrité des comestibles, la fidélité dans le débit des marchandises et denrées, etc. étoit du ressort des inspecteurs divisionnaires et des commissaires de paroisse. Ils étoient obligés de se conformer, dans leurs sentences et jugemens, tant aux anciennes ordonnances, qu'aux arrêtés et réglemens du conseil militaire.

La justice étoit rendue gratuitement, et les confiscations employées aux frais de la guerre et de l'administration.

jusqu'à la somme de mille livres dans quelques causes et matières que ce pût être; il établit aussi un tribunal de révision auquel ressortissoient les appels des jugemens rendus par les autres tribunaux. Ce tribunal étoit composé de cinq juges, d'un procureur-général du roi, et toujours présidé par l'un des généraux ou autres personnes spécialement nommées par l'un d'eux.

Le conseil militaire s'étoit réservé les droits et fonctions d'un tribunal de cassation. Administration des Biens Nationaux.

Les titulaires de bénéfices, résidans dans le pays conquis, étoient maintenus par les loix dans la jouissance desdits bénéfices, nonobstant toute vente et aliénation faite en vertu des décrets de l'assemblée nationale. Ils ne pouvoient cependant pas résilier les banx et expulser les fermiers.

Les acquéreurs des biens nationaux n'étoient maintenus dans la jouissance desdits biens que d'une manière provisoire, et comme fermiers et régisseurs comptables envers les titulaires résidans dans le pays conquis. Leurs baux étoient maintenus jusqu'à leur échéance. Le fermage des biens nationaux dont les titulaires ou anciens propriétaires ne résidoient point dans le pays conquis, étoient payés au trésorier de l'armée.

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Les biens abandonnés étoient provisoire

ment administrés par les commissaires de paroisse où ils étoient situés, sous la surveillance des inspecteurs divisionnaires.

Le conseil militaire se réservoit de faire aux jouissances ci-dessus accordées, tant aux acquéreurs, qu'aux fermiers des biens nationaux, telles exceptions qu'il jugeoit convenable pour le bien général.

Les biens et revenus des républicains absens du pays conquis étoient provisoirement séquestrés par forme d'indemnité pour servir aux frais de la guerre, et à la subsistance des femmes et enfans des soldats,

des

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