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FRANÇAISE,

-

PAR MM. AIGNAN, de l'Académie française; Benja-
min CONSTANT; —Évariste DUMOULIN ; — ÉTIENNE ;
—A. JAY; — E. Joux, de l'Académie française;
-LACRETELLE aîné, de l'Académie française ;
TISSOT, professeur de poésie latine au Collége royal
de France, etc.

TOME CINQUIÈME.

PARIS,

AU BUREAU DE LA MINERVE FRANÇAISE,
Rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, no. 18;

Et chez Alex. EYMERY, libraire de la Minerve française,
rue Mazarine, no. 3o.

Février 1819.

AVIS.

On souscrit à Paris, au bureau de la MINERVE FRANÇAISE, rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, no. 18.-. Le prix de cet ouvrage est : pour un volume, 14 fr. ; pour deux, 27 fr. ; et pour quatre, 50 fr. - Chaque volume sera divisé en treize livraisons, qui paraîtront successivement, à des époques indéterminées. Le montant de la souscription doit être adressé d'avance, et franc de port, ainsi que la correspondance, aux auteurs de la Minerve française.

LA MINERVE

FRANÇAISE.

LES PENSIONS (10 VOLUMES IN-4°.)

(Second article.)

Il y a des gens qui n'entendent une vérité que pour répéter une erreur : j'ai relevé l'inattention ministérielle qui met au nombre des pensionnaires de l'état des hommes morts antérieurement à la publication du tableau général que j'examine, et entre autres l'inimitable auteur de Paul et Virginie : quelques personnes se sont empressées d'en conclure que madame Bernardin de Saint-Pierre cumulait, avec sa pension de veuve, celle de son mari et de sa fille je crois avoir dit, au contraire, que les erreurs de cette nature ne peuvent tourner au profit de ceux au nom de qui elles sont commises; le trésor public ne paie que sur des titres dûment vérifiés, et soumis ensuite à la révision de la chambre des comptes. Les particuliers ne peuvent donc tirer aucun avantage des doubles emplois que présente le tableau général des pensionnaires de l'état ; mais ces doubles emplois, qui figurent comme valeurs positives dans le budjet de chaque ministre, forment, au bout de l'année, un excédant de la recette sur les dépenses, dont il serait bon de connaître la destination ultérieure; sur ce point-là, c'est tout ce que j'avais à dire.

En reprenant la suite de mes observations, je continue

à les exposer sous la forme du doute, car je ne professe pas une soumission telle à mes propres idées, que je prétende les faire adopter sans examen.

Personne n'estime plus que moi la profession des armes, et n'est plus disposé à tenir compte, à tous ceux qui les ont portées avec honneur, des sacrifices qu'ils ont faits, et des dangers qu'ils ont courus; je vois, avec une véritable satisfaction, l'état reconnaître, sans trop de sévérité, le nombre d'années pendant lequel un brave l'a défendu. Cependant, il y a des bornes à tout, et mon indulgence sur ce point laisse encore dans mon esprit quelque place à la surprise, quand je cherche à me rendre compte des éternels services de quelques officiers admis depuis peu de temps à la pension de retraite.

Je vois (pour prendre trois exemples entre mille) que le lieutenant général B.... (tome premier, page 47), âgé de soixante-dix-huit ans, à soixante-dix ans huit mois et vingt-six jours de service; que le comte de L.... (tome 5, page 239), âgé de soixante-quinze ans, en a servi soixantetreize moins un mois; que M. de H.... (tome 3, page 127), âgé de soixante-huit ans, a tout juste autant de services qu'il a d'années. Je remarque d'abord que la plupart de ces nobles vétérans ont vieilli sous les drapeaux de l'émigration; et je pars de la supposition qui leur est le plus favorable.

L'ordonnance de 1771 avait fixé à dix-huit ans l'âge où l'on pouvait entrer au service, la nature ne permet guère de continuer au-delà de soixanté ans un métier dont les fatigues rapprochent, plutôt qu'elles n'éloignent, le terme ordinaire de la vie : on peut donc allouer généreusement quarante-deux ans de service effectifs à tout officier qui a le bonheur de parcourir la carrière des armes dans toute son étendue; examinons maintenant si, à la faveur des campagnes de guerre pendant lesquelles les années comptent double, il est possible, dans les exemples que j'ai cités, d'arriver au résultat que l'on nous présente.

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M. le lieutenant général de B...., que j'ai cité le premier, âgé de soixante-dix-huit ans quand il obtint sa retraite, en avait quarante-neuf lorsque la révolution commença; les trente-une premières années de service qu'il avait alors, s'étant paisiblement accomplies, ne peuvent entrer en ligne de compte que pour leur valeur nominale: a ce nombre de trente-un ans, si j'ajoute, sans marchander, seize ans pour les huit campagnes nobles dont M. le conte d'Ecquevilly s'est fait l'historien, je trouve, pour M. le lieutenant genéral, un état de services réels de quarantesept ans et quelques mois. Maintenant veut-on se prévaloir, contre d'anciennes lois, des dispositions d'une nouvelle ordonnance? Je n'examinerai pas ce qu'est devenu, après le licenciement de l'armée de Condé, l'officier géné ral dont je fais le décompte dans ce moment. Qu'il ait profité ou non de l'amnistie du premier consul, je consens à porter en ligne d'activité les quatorze ans de repos qui se sont écoulés pour lui jusqu'au jour de sa retraite; de concession en concession, de décret en ordonnance, je n'arriverai jamais qu'à ce résultat : quarante-un ans de repos, huit campagnes doubles, total, cinquante-sept ans de service. J'ai pris cet exemple au hasard; mille autres pourraient donner lieu à de pareilles observations; mais il en est d'une autre espèce auxquelles je suis pressé d'arriver.

Le temps avait effacé de ma mémoire jusqu'au nom des différens ordres monastiques; la liste alphabétique des pensions me les a tous rappelés. Quelle agréable nomenclature! Je me suis cru tout à coup rajeuni d'une trentaine d'années en voyant défiler sous mes yeux ces légions de moines noirs, blancs, pies, chaussés, déchaus, avec ou sans capuchon, cloîtrés, courant le monde, priant, jeûnant confessant, mendiant; variété charmante et prodigieuse, à laquelle un écrivain avait eu l'ingénieuse idée d'appliquer la classification de Linnée : j'aurais eu de la peine à croire qu'il restât en ce genre tant de ressources à la patrie; comment supposer en effet qu'un si grand nombre

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