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PARIS 7 novembre 1919.

BREVET D'INVENTION, LICENCE D'EXPLOITATION, CESSION EXCLUSIVE, ABSOLUE ET SANS RÉSERVE, PROPRIÉTAIRE DU BREVET, CONTINUATION D'EXPLOITATION, RENONCIATION (ABSENCE DE), CONCURRENCE DÉLOYALE (Rép., v Brevet d'invention, n. 1186 et s.; Pand. Rép., v Propriété littéraire, artistique et industrielle, n. 4090 et s.).

La renonciation à un droit ou l'abandon d'un droit ne pouvant être présumés, la concession par le proprietaire de brevets d'invention d'une licence d'exploitation absolue, complète, exclusive et sans réserve de ses brevets ne saurait, en l'absence de toute stipulation du contrat, emporter, de la part du propriétaire des brevets, renonciation tacite au droit, que lui donne son

(15) En concédant une licence, qui, dans l'espèce, n'était pas seulement « exclusive, mais était en outre qualifiée d' absolue et de faite sans réserves », le propriétaire d'un brevet conserve-t-il le droit d'exploiter personnellement et ne s'interdit-il que la possibilité de conférer d'autres licences? Telle était la question intéressante que soulevait l'affaire sur laquelle est intervenu l'arrêt ci-dessus.

La Cour de Paris (1re ch.), confirmant par adoption de motifs le jugement du tribunal de commerce, n'hésite pas à répondre par l'affirmative. Aussi complète et aussi exclusive que puisse être la licence, dit l'arrêt, elle n'en demeure pas moins une licence, et la renonciation au droit d'exploitation, de la part du propriétaire, ne peuvant se présumer, le propriétaire conserve le droit d'exploitation. C'est la reproduction de la thèse qui avait déjà prévalu devant la Cour de Paris (4 ch.), le 1er mai 1902 (Ann, de la propr. industr., 1903, p. 258). Adle dans le même sens, Pouillet, Tr. des brev. d'invent., 5o éd., n. 277 bis; et notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, t. 2, p. 549, Brevets d'invention, sur l'art. 20 de la loi du 5 juill. 1844, n. 6 et s. Mais, jusqu'à cette époque, la jurisprudence avait paru plutôt hostile à admettre la survivance du droit d'exploitation du breveté qui a concede une licence exclusive. V. not., Rouen, 26 avril 1866 (Ann. de la propr. industr., 1866, p. 421); Trib. de la Seine, 3 août 1901, sous Paris, 1 mai 1902, précité.

Les circonstances de fait paraissent d'ailleurs avoir tenu une place importante dans les solutions admises par la Cour de Paris. Les juges ont soigneusement cherché à déterminer l'intention commune des parties, et, dans l'espèce actuelle comme en 1902, après avoir affirmé que la renonciation au droit d'exploitation du breveté ne pouvait se présumer, ils ont tenu à faire ressortir les diverses circonstances qui leur permettaient de conclure que le breveté avait entendu pouvoir continuer son exploitation. Parmi ces circonstances, une de celles qui leur a paru avoir le plus d'importance était que le propriétaire du brevet exerçait son droit d'exploitation au moment de la conce-sion de la licence.

Est-ce à dire que le breveté, qui ne s'est pas encore livré à une exploitation commerciale, et qui concède une licence exclusive et absolue, perd de ee fait tout droit à pouvoir exploiter ultérieurement son invention? La question est, en pareil cas, plus délicate que dans les deux espèces tranchées par la Cour de Paris, car, le breveté n'exploitant pas, l'intention des parties apparaît comme moins ANNÉE 1921. 3 cah.

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titre, de continuer l'exploitation des brevets dont il concédait la licence (1) (L. 5 juill. 1844, art. 20).

Il en est notamment ainsi, lorsqu'après la concession de la licence, une sorte d'exploitation en commun s'est établie entre le cédant et le cessionnaire, installés tous deux dans le même local; que l'exécution de certaines commandes a donné lieu, suivant les cas, à ristourne d'une part du profit par l'une ou l'autre des parties; que le cedant a fait de la publicité en vue de la vente, au vu et au su du cessionnaire et sans protestation de sa part; que des pièces de remplacement ont été fournies et des constructions d'appareils exécutées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'autre, en telle sorte qu'il est établi que le cédant, qui fabriquait des appareils avant la cession de la licence, n'a jamais cessé de

évidente. Mais, même dans cette hypothèse, nous estimons qu'à moins de faits établissant l'intention manifestement contraire des parties, le breveté conserve pour l'avenir la faculté d'exploiter son invention quand il le voudra.

Pour perdre le droit d'exploitation, le breveté doit y avoir renoncé formellement ou avoir consenti une cession de son brevet; mais, s'il s'est contenté d'accorder une licence exclusive, absolue et sans réserves », il ne s'est interdit que la possibilité d'accorder à d'autres la même licence. Trois expressions bien spéciales, licence simple, licence exclusive, cession, correspondent d'ailleurs à trois situations juridiques différentes. Le breveté peut autoriser une personne à se servir du dispositif pour lequel il s'est fait protéger : il lui concède alors une licence simple; dans ce cas, le licencié, moyennant une redevance qu'il verse au breveté, est à l'abri des poursuites pour contrefaçon; mais le breveté reste libre de donner la même faculté à tous ceux qui lui en feront la demande. V. Pouillet, op. cit., n. 277 bis; Allart, Tr. des brev. d'invent., 3 éd., n. 245. Mais le breveté peut préférer n'avoir affaire qu'avec une seule personne; l'autorisation d'utiliser le procédé breveté, il la réserve à un seul licencié, qui naturellement paiera une redevance beaucoup plus importante; c'est la licence exclusive; le breveté perd le droit d'accorder à d'autres cette autorisation, mais il demeure propriétaire du brevet et peut l'exploiter personnellement. V. Pouillet, op. et loc. cit. Enfin, il y a la cession du breret; le breveté cède tous ses droits à l'acheteur, et, s'il voulait exploiter, il deviendrait contrefacteur de son cessionnaire. V. Allart, op. cit., n. 211; Pouillet, op. cit., n. 239.

Il nous apparaît donc que la doctrine des arrêts de la Cour de Paris gagnerait à être généralisée et pourrait avantageusement être étendue à des espèces où l'intention des parties peut apparaitre comme moins certaine. La sécurité des conventions n'en serait que mieux assurée, lorsque les parties sauraient l'intérêt qu'il y a pour elles à ne pas confondre la licence exclusive avec la cession, ce dernier contrat étant seul susceptible de mettre un terme au droit d'exploitation du brevet par celui qui l'a obtenu.

Mais dans quelle mesure, au cas de licence exclusive, le breveté pourra-t-il exercer le droit d'exploitation que nous lui reconnaissons? Aurat-il le droit de donner à son exploitation une extension plus considérable? Pourra-t-il mettre son exploitation en société? Il ne semble pas que ces hypothèses aient encore donné lieu à des décisions de jurisprudence, et les auteurs ne parais

poursuivre cette fabrication, avec l'assentiment du cessionnaire, et que le cédant a entendu conserver la totalité de ses droits, y compris celui d'exploitation (2) (Id.).

En conséquence, le cessionnaire në saurait être fondé à incriminer, comme constituant des actes de concurrence déloyale de la part du propriétaire du brevet, des faits d'exploitation identiques à ceux qui n'avaient été l'objet d'aucune protestation de sa part (3) (Id.).

Le breveté, qui n'exploitait pas commercialement au moment où il a concédé la licence exclusive d'exploitation, peut-il être fondé à prétendre avoir conservé pour l'avenir le droit d'exploiter personnellement son brevet (4) (Id.)? — V. la note.

Dans quelle mesure le droit d'exploitation du breveté qui a concédé une licence exclusive peut-il être exercé (5) (Id.)? — Id.

sent pas les avoir examinées. Toutefois, au point de vue de l'exploitation, il ne saurait être douteux que la situation du breveté qui a concédé une licence exclusive doive être considérée comme bien plus favorable que celle de la personne qui invoque une possession personnelle à l'encontre, du breveté. La possession antérieure personnelle, c'est l'exception péremptoire qu'un prévenu de contrefaçon peut opposer, en prouvant qu'il possédait, antérieurement à la prise du brevet, l'objet même de l'invention brevetée. V. Allart, op. cit., n. 639 et s.; Pouillet, op. cit., n. 425 et s. Cette exception n'est inscrite nulle part dans la loi, et elle n'a été admise par la doctrine et la jurisprudence que par pure raison d'équité. Elle est strictement personnelle, et seul peut s'en prévaloir celui qui a pratiqué l'invention avant la prise du brevet. Le bénéfice qui s'y trouve attaché ne peut faire l'objet d'aucune cession. Or, l'on est d'accord pour reconnaître que, si l'exception tirée de la possession antérieure est essentiellement personnelle, il ne faut pas cependant en conclure que la personne justifiant de cette possession doive être condamnée à exploiter seule et sans aucun concours. On estime qu'elle peut associer des tiers à son exploitation, et même apporter dans une société les droits qui lui appartiennent, alors même que cette association, quelle qu'en soit la forme, pourrait avoir pour résultat de donner à l'exploitation une extension plus grande. V. Paris, 17 févr. 1888, et, sur pourvoi, Cass. req. 22 juill. 1890 (S. et P. 1893.1. 474, avec le rapport de M. le conseiller Babinet; Pand. per., 1890.1.467). Adde, Allart, op. cit., n. 644; Pouillet, op. cit., n. 432; et notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, t. 2, p. 610, Brevets d'invention, sur l'art. 40 de la loi du 5 juill. 1844, n. 42 et s.

Si de pareilles solutions sont admises en faveur de celui qui se prévaut d'une possession personnelle, combien plus étendus apparaissent les droits du breveté qui tient ses prérogatives de la loi elle-même! Aussi n'hésitons-nous pas à reconnaître au breveté, alors même qu'il aurait concédé une licence exclusive, un droit d'exploitation aussi absolu que possible. Il pourra céder son brevet, qui passera aux mains du cessionnaire grevé de la licence exclusive; il pourra associer des tiers à son exploitation et donner à ses affaires beaucoup plus d'extension.

Naturellement, tout ce qui, de près ou de loin, pourrait, dans la façon d'exploiter, se rapprocher d'une concession de licence, lui demeure rigoureusement interdit; mais, sous cette seule réserve, tous les autres modes d'exploitation, alors même qu'il II PART. 6

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Le 21 déc. 1917, le tribunal de commerce de la Seine a rendu le jugement suivant:

Le Tribunal; Attendu qu'en novembre 1902, a été formée à Paris la société anonyme dénommée Comp. du gaz Clayton, ayant pour objet l'exploitation dans tous les pays, et notamment en France, Espagne et Italie, et dans les colonies de ces pays, de l'invention de Clayton, connue sous le nom d'appareils, procédés et gaz Clayton, relative à l'extinction d'incendie, la désinfection et la fumigation; que Clayton a fait apport à cette société de la toute propriété des brevets, nommément désignés à l'acte, qui ont été délivrés pour cette invention en France, en Espagne et en Italie; Attendu que, courant 1910, a été formée la société ano

nyme dénommée « Comp. française des procédés Clayton », ayant pour objet l'exploitation en France et en Espagne de tous procédés, appareils et inventions quelconques pouvant se rapporter directement ou indirectement à l'extinction d'incendie, la désinfection et la fumigation, la prise, l'acquisition de tous brevets ou licences, et, plus spécialement, l'exploitation de la licence qu'apportait Clayton, agissant tant en son nom personnel qu'au nom et comme administrateur délégué de la Comp. du gaz Clayton, savoir la licence absolue, complète, exclusive et sans réserve des brevets français et espagnols ci-dessus visés, appartenant à la Comp. du gaz Clayton; Attendu que la Comp. des procédés Clayton fait actuellement grief à la Comp. du gaz Clayton d'avoir continué à construire, vendre et exploiter les appareils pour la désinfection ayant fait l'objet de la concession de la licence susvisée; qu'elle soutient que ces ventes et cette exploitation seraient faites au mépris des engagements de la Société du gaz Clayton, qui, comme apporteur ou vendeur, devait la garantie de la chose apportée ou vendue; qu'en agissant ainsi que cette dernière société l'a fait, elle se serait rendue coupable de concurrence déloyale; qu'elle, Société des procédés Clayton, serait donc fondée à demander de faire cesser ces agissements et à réclamer, pour la réparation du préju dice qui lui aurait été causé, l'allocation de dommages-intérêts à fixer par état, et, par provision, de la somme de 50.000 fr.; Attendu que, si la Société des procédés Clayton reproche à la Société du gaz Clayton le fait d'avoir vendu en France et en Espagne des appareils pour lesquels licence d'exploitation lui avait été concédée, elle

aurait, au moyen de l'association, fait appel à des capitaux étrangers, nous paraissent rentrer dans la faculté d'exploiter que nous avons reconnue au breveté, dans le cas où il a consenti une licence exclusive de son brevet.

Au surplus, le remède à cette situation est très simple si le licencié exclusif veut être garanti contre toute exploitation actuelle ou future, réduite ou intensive de la part du breveté, il n'a qu'à obtenir la cession du brevet; dans le cas contraire, il doit savoir qu'il n'est pas protégé contre les inconvénients que présenterait pour

entend soutenir que cette licence lui avait donné un droit exclusif d'exploitation, qu'elle serait fondée à faire valoir, même vis-à-vis des propriétaires du brevet: Attendu, cependant, qu'il y a lieu de remarquer que, quelque formels qu'aient été les termes qui ont constaté, dans l'acte de formation de la société des procédés, l'apport de la Comp. du gaz Clayton, il n'est nulle part stipulé que la Comp. du gaz Clayton cessera l'exploitation à laquelle elle se livrait déjà, et qui était la même que celle dont elle concédait la licence; qu'il est ici impossible de dire qu'elle a entendu renoncer au droit que lui donnait son titre de propriétaire de brevets; qu'en effet, la renonciation à un droit ou l'abandon de celui-ci ne se présume pas; que cela était si peu d'ailleurs dans l'intention des parties, au moment de la constitution de la Société des procédés Clayton, qu'une sorte d'exploitation en commun s'établissait, par l'installation de la Société des procédés Clayton dans le mème siège social, 62, rue de Provence, que la Société du gaz Clayton, et ce, conformément aux statuts de la Société des procédés Clayton, qui prévoyaient le droit pour celle-ci d'exiger la cession d'un bail dans un local dépendant de ce siège social; que les affaires s'y sont faites en parfaite communauté de vue, l'exécution de certaines commandes donnant, suivant les cas, lieu à ristourne d'une part du proât par l'une ou l'autre des sociétés, et ne donnant lieu à aucune protestation de la part de la Société des procédés Clayton, quand il s'agissait de l'exécution par la Société du gaz Clayton de commandes d'appareils compris dans la licence concédée: que de la publicité a été faite par la Comp. du gaz Clayton, au vu et au su de la Comp. des procédés Clayton, et sans protestation de celle-ci ; qu'il est, en outre, justifié que des pièces de remplacement étaient fournies et des constructions d'appareils étaient faites par l'une ou l'autre société pour le compte de l'autre ; que c'est la Comp. du gaz Clayton qui remettait à la Comp. des procédés Clayton les tableauxréclame dont elle avait besoin pour sa publicité; qu'ainsi, il se trouve etabli que la Société du gaz Clayton, qui fabriquait les appareils de désinfection et de fumigation avant l'octroi de la licence à la Société des procédés Clayton à la connaissance de cette dernière société, n'a jamais cessé de poursuivre cette fabrication, et ce, avec l'assentiment de celle-ci; qu'il est donc bien évident qu'en concédant une licence, si exclusive et si complète soit-elle, la société propriétaire des brevets n'avait pas

lui l'exploitation à laquelle le breveté demeure libre de se livrer.

PAUL CARTERON,

Avocat à la Cour de Paris.

(1) La Cour de cassation a décidé à deux reprises que les arrêts par défaut rendus sur l'appel des ordonnances de référé sont susceptibles d'opposition suivant les règles du droit commun. V. Cass. civ. 26 août 1879 (S. 1879.1.453. P. 1879.1189): 15 avril 1891 (S. 1891.1.160. P. 1891.1.379; Pand. pér., 1891.1.399). Mais, si certaines Cours

entendu faire abandon de son propre droit d'exploitation, abandon que, d'ailleurs, la société licenciée n'a jamais exigé; que l'on ne comprendrait d'ailleurs pas que la Société du gaz Clayton ait eu l'intention de renoncer à ce droit, alors que les conditions d'apport de la licence à la Société des procédés stipulaient que cette société aurait le droit, à tout moment et en toute circonstance, de renoncer à son exploitation à l'égard de tout brevet, mais à charge de faire connaitre à la Comp. du gaz Clayton la décision prise à cet égard: qu'il apparait naturel que, sous le coup d'une pareille éventualité, la Comp. du gaz Clayton ait voulu rester toujours prête à reprendre une exploitation à laquelle son licencié pouvait renoncer à tout moment; Attendu qu'il ressort à l'évidence de ces constatations que le propriétaire des brevets a entendu conserver la totalité de ses droits, y compris celui d'exploitation; que le licencié connaissait cette situation et y a consenti; que celui-ci ne saurait donc actuellement incriminer un fait d'exploitation qui est identique aux précédents pour critiquer la pretendue déloyauté de son concédant; que la concurrence a toujours existé entre les deux sociétés, à la parfaite connaissance de l'une et de l'auire; mais qu'aucune pratique de mauvaise foi n'est établie qui soit venue modifier les rapports des sociétés et permettre l'incrimination de l'une de concurrence déloyale; Attendu, dès lors. que, dans ces conditions, la demande de la Comp. des procédés Clayton envers les deux défendeurs est mal fondée et doit être repoussée à toutes fins qu'elle comporte; Par ces motifs; Déclare la Comp. française des procédés Clayton mal fondée en sa demande; l'en déboute, etc. ». Appel par la Comp. française des procédés Clayton.

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d'appel se sont ralliées à la jurisprudence de la Cour de cassation (V. Orléans, 23 mars 1892. S. et P. 1893.2.257; Paris, 4 août 1904, S. et P. 1906.2. 297, et les renvois, aux autorités citées; adde, Glasson, Précis de proc., 2o ed., par Tissier, t. 1", n. 458; Bioche, Dict. de proc., vo Référé, n. 315), d'autres Cours, au contraire, résistent à cette jurisprudence, et continnent à décider que les arrêts rendus par défaut sur l'appel d'ordonnances de référé ne sont pas susceptibles d'opposition. V. Paris, 9 août 1905 (S. et P. 1906.2.297), et les autorités citées.

(Carrive C. Plègue et Labedays). — ARRÊT.

LA COUR; Attendu que Plègue et Labedays relèvent opposition envers l'ar rêt de défaut du siège, en date du 27 mai 1920, statuant en matière de référé; Attendu que ladite opposition n'est pas recevable; que, si l'art. 809, C. proc., n'a pas reproduit expressément, en ce qui touche l'appel, l'interdiction de former opposition, qu'il édicte en ce qui touche les ordonnances de référé, il stipule cependant, in fine, que l'appel sera jugé sommairement et sans procédure, prohibant évidemment ainsi foute procédure qui, comme l'opposition, aurait pour effet de retarder la décision dans une matière urgente; Par ces motifs ; - Déclare Plègue et Labedays irrecevables en leur opposition, etc. Du 9 juill. 1920. - C. Pau. MM. Thevenin, prés.; Riquoir et Castay, av.

PARIS 10 mars 1921. JOURNAUX ET ÉCRITS PÉRIODIQUES, RÉDACTEURS, BRUSQUE CONGÉ, GUERRE, CESSATION DE PUBLICATION, FORCE MAJEURE (ABSENCE DE, INDEMNITÉ, POUVOir du juge, USAGES (Rép., v° Journaux et écrits périodiques, n. 162 et s.; Pand. Rép., v° Presse, n. 275 et s.).

Si, en principe, le directeur d'un journal est maitre de sa rédaction, et a droit de congédier les rédacteurs, lorsqu'il le juge utile aux intérêts du journal, il appartient aux juges d'apprécier, suivant les circonstances, les motifs du renvoi, et le chiffre de l'indemnité à laquelle peut prétendre le rédacteur congédié (1) (C. civ., 1780; L. 27 déc. 1890, art. 1er).

Et, dans l'appréciation du préjudice résultant du renvoi, il y a lieu de tenir compte de la durée des services du rédacleur congédié et de la nature de l'emploi qu'il occupait au journal (2) (Id.).

Si la situation exceptionnelle créée par la déclaration de guerre peut justifier, dans une certaine mesure, la cessation de la publication d'un journal et le renvoi des rédacteurs qui en a été la conséquence, elle ne

(1) La jurisprudence admet, en général, que si, en principe, le propriétaire ou le directeur d'un journal est entièrement maître de sa rédaction, en telle sorte qu'il peut congédier ou révoquer ad nutum, sans être tenu à aucuns dommages-intérêts, les rédacteurs engagés sans durée déterminée, le congé brusquement donné à un rédacteur de journal peut motiver l'allocation de dommages-intérêts lorsque la révocation est intervenue dans des conditions constituant le propriétaire ou le directeur en faute. V. Cass. civ. 31 août 1864 (S. 1864. 1.479. P. 1864.1231); 24 janv. 1865 (S. 1865. 1.11. P. 1865.16; Pand. chr.); 19 août 1867 (S. 1867.1.371. P. 1867.1028, et les notes; Pand. chr.); Paris, 14 janv. 1890 (S. 1890.2.56, - P. 1890.1.337); Paris, 7 déc. 1899 (sol. implic.) (S. et P. 1900.2.7), et la note sous cet arrêt. V. cep., dans le sens de l'opinion d'après laquelle l'exercice, par le propriétaire ou directeur du journal, du droit de révocation ad nutum des rédactears engagés. sans durée déterminée, ne peut, en aucun cas, donner lieu à indemnité, Besançon, 30 déc. 1896 (S. et P. 1897.2.141).

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saurait cependant être considérée comme un cas de force majeure ayant rendu impossible la continuation de la publication du journal, et mettant obstacle à l'allocation d'une indemnité aur rédacteurs brusquement congédiés (3) (Id.).

Il y a lieu, en pareil cas, conformément à l'usage des journaux parisiens, d'allouer aux rédacteurs congédies une indemnité égale à un mois d'appointements par année de services (4) (Id.).

(Gatineau et Leboulanger C. Dejean, directeur du journal La Petite République).

At

Le 8 déc. 1919, le tribunal civil de la Seine (5 ch.) a rendu le jugement suivant: - Le Tribunal; Attendu que Gatineau, rédacteur politique au journal Le Petit Parisien, et Leboulanger, rédacteur en chef à l'agence Radio, ont formé contre Dejean, directeur du journal La Petite République, et la société de ce journal, une demande en paiement de la somme de 6.000 fr. pour Gatineau, de 4.400 fr. pour Leboulanger, à titre de réparation du prejudice qu'ils prétendent leur avoir été causé, à raison de leur brusque congédiement, en août et septembre 1914, par la direction du journal auquel ils étaient attachés depuis plusieurs années; tendu qu'ils prétendent avoir été renvoyés et privés de leur situation au journal La Petite République, Gatineau,,à la date du 15 août 1914, Leboulanger, à la date du 2 septembre de la même année, sans préavis, et sans avoir été mis à même de se procurer une autre situation rémunératrice; que, lors de la réapparition du journal, lequel avait suspendu sa publication de septembre 1914 à janvier 1917, ils n'ont pas été appelés à reprendre leurs situations ainsi perdues, et soutiennent, en conséquence, être fondés, aux termes des dispositions de l'art. 1780, C. civ., à obtenir réparation du dommage que leur a causé leur brusque congédiement, sans préavis et sans indemnités suffisantes; Attendu qu'à la date du 15 août 1914, Ga tineau, qui occupait à La Petite Républi que les fonctions de rédacteur judiciaire

(2) V. la note 4, infra.

(3) Application du double principe, d'une part que la force majeure, ayant pour effet de délier une partie des obligations qu'elle a contractées, n'existe qu'autant que les circonstances invoquées comme constituant la force majeure ont apporté un obstacle absolu à l'exécution des obligations, et non pas seulement des difficultés d'exécution (V. Cass. req. 22 avril 1909, S. et P. 1909.1.368; Pand. pér., 1909.1.368; Cass. civ. 4 août 1915, S. et P. 1916.1.17: Pand. pér., 1916.1.17. et la note de M. Wahl), d'autre part, que l'état de guerre ne constitue pas par lui-même un cas de force majeure rendant impossible l'exécution des obligations antérieurement contestées. V. Cas3. civ. 4 août 1915 (sol. implic.), précité, et la note de M. Wahl; Trib. comm. de la Seine, 15 juin 1915 (S. et P. 1917.2.49; Pand, pér., 1917.2.49), et la note de M. Wahl; Poitiers, 17 avril 1916 (S. et P. 1917. 2.52; Pand. per., 1917.2.52), et les renvois.

(4) Il est certain qu'il appartient aux juges, saisis d'une demande d'indemnité formée par un rédacteur de journal brusquement congédié, de

depuis vingt ans, fut averti par la direction qu'il ne faisait plus partie du service du journal; que Leboulanger, qui occupait les fonctions de secrétaire de la rédaction, après avoir été secrétaire-adjoint, puis rédacteur parlementaire, depuis 1907, fut congédié dans les mêmes conditions, à la date du 2 sept. 1914; Attendu, en droit, qu'aux termes de l'art. 1780, C. civ., modifié par la loi du 27 déc. 1890, la résiliation du louage de services, lorsqu'il est fait sans détermination de durée, ne peut donner ouverture à une action aux fins de dommages-intérêts, au profit de l'employé congédié, que si la partie qui en est l'auteur a fait de son droit un usage abusif, injustifié, préjudiciable, et a commis une faute véritable; Attendu que, si, en principe, le directeur d'un journal est maître de sa rédaction, et est en droit de se priver des services de ses rédacteurs, lorsqu'il le juge utile aux intérêts de son journal, la rigueur de cette règle doit cependant être modérée suivant les cas spéciaux et les circonstances dans lesquelles le renvoi est intervenu; Attendu qu'il appartient toujours au juge d'apprécier, suivant les circonstances de la cause, les motifs du renvoi critiqué, et le chiffre de l'indemnité à laquelle T'employé peut être en droit de prétendre: Attendu que Dejean, ès qualité, ne conteste pas le principe des indemnités réclamées pas les demandeurs; qu'il appert des documents versés aux débats qu'à la date du 14 nov. 1919, il a fait offre à Gatineau d'une somme de 600 fr., représentant deux mois de ses appointements, et à Leboulanger d'une somme de 1.200 fr., représentant également deux mois; Attendu qu'il échet de tenir compte, dans l'appréciation du préjudice souffert et dans la fixation du chiffre des dommages-intérêts éventuellement dùs, de la durée des services rendus au journal et de la situation qu'y occupaient les rédacteurs congédiés; Attendu que Gatineau et Leboulanger jouissaient tous deux des situations les plus honorables, et étaient occupés à La Petite République, à savoir Gatineau depuis vingt ans, Leboulanger depuis sept ans ;

puiser dans les faits de la cause les éléments leur permettant de fixer le montant de l'indemnité à allouer au rédacteur congédié. V. Paris, 14 janv. 1890 (motifs) (S. 1890.2.56.-P. 1890.1.337). Et, s'il a été jugé qu'ils ne sont pas liés par de prétendus usages qui ne tendraient à rien moins qu'à consacrer au profit des journalistes une sorte de privilege, et dont l'existence n'est établie par aucun document probant (V. Paris, 14 janv. 1890, motifs, précité), il faut reconnaître que, si l'existence des usages invoqués est établie, rien n'empêche qu'il en soit tenu compte dans la détermination de l'indemnité. Sans qu'il y ait à se prononcer sur le point de savoir si, comme l'admet dans ses motifs l'arrêt ci-dessus, le contrat qui lie le directeur ou propriétaire d'un journal avec ses rédacteurs est un contrat de louage de services (V. sur ce point, Paris, 7 déc. 1899, S. et P. 1900. 2.7, et la note), on peut tout au moins observer qu'en matière de rupture du contrat de louage de services sans durée déterminée, l'art. 1780, O. civ., modifié par la loi du 27 déc. 1890, prescrit de tenir compte des usages pour la fixation de l'indemnité.

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que la rédaction n'avait jamais eu qu'à se louer de leurs services, soit comme rédacteur judiciaire pour Gatineau, soit comme rédacteur parlementaire ou secrétaire de la rédaction, pour Leboulanger; - Attendu que, si la situation exceptionnelle créée par la déclaration de guerre justifie dans une certaine mesure le renvoi dont ils ont été l'objet en août et septembre 1914, cette situation ne saurait cependant être considérée comme constituant un cas de force majeure ayant rendu impossible la continuation de la publication de La Petite République, un très grand nombre de quotidiens n'ayant jamais cessé de paraitre pendant les périodes les plus troublées des années 1914 à 1918; Attendu que le principe de l'indemnité due aux demandeurs se trouve justifié; qu'il y a lieu cependant de tenir compte, dans la fixation du chiffre des dommages-intérêts, que le journal La Petite République est un journal à tirage limité, ne dépassant pas 7 à 8.000 exemplaires quotidiens; - Attendu que, tenant compte de ces divers éléments d'appréciation, le tribunal a les éléments suffisants pour fixer à six mois d'appointements pour Gatineau, à trois mois d'appointements pour Leboulanger, la réparation du préjudice souffert; — Par ces motifs; Condamne Dejean, és qualités, à verser à Gatineau une somme de 1.800 fr., à Leboulanger une autre somme de 1.00 fr., à titre de dommages-intérêts;

Condamne Dejean, ès qualités, en tous les dépens, etc. ».

Appel principal par M. Dejean, és qualités, et appel incident par MM. Gatineau et Leboulanger.

ARRÈT.

Sur

LA COUR; Sur l'appel principal: Adoptant les motifs des premiers juges, en ce qu'ils ont reconnu le principe d'une condamnation pour congédiement; l'appel incident: - Considérant qu'il parait résulter des usages invoqués que le montant des indemnités dues pour congédiement aux collaborateurs des journaux parisiens, remerciés en dehors de toute faute et de tout manquement professionnel, se règle par l'allocation d'une indemnité égale à un mois d'appointements par année de services; Considérant qu'il résulte du jugement entrepris que le journal La Petite République ne relève, à la charge de ses deux collaborateurs Gatineau et Leboulanger, aucun manquement professionnel susceptible de justifier leur congédiement; que ce congédiement a été prononcé par le journal proprio motu, pour des causes qui pourraient avoir leur raison, mais qui, étrangères à Gatineau et à Leboulanger, ne pouvaient porter atteinte à leurs droits acquis; Or, considérant que Gatineau occupait à La Petite

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(1-2) Le jugement ci-dessus, très fortement motivé, apporte une contribution intéressante à la doctrine soutenue dans ce Recueil par notre collaborateur, M. Henri Rousseau (V. sa note sous Toulouse, 8 juill. 1920 et Trib. d'Auch, 23 juin 1920, S. et P. 1920.2.97; Pand. per., 1920.2.97), et d'aprés laquelle, en présence de la hausse anormale des prix du bétail depuis la guerre, il n'y a

République les fonctions de chroniqueur judiciaire, depuis vingt ans et neuf mois, aux appointements de 300 fr. par mois; que l'indemnité à lui allouer doit donc être égale à vingt mois d'appointements, soit 6.000 fr.; que, de son côté, Leboulanger occupait, au même journal, la fonction de secrétaire de la rédaction depuis sept ans et sept mois, aux appointements de 600 fr. par mois; que l'indemnité à lui allouer ne saurait être inférieure à sept mois d'appointements, soit 4.200 fr.; qu'il échet, par suite, de faire droit à l'appel incident et d'infirmer, de ce chef, le jugement entrepris ; Par ces motifs; - Confirme le jugement entrepris du chef où il a reconnu le principe de l'indemnité; L'infirme, au contraire, du chef où il a fixé le montant de l'indemnité, etc. Du 10 mars 1921. C. Paris, 8 ch. MM. Assaud, prés.; Mennesson, av.

TRIB. DE SAINT-YRIEIX 29 décembre 1920. CHEPTEL, BAIL A FERME, PLUS-VALUE, GUERRE, HAUSSE ANORMALE DU BÉTAIL, ESTIMATION, VALEUR VÉNALE, VALEUR CULTURALE (Rép., vo Cheptel, n. 190 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 107 et s.).

Si, aux termes des art. 1821 et 1826, le droit reconnu au bailleur de reprendre en fin de bail le cheptel confié par lui au fermier a comme limite le prix de l'estimation des bestiaux que le fermier a reçus et une valeur pareille à celle du cheptel qui lui a été confié, ce prix, exprimant la valeur vénale des bestiaux composant la souche du cheptel, doit correspondre aussi, à l'entrée du preneur, à leur puissance de travail, ou encore à leurs qualités de reproduction (1) (C. civ., 1821, 1826).

Et si, par suite des circonstances, et du défaut de corrélation entre l'augmentation de la valeur actuelle de l'argent et la valeur réelle des choses, la puissance de travail, la force culturale et les qualités de reproduction des bestiaux composant un cheptel étant restées les mêmes à la fin du bail qu'au moment de l'entrée en jouissance du fermier, leur valeur vénale, au contraire, a plus que quadruple, l'excédent, déterminé en fin de bail d'après une estimation faite au cours du jour, sans lenir compte d'aucun élément d'évaluation autre que celui résultant de la valeur vénale, doit avoir pour résultat de faire bénéficier le fermier, en supplément du croît proprement dit, d'une partie importante de la souche du cheptel, contrairement aux dispositions législatives qui prescrivent que la souche du cheptel confié par le bailleur au fermier, doit, en fin de bail, être intégralement laissée sur la ferme par le fermier sortant, et il y a lieu, pour sauvegarder tant

pas lieu, à la sortie du fermier, pour établir ses comptes avec le bailleur, relativementà la valeur du cheptel reçu par le fermier, de tenir compte uniquement de la différence entre l'estimation donnée au cheptel lors de l'entrée du fermier et la valeur des animaux compris dans le cheptel, telle qu'elle ressort des cours lors de l'expiration du bail. V. dans le même sens, Toulouse, 8 juill. 1920

les droits du bailleur sur la souche du cheptel que ceux du fermier sur le croit, à la sortie du fermier, de reconstituer la souche du cheptel reçue par le fermier, sans se préoccuper de la valeur vénale des animaux, et d'en déterminer la valeur d'après les cours moyens au moment de la signature du bail, tandis que, pour le croit, l'estimation doit être faite d'après les cours actuellement pratiqués en foire (2) (ld.).

(X... C. Y...).

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LE TRIBUNAL; Attendu que la question en litige est de savoir si l'estimation. prescrite en fin de bail par les art. 1821 et 1826, C. civ., doit être faite nécessairement au cours du jour, sans avoir égard aux conséquences qu'un tel mode d'estimation peut entraîner dans la situation économique présente, relativement à la conservation de la souche de cheptel, ou si, au contraire, le bailleur étant en droit de prétendre à la restitution du cheptel qu'il a fourni, l'estimation ne doit suivre les cours actuels, après avoir déterminé le prix de l'estimation des bestiaux composant la souche de cheptel à la sortie du preneur, que relativement aux seuls animaux se trouvant en supplément de ladite souche, sauf à tenir compte au preneur, le cas échéant, de l'accroissement de la valeur intrinsèque, au cours du jour, des bestiaux composant la souche de cheptel à sa sortie, sauf encore à tenir compte des dépenses que le preneur pourrait avoir faites pour l'acquisition, à des cours voisins des cours actuels, de certains animaux incorporés dans la souche; Attendu qu'il y a lieu d'observer que, suivant que l'on adopte tel des deux modes d'estimation dont il vient d'être question, l'excédent se calcule, dans le premier cas, tant sur les animaux de croit que sur les animaux composant la souche de cheptel, alors qu'au contraire, dans le deuxième mode d'évaluation, l'excédent ne porte en principe que sur le croît, déduction faite, à un prix qui sera ci-après déterminé, du cheptel fourni par le propriétaire, sauf à tenir compte au preneur, aux cours actuels, ainsi qu'il a été dit, de certains éléments de plus-value des bestiaux composant la souche de cheptel en fin de bail;

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Attendu que le premier mode d'estimation est inspiré des dispositions littérales des art. 1821 et 1826, C. civ., desquelles il résulte que le fermier doit, en fin de bail, laisser des bestiaux d'une valeur égale au prix de l'estimation de ceux qu'il aura reçus (art. 1821, C. civ.), et encore « un cheptel d'une valeur pareille à celui qu'il a reçu (art. 1826, C. civ.), d'où la conséquence, d'après le premier système d'évaluation, que la restitution du cheptel livré par le bailleur

et Trib. d'Auch, 23 juill. 1920, précités. Mais V. en sens contraire, Trib. d'Aurillac, 20 mars 1919 (S. et P. 1920.2.101; Pand. pér., 1920.2. 101); Riom, 29 jaill. 1920 (S. et P. 1920.2.119; Pand. pér., 1920.2.119), et les renvois; Cass. civ. 6 juin 1921, qui sera ultérieurement reproduit.

:

doit se faire 1 jusqu'à concurrence du
prix de l'estimation des bestiaux reçus par
le fermier, les bestiaux restitués devant
avoir, à dire d'expert, au jour de la sortie
du preneur, une valeur égale au prix
de l'estimation de ceux qu'il avait reçus
(art. 1821, C. civ.); 2° jusqu'à concur-
rence encore, en supplément des bestiaux
ci-dessus estimés, du nombre d'animaux
nécessaires pour maintenir dans le do-
maine un cheptel de valeur pareille à
celui que le fermier avait reçu, étant en-
tendu que ce deuxième lot d'animaux
forme, pour sa valeur tout au moins aux
cours du jour de la sortie, avec le croit
proprement dit, l'excédent revenant au
fermier (art. 1826, C. civ.);-Attendu qu'il
y a lieu d'observer tout d'abord que, dans
la pratique courante, les estimations de
bestiaux faites à la sortie du preneur,
jusqu'à concurrence d'une valeur égale
aux prix de l'estimation des bestiaux
qu'il avait reçus, portaient sur un lot d'a-
nimaux sensiblement égal, comme nombre
ou comme importance, à celui qui lui
avait été constitué en cheptel, les fluctua-
tions de la valeur vénale étant ordinaire-
ment peu importantes entre deux esti-
mations; que, par suite, la deuxième
estimation faite en fin de bail se trouvait
correspondre en principe, au cas où elle
révélait une plus-value, à un accroisse-
ment réel dans l'importance ou les qualités
du bétail, ou, dans l'hypothèse contraire,
en cas de moins-value, à un déficit réel
non moins certain; d'où la conséquence
qu'il n'y avait pas, en fait, après avoir
constitué un lot d'animaux, lequel ne pou-
vait être composé comme aujourd'hui d'un
nombre infime de bestiaux, cependant

de valeur égale au prix de l'estimation
à se
de ceux que le fermier avait reçus,
préoccuper de former un deuxième lot
d'animaux nécessaires pour compléter la
souche d'origine, en vue de donner ainsi,
à la souche reconstituée, une valeur pa-
reille au cheptel reçu par le fermier;
qu'ainsi, en raison de l'application cou-
rante des dispositions de l'art. 1826, C. civ.,
les mots valeur pareille ne paraissaient
avoir d'autre portée, le cheptel étant en
fait reconstitué sur les seules bases de
l'art. 1821, C. civ., à « valeur égale au prix »
de la première estimation, que de pres-
crire au fermier de laisser un cheptel de
même nature ou conditionné de même
façon que celui qu'il avait reçu; qu'il est
constant que, dans la pratique courante,
et ce, conformément à l'esprit de la loi, les
art. 1821 et 1826, C. civ., n'avaient pas à
jouer alternativement, le premier, pour
former un lot de bestiaux de valeur
égale au prix de l'estimation » d'entrée,
el le second, pour compléter le premier
lot par un deuxième, devant amener l'en-
semble du cheptel à une valeur pareille »
à celle du cheptel d'entrée; qu'il est bien
certain que, dans le système imaginé par
le législateur, les dispositions des articles.
précités devaient se combiner simultané-
ment, en vue d'obliger le fermier à laisser
á sa sortie un cheptel sans doute de « va-
de celui qu'il avait
leur égale au prix
reçu, mais à la condition que ledit cheptel
fut aussi de même nature ou de « valeur

COURS D'APPEL, TRIBUNAUX, ETC. pareille » à celui du cheptel d'entrée ; qu'ainsi, on ne se trouvait pas amené à placer le bailleur dans l'amère nécessité ou de racheter de ses deniers le cheptel qu'il avait lui-même constitué et confié, ou de laisser dégarnir ses étables, s'il ne pouvait payer le fermier, ou encore de passer la main au profit de ce dernier; Attendu que de telles conséquences, qui se présentent certainement pour la première fois, depuis la promulgation du Code civil, aussi désastreuses pour le bailleur, et desquelles il n'est pas téméraire de prétendre qu'elles n'ont pas inspiré les dispositions des art. 1821 et 1826, Ĉ. civ., ne sauraient non plus nécessairement résulter de l'application rigoureuse des textes, ainsi qu'il sera ci-après démontré, mais plutôt de l'extension abusive du sens et de la portée des articles précités, ainsi que de l'esprit de l'ensemble des textes dont il y a lieu de faire application au procès actuel, tel qu'il peut être dégagé des dispositions législatives qui régissent la matière, et notamment de celles qui régissent le bail à cheptel annexe du bail à ferme; Attendu qu'il convient d'observer tout d'abord que si, aux termes des art. 1821 et 1826, Ĉ. civ., le législateur a fixé comme limite du droit qu'il reconnait au bailleur de reprendre en fin de bail le « le prix cheptel par lui confié au fermier, de l'estimation des bestiaux qu'il aura reçus (art. 1821, C. civ.) et « une valeur pareille à celle du cheptel qu'il a reçu (art. 1826, C. civ.), il ne saurait être méconnu que ce prix », exprimant la valeur vénale des bestiaux composant la souche de cheptel, correspondait aussi, à l'entrée du preneur, notamment à leur puissance de travail, ou encore à leurs qualités de reproduction, tous éléments de la valeur du cheptel, qui, en temps normal, lors de la dernière estimation, se retrouvaient, dans leur ensemble, en une concordance qu'aucune circonstance de fait ne venait bouleverser gravement; alors qu'aujourd'hui i est constant que, tandis que la puissance de travail, ou force culturale, et les qualités de reproduction des bestiaux sont restées a priori les mêmes, leur valeur vénale, au contraire, a plus que quadruplé; d'où la conséquence, que la souche de cheptel formée à la sortie du preneur, conformément à la lettre de l'art. 1821, C. civ., jusqu'à concurrence du prix de l'estimation des bestiaux que le fermier aura reçus, se trouve, bien que d'une valeur marchande égale à la première estimation, en moins-value considérable quant aux qualités essentielles et utiles des animaux composant ladite souche; d'où la conséquence encore que l'excédent, déterminé en fin de bail d'après une estimation faite au cours du jour, sans tenir compte d'aucun élément d'évaluation autre que celui résultant de la valeur vénale, se trouve nécessairement accru, en supplément du croit proprement dit, d'une partie importante de la souche de cheptel constituée à l'entrée du preneur;

α

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Attendu que de telles conséquences, qui, dans certains cas, pourraient avoir pour effet, par exemple, de faire attribuer, à un fermier, à titre d'excédent, après

une seule année de séjour dans un do
maine d'un prix de ferme de 1.000 fr.,
les deux tiers, soit 20.000 fr., d'un cheptel
de dix vaches, d'une valeur de 30.000 fr.,
et ce, alors que le fermier, qui a payé, au
taux d'avant guerre, un loyer minime, a
déjà réalisé, en cours d'année, sur les
profits du cheptel qui lui a été confié, des
bénéfices de cinq à dix fois supérieurs à
ceux d'avant guerre, sont abusives, comme
non seulement contraires aux précédents
constamment admis dans la pratique,
mais aussi et surtout comme contraires
aux dispositions formelles des art. 522,
1766, 1800, 1821, 1822, 1823, 1825, 1826 et
2062, C. civ., desquels il résulte que les
bestiaux confiés par le propriétaire au
la culture du
preneur sont livrés pour
fonds »
(art. 522); qu'attachés au fonds,.
d'où le nom de cheptel de fer, et tant
qu'ils restent attachés au fonds par l'effet
de la convention, ils sont«< censés immeu-
bles » (art. 522); que le preneur est tenu
de garder, de nourrir et de soigner les
bestiaux qui lui sont ainsi livrés (art. 1800);
qu'il n'en devient pas propriétaire, malgré
l'estimation (art. 1822, C. civ.); que les
profits seuls lui appartiennent pendant la
durée de son bail (art. 1823, C. civ.); qu'à
la fin du bail, le fermier ne peut retenir le
cheptel en en payant l'estimation origi-
naire (art. 1826, C. civ.); qu'entin (disposi-
tion aujourd'hui abrogée du fait de la
suppression de la contrainte par corps en
matière civile), les fermiers et colons par-
tiaires peuvent être contraints par corps,
faute par eux de représenter, en fin de
bail, le cheptel de bétail, les semences et
les instruments aratoires qui leur ont été
Attendu,
confiés (art. 2062, C. civ.);

dès lors, que l'on ne peut concevoir com-
ment, malgré la netteté des principes ci-
dessus rappelés, et qu'il est inutile de com-
menter, le preneur puisse, à la faveur
d'événements qui ont totalement boule-
versé la situation mondiale, arguant de
la lettre trompeuse de certaines disposi-
tions législatives, prétendre, en fin de bail,
s'approprier, à titre d'excédent, une part
quelconque des animaux composant la
souche de cheptel, que le bailleur lui avait
confiée dans un but, culture du fonds, et à
des conditions, abandon des profits, ri-
goureusement précisées par la loi;
Attendu que l'argument tiré de la combi-
naison des art. 1821 et 1823, C. civ., en ce
qu'ils précisent: 1° que le fermier est seu-
lement tenu de laisser à sa sortie « des
bestiaux d'une valeur égale au prix de
l'estimation de ceux qu'il aura reçus », et
20 que tous les profits lui appartiennent,
ne saurait faire échec aux principes ci-
dessus posés ; que l'on ne saurait, en effet,
nécessairement considérer comme
croit, un profit ou un excédent, toute va-
leur dépassant le chiffre de la première
estimation, en tant, tout au moins, que cet
excédent sera constitué par des bestiaux
reçus par le preneur à son entrée;
qu'il est de principe, en effet, que le croît
ou profit s'entend de la valeur d'accrois-
sement résultant des produits nés de la
souche de cheptel ou de la plus-value ré-
sultant de la valeur intrinsèque des ani-
maux composant la souche de cheptel, ou

un

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