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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

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Cette nouvelle édition du Précis de M. Hauriou est de cent-cinquante pages environ moins volumineuse que la précédente. Notre savant collaborateur a eu cependant à étudier nombre de dispositions nouvelles, qui ont organisé l'Alsace et la Lorraine, et modifié la législation relative à la réparation des dommages de guerre, à l'expropriation pour cause d'utilité publique, aux établissements dangereux et insalubres, aux habitations à bon marché, aux mines, aux forces hydrauliques, à l'urbanisme, au régime fiscal, etc. Un examen attentif de l'ouvrage permet d'ailleurs de se convaincre que, si la nouvelle édition est d'un format plus réduit, les suppressions opérées sont en tout petit nombre. Tout au plus peut-on constater que la préface présente, sous une forme plus concise, les idées de l'auteur sur la centralisation, et que M. Hauriou a fait disparaître les développements théoriques relatifs au pouvoir, à son fondement et à sa vertu juridique, développements qui seront mieux à leur place dans un traité de droit constitutionnel. Le plus souvent le savant professeur s'est borné à rejeter en note ou en appendice des notions qui figuraient dans le texte des éditions précédentes. Tel est le cas pour l'histoire du régime administratif en France et celle du recours en annulation, pour certaines théories sur l'organisation du pouvoir central, pour l'exposé des caractères propres du droit administratif français, pour la théorie des actes de gouvernement, etc. Par ce moyen, l'auteur a pu, tout en ramenant le volume à de moins fortes proportions, faire place à des modifications importantes. Tous ceux qui connaissent le Précis n'ignorent pas que M. Hauriou est sans cesse à la recherche du mieux, et l'on ne saurait trop admirer la conscience qu'il apporte à mettre au point, soit le fond, soit la forme de ses idées. De là une multitude de changements, soit dans la répartition des diverses matières, soit dans l'énoncé des rubriques, soit dans les développements, à tel point qu'on à peine à découvrir des pages qui soient la reproduction textuelle de l'édition précédente. pouvons en donner que deux ou trois exemples. M. Hauriou insiste, dès le début, plus qu'il nè l'avait encore fait, sur les notions fondamentales du régime administratif; il montre que ce régime est le résultat d'une entreprise de centralisation assumée par l'Etat sous sa responsabilité, ANNÉE 1921.

Nous ne

centralisation en lutte avec la décentralisation ou force propre de la nation. Le chapitre relatif à la responsabilité administrative a subi quant au fond, et surtout quant à la forme, d'assez nombreux remaniements. Les formules sont plus nettes. M. Hauriou examine successivement cette responsabilité : 1° vis-à-vis du public et 2o vis-à-vis de certains tiers déterminés. Il en rapproche à bon droit la responsabilité des fonctionnaires pour faute personnelle, matière qui, dans les précédentes éditions, figurait au chapitre des fonctions publiques. Il posait jadis en principe que la responsabilité de l'Etat pour faute de service ne pouvait se cumuler avec celle de l'agent. Il fait voir, au contraire, aujourd'hui que le cumul est assez fréquent, parce qu'à côté de la faute personnelle, existe souvent une faute de service. Peut-être les arrêts rendus en 1918 par le Conseil d'Etat ont-ils éveillé sur cette délicate question l'attention du savant professeur. A plusieurs points de vue, il a tenu compte des idées émises par M. P. Dareste dans son remarquable ouvrage sur les Recours contre les actes de la puissance publique. Il ne croit pas qu'on puisse dire, avec M. Dareste, que le procédé de la voie de droit est ouvert en principe contre l'acte illégal ou irrégulier de l'administration. Il estime que l'illégalité d'un acte administratif n'ouvre qu'un recours pour excès de pouvoirs ou en appréciation de validité. On peut regretter que l'éminent doyen de Toulouse n'ait pas été en mesure d'utiliser la belle monographie de son collègue M. Carré de Malberg sur l'Etat, publiée après que la présente édition était déjà imprimée. M. Carré de Malberg a émis et paraît avoir solidement établi un certain nombre de théories originales en opposition avec celles qui ont cours, par exemple, au sujet de la fonction administrative, au sujet de la distinction entre la loi et le règlement. La prochaine édition du Précis nous apprendra ce que pense M. Hauriou des conceptions de son collègue. Tout porte à croire qu'elle ne se fera pas attendre, si l'on tient compte de la rapidité avec laquelle s'épuisent les éditions successives de l'œuvre magistrale qu'est le Précis de droit administratif.

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qu'on est convenu d'appeler les « petits contrats » (société, prêt, dépôt, contrats aléatoires, mandat), des contrats de garantie (cautionnement, gage, antichrèse et transaction), des quasicontrats, des délits et des quasi-délits. Un paragraphe nouveau est consacré au contrat d'association, formé par plusieurs personnes dans un but autre que celui de partager des bénétices. Pour la définition des congrégations, M. Bartin semble se rattacher aux conclusions émises dans ce Recueil par M. Esmein (S. et P. 1903.1.57). Le droit international tient sa place dans le volume. L'éminent professeur examine avec grand soin quelle loi s'applique aux délits civils dans l'ordre international. Bien qu'appliquant, en principe, la lex loci delicti, il montre que nos tribunaux peuvent avoir à tenir compte de la loi française, soit pour en atténuer, soit pour en aggraver les conséquences. Plusieurs questions importantes, généralement rattachées au droit administratif, sont traitées à fond par M. Bartin, par exemple, la responsabilité de l'Etat. MM. Aubry et Rau assimilaient l'Etat aux commettants ordinaires. On sait que cette doctrine est aujourd'hui tout à fait abandonnée, et que le Tribunal des conflits, ainsi que la Cour de cassation, soumettent cette responsabilité à des règles spéciales. M. Bartin s'attache à démontrer que les textes dont on appuie cette doctrine visent exclusivement la question de compétence, mais que la détermination de la juridiction emporte la détermination des règles de fond. Il observe ensuite que la faute dite de service n'est régie, d'après la jurisprudence actuelle, ni par l'art. 1382, ni par l'art. 1384; elle reposerait sur des considérations d'équité. M. Bartin n'a point de peine à établir qu'il est bien difficile alors d'en exclure la responsabilité des cas fortuits, et même celle des fautes personnelles commises par les agents. En somme, il semble qu'on glisse insensiblement à la conception plutôt dangereuse de la responsabilité-risque, par opposition à la responsabilité-faute. Dans l'impossibilité où nous sommes de souligner les remarques et les dissertations nouvelles dont sont parsemées les notes de la 5° édition, il convient d'en indiquer quelques-unes. M. Labbé (S. 1884.1.361. — P. 1884.1.929), partant de l'idée de mandat, avait critiqué la jurisprudence d'après laquelle les engagements régulièrement contractés par l'administrateur d'une société lient chaque associé pour sa part virile, encore que les parts dans la société soient inégales. M. Bartin s'attache à réfuter les critiques de M. Labbé les principes du mandat et ceux de la société sont incommunicables entre eux. La loi du 28 mars 1885 ne s'applique qu'aux opérations de bourse faites en France. De cette opinion, très géné ralement admise, M. Bartin fournit une explica1.

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tion plus satisfaisante que celles qu'on a données jusqu'ici. Il ne croit pas que l'art. 2037 ait son origine dans la survivance du mandatum pecuniae credendae, comme on le dit généralement; il l'explique par une autre idée, dont il tire des conséquences. Sur la définition des quasi-contrats, leur classification comme source originale d'obligations, sur la prétendue unité d'origine des obligations du dominus et de celles du gérant d'affaires, sur la fausse assimilation de l'incapable qui contracte avec celui qui gère l'affaire d'autrui, on lira une série d'observations neuves et justes. M. Bartin ne croit pas que l'action en répétition puisse être accordée, quand un paiement a suivi l'exécution d'une convention dont la cause illicite a été connue des deux parties, et il donne, pour appuyer son avis, des arguments très sérieux. Il n'admet pas, contrairement à l'opinion qui parait bien l'emporter en jurisprudence, les conséquences de la maxime: malitiis non est indulgendum. Toutefois, il ne semble pas qu'il ait entendu discuter à fond la question; il se borne à faire observer que, dans les cas rapportés, il n'y avait pas, en fait, intention de nuire, ou encore que la preuve de l'intention sera toujours difficile à fournir. Qu'importe? D'autre part, le savant professeur admet qu'il y a abus du droit, quand les actes accomplis ne répondent plus à l'intérêt pour lequel le droit est créé. La nuance qui sépare les deux théories n'est-elle pas trop fugitive? Enfin, M. Bartin maintient, contre M. Planiol, la distinction traditionnelle entre la faute contractuelle et la faute aquilienne, en ce sens du moins que l'étendue de la réparation diffère dans les deux cas. La démonstration qu'il en donne paraît péremptoire. Ces quelques observations suffisent à démontrer que, dans ce volume comme dans les précédents, théoriciens et praticiens du droit trouveront beaucoup d'idées neuves et une analyse approfondie de la jurisprudence.

De l'absence en matière civile et militaire et de la constatation du décès des militaires, par M. G. RAU, conseil1 vol. ler honoraire à la Cour de cassation. - Paris, Librairie MARin-8°; prix 15 fr. CHAL et BILLARD, G. GODDE, successeur, 27, place Dauphine.

La législation de l'absence (C. civ., liv. 1, tit. IV) était à peu près tombée en oubli, lorsque la guerre a éclaté en 1914. A peine pouvait-on relever, dans les cinquante dernières années, quelques rares décisions qui avaient eu à en appliquer les dispositions. La catastrophe déchaînée sur le monde, en 1914, par l'impérialisme allemand devait lui donner une nouvelle et déplorable actualité. L'importance inusitée des effectifs mis sur pied par les nations belligérantes, les redoutables effets des engins de destruction, le développement de la guerre sous-marine, les mauvais traitements infligés par les Allemands à leurs prisonniers de guerre, la déportation des populations civiles, et toutes les exactions dont elles ont été l'objet de la part des ennemis, devaient multiplier dans des proportions inusitées le nombre des victimes civiles et militaires de la guerre disparues sans que leur décès ait été officiellement constaté. Dès la seconde année de la guerre, une loi du 3 déc. 1915 était intervenue, en vue de permettre,

au moyen d'une procédure simplifiée, mais présentant cependant des garanties d'exactitude, la déclaration du décès des disparus. Une loi ultérieure du 25 juin 1919, s'inspirant de la législation qui avait réglé le sort des biens des militaires et marins disparus au cours des guerres de la Révolution et du premier Empire (L. 13 janv. 1817), et qui avait été remise en vigueur après la guerre de 1870 (L. 9 août 1871), est venue organiser la déclaration d'absence des victimes civiles et militaires de la guerre de 1914-1918, et, en même temps, par une mesure exceptionnelle, autoriser la déclaration de décès de ces mêmes victimes, deux ans après leur disparition constatée. Il faut savoir le plus grand gré à M. le conseiller Rau de ne pas s'en être tenu à donner purement et simplement le commentaire des lois des 3 déc. 1915 et 25 juin 1919. Ces deux lois, en effet, ne se suffisent pas à elles-mêmes; elles se réfèrent, la première, aux dispositions des art. 89 et s., C. civ., la seconde, au titre de l'absence du Code civil pour ce qui concerne l'absence et ses effets, et aux art. 88 et 89, C. civ., pour la déclaration de décès. Etant donné l'utilité que présentait, pour tous ceux, trop nombreux, hélas! qui auront à se réclamer de la loi du 25 juin 1919, la connaissance du régime de l'absence, c'était leur rendre un réel service que de réunir dans un même volume, l'explication des règles de droit commun et celle des règles exceptionnelles édictées par les deux lois des 3 déc. 1915 et 25 juin 1919.- Le volume se divise en trois parties; la première est un traité de l'absence, telle qu'elle est régie par le Code civil; la seconde est consacrée à l'étude de la législation sur l'absence des militaires et marins, étendue par la loi du 25 juin 1919 à l'absence des victimes civiles de la guerre; la troisième partie, enfin, expose les modes exceptionnels de constatation du décès des militaires et marins et des victimes civiles de la guerre, lorsqu'aucun acte officiel de décès n'a été dressé.

Dans chacune d'elles, les divisions et les subdivisions ont été multipliées, de manière à rendre plus aisée la consultation du livre; chaque question est traitée sobrement, sans développements; seuls les arguments qui doivent entraîner la décision sont brièvement résumés à l'appui de la solution donnée par le savant auteur, avec des références à la jurisprudence et à la doctrine. La science juridique de M. le conseiller Rau, son érudition et sa longae expérience lui ont permis, sans négliger aucun des problèmes que soulève la législation dont il avait entrepris de présenter le tableau, de résumer en un court volume de 300 pages tout ce qui concerne le régime des disparus. Ce n'est pas le moindre éloge que l'on puisse faire de ce livre, heureusement complété par des tables (table analytique, table des articles des Codes et des lois cités, table alphabétique) qui, non moins que la clarté de la division et de l'exposition, rendent les recherches particuliè-rement aisées.

Traité théorique et pratique de droit pénal et de procédure criminelle militaire, par MM. le colonel AUGIER, docteur en droit, commissaire du gouvernement près le Conseil de revision de Paris, et G. LE POITTEVIN, docteur en droit, conseiller à la Cour d'appel de Paris, membre du Conseil du contentieux et de la justice mili

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L'élaboration du droit pénal militaire doit beaucoup à la guerre de 1914-1918. Alors que les conseils de guerre n'avaient, en temps de paix, et même dans les guerres antérieures, qu'une activité restreinte, et que les questions qu'ils étaient appelés à résoudre n'étaient qu'en petit nombre, leur rôle s'est considérablement accru dans ce conflit qui a nis aux prises tous les pays d'Europe, et bouleversé les conditions normales de la vie sociale. Ils sont devenus, non peut-être sans une certaine exagération, la juridiction ordinaire, celle qui a principalement fonctionné, et sur l'activité de laquelle la société troublée a surtout compté pour assurer sa sécurité. A l'exercice de cette fonction, on n'a pas tardé à s'apercevoir que le Code de justice militaire, qui passait au premier plan, présentait un certain nombre de lacunes, et que, sur divers points, ses dispositions étaient ou insuffisantes. ou incomplètes. Il a fallu, pour combler les unes ou dissiper les autres, l'intervention du législateur, et aussi le travail fécond de la doctrine et de la jurisprudence. Les commentaires du Code de justice militaire antérieurs à la guerre, étrangers à ces développements, sont devenus de médiocre utilisation. Il fallait de nouvelles publications. Il appartenait à M. le colonel Augier et à M. le conseiller Le Poittevin de satisfaire ce besoin, en donnant une nouvelle 'édition de leur Traité de droit pénal militaire.

Cette nouvelle édition comprendra à la fois le droit pénal et la procédure pénale militaire, comblant ainsi une lacune de la première édition, limitée au droit pénal. Le tome 1er, qui seul est encore paru, réunit les matières des deux volumes du Traité de droit pénal militaire. Il suit le même ordre qu'eux; il reproduit le plan et la méthode qui en avaient fait le succès, et qui, nous en sommes sûrs, feront également le succès de celui-ci. Ce n'est que par une mise au point plus détaillée des questions, par l'indication des développements que les conseils de guerre, et surtout les conseils de révision, ont apportés au droit pénal militaire, qu'il se distingue du précédent ouvrage. Nous le recommandons particulièrement aux membres des conseils, ainsi qu'aux avocats chargés de la défense des inculpés devant les tribunaux militaires. Ils y trouveront un guide sûr et avisé dans l'interprétation des lois militaires, et une grande commodité pour leurs recherches, grâce à de nombreuses tables analytiques et alphabétiques, à la documentation riche et abondante. Avec satisfaction, on constatera que les savants auteurs ont condamné l'interprétation qui avait été donnée pendant la guerre du délit d'abandon de poste, et qui avait ému l'âme de. plus d'un juge des conseils de guerre, par la confusion qu'elle faisait entre la faute disciplinaire et la faute pénale. Avec raison, ils n'ont pas voulu voir ce délit dans le fait d'un soldat, qui, lorsque son régiment est au repos, s'absente momentanément sans autorisation de son cantonnement. - Mais, par contre, nous croyons devoir faire, avec notre éminent collaborateur, M. Roux, qui a traité ce point dans une note publiée dans ce Recueil (S. et P. 1916.2.9), d'expresses réserves sur la distinction que proposent MM. Augier et

Le Poittevin entre la désertion à l'ennemi et la désertion en présence de l'ennemi. Demander leur définition, que ne contient pas le Code de justice militaire, à la loi du 21 brum. an 5, qui ne séparait pas les deux crimes, cela paraît d'une méthode incertaine. Déserter à l'ennemi, c'est, à ce qu'il semble, le fait et uniquement le fait de passer à l'ennemi, d'aller dans son camp, de pénétrer dans ses lignes; c'est l'acte, non seulement d'un lâche, mais d'un traître; et c'est pourquoi la peine capitale apparait le châtiment mérité. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que la réserve que nous faisons ici ne diminue pas le mérite, à nos yeux très grand, de l'ouvrage de MM. Augier et Le Poittevin.

Du contrat d'édition et de la nature juridique du droit de l'éditeur, par M. WERNER LAUTERBOURG, licencié en droit de la Faculté de Paris, docteur en droit de la Faculté de Genève. 1 vol. in-8°. Paris, Librairie de la Société du Recueil Sirey, L.` TENIN, directeur, 22, rue Soufflot; Genève, A. JULLIEN, éditeur, 32, rue Bourgde-Four.

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Le contrat d'édition a été défini par la loi suisse « Un contrat par lequel l'auteur d'une ceuvre littéraire ou artistique, ou ses ayants cause, s'engagent à la céder à un éditeur, qui s'oblige à la reproduire en un nombre plus ou moins considérable d'exemplaires et à la répandre dans le public » (art. 380, de la loi fédérale de 1911, Code des obligations). La France n'a inscrit dans ses lois aucune disposition relative à ce contrat, laissant à la jurisprudence le soin d'en déterminer les effets. En Suisse, au contraire, on s'en est spécialement occupé, dans le Code des obligations de 1881, d'abord, ensuite, dans la loi de revision de ce Code de 1911, art. 380 à 393. M. Lauterbourg définit ainsi, dans la préface de son livre, le but qu'il s'est proposé. Il a entendu surtout présenter un commentaire des art. 380 et s. de la loi fédérale, et démontrer que les règles du Code de 1881 étaient préférables à celles qui leur ont été substituées par la loi fédérale de 1911. - La différence de principe entre ces deux lois consiste en ceci le Code de 1881 ne transmettait à l'éditeur que l'exercice des droits de l'auteur, tandis que la loi fédérale de 1911 lui confère, en partie du moins, les droits de l'auteur. L'examen des deux conceptions offre, au point de vue de la législation comparée, un grand attrait. Il est particulièrement intéressant pour nous, qui, en doctrine et en jurisprudence, avons adopté la théorie de la transmission même des droits de l'auteur. Pour arriver à sa démonstration, M. Lauterbourg passe en revue, dans une étude très fouillée, les conséquences des deux doctrines. La démonstration ne nous a pas convaincus, et nous croyons que le système de la transmission des droits de l'auteur, sous réserve de l'élément moral, donne une satisfaction plus complète aux intérêts respectifs des deux parties. L'auteur conserve tout ce qu'il n'a pas cédé de ses droits pécuniaires, et la plénitude de son droit moral, lequel lui assure la paternité de l'œuvre et le respect de son texte. Quant à l'éditeur, la transmission du droit de l'auteur est une garantie plus complète que l'acquisition de

l'exercice seulement de ce droit. M. Lauterbourg affirme que sa théorie permet d'accorder à l'éditeur les actions possessoires. Soit, dans les législations qui recounaissent la possession des droits et la sanctionnent par des actions possessoires. Mais pourquoi refuserait-on ces mêmes actions à l'éditeur, considéré comme acquéreur du droit de l'auteur? La solution de cette question tient à une contingence de législation positive sur ce point, et non pas à la question de savoir si le contrat d'édition transfère ou ne transfère pas les droits de l'auteur à l'éditeur.-M. Lauterbourg examine, en terminant, si la loi suisse a bien fait de réglementer le contrat d'édition, au lieu de le laisser livré, comme il arrive en France, à défaut de loi positive, à l'interprétation faite par les tribunaux de l'intention. Il penche pour le système suisse. Ce système présente évidemment des avantages, mais on peut toutefois opposer que le système français n'a soulevé aucune critique de la part des éditeurs ni des auteurs. Le livre de M. Lauterbourg, par l'analyse très complète qu'il donne de la nature et des caractères du contrat d'édition, de ses différences avec les autres contrats, de ses modalités, de ses effets et des conditions dans lesquelles il prend fin, rendra les plus grands services.

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Ceux qui se sont spécialisés dans le droit colonial savent quelles difficultés présente la recherche des textes métropolitains applicables à telle ou telle colonie. Pour l'Indo-Chine seule, le nombre de ces textes qui y avaient été promulgués au 31 déc. 1917 n'était pas moindre de 2.600. A supposer qu'on ait entre les mains la collection complète du Moniteur et du Journal officiel de France, du Bulletin des Lois, du Journal officiel et des Bulletins des différentes parties de l'Indo-Chine, comment savoir si telle disposition, édictée en France il y a cent ans, a jamais été promulguée dans la colonie ? Comment savoir, par exemple, que la loi du 8 flor. an 11, relative aux douanes, a été étendue aux colonies en 1895, et promulguée en Indo-Chine au cours de cette même année ? que les deux lois du 16 juin et du 28 juill. 1824, l'une sur les droits d'enregistrement, l'autre concernant les altérations des noms sur produits fabriqués, ont été déclarées applicables dans la colonie, la première en 1914, la seconde en 1909 et en 1915? Comment connaitre les textes et tous les textes concernant toutes les parties de l'administration coloniale? La diversité des matières est infinie, et les ouvrages de doctrine, même les plus sérieux et les plus complets, ne peuvent aspirer à renseigner comme il convient. Que de recherches laborieuses et trop souvent illusoires, le. juge, l'avocat, l'administrateur, devront entreprendre pour s'en assurer! Voilà le travail que M. Petitjean a voulu leur épargner. Le volume qu'il présente contient en réalité deux répertoires. Dans l'un, les textes figurent par ordre chronologique, et l'auteur apris soin d'en donner la date exacte, au lieu de la date, trop

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souvent fantaisiste, qu'enregistrent les publications locales. Il en est de même du titre des lois et des décrets. Ce titre en fait partie intégrante et ne doit pas être modifié sous prétexte de longueur ou d'obscurité. M. Petitjean a complété ceux qu'il jugeait obscurs par quelques mots d'explications entre parenthèses. Une pareille méthode est vraiment scientifique et sera hautement appréciée de ceux qui ont été formés aux bonnes traditions. -- Le répertoire alphabétique exigeait plus d'initiative et plus de soin encore que le précédent. D'une part, l'auteur a multiplié les mots de renvoi et subdivisé en paragraphes les matières importantes; d'autre part, dans des notes rédigées avec un soin minutieux, il s'est appliqué à faire connaître quels textes étaient actuellement applicables, quels textes étaient abrogés. Il a procédé toutefois avec une extrême prudence, dont il convient de le féliciter. Il est souvent, trop souvent, difficile de se prononcer sur l'abrogation d'une loi ou d'un décret, étant donné la formule ambiguë qui est en usage. D'ailleurs, l'abrogation d'une disposition ne lui fait pas perdre tout intérêt, tant s'en faut; théoriciens et praticiens le savent trop bien pour qu'il soit nécessaire d'insister. M. Distère a fait, il y a trente-cinq ans, pour l'ensemble des colonies, un travail analogue au répertoire chronologique de M. Petitjean. Mais son recueil, aujourd'hui bien vieilli, n'a pas été tenu au courant et ne présente plus l'utilité qu'il avait jadis. Les tables générales du Recueil de Législation coloniale datent elles-mêmes de 1910. Il serait bien à désirer que, dans chaque colonie, un juriconsulte entreprit l'œuvre que M. Petitjean nous donne pour l'Indo-Chine. La justice et l'administration coloniales ne pourraient qu'y gagner et on épargnerait aux administrateurs un temps précieux.

Le règlement transactionnel entre les commerçants et leurs créanciers (Titre 1o de la loi du 2 juill. 1919), par M. GEORGES MARAIS, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris. Br. in-8°; prix: 8 fr. Paris, ROUSSEAU et Cie, éditeurs, 14, rue Soufflot, et rue Toullier, 13. Le règlement transactionnel entre les sociétés commerciales et leurs obligataires (Titre 2 de la loi du 2 juill. 1919), par M. GEORGES MARAIS, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris. Br. in-8°; prix : 8 fr. Paris, ROUSSEAU ET Cie, éditeurs, 14, rue Soufflot, et rue Toullier, 13.

La loi du 2 juill. 1919 est née de la guerre. Il était impossible que, devant les perturbations économiques provoquées par elle, le législateur restât insensible, et qu'il laissåt le déshonneur de la faillite, même atténuée par le régime de la liquidation judiciaire, peser sur des commerçants auxquels on ne pouvait reprocher souvent ni une faute ni même une imprudence. Sous le nom de règlement transactionnel, la loi du 2 juill. 1919 a créé une institution analogue à celle que des législations étrangères, de plus en plus nombreuses, appellent généralement concordat préventif. Comme dans toutes les lois de ce genre, inspirées par le désir d'éviter des déchéances ou de permettre une réhabilitation plus facile, l'œuvre législative se heurte à un double écueil ou bien l'état de cessation des paiements sera publié, et les

tiers avertis et protégés se détourneront du débiteur devenu suspect; ou bien l'état de cessation des paiements restera secret, et ni les créanciers ne seront suffisamment avertis, ni les tiers qui traitent avec le débiteur ne seront suffisamment protégés. C'est à ce dernier parti que s'est arrêtée la loi du 2 juill. 1919. Dès lors, pas de publicité du règlement transactionnel, pas de voies de recours contre le jugement d'admission, pas d'assemblée de vérification et d'affirmation des créances. M. Marais, après avoir mis en lumière ces innovations de la loi du 2 juill. 1919, et d'autres plus hardies encore peut-être, donne de chacun des articles de la loi un commentaire d'une remarquable précision, qui lui permet d'en faire ressortir les obscurités et les lacunes. - Sans sacrifier à aucun moment le caractère pratique qu'il a voulu leur donner, les deux brochures consacrées par M. Marais à l'analyse des dispositions de la loi du 2 juill. 1919 présentent, pour ceux qu'intéressent les problèmes juridiques et l'évolution des institutions, un réel attrait, car l'auteur y a fait preuve d'une connaissance approfondie du droit, en même temps que d'un sens critique avisé. Ils sont, en effet, en même temps que l'exposé des dispositions d'une loi touffue, mais singulièrement vivante, une critique faite avec intelligence et sympathie de cette loi. Le règlement transactionnel, malgré le caractère temporaire que lui a assigné le législateur, devra survivre à la guerre et à ses suites. L'idée du concordat préventif, une fois admise dans nos lois, n'en sortira point. La distinction faite par la loi nouvelle entre le règlement du passif ordinaire et le règlement du passif obligations est appelée sans nul doute à prendre place dans une réforme générale du droit de la faillite. Ce sera l'honneur de livres comme ceux de M. Marais d'avoir, en exposant, avec un sens indéniable des réalités, la législation nouvelle, marqué, parmi des dispositions de valeur inégale, celles qui constitueront les fondements d'un droit

nouveau.

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L'action directe et l'interprétation

des art. 1753, 1798, 1994 du Code civil, par M. HENRY SOLUS, avocat à la Cour d'appel, docteur en droit, lauréat de la Faculté de droit de Paris. 1 vol. in-8°. Paris, Librairie de la Société du Recueil Sirey, L. TENIN, directeur, 22, rue Soufflot.

L'art. 1753, C. civ., donne une action au bailleur contre le sous-locataire, jusqu'à concurrence de la partie non payée de son loyer: l'art. 1798 doune également une action aux ouvriers contre le maître de l'ouvrage, à concurrence de ce qui est dû par ce dernier à l'entrepreneur; l'art. 1994 permet au mandant d'actionner la personne que son mandataire s'est substituée. La doctrine et la jurisprudence déclarent que l'action ainsi donnée au mandant, aux ouvriers, au bailleur, est une action directe; que faut-il entendre par cette expression, assez peu précise? C'est à le rechercher que M. Solus consacre son livre. Minutieusement, à l'aide de la jurisprudence, il détermine à qui appartient l'action directe, contre qui elle est donnée, pour la garantie de quelle créance; il étudie les conditions d'exercice de l'action directe, ses effets, sa nature juridique. — Dans une seconde partie, de beaucoup la plus curieuse et la plus originale du livre, il se demande ce que vaut

celte conception de l'action directe. Il montre que notre ancien droit ne l'a pas connue, et qu'elle constitue, en réalité, une construction doctrinale, que la jurisprudence a rapidement adoptée. Il fait ressortir ses imperfections et son insuffisance à procurer les résultats pour lesquels elle a été créée. Il montre, enfin, que toutes les situations légitimes sauvegardées par son exercice le seraient beaucoup mieux par l'emploi de l'action de in rem verso, accordée au bailleur, à l'ouvrier et au mandant contre le mandataire, le propriétaire et le sous-locataire.

Ce résumé trop court ne saurait donner une idée suffisante des qualités déployées par M. Solus au cours de ce travail. Esprit clair et précis, il conduit avec sûreté une étude de jurisprudence. Son raisonnement est serré, ses rapprochements ingénieux. On le lit avec plaisir, et on se range volontiers à son avis, même si, à part soi, on a quelques doutes sur l'exactitude de ses conclusions. On ne peut pas, notamment, ne pas regretter la notion traditionnelle de l'action directe, si commode, en somme, par son imprécision même; mais, comment résister au plaisir que M. Solus nous donne de toucher du doigt ce que cette notion a de superficiel? Evidemment, l'action directe des art. 1753, 1798, 1994, ne correspond à rien de réel. L'imaginer était inutile, et les vieux auteurs, en la créant de toutes pièces avec le concours de la jurisprudence, ont compliqué inutilement la science du droit. Mais l'action de in rem verso ne présentet-elle pas, dans une certaine mesure, les mêmes avantages et les mêmes inconvénients? Ce sont là des critiques, mais de ces critiques qui impliquent un éloge, car elles supposent l'excès de qualités trop rares aujourd'hui. M. Solus est jeune, et il a mis dans son étude toute la logique ardente de la jeunesse. Le temps fera son œuvre, et, à la clarté, à la précision, à la rigueur de raisonnement, aux qualités de juriste et d'historien, dont M. Solus a fait preuve dans son livre, il ajoutera un grain de scepticisme, la notion de la vanité des constructions juridiques, qui ne sont guère, dans la pratique, que des mots par lesquels la jurisprudence cherche à justifier les solutions équitables qu'elle donne. Ce jour-là, rien ne manquera plus à M. Solus pour être ce que tous ceux qui le connaissent attendent de lui, ce que son livre, qui est, si nous ne nous trompons, sa thèse de doctorat, nous promet, un maître de la science du droit.

L'enseignement du droit comparé. Sa coopération au rapprochement. entre la jurisprudence française et la jurisprudence anglo-américaine, par M. EDOUARD LAMBERT, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Lyon. Extrait des Annales de l'Université de Lyon, nouvelle série. Br. in-8°. Lyon, A. REY, imprimeur-éditeur, 4, rue Gentil; Paris, Librairie A. ROUSSEAU, rue Soufllol, 14.

M. Edouard Lambert est, en France, l'un des initiateurs de l'étude du droit comparé. Dans la substantielle brochure que nous analysons ici, il prend texte d'un projet, déjà ancien, d'Institut de droit comparé, élaboré par la Faculté de droit de l'Université de Lyon, pour montrer l'intérêt qui s'attache à l'étude du droit des pays anglo-saxons. Ce n'est pas seulement parce que les deux grands peuples anglo-saxons,

Angleterre et Etats-Unis d'Amérique, englobent sous leur domination ou leur influence près de la moitié du monde civilisé, et que, par suite du développement de nos relations commerciales avec eux, nous sommes de plus en plus obligés de connaître leur droit, qu'il convient d'en organiser l'étude; c'est parce que ce droit, soigneusement étudié, nous aidera à mieux comprendre le nôtre. C'est un des chapitres les plus intéressants de cette étude que celui où M. Lambert nous montre les origines normandes du droit anglais et sa pénétration, aux x® et Xe siècles, par le droit français. Le français, un français barbare, figé dans sa rudesse primitive, mêlé de latin, encombré d'anglicismes, devenu à peu près incompréhensible pour ceuxlà même qui l'employaient, est resté, jusqu'au XVIII° siècle, la langue des tribunaux anglais, Actuellement encore, la plupart des termes juridiques anglais sont d'origine française. Que de raisons pour s'étudier et se comprendre! Malheureusement, ces projets d'études du droit comparé ne vont pas sans difficultés pratiques. Même en se restreignant aux ouvrages essentiels, c'est plusieurs milliers de volumes, quelquesuns presque introuvables, dont l'acquisition serait indispensable pour servir de premier fonds à la bibliothèque de la section d'études anglo-américaines d'un Institut de droit comparé. M. Lambert demande une première mise de 100.000 fr. et une somme annuelle de 5.000 fr., consacrée aux achats de livres, aux abonnements, à l'entretien d'un bibliothécaire. Il est probable qu'en tenant compte du change, de la hausse des prix, et, s'il faut tout dire, de l'optimisme bien légitime de l'auteur du projet, il faudrait, au moins, quintupler ces chiffres pour parvenir au résultat désiré par M. Lambert. Nos Universités sont trop pauvrement dotées pour pouvoir envisager la création espérée par lui, et il est à craindre que la réalisation n'en soit retardée jusqu'au jour où il aura réussi à y intéresser quelque généreux donateur. Nous souhaitons vivement à M. Lambert cette heureuse chance, et nous nous félicitons aussi qu'il ait voulu faire connaître au public le projet qu'il a formé, car il nous a valu ainsi quelques pages d'aperçus étincelants et féconds, comme tout ce qu'écrit le savant professeur de la Faculté de Lyon.

La loi de Hiéron et les Romains, par M. JÉRÔME CARCOPINO, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, agrégé d'histoire. 1 vol. in-8°. Paris, DE BOCCARD, éditeur, 1, rue de Médicis.

Les plaidoyers de Cicéron ne sont pas seule-. 'ment des modèles de l'éloquence antique; ils peuvent aussi fournir à l'historien et au juriste de précieux renseignements sur les institutions romaines. Ce sont des indications de ce genre que M. Carcopino a tenté d'extraire des Verrines, ou plus précisément du' De frumento. Dès avant la conquête de la Sicile par les Romains, un roi, Hiéron II, y avait établi l'impôt de la dime sur les céréales, et probablement sur l'huile, le vin, les légumes, bref sur toutes les récoltes. C'est la loi relative à cette contribution qu'on a nommée la loi de Hiéron, objet des études de M. Carcopino. L'impôt était affermé, chaque année, par voie d'adjudication. Chaque année aussi on recensait les cultivateurs, et tout au moins à l'époque de Cice

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les arpents mis en culture. Après la récolte, intervenait une convention fort originale le cultivateur s'engageait à livrer une certaine quantité; le décimateur, c'est-à-dire l'employé du fermier de l'impôt, promettait de ne pas prendre davantage. La lex Hieronica avait d'ailleurs prévu des actions en justice, organisé des tribunaux pour les juger, créé une procédure. Tout cela nous offre l'image d'une institution fiscale des plus curieuses: un chiffre d'autant plus modéré que cet impôt était unique, des combinaisons fort ingénieuses pour prévenir les évaluations exagérées du fisc et déjouer les fraudes du contribuable, la participation des cités à la perception, de façon à concilier les intérêts privés et les intérêts publics, etc. Après avoir ainsi présenté un tableau suffisamment net de la lex Hieronica, M. Carcopino en recherche l'origine. Elle n'a fait que régulariser et améliorer un impôt antérieur : - la dime, perçue en Sicile grecque depuis Denys l'Ancien, selon les uns, depuis Dioclès selon les autres, depuis Gėlon, selon M. Carcopino, c'est-à-dire 480 à 490 ans avant J.-C. Hiéron se serait inspiré, vers 260 avant J.-C., de son contemporain, Ptolémée Philadelphe, roi d'Egypte, lequel avait détourné sur le Trésor royal une redevance analogue, établie au profit du clergé. Les Romains, maitres de la Sicile, ont étendu à l'île entière la loi qu'Hiéron avait promulguée pour la partie qu'il gouvernait, à l'aide d'abord des édits prétoriens, puis d'une lex Rupilia, statut provincial. Ils continuèrent d'ailleurs le système de la ferme, avec adjudications annuelles, dans les anciennes formes; d'où résulte cette conséquence que les sociétés romaines de publicains se trouvèrent exclues en fait des dimes siciliennes. - M. Carcopino consacre les chapitres suivants à étudier la perception des dimes, la procédure du contentieux les concernant, les achats forcés de grains, enfin, les exactions de Verrès, la ruine de l'agriculture sicilienne et l'abolition des dimes. La législation sicilienne permit à Verrès de s'associer aux fermiers, qu'il recruta parmi ses familiers, évinçant toute concurrence lors des adjudications. Mais les décimateurs se heurtaient aux dispositions minutieuses de la loi. Verrès, usant des pouvoirs d'interprétation que lui donnait sa charge, trouva le moyen de les éluder, et de réaliser ainsi des gains énorTelles sont, en un bref résumé, les conclusions de M. Carcopino. Ce qui donne de l'intérêt à l'étude par lui entreprise, outre celui qui s'attache au sujet lui-même, ce sont les procédés dont il lui a fallu faire usage. Il n'avait à sa disposition que le De frumento et l'ensemble des connaissances que nous possédons sur l'organisation financière des provinces romaines et la procédure usitée dans les tribunaux. Or, sans mettre en doute, plus qu'il ne convient, la sincérité et la science de Cicéron, encore faut-il faire la part, et une large part, à l'exagération, voire même à la déformation que lai impose son rôle d'avocat. Pour démêler la vérité scientifique à travers les rélicences et les grossissements volontaires ou involontaires du grand orateur romain, pour reconstituer, en partant de cette base, l'histoire du régime antérieur à la conquête romaine et les modifications qu'elle avait entraînées, pour se rendre un compte exact des illégalités et des excès de pouvoir commis par Verrès, il fallait une science de la vie romaine, avec une dose de patience, de sagacité et d'ingéniosité tout à fait

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rares. Il nous semble que M. Carcopino a fait preuve de ces qualités, et l'étude qu'il nous a donnée de la lex Hieronica, si elle prête sur certains points à contestation (comment pourrait-il en être autrement?), projette une vive lumière sur des particularités encore mal connues du droit public romain.

Le système des mandats territoriaux, 1796-1797, par M. P.-L. ROUSSEL, docteur en droit. 1 vol. in-8°. Paris, Librairie de la Société du Recueil Sirey, L. TENIN, directeur, 22, rue Soutllot.

En étudiant les mandats territoriaux, c'est œuvre historique que M. Roussel a voulu faire. On sait ce que furent les mandats territoriaux: la dernière ressource des financiers aux abois pour faire face aux besoins d'un gouvernement sans argent et sans crédit. Théoriquement, l'idée qui avait inspiré la création des mandats territoriaux n'était pas mauvaise. Par suite des confiscations révolutionnaires, l'Etat possédait des immeubles d'une valeur considérable, mais n'avait plus, pour effectuer les échanges, qu'une monnaie de papier dépourvue de tout crédit. On mobilisait ces immeubles, en créant des mandats territoriaux garantis par les biens nationaux, qui permettraient aux porteurs d'obtenir, par préférence à toutes autres personnes, un immeuble ou une portion d'immeuble national correspondant à la valeur des mandats territoriaux détenus par eux. En même temps, ces mandats serviraient de monnaie, et remplaceraient les assignats discrédités. Les mandats territoriaux ne donnèrent pas ce qu'on en attendait. Avant même d'avoir été mis encirculation, ils étaient enveloppés dans la défaveur générale qui atteignait le papier-monnaie, et ils subissaient une dépréciation presque aussi forte que celle des assignats. Ils n'eurent d'autre effet que de retarder de quelques mois la banqueroute qui était imminente.-M. Roussel, traitant d'un tel sujet, aurait pu faire des rapprochements faciles avec les événements contemporains. Il s'en est sagement abstenu. Il a voulu que son livre fût un livre d'histoire et rien de plus. A nous d'en tirer les leçons. C'est là chose aisée, lorsque l'on a pour guide un livre comme celui de M. Roussel, écrit dans une langue simple et correcte, appuyé sur une documentation solide, et qui révèle chez son auteur, avec une irréprochable méthode, une connaissance approfondie des grands problèmes économiques et financiers.

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a acquis l'hégémonie sur le continent. Sa constante préoccupation, au cours des quarante années qui ont suivi, a été de maintenir cette hégémonie. C'est dans ce but qu'elle a conclu la Triple Alliance, qu'elle a poussé la France vers les entreprises coloniales et la Russie vers l'ExtrêmeOrient, qu'elle a cherché, enfin, à rétablir sa suprématie, ébranlée par la réconciliation de la France avec l'Italie et l'Angleterre, en intervenant brutalement dans notre politique marocaine. Les guerres balkaniques avaient constitué, pour ses visées, un double échec, et, partant, avaient porté une sérieuse atteinte à son prestige. Elle ne pouvait le permettre. Elle a profité de la première occasion qui s'offrait à elle pour rétablir sa situation continentale et asseoir définitivement, du même coup, sà domination sur l'Orient, condition nécessaire de la politique mondiale, dans laquelle, depuis l'avènement de Guillaume II, elle était entrée. Le livre de M. Seymour présente un intérêt indéniable. Le style du traducteur, précis et simple, en rend la lecture agréable et facile. La documentation est abondante; peut-être n'est-elle pas, toutefois, aussi complète qu'on pourrait le désirer. Surtout, l'auteur ne paraît pas attacher une importance assez grande au choix de sa documentation. Il ne se préoccupe pas, même pour des auteurs dont les ouvrages se trouvent dans toutes les bibliothèques, de faire des citations de première main. I cite Henri Heine (p. 129), d'après Lichtenberger; Luther (p. 129), d'après von Bernhardi, et se forme une opinion sur Nietzsche dans un ouvrage d'Ernest Barker (p. 126). Ce procédé aboutit, parfois, à des inexactitudes. La crise de 1875, où la France fut sur le point d'être attaquée par l'Allemagne, se réduit à ses yeux à un avertissement un peu rude de Bismarck (p. 39). La libération de la Grèce est, pour lui, l'œuvre exclusive de la Grande-Bretagne et de la Russie (p. 231). Il ignore, semble-t-il, l'expédition du maréchal Maison en Morée, et la part glorieuse prise par la flotte française à la bataille de Navarin. Ignorer on diminuer l'œuvre de la France, c'est le plus grave défaut de ce livre. Certes, notre politique n'a pas été exempte de faiblesse depuis quarante ans. Il semble, toutefois, que M. Seymour l'ait vue plus faible encore qu'elle ne l'a été réellement. Nous pouvons le regretter. Mais nous devons constateret c'est par là surtout que ce livre est instructif — qu'après dix-huit mois de guerre, l'élite intellectuelle d'un pays, qui allait bientôt entrer dans la lutte à nos côtés, ne nous considérait guère que comme un peuple subordonné, inférieur, en somme, à l'Angleterre, son alliée, à l'Allemagne, son adversaire. En réfléchissant à ces faits, il nous sera facile de comprendre pourquoi la France n'a pas eu, dans la paix de 1919, la part prépondérante à laquelle les quatre années d'une guerre qu'elle a conduite et gagnée lui auraient permis de prétendre. Nous portons la peine de nos fautes passées. Il faut remercier M. Raiga de nous avoir donné la traduction d'un livre qui nous permettra de les mieux connaître, et, peut-être, de les éviter à l'avenir.

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