En 1155, constitution portant défense des guerres privées, défense souvent renouvelée. En 1202, sous Philippe-Auguste, arrêt de la Cour des pairs, qui condamne à mort Jean-sans-Terre, duc d'Aquitaine et de Normandie, roi d'Angleterre, pour l'assassinat du comte Arthur, et confisque toutes ses terres. En 1210, lettres du même prince sur le privilége des clercs en matière criminelle. En 1256, arrêt du parlement qui décide que le roi n'est point obligé de payer les dettes de son prédécesseur (Lebret, de la Souv., livre 1v, ch. 10). En 1260, ordonnance sur les duels judiciaires et la preuve par témoins. Le désordre des combats particuliers, pour soutenir le jugement en cas d'appel, n'a été entièrement abrogé que sous Philippe-le-Bel. En 1262, sous saint Louis, jugemens de la mer ou d'Oléron. Ils curent pour objet la navigation des côtes de Guienne, Poitou et Normandie. Ils parurent si sages qu'on les adopta partout (V. Rép. de M. Merlin, vo Naufrage; Themis, tome 1er). En 1268, édit sur les élections ecclésiastiques et les libertés gallicanes ou pragmatique sanction. En 1270, établissemens de saint Louis. Montesquieu pense que c'est l'ouvrage de quelques baillis; il les regarde plutôt comme un livre de jurisprudence que comme une loi (Esprit des lois, livre XXVIII). On y trouve la défense des guerres privées, labolition du combat judiciaire, l'appel au roi des sentences rendues dans les justices seigneuriales. En 1287, ordonnance de Philippe IV (le Bel) sur les bourgeoisies. La France commence à se couvrir de bourgeois du roi, seulement justiciables des officier royaux. En 1291, ordonnance du même prince sur le parlement, considéré dans ses rapports avec l'administration publique et comme Cour des pairs. Elle prouve que, dans son origine, le parlement fut un démembrement du Conseil d'Etat. C'est sous Philippe-le-Bel, vers 1302, que le parlement, qui existait dès 1294, comCe fut l'institution des parlemens, dit Loyseau, qui à devenir sédentaire. sauva d'être cantonnés et démembrés comme en Italie et en Allemagne, et qui maintint * le royaume en son entier. >>> mença nous C'est entre ce prince et Boniface VIII qu'éclata ce différent célèbre qui donna naissance aux questions les plus graves sur l'étendue des puissances spirituelle et temporelle, à l'appel contre le pape au futur concile de la part de Philippe-le-Bel, et amena la convocation, pour la première fois, des Etats généraux, ou de la division en trois ordres, en 1302. Philippe-le-Bel parait avoir exercé la plénitude du pouvoir législatif sans partage et sans contestation; mais, depuis, les Etats généraux et les parlemens ont souvent réclamé et obtenu la participation à l'exercice de ce pouvoir. En 1315, ordonnance de Louis X pour l'abolition de la servitude. En 1316, ordonnance de Charles IV sur les forêts. En 1318, ordonnances de Philippe V, et en 1363, de Jean II, sur la procédure. En 1394, ordonnance de Charles VI qui déclare les femmes capables de rendre témoignage en justice. Cette ordonnance a été faite avec le concours du parlement, lequel a souvent pris une part directe aux actes législatifs, avant d'y prendre une part indirecte par les remontrances, les enregistremens modifiés et les refus d'enregistrement. En 1438, pragmatique-sanction de Charles VII, dont le but est d'assurer les libertés de l'Eglise gallicane par la réception de plusieurs décisions du concile de Bâle. En 1446, ordonnance touchant le parlement. C'est un règlement homologué par En 1493, édit de Charles VIII, sur l'amélioration de la justice. En 1536, édit de Crémieu, de François Ier, réglant la juridiction des bailliages, séné chaussées et autres justices inférieures. En 1359, ordonnance de Villers-Cotterets, du même prince, pour l'abréviation des procès. En 1551, ordonnance de Heuri II, établissant des présidiaux dans les principales villes du royaume. En 1560, édit de Romorentin, de François II. Il attribue aux évêques la connaissance du crime d'hérésie. On prétend qu'il n'a été conseillé par le chancelier Michel de Lospital (1) que pour éviter l'établissement de l'inquisition que l'on voulait alors établir en France comme elle l'était en Espagne. Il n'a été enregistré qu'avec des modifications qui donnaient aux laïques le droit de se pourvoir devant le juge royal. Dans la même année, par le même prince, ordonnance donnée aux Etats d'Orléans, au sujet des matières ecclésiastiques et sur le fait de la justice. Elle fait deux états distincts de la robe et de l'épée. Elle fut suivie, en 1563, de l'ordonnance de Roussillon qui la complète. En 1566, ordonnance de Charles IX, publiée aux Etats de Moulins, sur la réforme de la justice. Elle prohibe, en matière civile, la preuve testimoniale dans les contestations dont l'objet excède la somme de 100 francs. Elle établit la formalité de l'insinuation par rapport aux donations entre-vifs. Dans la même année, édit du même prince, donné à Moulins, sur l'inaliénabilité du domaine de la couronne. Il met de niveau les domaines anciens de la couronne et les nouveaux. Il réunit au domaine de la couronne tous les biens possédés par le roi, dont les fermiers auraient compté pendant dix ans. En 1576, ordonnance de Henri III, rendue aux Etats de Blois, et promulguée deux ans après sous le titre d'édit de Blois. Cette ordonnance est particulièrement remarquable dans les matières du droit personnel; elle renferme beaucoup de dispositions correspondantes à celles arrêtées au concile de Trente. Henri III chargea le président Brisson de former une collection des ordonnances royales, et de les fondre dans un travail systématique. Le projet de ce Code a été publié en 1587, sous le titre de Basilique et Code Henri, mais il n'a pas reçu force exécutoire. En 1598, édit de Nantes, par Henri IV, sur le libre exercice de la religion réformée. En 1629, édit de Nimes, sous Louis XIII, sur la même matière. Dans la même année, ordonnance connue sous le nom de Code Michaut ou Marillac, rédigée sur les Etats généraux de 1614 et des assemblées des notables, tenues en 1617 à Rouen, en 1626 à Paris. Elle contient des dispositions sur presque toutes les matières du droit civil, sur les finances, la guerre, le commerce et la marine. Nous devons au règne de Louis XIV, en 1667, l'ordonnance sur la procédure civile; en 1669, celle pour les évocations et commitimus, et celle pour les eaux et forêts; en 1670, celle sur la procédure criminelle; en 1672, celle pour la juridiction des prevót des marchands et échevins de la ville de Paris; en 1673, celle pour le commerce; en 1680, celle des gabelles; en 1681, celle de la marine; en 1682, la déclaration du clergé sur les libertés de l'Eglise gallicane; en 1685, l'ordonnance concernant la police des nègres dans les îles françaises de l'Amérique et de l'Afrique, connue sous le nom de Code noir; en 1687, celle relative aux cinq grosses fermes; en 1695, l'édit concernant la juridiction ecclésistique; en 1685, l'édit révocatoire des édits de Nantes, de 1598, et de Nîmes, de 1629, lequel prive les protestans de tout exercice de leur religion et même de la capacité civile; en 1714, édit qui appelle à la couronne les enfans naturels du roi, an cas où il n'y aurait plus de princes légitimes. On remarque, sous le règne de Louis XV, l'ordonnance de 1731 sur les donations; celle de 1735 sur les testamens; celle de 1737 sur le faux; celle de 1747 sur les substitutions; l'édit de 1717 qui abroge l'édit de 1714, et reconnait à la nation le droit de se choisir un roi en cas d'extinction des princes légitimes. Sous Louis XVI, un édit, de 1775, abolit les contraintes solidaires contre les principaux habitans des paroisses, pour le paiement des impositions royales, excepté dans le cas de rebellion; un édit du mois d'août 1779 affranchit gratuitement les serfs de ses domaines, exemple qui trouva peu d'imitateurs parmi les seigneurs; une déclaration du 24 août 1780 abolit la torture préparatoire; un édit de novembre 178 1787 rend les protestans à la vie civile, et maintient leur exclusion des fonctions publiques (2). (1) C'est ainsi que signait l'illustre chancelier, et non L'Hopital. V. le Dict. de Chaudon et Delandine. (2) Parmi les matières du Code civil, dont on retrouve les bases dans les anciennes lois royales, nous citerons 1o les actes de l'état civil; on trouve dans l'ordonnance de 1667 les principes généraux du titre IV. Le christianisme nous a engagé à adopter, dit le président Bouhier (1), même ■ dans les matières temporelles, diverses décisions du droit canonique, opposées aux lois romaines; comme à l'égard des peines des veuves qui se remarient dans l'an de deuil, « des prêts à intérêts, des legs pieux, des stipulations au profit d'un tiers, des pactions nues, etc. De plus, nous avons préféré les formes judiciaires des canonistes à celles du • droit civil. Enfin le droit canonique est encore la source de plusieurs de nos disposi■tions coutumières, et nous avons cela de commun avec la plupart des peuples de • l'Europe (2). » V. La jurisprudence des arrêts (3) et la doctrine des auteurs (4), suppléant au silence, à l'obscurité, à l'insuffisance du droit romain, des coutumes, des lois royales, du droit canon, complétaient notre ancien droit, qui était, dans toute l'énergie de l'expression, rudis indigestaque moles! VI. A l'avènement de Louis XVI, la France n'avait pas encore de droit civil; car on ne pent donner ce nom à cet amas informe de Coutumes anciennes et diverses, rédigées vers le milieu du quinzième siècle, dont l'esprit avait disparu devant un autre esprit, dont la lettre était une source journalière de controverses interminables, et qui, dans plusieurs de leurs dispositions, répugnaient autant à la raison qu'aux mœurs nouvelles. Les questions les plus importantes sur les mariages et l'état des enfans étaient décidées par des textes du droit canonique et par les décrétales des papes. Dans l'immense collection du droit romain, qui régissait quelques unes de nos provinces, on ne distinguait pas les senatus-consultes, les plébiscites, les édits des grands princes, d'avec les réponses subtiles, surtout d'avec les rescrits des empereurs, espèce de législation mendiée, presque toujours accordée à la faveur ou à l'importunité. On ne distinguait pas non plus les lois lans lesquelles les législateurs romains n'avaient été que les religieux interprètes du droit naturel et les ministres éclairés de la raison universelle, d'avec celles qui ne tenaient qu'à des institutions particulières, étrangères à notre situation et à nos usages. La tradation matérielle de la chose vendue était nécessaire à Rome pour consommer la vente. De là, le droit romain décidait que, si une chose avait été vendue deux fois, à deux personnes différentes, le porteur du second contrat accompagné de tradition matérielle devait être préféré en cas de litige. On regardait le premier contrat, qui n'avait pas été tradition, comme un simple projet révoqué par le second. Chez nous, la tra suivi de , des actes de l'état civil, et particulièrement dans l'art. 14 du titre 20 de cette ordonnance, la règle de l'art. 46 da Code, sur les cas où la preuve résultant des actes de l'état civil, peut être suppléée par d'autres genres de preave. La forme des registres de l'état civil avait été réglée par la déclaration de 1736; 2o les principes ur la mort civile sont tirés en grande partie de l'ordonnance de Moulins, de celle de 1770, et de la déclaration de 1639; 3o les principes relatifs à la nullité des mariages, pour défaut d'un acte de célébration, ou pour raison des nullités ou irrégularités de cet acte, sont conformes à ceux consacrés par l'ordonnance de Blois, par la déclaration du 26 novembre 1639, et par l'édit du mois de mars 1697; 4o les ordonnances de 1231 et 1735 ont servi principalement de base aux dispositions du titre des donations entre-vifs et des testamens; 50 la disposition de l'article 1341, dont l'influence s'étend sur toute la matière des contrats, avait déjà eté établie par l'art. 54 de l'ordonnance de Moulins, et consacrée par l'art. 2 du titre 20 de celle de 1667; 6o les dispositions du titre de la contrainte par corps ont été tirées pour la plupart de cette dernière ordonnance (tit. 29, art. 3, titre 34 en entier.) (1) Observations sur la coutume de Bourgogne, t. Icr, p. 368. (2) La loi 10 ff de usurp. et usu cap. dispose, que pour prescrire, il suffit que la bonne foi ait existé au moment de l'acquisition. Mais le droit canonique, in cap. 5 et ult., de præscrip. l'avait corrigée. Il exigeait la bonne foi pendant tout le temps nécessaire pour prescrire, ce qui avait été jugé plus conforme à la saine morale. - Aussi cette correction avait été adoptée par la coutume de Paris (art. 113 et 114), et elle était généralement suivie dans la jurisprudence. L'art. 2269 du Code civil remet en vigueur le principe posé par les kis romaines; ainsi, quand la possession aura été originairement de bonne foi, la mauvaise foi survenue depuis n'empêchera pas le cours de la prescription. Il ne faut appliquer cette règle qu'à la prescription commencée depuis le Code. Dans plusieurs des cas remarqués par le président Bouhier, on a suivi les principes du droit canonique. (3) Les rédacteurs du Code civil ont converti en lois plusieurs décisions parlementaires. Les effets de la Posession d'état et l'art. 741 du Code civil sont fondés sur la jurisprudence du parlement de Paris. (4)L'im. 32 du Code civil a été emprunté au Traité de la mort civile de Richer. La distinction entre les. unilites absolues et les nullités relatives est due à d'Aguesseau (Procès-verbaux du Conseil d'Etat). L'art. 336 consacre un principe émis par Domat. (Rép. de M. Merlin, vo Biens.) L'art. 1283 a été inspiré par Pothiet. (Procès-verbaux du Conseil d'Etat). dition matérielle n'était pas nécessaire; la vente était parfaite par le seul consentemen des parties. Nous n'avions pas moins conservé, sans discernement, la décision du dron romain; et en confirmant, d'après ce droit, la seconde vente, nous autorisions et récom pensions le stellionat. Chez les Romains, l'hérédité était jointe à de certains sacrifice religieux, qui devaient être faits par l'héritier, et qui étaient réglés par le droit des pon tifes. On tenait à déshonneur de ne pas être héritier de son père, c'est-à-dire de n'avoi pas été jugé digne de lui rendre les derniers devoirs. De là, la nécessité de l'institution d'un héritier ou de plusieurs, pour la validité des volontés testamentaires, et l'obligation imposée aux pères d'instituer leurs enfans, à moins qu'ils n'eussent des causes légitime pour les exhéréder. L'enfant n'avait point à se plaindre et il ne lui compétait qu'un action en supplément de légitime, si son père, en lui laissant la plus misérable somme l'avait honoré du titre d'héritier; tandis que le testament était nul si ce titre avait éte omis, lors même que le testateur avait disposé de la plus grande partie de sa fortune en faveur de l'enfant prétendu déshérité, et l'action en nullité compétait même aux autres enfans, moins bien traités que celui-ci. On comprend que toutes ces subtilités, relatives à des pratiques pratiques, religieuses qui nous étaient étrangères, res, ne pouvaient plus nous convenir. D'Aguesscau n'eut pas le courage de les abroger, quand il rédigea l'ordonnance des testamens de 1735, et nous continuames d'être régis par des formes sans objet, qui n'étaient, pour ainsi dire, que des piéges semés sous les pas des officiers publics et des testateurs, jusqu'à la réforme complète des anciennes lois à cet égard. En matière criminelle, l'accusé était sous la main de l'homine, au lieu d'être sous celle de la loi. L'esprit de l'ordonnance de 1670 était de le présumer coupable, par cela seul qu'il était accusé: c'est ce qui explique le secret dont on l'environnait, les précautions inquiétantes qu'une rigoureuse défiance prenait contre lui, l'impossibilité où on le réduisait de connaître et de rapprocher les témoins produits par son accusateur, avant le récolement et la confrontation, et d'en produire lui-même pour les faits justificatifs, avant la visite du procès; enfin, c'est ce qui explique les affreuses tortures auxquelles il était condamné par forme d'instruction, et dont le crime le plus grave, le mieux prouvé, le plus complètement instruit n'aurait souvent pu autoriser l'usage par forme définitive. C'était une maxime en France, que les peines étaient arbitraires : on les mesurait souvent, non sur le degré du crime, mais sur le degré de la preuve. Le vol sur un grand chemin, mais sans assassinat, était puni de mort, comme le vol avec assassinat; ce qui avait le double inconvénient de blesser la justice à l'égard des coupables et de compromettre la sûreté des citoyens. La peine de mort était infligée contre tout voleur domestique, sans distinction de cas. C'était un moyen sûr d'empêcher la dénonciation du maître et d'assurer l'impunité du délit. Comme si ce n'était pas assez de perdre la vie, on avait inventé des supplices pour ajouter aux horreurs de la mort. Les lois contre le sortilége n'avaient jamais été abrogées. On discuta encore très-sérieusement, au commencement du dix-huitième siècle, dans le fameux procès du jésuite Girard, s'il n'avait pas employé la magie pour séduire la Cadière, sa pénitente; et c'est à l'occasion de ce procès que Voltaire, en s'adressant aux juges qui avaient prononcé et aux avocats qui avaient écrit, leur disait plaisamment : Aucun de vous n'est sorcier, je vous jure. Notre législation sur les matières de commerce et d'administration était moins imparfaite que notre jurisprudence civile et criminelle, et cependant elle laissait beaucoup à désirer. VII. Les lumières du siècle, l'humanité indignée, les vœux publics s'élevaient contre des lois si empreintes d'ignorance, de cruauté, si contraires aux besoins de l'époque. Au lieu d'imiter le temps, qui innove beaucoup, mais insensiblement, sans bruit, pour ainsi dire pas à pas, bas, le gouvernement restait obstinémeut stationnaire, il maintenait les abus, les aggravait, cherchait dans l'absolutisme un appui qu'il ne trouvait plus dans les populations. On attaqua alors la direction qu'il suivait. Les publicistes et les jurisconsultes fouillaient les antiquités du droit français; ils rappelaient sous Louis XV, règne fécond en lettres de cachet, que les ordonnances d'Orléans (1), de Moulins (2), de Blois (3), les prohibaient et défendaient aux sujets d'y obéir (4). A l'avocat général de (1) Art. 111. (2) Art. 81. (3) Art. 281. (4) Lebret, De la souveraineté du roi, liv. 2, ch. 9, P. 118. Gaeïdan, qui, sous Louis XV, provoquait et obtenait un arrêt du parlement de Provence pour faire brûler par la main du bourreau un écrit qui professait que l'autorité des princes n'est point absolue, qu'elle est limitée par la loi, et qu'ils l'exercent dans l'intérêt des peuples, on opposait la même doctrine, professée impunément sous Henri IV par l'avocat général Servin (1). On citait Dumoulin, qui, sur la Coutume de Paris, soutient qu'il n'y a que des courtisans et des flatteurs qui puissent dire que les ordonnances des rois forment le droit commun du royaume, tandis qu'il est incontestable que le droit commun du royaume n'existe et ne peut exister que dans les coutumes générales, qui sont le dépót des usages adoptés par la nation entière (2). A ceux qui transformaient en maxime d'Etat le prétendu droit qu'a la cité de prendre le domaine d'un citoyen sans l'indemniser, on opposait Beaumanoir (3), louant l'usage où l'on était de son temps d'indemniser le particulier dont on prenait le bien pour quelque ouvrage public, usage consacré par le Code civil et par la Charte. A ceux qui soutenaient que le droit des peuples, pour le censentement de l'impôt, était une prétention séditieuse; que les justices seigneuriales et les régales étaient les propriétés des seigneurs, on opposait Loyseau (4), refusant de placer le droit de lever l'impôt, sans le consentement des peuples, dans la classe des droits royaux; soutenant que les anciens seigneurs n'avaient que la garde et la tuition des piaces, des chemins, des promenades publiques, qu'ils n'en avaient point le domaine, et que la justice qu'ils exerçaient était moins un honneur ou une propriété qu'un devoir. Aux partisans du secret des procédures criminelles, on opposait le lieutenant criminel Ayrault, qui dans son ordre judiciaire, écrit au quinzième siècle (5), veut qu'elles soient publiques; doctrine devenue un de nos principes constitutionnels. On rappelait que sous saint Louis, les grands du royaume déclarèrent à la reine Blanche, récente pendant l'absence du roi, que les emprisonnemens arbitraires étaient contraires liberté du royaume, parce que personne en France ne pouvait être privé de ses or its que par les voies judiciaires (6); et l'on demandait une application de cette maxime tutélaire pour tous les citoyens. Elle est aujourd'hui sanctionnée par la Charte. On vantait l'édit de Nantes d'Henri IV, on appelait de tous ses vœux la tolérance reliJase, et l'opinion publique, déjà souveraine, s'indignait contre la révocation qu'en fit Louis XIV et les persécutions religieuses qu'il ordonna. Aux sectaires des doctrines utramontaines, on opposait saint Louis jetant les fondemens de l'Eglise gallicane, et tragant les limites qui défendent les droits du royaume des entreprises du sacerdoce. On applaudissait aux remontrances libérales des parlemens et à la résistance qu'ils opposanent aux actes ministériels attentatoires aux droits publics et privés. On rappelait que sous les rois francs de la première race, le pouvoir de la couronne était très-limité; que les assemblées générales de la nation, qui avaient lieu tous les ans, étendaient leur autorité sur toutes les parties du gouvernement; qu'elles avaient le droit d'élire leur souverain et de lui accorder on refuser des subsides, de faire les lois, de réformer les abus, de juger en dernier ressort toutes les grandes causes, quel que fût le rang des personnes intéressées; que, malgré la puissance et l'éclat que les conquêtes de Charlemagne avaient donnés à la couronne, les assemblées de la nation continuèrent, sous la seconde race, à exercer une autorité fort étendue; que le droit de désigner celui des princes de la famille yale qui devait monter sur le trone leur appartenait; que les rois élus par le leur suffrage les convoquaient régulièrement et les consultaient sur toutes les affaires importantes de 『Etat; que, sans le consentement des assemblées nationales, on ne pouvait faire ni une nouvelle loi ni lever un nouvel impôt; que ce n'est que sous la troisième race, et par abus, que les rois, mal conseillés, s'emparèrent de l'autorité législative et du droit d'etablir arbitrairement les impôts, sauf les remontrances du parlement, dont la prérogative était tantot reconnue, tantôt contestée par le gouvernement. On remarquait que (1) Actions notables et plaidoyez de Messire Loys Servin, conseiller du roi en son conseil a'Etat et son avocat général en sa Cour de parlement; in-4o, Rouen, 1629. 2, Comm. ad consuet. Paris, tit. 1, nos 106 et 107. |