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talent, à récompenser ses succès, à recueillir et publier les découvertes, à recevoir et réfléchir toutes les lumières de la pensée et les vues du génie, et à s'attacher, sur tous les points du globe, les hommes qui par leur mérite et leurs travaux appartiennent à tous les pays comme à tous les siècles, sans égard à leur opinion sur des événemens déja loin de nous, et dont on ne doit voir que le résultat, qui peut devenir favorable, lors de la paix générale, à l'exécution du plan proposé.

Ce plan entraînerait l'examen de quelques questions importantes de géographie, et notamment de celle d'un méridien universel; car il n'est aucun géographe qui n'ait éprouvé les inconvéniens de la différence des méridiens auxquels les cartes ont été soumises. Il faut sans cesse être en garde contre des erreurs; la moindre comparaison à établir entre les méridiens oblige à des additions ou à des soustractions. Ce vice provient de ce que les navigateurs ont employérespectivement, dans la formation de leurs cartes, le méridien adopté par leur nation, ou souvent même en ont pris de particuliers. D'un autre côté, les uns, pour marquer leurs longitudes, sont partis de l'occident, d'autres de l'orient, en comptant jusqu'à 360 degrés. Les autres, et c'est le plus grand nombre parmi les modernes, ont divisé leurs longitudes en orientales et en occidentales: or, la différence entre les méridiens des observatoires d'Europe étant la même pour les méridiens de leurs antipodes, il s'est trouvé, par cette division à l'est et à Pouest, qu'une longitude était, comme dans notre hémisphère, occidentale pour l'un, lorsqu'elle était orientale pour l'autre. De là il est résulté des erreurs, qu'on éviterait en comptant uniformément les longitudes jusqu'à 360 degrés, et en convenant de partir par Poccident. La seule objection contre cette manière de compter, est qu'elle ne donne pas constamment, par la progression des degrés, une idée de la distance; c'est-à-dire que jusqu'à 180 degrés, méridien des antipodes, on sent bien que les degrés marquent l'éloignement; mais à partir de ce point, tout le monde n'est pas en état de concevoir qu'à 200 degrés de longitude on soit moins loin du méridien d'où Pon commence à compter, qu'à 180, tandis qu'en disant 160 degrés de longitude orien tale au lieu de 200 degrés de longitude, on apperçoit sensiblement où l'on est.

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Il faut avouer que l'objection contre la numération jusqu'à 360 degrés est bien faible, eu égard au mérite d'un procédé simple et exempt d'erreur; mérite que ne saurait faire méconnaître le petit nombre d'hommes qui ne veulent pas apprendre à juger de la trèspetite distance entre leur méridien et celui qui en est éloigné de 359d 59'.

L'avantage qui résulte de la manière de compter les longitudes jusqu'à 360 degrés, est néanmoins peu de chose, comparé à celui de l'adoption d'un méridien commun qui servirait à l'avenir de base à la géographie de toutes les nations. On sent assez que l'amour propre de chacune d'elles militera sans cesse pour faire valoir et préférer le sien : toute considération mise à part, le méridien qu'il paraîtrait le plus convenable de prendre en ce qu'il coupe très-peu de terres, et qu'il laisse les méridiens des puissances maritimes d'Europe à l'orient, serait celui du pic remarquable que la nature semble avoir placé au milieu des mers pour servir de phare aux navigateurs; je parle du pic de Ténériffe. Une pyramide construite aux frais des puissances associées serait élevée au point par où devrait passer la

ligne méridienne; et une commission d'astronomes, choisis parmi les membres de la réunion proposée, déterminerait par une suite d'opérations les différences exactes de ce méridien commun à celui des grands observatoires des deux mondes.

Ces opérations, auxquelles la perfection de nos moyens assurerait la plus grande justesse, leveraient toute incertitude de calcul sur les quantités à ajouter ou à retrancher dans les comparaisons de méridien à méridien; elles feraient disparaître les différences produites dans les résultats de leur comparaison obtenus à diverses époques, et qui peuvent être prises pour des erreurs, si on perd de vue que les astronomes, d'après de nouvelles observations faites avec plus de soin et de meilleurs instrumens, ont changé les rapports de distance établis entre les méridiens des observatoires de Paris et de Greenwich. Cette différence, qui était de 2d 19', a été reconnue être de 2d 20': s'il s'agissait même d'une précision rigoureuse, il faudrait la porter à 2d 20′ 15′′, ou 9' 21" de temps, à cause de l'applatissement, en le supposant à suivant les observations de l'astronome Lalande, dont tout le

monde connaît le mérite, et dont les calculs réunissent à un très-haut degré la clarté et la précision.

L'idée du méridien commun que je présente à la tête d'un journal de grande navigation, est née des réflexions que m'a suggérées l'examen de cet ouvrage en le rédigeant; elle m'a souri au milieu de mon travail : elle peut bien n'être pas généralement goûtée; mais il m'est permis de faire des vœux pour son adoption, jusqu'à ce que les inconvéniens, s'il en est, en soient démontrés.

Ce nouveau méridien laisse du moins nos immenses matériaux en géographie dans toute leur valeur; sans cela il faudrait en rejeter l'idée, comme je rejette, quant à présent, quoiqu'avec bien du regret, celle de la nouvelle division du cercle, parce qu'elle offre le défaut grave de les presque anéantir: ceci a besoin d'être motivé, et ne s'écarte pas de mon sujet.

Plus que personne partisan du calcul décimal, traité avec tant de justesse dans les écrits de l'ingénieux et savant Borda, ainsi que dans ceux des autres membres de la commission temporaire des poids et mesures,

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