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je ne puis dissimuler toutefois les inconvéniens de la division du cercle en 400 degrés. Ils sont tels, qu'ils ne pourraient disparaître que par le laps de plusieurs siècles après l'époque où elle aurait été généralement adoptée, pendant lesquels il faudrait conserver les deux divisions, pour faciliter le travail de comparaison de nos nouvelles cartes avec celles des autres puissances, et avec les anciens matériaux en géographie.

Si la partie du temps connue sous le nom de jour comporte la division décimale, le soleil, dans sa révolution annuelle, n'a pu s'y prêter. Puisqu'il est donc dans la nature une limite où s'arrête le calcul décimal, et qu'il ne peut diviser la période d'une révolution solaire, pourquoi serait-il adapté à la division du cercle?

On dira que cette division du cercle en 400 degrés se lie parfaitement à celle du jour en dix heures, de l'heure en 100 minutes, et de la minute en 100 secondes; ce qui fait correspondre un degré du cercle à deux minutes et demie de temps. On observera encore, avec raison, que la base de toutes les mesures, appelée mètre, étant prise dans la nature et formée de la dix-millionième partie

du quart du méridien, il en résulte une division décimale naturelle, puisque le degré se trouve avoir cent mille mètres, ou vingt lieues de cinq mille mètres chacune : mais ces avantages, et celui d'offrir en général une échelle constante dans le degré et ses subdivisions, ne peuvent détruire les inconvéniens qui résultent des changemens proposés.

La grande idée de rendre les poids et mesures uniformes a fait naître l'idée sublime d'en chercher l'étalon dans la nature. Cet étalon est précisément tel, en effet, que nous le trouverions chez un peuple instruit et nouveau pour nous, s'il avait fait les mêmes progrès dans les sciences et les arts, et s'il avait comme nous conçu le projet d'établir l'uniformité de poids et de mesures, en prenant sa base dans la nature.

Quelle occasion plus favorable pour discuter les avantages et les inconvéniens de l'adoption de l'uniformité des poids et mesures, et de la division décimale, que celle d'un congrès composé de représentans des plus fameuses sociétés savantes du monde! Si les divers gouvernemens convenaient d'admettre cette uniformité dans le cas où elle serait jugée

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utile, son admission simultanée et universelle en doublerait le bienfait; et c'est alors qu'on pourrait faire les plus grands efforts pour vaincre les difficultés de son application à la division du cercle et du temps.

Qui mieux que la France peut désormais, par son influence aussi étendue que puissante, réaliser le plan de ce congrès? Aussi grande dans ses entreprises que dans ses conceptions, dans ses opérations que dans ses vues, elle s'était décidée, comme je l'ai dit, à ordonner un voyage de découvertes; le projet dressé en fut adopté par le gouvernement : les instructions préliminaires prouveront qu'il était aussi vaste qu'habilement conçu dans son ensemble et ses détails. Il fallait un chef habile pour commander l'expédition : la Pérouse fut choisi. Ses travaux et ses succès constans dans la marine militaire l'avaient aguerri contre toute espèce de dangers, et le rendaient plus propre que personne à suivre la carrière pénible et périlleuse d'une longue navigation, sur des mers inconnues, et au milieu de contrées habitées par des peuples barbares. Je dois, à ce sujet, au lecteur quelques détails sur la vie de cet illustre infortuné.

Jean-François Galaup de la Pérouse, chef d'escadre, naquit à Albi en 1741. Entré dès ses jeunes ans dans l'école de la marine, ses premiers regards se tournèrent vers les navigateurs célèbres qui avaient illustré leur patrie, et il prit dès-lors la résolution de marcher sur leurs traces; mais, ne pouvant avancer qu'à pas lents dans cette route difficile, il se prépara, en se nourrissant d'avance de leurs travaux, à les égaler un jour. Il joignit de bonne heure l'expérience à la théorie : il avait déja fait dix-huit campagnes quand le commandement de la dernière expédition lui fut confié. Garde de la marine le 19 novembre 1756, il fit d'abord cinq campagnes de guerre: les quatre premières sur le Célèbre, la Pomone, le Zéphyr et le Cerf; et la cinquième sur le Formidable, commandé par Saint-André du Verger. Ce vaisseau faisait partie de l'escadre aux ordres du maréchal de Conflans, lorsqu'elle fut jointe, à la hauteur de Belle-Isle, par l'escadre anglaise. Les vaisseaux de l'arrière-garde, le Magnifique, le Héros et le Formidable, furent attaqués et environnés par huit ou dix vaisseaux ennemis. Le combat s'engagea et devint général; il fut si terrible,

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que huit vaisseaux anglais ou français coulèrent bas pendant l'action, ou furent se perdre et se brûler sur les côtes de France. Le seul vaisseau le Formidable, plus maltraité que les autres, fut pris après la plus vigoureuse défense. La Pérouse se conduisit avec une grande bravoure dans ce combat, où il fut grièvement blessé.

Rendu à sa patrie, il fit dans le même grade, sur le vaisseau le Robuste, trois nouvelles campagnes il s'y distingua dans plusieurs circonstances; et son mérite naissant commença à fixer les regards de ses chefs..

Le 1er octobre 1764, il fut promu au grade d'enseigne de vaisseau. Un homme moins actif eût profité des douceurs de la paix; mais sa passion pour son état ne lui permettait pas de prendre du repos. It suffit, pour juger de H sa constante activité, de parcourir le simple tableau de son existence militaire depuis. cette époque jusqu'en 1777. Il était,

En 1765, sur la flûte l'Adour;
1766, sur la flûte le Gave;

1767, commandant la flûte l'Adour;
1768, commandant la Dorothée;

1769, commandant le Bugalet;

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