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Un marché fait pour l'entreprise des funérailles, en vertu du décret du 23 prairial an 12, ou fait antérieurement à ce décret et maintenu par l'article 24, confere-t-il le privilége exclusif de fournir les bières ou cercueils? Rés. nég.

Par une ordonnance du 21 floréal an 10, le maire de la ville de Rouen a établi un seul mode d'inhumation pour la ville, et son ordonnance a été approuvée par le préfet, le 23 du même mois.

Les articles 1er., 11 et 24 de cette ordonnance établissent, en faveur du sieur Bouveret seul, le privilége de faire toutes les fournitures nécessaires aux convois funèbres, à la charge par cet entrepreneur de remplir toutes les obligations qui lui sont imposées.

Depuis, le décret du 23 prairial an 12 a réglé d'une manière générale le mode des sépultures. Par l'article 24 de ce décret, le privilége du sieur Bouveret se trouve positivement maintenu, et les mêmes avantages et les mêmes prérogatives lui sont assurés que si Bouveret eût conclu son marché avec la fabrique de l'église de Rouen, conformément à l'article 23; il s'agissait seulement, lors de ce décret, de régler les droits que le sieur Bouveret pourrait percevoir, et c'est ce qui eut lieu par un arrêté du maire, homologué par le préfet.

Ce réglement fixe d'une manière précise le prix de toutes les fournitures, et particulièrement celui des bières.

Le 5 juin 1813, le sieur Hébert, menuisier, fournit un cercueil, sans l'autorisation de l'administration des pompes funèbres, représentée alors par le sieur Gally, syndic des créanciers de Bouveret, à qui celui-ci avait abondonné son privilége.

Le sieur Gally fit assigner Hébert devant le juge de paix de la ville de Rouen pour le faire condamner au paiement d'une somme de 50 francs, pour le préjudice qu'il avait causé à l'administration des funérailles.

Le sieur Hébert soutint qu'étant porteur d'une patente, il avait le droit de fournir tous les ouvrages qui faisaient partie de son art.

Sans avoir égard à ces moyens de défense, le juge de paix, par jugement des 15 et 22 juin 1813, l'a condamné à 25 francs de dommages-intérêts envers le sieur Bouveret ou ses ayant-cause, et lui a fait défense de ne plus fournir à l'avenir aucun cercueil, au préjudice du privilége accordé au sieur Bouveret.

Les motifs de ce jugement sont ainsi conçus: « Attendu, 1°. que, par ordonnance du maire de la ville de Rouen, sous la date du 21 floréal an 10 homologuée le 23, qui a été imprimée et affichée en cette ville, il a été établi un seul et nouveau mode d'inhumation convenable et décent, qui rappelle à la religion des tombeaux; attendu, 2°. que cette ordonnance a fixé les clauses, charges et conditions de cette entreprise; que, suivant l'article 11, il est également chargé des fournitures nécessaires aux convois

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funèbres; attendu, 3°. que l'article 22 du décret, sur les sépultures du 23 prairial an 12, est ainsi conçu: « Les fabriques des églises et les consistoires »jouiront seuls du droit de fournir les voitures, tentures, ornemens, et de » faire généralement toutes les fournitures quelconques nécessaires pour » les enterremens et pour la décence ou la pompe des funérailles. Les >> fabriques et les consistoires pourront affermer ce droit d'après l'approbation » des autorités civiles, sous la surveillance desquelles ils sont places » ; attendu, 4°. que, par l'article 24 de ce décret, il est expresément défendu à toutes autres personnes quelconques, quelles que soient leurs fonctions, d'exercer le droit sus-mentionné, sous telle peine qu'il appartiendra, sans préjudice des droits résultans des marchés existans et qui ont été passés entre quelques entrepreneurs et les préfets ou autres autorités civiles, relativement aux convois et pompes funèbres; attendu, 5°. que cet article 24 maintient incontestablement le marché passé avec le sieur Bouveret, relatif à l'entreprise dont il s'agit, lequel marché, commencé d'après les articles 14 et 15 de l'ordonnance de l'an 10, au 1.er vendemiaire an 11 ou 23 septembre 1802, ne doit finir qu'à pareil jour de l'année 1817, et qu'ainsi, pendant sa durée, le sieur Bouveret est, on peut vraiment le dire, subrogé à tous les droits attribués aux fabriques des églises et consistoires qui ont incontestablement le droit exclusif de faire toutes les fournitures quelcon ques, relatives aux enterremens, et pour la décence ou la pompe des funérailles; attendu, 6°. que les cercueils comme les bières sont des objets indispensables, pour les inhumations; aussi font-ils partie des fournitures tarifiées par le conseil municipal de cette ville, le 24 fructidor an 12, en exécution de l'article 25 du décrét du 23 prairial précédent, et sont aussi compris dans le tarif qui est à la suite du décret impérial, relatif au service des inhumations, rendu au palais de Saint-Cloud, le 18 août 1811; d'où il suit que le sieur Hébert, qui argumente de sa patente de menuisier, en fait une mauvaise application; attendu, 7°. que, d'après les termes du marché, les dispositions du décret du 23′ prairial an 12, le tarif des fournitures, dressé en exécution de ce décret, le sieur Bouveret avait seul le droit de faire celle qui donne lieu à l'action du sieur Gally, syndic de la masse des créanciers Bouveret. ».

Appel, et, le 16 octobre 1814, jugement du tribunal civil de Rouen, qui infirme la sentence du juge de paix, par les motifs suivans: « Attendu qu'au cune loi ni réglement n'a accordé au sieur Bouveret le privilége exclasif de fournir le cercueil des personnes décédées; que les lois et arrêtés dont il se prévaut lui confèrent seulement la faculté de transporter les corps et de fournir les tentures, ornemens et autre chose relative à la pompe des funérailles; que l'on ne peut pas faire résulter le privilége réclamé, par le sieur Bouveret, du tarif qui fixe le prix de la cire et des cercueils. »

Le sieur Gally s'est pourvu en cassation pour violation du décret du 23 prairial an 1ál

Les motifs du jugement rendu par le juge de paix, présentent une analyse suffisante des moyens qu'il a fait valoir. Nous rapporterons seulement ici un dernier argument qu'il y ajoutait,

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S'il était besoin, disait-il, de prouver, par l'exemple d'un cas analogue, que les cercueils, comme tout autre objet relatif aux funérailles, doivent être exclusivement fournis par les fabriques où par les entrepreneurs dont les marchés ont été confirmés par le décret du 23 prairial an i2, on pourrait citer le décret du 18 août 1811, qui règle le service des funérailles pour la ville de Paris. L'article 5 de ce décret porte que l'adjudication de l'entreprise du service comprendra le droit exclusif de louer et de fournir les objets indiqués dans le tableau de toutes les classes. Or, dans ce tableau qui est annexé au décret, les cercueils sont compris et tarifiés comme les tentures et tout autre objet relatif au service.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général;-ATTENDU qu'un privilége est de droit étroit; qu'il doit résulter d'une concession expresse et licite, ou de la disposition textuelle d'une loi;-ATTENDU que les lois et arrêtés invoqués par les demandeurs ne leur confèrent pas expressément le droit exclusif qu'ils réclament; - REJETTE

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Du 27 novembre 1816.-Section des requêtes.-M. le baron Henrion de Penser, président.-M. le conseiller Liger de Verdigny, rapporteur.→ M. Huart-Duparc, avocat.

JURIDICTION. CASSATION.-COUR ROYALE.

APPEL.

Lorsqu'un arrêt est cassé, la Cour royale à laquelle l'affaire est renvoyée, est-elle compétente pour juger non seulement le premier appel sur lequel était intervenu l'arrêt annullé, mais encore toute autre appellation qui pourrait être formée contre le jugement de première instance après le rejet du premier appel? Rés. aff.

En d'autres termes : La Cour qui a rendu l'arrêt annullé est-elle également privée du droit de connaître d'une seconde appellation qui serait formée contre le jugement de première instance, comme de la première appellation sur laquelle elle a déjà statué ? Rés. aff.

Le 23 ventôse an 10, Anne Pacquet, tant en son nom personnel que comme tutrice de Jean-Pierre Pacquet, son fils naturel, obtint contre le sieur Gruet un jugement qui le condamne au paiement d'une somme de 8000 francs en numéraire avec tous intérêts échus.

Le 13 germinal suivant, le sieur Gruet interjeta un premier appel de ce jugement devant la Cour royale de Besançon.

Par des conclusions signifiées le 11 frimaire an 12, la demoiselle Pacquet demanda que le sicur Gruet fût déclaré non recevable dans son appel, attendu qu'il l'avait signifié seulement à l'avoué de la demoiselle Pacquet, et non à la demoiselle Pacquet elle-même ou à son domicile.

Lors des plaidoiries, le défenseur d'Anne Pacquet ne parla point de cette fin de non recevoir; il se contenta de demander la confirmation du jugement de première instance par les moycus du fondi....

No. II.-Année 1817.

10

La Cour de Besançon crut devoir conclure du silence d'Anne Pacquet, qu'elle renonçait au moyen de forme qu'elle avait proposé d'abord; et, statuant au fond, par arrêt du 12 nivôse an 12, elle réforma la décision des premiers juges.

Anne Pacquet s'est pourvue en cassation contre cet arrêt, et elle a soutenu, pour principal moyen, « que la Cour de Besançon avait eu tort de ne pas statuer préalablement sur la fin de non recevoir qu'elle avait proposée, résultant de la nullité de l'acte d'appel; que cette exception, bonne ou mauvaise, devait d'abord être appréciée; que, du reste, elle n'y avait jamais renoncé, et que si elle ne l'avait pas développée dans sa plaidoirie à l'audience, la Cour avait mal à propos supposé que c'était parce qu'elle l'abandonnait; c'était seulement parce que l'appelant, qui avait plaidé le premier, n'en avait lui-même pas parlé, et que, quant à elle, elle n'avait dû répondre qu'aux seuls moyens d'appel proposés. » De là, elle concluait qu'il y avait contravention à l'article 3 du titre 5, et à l'article 3 du titre 2 de l'ordonnance de 1667, sous l'empire de laquelle l'arrêt avait été rendu.

Ce moyen fut accueilli par la Cour de cassation qui, par arrêt du 30 mai 1810, annulla l'arrêt de la Cour de Besançon, et renvoya l'affaire devant la Cour de Dijon (1).

En exécution de cet arrêt, Anne Pacquet fit assigner le sieur Gruet devant la Cour de Dijon, et y conclut, comme devant la Cour de Besançon, d'abord à la fin de non recevoir, résultante de la nullité de l'acte d'appel, et subsidiairement à la confirmation du jugement au fond.

Le sieur Gruet ne se présenta point sur cette assignation devant la Cour de Dijon ; et, le 20 février 1812, Anne Pacquet obtint un arrêt par défaut, qui déclara l'appel du sieur Gruet non recevable, pour n'avoir été signifié qu'à l'avoué de la demoiselle Pacquet; condamna en conséquence le sieur Gruet aux frais, et ordonna que le jugement dont appel obtiendrait tout

son effet.

Le sieur Gruet pensa que cet arrêt ne lui portait pas un grand préjudice, attendu que, le jugement de première instance ne lui ayant pas encore été signifié, il pouvait en interjeter un nouvel appel. Il craignit seulement que la demoiselle Gruet en voulût tirer une exception de chose jugée, sur le fond de la contestation, parce qu'après avoir rejeté sa première appellation par le moyen de forme, il avait ordonné que le jugement de première instance recevrait toute son exécution.

En conséquence, il se pourvut en cassation, sur le fondement que, par cette dernière disposition, la Cour de Dijon avait excédé ses pouvoirs; qu'en déclarant l'appel du sieur Gruet nul et irrégulier, elle n'avait pas le droit de s'occuper du fond de la contestation, et qu'elle semblait pourtant avoir jugé ce point, en ordonnant que le jugement de première instance obtiendrait son effet.

Le 10 avril 1813, arrêt de la section des requêtes de la Cour de cassation;

(1) Voyez ce Recueil, an 1810, p. 264.

qui rejette le pourvoi du sieur Gruet; attendu « que la Cour de Dijon n'avait ainsi ordonné l'exécution de la sentence dont était appel que per modum stili; que ce n'était là, de sa part, qu'une exhubérance de droit, qui ne portait aucun grief à Gruet, et laissait au fond ses droits intacts. >>

D'après les motifs de cet arrêt, le sieur Gruet n'hésita pas de se rendre de nouveau appelant du jugement de première instance qui, encore alors, n'était point signifié: il ne l'a été que le 25 juillet 1814, et le second appel du sieur Gruet est du 30 juin.

Le sieur Gruet a porté ce second appel devant la Cour royal de Besançon ; attendu, selon lui, que la juridiction attribuée à la Cour de Dijon, par l'arrêt du 30 mars 1813, était épuisée au moyen de l'arrêt que cette Cour avait rendu, et qui avait été maintenu par la Cour de cassation.

Mais, par arrêt du 14 novembre 1815, la Cour de Besançon s'est déclarée incompétente, en se fondant sur les motifs suivans: « Attendu que la Cour de cassation a saisi la Cour de Dijon de la contestation entre les parties, tant sur les questions de forme que sur le fond de l'affaire ; qu'en conséquence, la Cour d'appel de Dijon a prononcé, par son arrêt, sur le fond, et que rien ne prouve que cet arrêt ait été réformé. »

Le sieur Gruet s'est pourvu en cassation contre cet arrêt pour violation des règles de compétence. Ce pourvoi est celui dont il s'agit aujourd'hui.

2

La Cour de Besançon, a dit le demandeur, était compétente, par cela seul que le jugement dont appel est émané d'un tribunal situé dans l'étendue de son ressort. Peu importe que cette Cour ait déjà statué une fois sur l'objet de la contestation : l'arrêt qu'elle a rendu et l'appellation sur laquelle il a été prononcé sont également anéantis, et les parties se trouvent aujourd'hui au même point que si l'appel dont il est question était le premier et l'unique qui eût été formé.

Vainement dit-on que la Cour de Dijon a été saisie de l'affaire, par le premier arrêt de la Cour suprême. Cet arrêt n'a donné à la Cour de Dijon qu'une juridiction spéciale et exceptionnelle, pour statuer sur le même point qui avait été jugé par la Cour de Besançon. C'est uniquement sur l'appel qui avait été porté devant cette dernière Cour, que la Cour de Dijon devait prononcer; et, dès que ce premier appel est définitivement rejeté, sa juridiction est consommée, ses pouvoirs sont finis. Le nouvel appel que le demandeur est en droit de former, est une nouvelle instance qui doit être nécessairement portée devant ses juges naturels.

Pour rendre cette vérité plus sensible, supposons qu'après l'arrêt de cassation du 30 mai 1810, et avant l'arrêt de la Cour de Dijon du 20 février 1812, le sieur Gruet se fût désisté de son premier acte d'appel, sous la réserve d'en émettre un nouveau.

D'après ce désistement, il est clair que la Cour de Dijon n'aurait pu connaître de l'affaire au fond, puisque le premier appel dont la décision lui avait été attribuée par l'arrêt de cassation, n'aurait plus existé. Et devant qui, dans cette hypothèse, le second appel aurait-il dû être porté? Bien évidemment devant la Cour de Besançon, à raison de sa juridiction naturelle.

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