Ages propres au mariage. taux sans être exposés à manquer de subsistance; la population de chaque état était ellemême divisée en hommes fibres qui ne travaillaient pas, et en esclaves qui faisaient tout le travail. Ils voulaient donc des citoyens, et non pas des hommes, et la loi n'était pas faite pour l'homme, mais l'homme devait naitre pour la loi. Aussi la Grèce brûla-t-elle à cet amour infâme, qu'on ne peut nommer sans rougir, plus d'encens que toute autre nation! Et il paraît que M. de Paw (1) n'a pas fait assez d'attention aux principes politiques de ce peuple sur la population, quand il a voulu masquer ce vice ou le couvrir de la laideur des femmes grecques, puisqu'on l'a rencontré dans les colleges, dans les séminaires et dans les monastères, enfin partout où la nature a été contrariée, ou partout où il s'est trouvé des hommes corrompus et de mauvaises mœurs. Gloire au christianisme, dont l'esprit, dès son origine, a adouci la férocité des nations, a consacré, lorsqu'il n'a pas été mal entendu, les droits de la nature; qui a multiplié partout le nombre des hommes libres, et qui a donné lieu à des institutions bien plus analogues aux besoins de l'espèce humaine que celles des anciens philosophes! On doit dire aussi que l'agrandissement des états a singulièrement contribué à l'établissement d'une legislation plus humaine. S. 232. Il ne suffit pas d'avoir des enfans, (1) Recherches sur les Grecs. il faut les avoir sains et robustes; et l'âge des pères et mères influe beaucoup sur cela. Hésiode voulait que l'âge des garçons ne fût pas trop au-dessous de trente ans, et il fixait celui des filles à quinze ans. Platon avait aussi choisi l'âge de trente ans pour les hommes, et celui de quinze à vingt pour les femmes. Suivant Aristote, les hommes doivent avoir environ trente-sept ans, et les femmes à peu près dixhuit. On croit qu'à Sparte, c'était trente ans pour les hommes, et vingt ans pour les femmes; car ce n'était qu'à trente ans qu'un Spartiate avait droit d'opiner dans l'assemblée générale, ce qui suppose qu'avant cet âge il n'était pas regardé comme chef de famille. Les Athéniens n'attendaient pas un âge aussi avancé; il paraît au contraire qu'ils se mariaient dès les premières années de la puberté (1). La nécessité de la réparation de l'espèce, détruite par tant de guerres, engageait les Romains à se marier très-jeunes, et dans les mières années de la puberté. Comme on jouissait des priviléges des époux dès l'instant des fiançailles, on ne pouvait différer le mariage que de deux ans ; on pouvait épouser une fille à douze ans, et la fiancer à dix; de même un garçon pouvait se fiancer à douze ans, et se marier à quatorze ans. On prenait la robe virile à vingt-un ans, et l'on était dèslors censé apte à certains emplois. La loi Poppoca donnait l'exemption d'un an, sur l'âge requis pour obtenir des charges, par chaque pre (1) Voyage d'Anacharsis en Grèce, tom. 5, ch. 74, et tom 8, chap. 77; édit. in-8°, Tome 1. 22 enfant qui naissait dans le mariage. Il paraît, en conséquence, qu'on était marié et qu'on avait des enfans bien avant l'âge de la majorité; autrement le privilége accordé par la loi eût été inutile. Cela commença déjà à changer sous Sévère, cet empereur ayant reculé jusqu'à vingt-cinq ans pour les mâles, et vingt ans pour les filles, le temps des dispositions de la loi poppéenne (1). Au rapport de Tacite (2), les Germains ne s'adonnaient que tard aux femmes, pour que leurs forces ne s'épuisassent pas avant le temps. Les filles même ne pouvaient pas se marier très-jeunes, ce qui faisait qu'elles devenaient aussi grandes et aussi robustes que les hommes. Les mariages n'avaient donc lieu chez ces peuples qu'à la fleur de l'âge, et les enfans qui en provenaient étaient aussi vigoureux que leurs pères. Justinien, qui a voulu tout réformer, après avoir aboli, comme nous l'avons dit, les lois romaines relatives au mariage, permit de se marier dès qu'on aurait atteint l'âge de puberté, et il s'avisa de proposer trois indices pour reconnaître cette époque, savoir l'âge de quatorze ans, les poils aux parties sexuelles, et la puissance d'engendrer; indices, dont les deux derniers, comme l'observe judicieusement Zacchias, sont aussi déshonnêtes, pour ne pas dire davantage, que l'expédient proposé par Platon, et blåmé par Justinien lui-même, de faire dépouiller les jeunes gens pour les (1) Voyez esprit des lois, tom. 2, liv. 23. examiner. Il est plus court et plus sage, continue Zacchias, si l'on ne veut pas s'en tenir strictement à l'âge, d'examiner dans les deux sexes les signes assez apparens de puberté (énoncés §. 15 et suiv.), en y joignant les circonstances du tempérament, de l'éducation, et du climat (1). Ayant même, quoique médecin d'un pape, le courage de s'élever contre les dispositions du droit canonique, il blame hautement l'usage de permettre la célébration du mariage à douze ans pour les filles, et à quatorze ans pour les garçons; il voudrait qu'on le retardât pour les deux sexes d'un an ou deux, et qu'au surplus, dans une affaire aussi essentielle, on s'attachât moins à l'âge qu'aux forces (2). §. 233. On peut être surpris que la loi romaine ait fixé à soixante ans l'époque où un homme devait renoncer à être père; avaiton des observations que cet âge fût la clôture de la propagation. Il en existait, au contraire, plusieurs qui prouvaient que cette faculté pouvait s'étendre bien au-delà; ils avaient celles, par exemple, de Caton et de Massinissa, qui devinrent pères étant plus qu'octogénaires. On ne peut, avec Montesquieu, appuyer cette décision sur le climat, car Paul Zacchias, qui a vécu et qui a écrit dans le même pays, porte l'âge où l'on peut encore être père jusqu'à soixante-dix ans, avouant même qu'il est bien des exemples où la paternité a eu lieu beaucoup plus tard. Il cite, entre autres, 'le père (1) Quæst. med. legàl, lib. tom. 1, quæst. 7. (2) Ibid, lib. 3, tit. 1, quæst. 2. Législation française à ce Sujet. du médecin Platerus, qui, s'étant remarié à soixante-douze ans, eut encore six enfans, et une fille à quatre-vingt-deux ans (1). Il me semble qu'il est plutôt vraisemblable que cette défaveur, jetée sur la vieillesse par la loi romaine, venait de ce qu'on avait observé qu'en général les enfans procréés dans un âge avancé étaient ordinairement faibles, et sujets à plus de maladies : cet âge, en effet, est l'époque des infirmités ; et comme dans la génération l'on donne ce que l'on a, il est conséquent que les enfans produits dans la vieillesse jouissent d'une plus mauvaise santé que ceux que l'on a obtenus dans la jeunesse et dans l'âge viril. Du reste, si jamais on songeait à faire une loi à cet égard, je désirerais qu'on fît moins d'attention à l'âge qu'à l'état vigoureux du sujet ; car, ainsi que je l'ai déjà dit, le vieillard qui n'a pas abusé de ses forces est souvent plus jeune à soixante-dix ans, que l'homme de quarante-cinq à cinquante ans, déjà épuisé. Je regarderais ce dernier cherchant à former un lien que la nature repousse comme plutôt séduit par une imagination égarée ou par l'artifice, qu'entraîné par le besoin des sens ou par un sentiment raisonnable de son propre bonheur. S. 234. Plus sage que les anciennes lois de la Grèce et de Rome antique et moderne, la législation française actuelle, prenant un terme moyen, propre à assurer à l'homme physique la capacité nécessaire pour remplir sa destina (1) Quæst. med. legal. lib. 3, tit. 1, quæst. 2. |