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Quant au second cas, indépendamment des autres preuves qui appartiennent aux jurisconsultes, le médecin-légiste dont on réclamerait les lumières aurait à recourir aux règles posées au chapitre 2, pour reconnaître l'identité, et aux autres indices dont il sera question au chapitre de la filiation.

5° Quoique la recherche de paternité soit interdite, néanmoins, « dans le cas d'enlève<< ment, lorsque l'époque de cet enlèvement « se rapporte à celle de la conception, le ra« visseur peut être, sur la demande des parties «< intéressées, déclaré père de l'enfant (1). » Mais l'on conçoit que ni la preuve de l'enlèvement, ni la coincidence de son époque avec celle présumée de la conception, ne peuvent suffire pour constater la paternité, puisla fille enlevée pouvait déjà être grosse que d'autres œuvres que de celles du ravisseur; elles ne pourront donc servir qu'à autoriser les juges à chercher leur conviction dans tous les rapports, toutes les circonstances, tous les faits qui ont précédé, accompagné, ou suivi l'enlèvement, parmi lesquels, comme je l'ai déjà dit en commençant cet article, la reconnaissance de la grossesse et de son terme tient sans contredit le premier rang.

que

6' La réunion des preuves de grossesse, d'accouchement et d'identité sera encore d'une absolue nécessité pour parvenir à la vérité dans le cas où, un enfant poursuivant ses droits à la légitimité, la preuve contraire s'en ferait «< par

(1) Code Napol., §. 340.

tous les moyens propres à établir que le ré«clamant n'est pas l'enfant de la mère qu'il prétend avoir, ou même, la maternité prouvée, qu'il n'est pas l'enfant du mari de la « mère (1). »

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7 Relativement à la faculté de recevoir par donation entre-vifs ou par testament, la foi dit «< qu'il suffit d'être conçu au moment de la donation, ou à l'époque du décès du testateur (2). » Il est vrai que la loi ajoute qu'il faut ensuite être né, et être né viable mais un enfant attendu peut naître viable, sans avoir déjà existé à l'époque de la donation ou de la mort du testateur; et puisqu'il suffit d'être conçu pour succéder, ou recevoir une donation, et qu'on ne peut recevoir si l'on n'existe pas encore, ainsi que l'avait déjà décidé l'art. 49 de l'ordonnance des testamens de 1735, il s'ensuit qu'il faut nécessairement prouver l'époque de la conception.

Il est vrai qu'il y aurait peu de difficultés pour la succession d'un père, pourvu que l'enfant naquît dans les dix mois depuis son décès, et qu'il fût déclaré viable; mais il y en aurait beaucoup pour les successions collatérales, ou provenant d'étrangers: il importe donc aux femmes, dans tous ces cas, de faire constater leur grossesse dès les premiers temps; et aux opposans, de s'y prendre de bonne heure pour établir les preuves contraires.

8° L'accusation de provocation à l'avorte

(1) Code Napol., §. 325

(2) Ibid. §. 906.

Humanité des lois intermédiaires.

ment (1) est nulle de fait, s'il est prouvé que la femme n'était pas enceinte; et en ce cas, plus qu'en tout autre, les gens de l'art doivent se pénétrer de tous les signes de grossesse, non-seulement pour ne pas être les instrumens involontaires des mauvaises mœurs d'une femme, mais encore pour éviter de donner lieu à des procédures que la méchanceté pourrait leur faire intenter, d'après une fausse application de la disposition actuelle du Code pénal, relative à l'avortement. Il en est de même de l'accusation d'infanticide (2); elle est nulle de droit et de fait, si l'on ne peut prouver ni la grossesse ni l'accouchement.

9° Enfin, et ce qui est plus important encore, «si une femme condamnée à mort se déclare, et s'il est vérifié qu'elle est enceinte, elle ne subira la peine qu'après sa délivrance (5). »

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§. 271. L'ordonnance criminelle de 1670, titr. 25, art. 25, voulait que l'exécution de la peine de mort prononcée contre une femme grosse fût différée jusqu'après son accouchement. Plus humaine encore, la loi du 23 germiual an 3 prescrit « qu'à l'avenir aucune « femme prévenue d'un crime emportant la peine de mort ne pourra être mise en jugement qu'il n'ait été vérifié de la manière « ordinaire qu'elle n'est pas enceinte ".

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Par arrêt du 2 ventose an 13, la cour de

(1) Code pénal, S. 317.
(2) Ibid., §. 500 et 302..
(3) Ibid., §. 25.

cassation annula un jugement de la cour de justice criminelle du département de la Dyle, qui condamnait à la peine de mort une femme qui n'avait point été visitée avant sa mise en jugement, quoique réellement enceinte lorsqu'elle fut appelée aux débats.

Par un autre arrêt de la même cour du 8 germinal an 13, annulation d'un jugement à mort de la cour de justice criminelle du département de l'Ourthe, contre une femme que les gens de l'art n'avaient pas trouvée enceinte avant d'être soumise aux débats, et qui fut déclarée telle dans une seconde visite faite par ordre de la cour de cassation. Les considérans de cet arrêt sont remarquables, et font infiniment honneur à cette cour. « Con« sidérant, dit-elle, qu'il résulte de pièces «< adressées au greffe de la cour, en exécution de son arrêt interlocutoire du 11 pluviose dernier, , que, malgré les précautions prises << par le procureur général impérial près la « cour criminelle du département de l'Ourthe « pour s'assurer que la fille N. N. n'était point enceinte avant de la mettre en jugement, «< il est néanmoins certain aujourd'hui qu'elle porte un enfant dans son sein depuis six à sept mois, que conséquemment elle était grosse à l'époque où elle a été mise en jugement et condamnée à mort ;

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Que ce n'a pas été sans de très-puissans » motifs que le législateur a défendu de mettre « en jugement des femmes enceintes; qu'il a envisagé, d'un côté, qu'une femme dans cette << situation pourrait n'avoir pas toute la liberté «< d'esprit nécessaire à sa défense, et de l'autre,

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« que les agitations et les inquiétudes insépa«rables d'une discussion, toujours effrayante « même pour l'innocent, pourraient lui «< causer des révolutions capables d'altérer « sa présence d'esprit, et préjudicier à son « fruit ;

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Que ces motifs militant pour empêcher qu'elle ne soit mise en jugement, ils militent également, d'après le texte de la loi précitée, pour faire casser l'arrêt rendu contre elle, par suite du débat qui n'a eu lieu que parce que les gens de l'art, induits en erreur, ont « déclaré qu'elle n'était pas grosse, lorsque « réellement elle l'était; qu'il suffit, pour qu'elle « doive être exposée à un nouvel examen, qu'on puisse raisonnablement supposer qu'elle ne « s'est pas défendue comme elle aurait pu et « dû le faire, et comme elle aurait fait si elle « n'eût pas été enceinte, été enceinte, et que cette situation « n'eût pas influé sur son moral..... la cour

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« casse et annule, etc. »

Par un autre arrêt du 27 novembre 1806, la même cour annule un semblable jugement rendu par la cour de justice criminelle du département de l'Ardêche contre une femme qui avait été mise aux débats et condamnée à la peine de mort avant qu'il eût été constaté qu'elle n'était point enceinte, et nonobstant la déclaration des officiers de santé, qui, ayant visité la femme avant sa mise en jugement, avaient rapporté qu'il leur restait des doutes sur l'état de cette femme, et qu'on pourrait s'en convaincre le mois suivant. Le jugement fut annulé précisément parce que, malgré ce rapport qui n'était rien moins que décisif; le tri

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