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desir de prendre, et qu'ils prendraient en effet dans la suite.

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Cette réflexion ne s'applique pas à la femme dont le mari avait, à l'époque du mariage, une profession déterminée autre que celle de négociant; elle doit jouir dans ce cas de tous les droits hypothécaires accordés par le Code Napoléon; elle n'avait pas pris un mari dans le commerce, et son union était formée sous une autre loi.

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On a dû prévoir cependant qu'on pourrait encore. abuser de cette exception; aussi déclare-t-on que la femme n'en pourra réclamer l'avantage, qu'autant que son mari n'aura pas fait le commerce dans l'année qui suivra le mariage.

Je crois bien superflu de vous faire remarquer. dans le projet les articles d'après lesquels une femme qui aurait détourné, recélé, diverti des effets, ou qui aurait pris une part directe à des actes faits en fraude. des créanciers, pourrait être poursuivie comme complice de la banqueroute.

Vous connaissez actuellement toute la partie de la loi dont l'exposition m'a été confiée. L'esprit de justice a dicté ces dispositions; le sentiment profond d'indignation dont on ne peut se défendre contre des brigandages, n'a jamais altéré le calme du magistrat qui médite la loi.

La femme qui ne sera pas complice pourra reprendre tout ce qui sera justifié lui appartenir en effet. Elle recevra cet acte de justice de la masse infortunée des créanciers; ils n'auront ensuite le droit de rien exiger d'elle. Mais elle, se croira-t-elle dégagée de toute obligation? Jouira-t-elle sans unė peine secrete de tout ce qui peut lui appartenir, pendant qu'une foule de malheureux languira dans le besoin, par la faute de l'homme dont elle est la compagne? et n'entendra-t-elle pas, au fond de son cœur, une voix qui lui criera sans cesse : La loi vous

rendait votre bien, mais l'honneur vous défendait de l'accepter en totalité; le sacrifice que la loi ne pouvait vous commander, l'humanité devait vous l'inspirer; vous n'avez pas blessé la loi, mais vous avez prouvé que vous êtes dépourvue de sensibilité, et vous ne savez pas saisir les moyens de vous honorer par des actes de bienfaisance.

N'en doutons pas, Messieurs, cette voix ne sera pas toujours étouffée; nous verrons encore, j'ose l'assurer, des ames fortes qui, dans un état d'humiliation, sauront se former des titres à la gloire. Heureux les enfants qui, ayant à gémir des fautes d'un pere, pourront rappeler avec orgueil la mémoire de celle qui leur donna le jour!

N° 13.

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RAPPORT fait au corps législatif, par le tribun FREVILLE, l'un des orateurs chargés de présenter au corps législatif le vœu du tribunat, sur une partie du livre III du Code de Commerce.

MESSIEURS,

Séance du 12 septembre 1807.

Déja vous avez classé les divers agents du commerce, vous avez déterminé les rapports qui doivent exister entre eux, vous leur avez surtout indiqué les devoirs qu'ils ont à remplir.

Hier votre assentiment a consacré la loi destinée à régler Fexercice du plus beau droit que la naturę des choses ait conféré au commerçant, le droit de créer cette monnaie dont personne ne fut l'inventeur,

ART parce qu'elle fut par-tout le produit nécessaire de la civilisation arrivée à un certain degré de maturité; cette monnaie, si propre à doubler l'emploi des mê→ mes capitaux, en les fécondant à-la-fois, et par le travail et par le crédit; à unir et faciliter l'une par` l'autre les différentes opérations de l'industrie et du commerce: à mettre, pour ainsi dire, en société les richesses de tous les pays civilisés pour les accroître par des profits réciproques.

Mais, c'est en vain que vous auriez adopté les dis positions les mieux calculées pour faire régner l'ordre dans les opérations de commerce, et pour assu rér au crédit l'usage le plus facile de tous les procédés qui lui appartiennent, si cette premiere partie du nouveau Code n'était fortement sanctionnée par la loi sur les faillites. Alors cet ouvrage, si heureuse❤ ment commencé, renfermerait en lui-même un prin. cipe de stérilité; le commerce, en recevant l'inutile bienfait de ces mesures incompletes, ne cesserait pas de porter dans son sein un germe de désorganisa tion; la fraude et la cupidité conserveraient le moyen de faire une guerre désastreuse au travail et à la bonne foi; les spéculations les plus honnêtes seraient constamment menacées par cette infâme spéculation, qui consiste à se précipiter dans tous les hasards sans courir aucune chance; à entraîner, par toutes sortes de prestiges, la confiance tellement loin, qu'elle n'ose plus rétrograder; enfin, à mettre toutà-coup en sûreté une proie immense aux dépens de la probité laborieuse et de l'économie patiente, dont l'estimable persévérance s'était lentement et fructueusemént employée à la reproduction des capitaux, source abondante de prospérité.

Vet Si l'évidence fait ressortir à tous les yeux la funeste influence de la banqueroute, elle éclaire par cela même de tout son jour le point de vue sous le quel il faut envisager la faillite, c'est-à-dire, la circonstance qui avertit l'autorité publique, qu'il y a

peut-être une banqueroute à punir. On a répété trop souvent qu'il ne s'agissait en pareil cas que d'intérêts privés, et faits pour être débattus entre le débiteur et ses créanciers; la société en général n'y est-elle pas intéressée sous les rapports les plus graves? La faillite en elle-même, et indépendamment des circonstances susceptibles, soit de l'excuser, soit de la présenter comme une faute ou un délit, n'est-elle pas un événement qui porte le trouble dans la circulation? La législation pourrait-elle négliger l'examen de la faillite, sans encourager par cette scandaleuse indifférence toutes les banqueroutes auxquelles l'irrégularité conduit, ou que l'immoralité médite? Un tel état de désordre pourrait-il exister sans nuire essentiellement aux mœurs publiques, et sans arrêter le développement de la richesse nationale, en diminuant dans l'intérieur l'énergie du travail et la fécondité de l'industrie, en relâchant au dehors les noeuds par lesquels le crédit doit unir nos opérations avec celles du commerce étranger?

J'ose le supposer, vous n'éprouvez aucun doute sur la réponse que provoquent ces diverses questions. Elles conduisent toutes à reconnaître que, si le législateur ne doit omettre aucune précaution pour que les créanciers soient à portée d'exercer leurs droits de la maniere la plus prompte et la plus utile, il est pressé en même temps par les motifs les plus importants, les plus sacrés, de préserver de toute atteinte les grands intérêts de la société, et de soumettre à la vigilance du ministere public tous les indices qui peuvent révéler la nécessité de corriger ou de punir.

Il est indispensable de s'élever jusqu'à ces considérations d'un ordre supérieur, pour embrasser dans toute son étendue le systême de la loi qui vous est proposée. Dès qu'on s'est ainsi placé, on la voit se -développer sous le triple aspect de l'intérêt de la société, de l'intérêt des créanciers, et de l'intérêt de l'honnête homme en faillite. C'est en suivant la di

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rection et l'harmonie de ces trois intérêts à travers la série des articles qui les confondent ou les séparent, que j'essaierai de vous faire apprécier quelques-uns des motifs qui ont préparé l'opinion des sections du tribunat. Elles ont fait du Code de Commerce, et particulièrement du troisieme livre, l'objet de l'appli cation la plus sérieuse; vous vous en apercevrez surtout, lorsque vous entendrez celui de mes collegues qui s'est chargé de vous entretenir des trois derniers chapitres du titre premier, ainsi que du deuxieme et du troisieme titres. Cette partie du projet se trouve en contact avec la législation civile, et demande, pour la reconnaissance de leurs limites respectives, toute l'habileté d'un observateur à qui aucune des deux régions ne soit étrangere.

En m'attachant aux données principales que je viens d'indiquer, je me croirai plus fidele à ma mission, et moins contraire à votre attente, que si je prétendais recommencer l'analyse successive des divers chapitres, qui déja vous a été exposée d'une maniere si intéressante, et au même moment où vous entendiez plaider la cause des mœurs avec un accent assez touchant, avec un talent assez distingué pour vous rappeler la plus noble définition de l'orateur.

Puisque l'intérêt de la société exige que la conduite 455 de tout commerçant qui tombe en état de faillite soit examinée, il importe que l'intervention de l'autorité publique commence dès le premier instant. Aussi, par le même jugement qui ordonnera l'apposition des scellés, le tribunal de Commerce prendra l'un des moyens laissés à son choix, pour s'assurer de la personne du failli.

On abuserait d'un principe bien respectable, si l'on objectait contre cette précaution, que l'innocence se présume toujours. Ce principe est vrai à l'égard du citoyen qui ne sort pas de la position commune à tous; il cesse d'être applicable à une circonstance telle qu'une faillite, qui arrête l'effet des lois pro

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