mere (a), parce qu'ils n'étoient héritiers-fiens ni agnats. Les loix des premiers Romains fur les fucceffions, n'ayant penfé qu'à fuivre l'efprit du partage des terres, elles ne reftreignirent pas affez les richeffes des femmes, & elles laifferent par-là une porte ouverte au luxe, qui eft toujours infeparable de ces richeffes. Entre la feconde & la troifiéme guerre Punique, on commença à fentir le mal; on fit la loi Voconienne (b); & comme de très-grandes confidérations la firent faire, qu'il ne nous en refle que peu de monumens, & qu'on n'en a jufqu'ici parlé que d'une manière très-confufe, je vais l'éclaircir. Cicéron nous en a confervé un fragment, qui défend d'inftituer une femine (c) héritiere, foit qu'elle fût mariée, foit qu'elle ne le fût pas. L'épitome de Tite-Live où il eft parlé de cette loi, n'en dit (d) pas davantage. Il paroît L 3 par (a) Ad liberos matris inteftat hæreditas, leg. XII, tab. non pertinebat quid fæminæ fuos hæredes non habent, Ulp. fragm. tit. 26, §. 7. (b) Quintus Voconias, tribun du peuplé, la propofa. Voyez Cicéron, feconde harangue contre Verrès. Dans l'épitome de Tite-Live, liv. XLI, il faut lire Voconius, au lieu de Volumnius. (c) Sanxit... ne quis hæredem virginem neve mulierem faceret. Cicéron, feconde. harangue contre Verrès. .f (d) Legem tulit, ne quis hæredem mulierem instiliv. XLI. tueret, par Cicéron (a) & par Saint Auguftin (b), que la fille & même la fille unique, étoient com. prises dans la prohibition. Caton l'ancien (c) contribua de tout fon pouvoir à faire recevoir cette loi. Aulugelle cite un fragment (d) de la harangue qu'il fit dans cette occafion. En empêchant les fem mes de fuccéder, il voulut prévenir les causes de luxe; comme, en prenant la défense de la loi Oppienne, il voulut arrêter le luxe même. Dans les inftitutes de Juftinien (e) & de Théophile (f), on parle d'un chapitre de la loi Voconienne, qui reftreignoit la faculté de lé, guer. En lifant ces auteurs, il n'y a perfon, ne qui ne pense que ce chapitre fut fait pour éviter que la fucceffion ne fût tellement épuifée par des legs, que l'heritier refusât de l'accepter, Mais ce n'etoit point là l'efprit de la loi Voconienne. Nous venons de voir qu'elle avoit pour objet d'empêcher les femmes de recevoir aucune fucceffion. Le chapitre de cette loi qui mettoit des bornes à la faculté de léguer, entroit dans cet objet : car fi on avoit pû léguer autant que l'on auroit voulu, les fem (a) Seconde harangue contre Verrès. (e) Inflit. liv. II, tit. 22. (f) Liv. Iltiz 224 mes ། mes auroient pu recevoir comme legs ce qu'el les ne pouvoient obtenir comme fucceffion." La loi Voconienne fut faite pour prévenir les trop grandes richeffes des femmes. Ce fut donc des fucceffions confidérables dont il fallut les priver, & non pas de celles qui ne pouvoient entretenir le luxe. La loi fixoit une certaine fomme, qui devoit être donnée aux femmes qu'elle privoit de la fucceffion. Cicéron (a), qui nous apprend ce fait, ne nous dit point qu'elle étoit cette fomme; mais Dion (b) dit qu'elle étoit de cent mille fefterces. La loi Voconienne étoit faite pour régler les richeffés, & non pas pour régler la pauvreté: auffi Cicéron nous dit-il (c) qu'elle ne ftatuoit que fur ceux qui étoient infcrits dans le cens. Ceci fournit un prétexte pour éluder la loi. On fait que les Romains étoient extrémement formaliftes, & nous avons dit ci-dessus que l'efprit de la république étoit de fuivre la lettre de la loi. Il y eut des pères qui ne fe firent point infcrire dans le cens, pour pouvoir laiffer L 4 (a) Nemo cenfuit plus Fadia dandum, quam pof fet ad eam lege Voconid pervenire. De finibus bon. & mal. liv. II. (b) Gum lege Voconiâ mulieribus prohiberetur ne qua majorem centum millibus nummum hæreditatem poffet adire, liv. LVI. (c) Qui cenfus effet. Harangue feconde contre Verrès. laiffer leur fucceffion à leur fille: & les préteurs jugerent qu'on ne violoit point la loi Voconienne, puifqu'on n'en violoit point la lettre. Un certain Anius Afellus avoit inftitué fa fille, unique héritiere. Il le pouvoit, dit Ci céron (a), la loi Voconienne ne l'en empêchoit pas, parce qu'il n'étoit point dans le cens. Verrès, étant préteur, avoit privé la fille de la fucceffion: Cicéron foutient que Verrès avoit été corrompu, parce que, fans cela, il n'auroit point interverti un ordre que les autres préteurs avoient faivi. Qu'étoient donc ces citoyens qui n'étoient point dans le cens qui comprenoit tous les citoyens? Mais, felon l'inftitution de Servius Tullius, rapportée par Denys d'Halicarnaffe (b), tout citoyen qui ne fe faifoit point infcrire dans le cens étoit fait efclave: Cicéron (c) lui-même dit qu'un tel homme perdoit la liberté: Zonare dit la même chofe. Il falloit donc qu'il y eût de la difference entre n'être point dans le cens felon l'efprit de la loi Voconienne, & n'être point dans le cens felon l'efprit des institutions de Servius Tullius. Ceux qui ne s'étoient point fait infcrire dans les cinq premières claffes, où l'on étoit placé felon la porportion de fes biens, n'étoient point 2511 point dans le cens (a) felon l'efprit de la loi Voconienne: ceux qui n'étoient point infcrits dans le nombre des fix claffes, ou qui n'étoient point mis par les cenfeurs au nombre de ceux que P'on appelloit ærarii, n'étoient point dans le ceos fuivant les inftitutions de Servius Tullius. Telle étoit la force de la nature, que des peres, pour éluder la loi Voconienne, confentoient à fouffrir la honte d'être confondus dans la fixićme claffe avec les prolétaires & ceux qui étoient taxés pour leur tête, ou peut-être même à être renvoyés dans les (b) tables des Cérites. Nous avons dit que la jurifprudence des Romains n'admettoit point les fideicommis. L'efpérance d'éluder la loi Voconienne les introduifit: on inftituoit un héritier capable de recevoir par la loi, & on le prioit de remettre Ja fucceffion à une perfonne que la loi en avoit exclue. Cette nouvelle manière de difpofer eut des effets bien différens. Les uns rendirent l'hérédité; & l'action de Sextus Peduceus (c) fut remarquable. On lui donna une grande fucceffion; il n'y avoit perfonne dans le monde que lui qui fçut qu'il étoit prié de la remettre : Il alla trouver la veuve du teftateur, & lui donna tout le bien de fon mari. (a) Ces cinq premieres claffes étoient fi confidérables, que quelquefois les auteurs n'en rapportent que cinq. (b) In Ceritum tabulas referri; arorius firei, (c) Cicéron, de finib, boni & mali, liv. II. |