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à remplacer des matériaux volumineux par des matériaux résistants, remplissant les mêmes fonctions, mais ayant une bien plus grande chance de durée.

Jusqu'en 1819, époque à laquelle fut construit le premier pont suspendu un peu perfectionné en Europe, on adoptait presque indistinctement la pierre ou le bois. L'introduction des ponts suspendus fit une révolution dans le système de construc-. tion adopté; puis, comme les premiers essais ne réussirent pas, on en revint encore aux ponts fixes en maçonnerie.

De 1820 à 1830, le système des ponts suspendus prévalut; ce fut à cette époque que furent faits les ponts de Brunel, construits en Angleterre pour être envoyés à l'île Bourbon, le pont de l'Hôtel-de-Ville, le pont d'Annonay, le pont des Invalides.

En 1832, M. Polonceau sut prouver à quel degré d'économie et d'élégance on peut arriver par l'emploi de la fonte dans la construction des ponts. Le système adopté par lui au pont du Carrousel présente cela de remarquable que, tout en appliquant le système de voussoirs, il a su donner à l'ensemble de la construction l'aspect d'une charpente élégante et dans laquelle la fonte est dans les meilleures conditions de résistance.

Nous laissons le soin aux économistes de tirer des conclusions et d'analyser l'histoire de ces diverses variations de système; quant à nous, en considérant la construction des ponts d'une manière industrielle, nous dirons que tous les systèmes ne sont pas applicables dans toutes les localités; que, pour le choix du genre de construction, on doit se laisser diriger par l'économie essentiellement dépendante de la localité, du terrain que l'on rencontre et de la nature du cours d'eau lui-même. Après avoir expliqué chacun des systèmes, nous serons plus à même de tirer des conclusions.

Emplacement et débouché. Avant d'établir les fondations d'un pont, il faut choisir son emplacement et décider son débouché. L'emplacement est généralement déterminé par la position de deux routes ou de deux rues entre lesquelles le pont doit établir la communication. Mais cette direction peut présenter de grands inconvénients; ainsi, il peut se faire que le pont soit placé obliquement, par rapport au courant, ce qui est très mauvais, ou bien que les rives soient tellement basses que l'on soit obligé,

pour appuyer les arches, de faire des travaux dispendieux et longs; enfin, les sondages dans le lit du courant peuvent constater un sol de mauvaise qualité et sur lequel les fondations seraient difficiles et surtout coûteuses. Il faut alors rechercher s'il n'y aurait pas dans le voisinage une autre direction plus convenable, calculer dans divers cas les dépenses d'établissement, et les comparer avant d'adopter une direction.

La largeur des ponts ou l'espace entre les parapets varie suivant leur position et leur longueur. Quand un pont est court et dessert une route peu fréquentée, on peut se contenter de lui donner la largeur d'une voiture (3 mètres environ); s'il est long ou s'il est établi sur une route passagère, il faut que deux voitures puissent se croiser (5 à 6 mèt.). Sur les routes royales, on donne 7 à 8 mètres de longueur entre les parapets; dans les villes, il est convenable d'ajouter des trottoirs de 1,50 à 2 mèt. Dans les villes très fréquentées, une plus grande largeur est souvent nécessaire. Le Pont-Neuf, à Paris, a 22 mètres de largeur; le pont de Bordeaux a 14 mètres.

Le débouché d'un pont n'est difficile à déterminer qu'autant que sur le cours d'eau il n'y a pas encore d'autres ponts établis ; dans ce cas il faut calculer le débouché. Cette question est importante: en effet, si le pont est trop resserré, l'eau prend une grande vitesse à son passage; elle attaque le fond et produit des affouillements autour des points d'appui, ce qui peut amener la chute du pont. Si, au contraire, on fait le débouché trop considérable, la vitesse est trop ralentie, des attérissements se forment; pendant la sécheresse, le banc formé se recouvre de végétation et acquiert une stabilité qui lui permet de résister à la vitesse initiale du courant. Celui-ci se porte alors sur les arches, et l'inconvénient signalé plus haut subsiste encore.

Pour déterminer le débouché, il faut faire un levé exact de la section du cours d'eau, non seulement à l'emplacement où doit se trouver le pont, mais encore à plus d'une centaine de mètres de part et d'autre, et rattacher les profils en travers par des profils en long, afin de connaître la section moyenne du lit et la la pente du cours d'eau, et de déterminer par conséquent d'une manière exacte le volume d'eau écoulé pendant l'unité de temps (une seconde). Pour avoir la vitesse de l'eau à la surface, par

expérience, on se sert de flotteurs immergés le plus possible; et connaissant cette vitesse, pour avoir la vitesse moyenne, on se sert des chiffres pratiques suivants :

Vitesse à la surface. 0,10 0,50 1,00 1,50 2,00| 2,50 3,00| 3,50 4,00 Rapport de la vi

tesse moyenne à la

vitesse à la surface. 0,760 0,786 0,812 0,832 0,848 0,862 0,873 0,883 0,891

Il est rare dans la pratique que la vitesse à la surface dépasse 4 mètres.

La vitesse d'une rivière est faible quand elle est au-dessous de 0,50; celle de la Seine est moyennement aux environs de Paris de 0,60 à 0,65. De cette limite à 1 mèt., on a une vitesse ordinaire; elle serait très grande si elle dépassait 2 mètres; c'est à peu près celle du Rhône et de la Durance (1).

Le levé du terrain et des cours d'eau donnera la section de l'eau qui s'écoule ; l'expérience déterminera la vitesse; on aura donc le volume fourni. Mais il est bon de déterminer cette vitesse par le calcul; pour cela on se sert de la formule suivante de M. de Prony:

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cours d'eau, x son périmètre, ¿ la différence du niveau entre deux points, et à la distance de ces deux points. En prenant les valeurs de toutes ces inconnues, dans un moment de grande crue, on aura des maximum pour la vitesse, et, en multipliant cette vitesse par la section, on aura le volume écoulé. On trouve dans Genyes des tables pour avoir connaissant RI.

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Des fondations. Le premier devoir de l'ingénieur, après avoir choisi l'emplacement du pont qu'il veut établir, est d'en faire le

(1) Il y a certaines limites de vitesse que l'on ne doit pas dépasser, suivant la nature du terrain, si l'on ne veut pas s'exposer à des affouillements, ce sont: Pour les terres détrempées, brunes.

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0,152

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Cailloux agglomérés.

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Graviers.

projet, et de se rendre compte par des sondages du terrain auquel il a affaire (voy. SONDAGE). Cet examen approfondi lui démontrera s'il est compressible, incompressible, affouillable ou inaffouillable.

Les rochers, les bancs de pierres, certains tufs, sont incompressibles et inaffouillables.

Le gravier, le sable, l'argile franche et pure, les roches calcaires tendres, les granites schisteux, et surtout les schistes, sont incompressibles, mais affouillables.

La terre franche, la tourbe, la vase, les remblais, sont compressibles et affouillables.

Quand le rocher est suffisamment homogène et que ses assises sont horizontales, on peut s'établir directement dessus, soit en arrasant sa surface supérieure, soit en le taillant par assises opposées à la pression. Pour faire les travaux au-dessous de l'étiage, on fait des bâtardeaux en terre, si la hauteur n'est pas considérable, ou bien l'on échoue des caissons en bois contenant les assises de moellons sur lesquels on veut s'établir, si la hauteur dépasse 2 mètres (voy BATARDEAU et FONDATIONS). Si le rocher n'est pas homogène et que ses assises ne soient pas horizontales, on échoue à l'endroit où l'on veut fonder la pile une caisse en bois sans fond, solidement reliée par des traverses et des poteaux, on la remplit de béton hydraulique que l'on pilonne avec soin; pour faire l'immersion de ce béton, on le met dans des trémies, à section rectangulaire ou triangulaire, à fond mobile, on les amène dans l'intérieur de la caisse, et on les vide en faisant jouer leur fond mobile à l'aide d'une corde sortant à la surface de l'eau; on laisse prendre le béton, qu'on arrase bien horizontalement, et on s'établit dessus, après avoir défendu la caisse contre les affouillements par des enrochements qui consistent en pierres les plus minces possibles placées en avant de la construction.

Le béton était composé de cette manière,

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Quand le terrain est incompressible, mais affouillable, on

entoure d'une ceinture de pieux et de palplanches l'enceinte sur laquelle la pile doit être établie; on adapte des pieux plus ou moins longs, suivant que la vitesse du cours d'eau est plus ou moins grande et que le terrain est plus ou moins mouvant, afin, dans tous les cas, d'être à l'abri de la crainte que le terrain soit affouillé en dessous de la rangée de pieux. Quand la construction est de peu d'importance, on peut s'établir directement sur le sable, en reportant bien également la pression partout par des matériaux d'une grande surface ou par un plancher en madriers. Si la construction est plus importante, on enfonce les pieux à une plus grande profondeur, on choisit des palplanches plus fortes, on drague le terrain compressible jusqu'à là hauteur de la tête des pieux, et on établit un radier général en pierre de 1 à 150 d'épaisseur, et ayant une largeur double de celle du pont lui-même. Ce moyen a été employé au pont de Moulins et à celui de Roanne. On pourrait aussi établir le radier général en contre-bas de la tête des pieux et y asseoir directement la maçonnerie : ce poids, réparti également sur toute l'étendue de la couche, la comprimerait fortement et s'opposerait aux affouillements.

Si le terrain est compressible et affouillable, c'est le cas le plus défavorable et qui exige les fondations les plus dispendieuses. On est, en effet, forcé d'avoir recours au pilotage dont il a déjà été question à l'article FONDATIONS. On emploie généralement des pieux en grume écorcé de 0,30 à 0,33 de diam., armés à leur tête de cercles en fer forgé, terminés par des sabots de 6 à 12 k. en fer forgé ou en fonte, et ayant une hauteur d'autant plus grande que la hauteur de la couche compressible est plus considérable. Après le battage des pieux, qui se fait avec une sonnette à déclic, on les recèpe, on remplit leur intervalle en béton hydraulique, et l'on fonde en maçonnerie quand le béton a acquis de la consistance. Quand on sent le besoin de fonder beaucoup plus bas que le niveau de l'étiage, on recèpe les pieux à ce niveau inférieur, et l'on échoue des caissons comme nous l'avons dit. Les pieux de 0,30 à 0,33 peuvent supporter 50,000 kil. chaque; quand les besoins de la construction n'exigent que des pieux de 0,24 à 0,26, leur charge peut être de 25,000 kil., et ceux 0,18 à 0,22, de 12,000 kil. Ces nombres sont fournis par l'expérience. Nous devons cependant dire que ce sont des maxi

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