CINQUIÈME DÉCRET. NAPOLÉON, &c. ! Considérant, que par nos constitutions les mem bres de l'ordre judiciaire sont inamovibles, Nous décrétons; Article I. Tous les changemens arbitraires opérés dans nos cours et tribunaux inférieurs sont nuls et non avenus. Article II. Les présidens de la cour de cassation, notre procureur-général, et les membres qui ont été injustement et par esprit de réaction renvoyés de la dite cour, sont rétablis dans leurs fonctions, &c. &c. Par quatre autres décrets l'Empereur ordonna que le séquestre serait apposé sur les biens de la famille des Bourbons; Que tous les biens des émigrés qui appartenaient à la Légion d'Honneur, aux hospices, aux communes, à la caisse d'amortissement, ou aux domaines, seraient rendus à ces divers établissemens; Que la maison du Roi et les Suisses seraient licenciés, et qu'aucun corps étranger ne pourrait être admis à la garde du souverain; Et que la décoration du lys, les ordres de St. Louis, du St. Esprit, de St. Michel, seraient abolis. Ces décrets, qui embrassaient à la fois toutes les parties de l'administration politique, civile et militaire de l'état, se succédèrent si rapidement que Napoléon eut à peine le tems de les entremêler de quelques paroles. En rétablissant sur leurs sièges, les magistrats qui en avaient été expulsés, il conquit d'un trait de plume, tous les membres de l'ordre judiciaire; mais je ne sais pourquoi il n'étendit point cette utile mesure aux fonctionnaires de l'ordre administratif, et principalement aux préfets et aux sous-préfets que M. de Montesquiou avait si cruellement persécutés. Parmi ces fonctionnaires il y en était sans donte qui, par la faiblesse ou l'incapacité qu'ils avaient montrées dans les derniers momens du gouvernement impérial, ne meritaient point de confiance; mais le plus grand nombre en étaient restés dignes, et Napoléon en les replaçant à la tête de leurs anciens administrés unissait à l'avantage de réparer publiquement une injustice royale, celui de confier l'administration à des hommes expérimentés, et qui connaissant déjà les partisans de la révolution, et ceux des Bourbons, n'avaient qu'à se montrer pour intimider les uns, et féconder le patriotisme des autres. A cette exception près, tout ce qu'il fit à Lyon me paraît un chef-d'œuvre d'esprit et d'adresse. Il fallait renverser la Chambre des Pairs; d'un seul coup il la terrasse: Elle n'est composée, dit-il, que d'hommes qui ont porté les armes contre la patrie, et ont intérêt au rétablissement des droits féodaux et à l'annulation des ventes nationales. La Chambre des Députés avait montré de la résistance aux ministres et de l'attachement aux doctrines libérales; il était difficile de la dépopulariser: l'Empereur y réussit par un seul mot: Elle s'est montrée indigne de la confiance de la nation, en faisant payer au peuple les dettes contractées à l'étranger pour répandre le sang Français. Il fallait rassurer la France sur l'avenir; il appelle les électeurs au Champ de Mai: il fallait donner à penser qu'il avait des intelligences avec l'Autriche, et que Marie Louise lui serait rendue; il annonce le prochain couronnement de l'Impératrice et de son fils. Il fallait séduire les patriotes, les républicains: il abolit la noblesse féodale, et déclare que le trône est fait pour la nation, et non point la nation pour le trône. Il fallait tranquilliser les acquéreurs de domaines nationaux; il chasse les émigrés non rayés, et reprend leurs biens: plaire aux pauvres et aux paysans; il restitue aux hospices et aux communes les biens dont on les avaient dépouillés: flatter la garde et l'armée; il expulse de leurs rangs les étrangers, les émigrés, licencie la maison du roi, et rend à la Légion d'Honneur ses dotations et ses prérogatives. .... Qu'on critique sa conduite à Lyon, qu'on la représente comme celle d'un forcené qui veut tout changer, tout détruire, tout bouleverser, peu importe ceux qui jugent sans partialité trouveront, je crois, qu'il se conduisit avec toute l'habileté d'un politique consommé. Il sut commander la confiance, dissiper les craintes, affermir le dévouement, enthousiasmer le peuple et l'armée: que pouvait-il faire de plus ? Les dispositions faites à Paris contre lui, lui furent connues le 12; il parut charmé qu'on eût donné un commandement au Maréchal Ney, non point qu'il eût des intelligences avec lui, mais parce qu'il connaissait la faiblesse et la mobilité de son caractère. Il prescrivit au Grand Maréchal de lui écrire: "Vous l'instruirez, lui dit-il, du délire qu'excite mon retour, et de la réunion successive à mon armée de toutes les forces dirigées contre moi; vous lui direz que les troupes qu'il commande imiteront infailliblement tôt ou tard l'exemple de leurs braves camarades, et que les efforts qu'il pourrait tenter n'auraient d'autre résultat que de retarder tout au plus de quelques jours la chûte des Bourbons; faites-lui entendre qu'il sera responsable envers la France, envers moi, de la guerre civile et du sang qu'elle fera verser ; flattez-le, ajouta l'Empereur, mais ne le caressez pas trop, il croirait que je le crains, et se ferait prier." On écrivit aussi à tous les chefs de corps qu'on savait être cantonnés dans les départemens voisins. Aucune de ces lettres ne portait le caractère de la supplication. L'Empereur parlait déjà en maître: il ne priait point, il ordonnait. Tout étant terminé, Napoléon partit le 13, et profondément ému de l'amour que les Lyonnais lui avaient témoigné, il leur fit ses adieux en ces termes : " Lyonnais, "Au moment de quitter votre ville pour me rendre dans ma capitale, j'éprouve le besoin de vous faire connaître les sentimens que vous m'avez inspiré; vous avez toujours été au pre |