personne d'un prévenu; l'homme arrêté continueroit à le voir ainsi : toutefois c'est une méprise bien funeste à la sureté publique, que cette opinion qui tend à flétrir d'avance l'homme qui vient s'acquitter d'un devoir aussi simple qu'important, celui d'éclairer la justice sur un fait qu'on lui impute, et lui déclarer la vérité qu'elle a besoin d'apprendre. Eh quoi ! l'honnête homme est-il à l'abri d'une plainte mal fondée, d'une dénonciation injuste? peut-il même éviter la réunion imprévue de plusieurs circonstances qui semblent conspirer contre lui, ou doit-il refuser d'aller luimême dissiper les soupçons ? Mais un abus plus frappant encore de la confusion de la police et de la justice, c'est que le même homme puisse décréter et juger. Si cet homme est mon ennemi, il est à craindre qu'il ne me décrète que pour me condamner ensuite oqu'il ne me condamne que parce qu'il m'a décrété. Pourquoi exposer un individu à la tentation de commettre une injustice pour couvrir une erreur, d'échapper à la responsabilité d'une faute par une faute plus grande encore? En remettant en des mains différentes la fonction d'arrêter le prévenu et celle de le juger, l'on fait cesser tous les abus: chaque institution conserve son caractère, son objet et ses moyens ; l'arrestation n'est plus que ce qu'elle doit être, une précaution nécessaire de sureté et d'ordre public, à laquelle chacun se plie aisément; l'opinion publique l'appréciera sous ce rapport, personne ne sera tenté de s'y soustraire, et une police exacte et uniforme maintient entre tous les citoyens la tranquillité et l'égalité des droits. La surveillance générale de la société pour prévenir les crimes, en constater l'existence, poursuivre les coupables, les arrêter, s'exerce par cette action prompte et provisoire qui s'appelle la police. Daignez, Messieurs, nous accompagner dans la marche, de nos idées, et ne pas souffrir que votre imagination nous précède par des objections qui trouveront leur réponse dans la suite. Ces préliminaires étoient indispensables pour l'intelligence de notre plan : nous allons à présent yous en tracer l'esquisse. 1o. Division générale en police et en justice. 2o. La police, exercée par les Juges de paix et autres Officiers, a pour objet de recevoir les plaintes, les dénonciations, dresser les procès-verbaux, arrêter les prévenus et les remettre au Tribunal de District. Là finissent ses fonctions.. 3°. Un Juré d'accusation dans chaque District, s'assemblant promptement pour décider si le prévenu doit ou non être accusé; dans le dernier cas, l'accusé est remis en liberté; dans le seco il est envoyé au Tribunal criminel. 4°. Un seul Tribunal criminel par Département, composé de quatre Juges, savoir du Président élu par tout le Département, et de trois autres Juges pris dans les Districts, et de service tour à tour auprès du Tribunal. 5. Un accusateur public également nommé par le Département, chargé de poursuivre ceux que le Juré d'accusation a remis à la justice, chargé aussi de surveiller les Juges de paix et autres Officiers de police. 6o. Un Juré de jugement s'assemblant pour décider si l'accusé est ou non convaincu du crime qu'on lui impute, les Juges appliquant la peine sur la déclaration du Juré, et d'après la réquisition du Commissaire du Roi. 78. 7. Le Commissaire du Roi, dont la fonction est de veiller à l'exécution de la loi, de maintenir l'observation des formes, ayant le droit, ainsi què l'accusé, après le jugement rendu, et pendant le sursis déterminé par la Loi, de porter l'affaire au Tribunal de cassation. 8°. Enfin ce Tribunal pouvant casser le Jugement pour violation de formes importantes, ou mauvaise application de la Loi. Développons en peu de mots ces bases et les motifs qui nous ont portés à les adopter. Organisation de la Police. C'est une vérité bien connue, et que l'expérience a sur-tout confirmée, que la police journalière, celle qui agit immédiatement sur les individus, ne peut être convenablement exercée par un Corps, mais qu'il vaut mieux la confier à un seul individu. 1o. Elle doit agir avec célérité, et le mode d'action d'un Corps est une délibération. 2o, Un Corps sert aisément d'abri pour couvrir les passions des individus qui le composent : il a de plus des passions, des préjugés, un amourpropre, des intérêts communs qui le font mouvoir. 30. Un Corps n'est jamais lié aux moyens de son institution aussi étroitement qu'un individu. La responsabilité collective est comme impossible, au lieu qu'un seul homme est facilement contenu soit l'action des Lois, soit même par les re-gards du Public et l'influence de l'opinion. par En plaçant cet individu dans la Municipalité la Police y seroit trop active ou nulle, elle prendroit un caractère d'inquisition et de tracasserie; Rapport de M. du Port. B et se mêlant trop aisément aux mouvemens journaliers qui agitent les esprits dans chaque endroit forcée de prendre parti dans les plus petits intérêts qui s'y débattent, elle seroit une cause de trouble au lieu d'y maintenir la tranquillité; enfin, l'autorité, trop subdivisée et trop confondue avec les Citoyens, perd nécessairement du respect qui lui est dû. D'un autre côté, nous avons pensé que, dans le District, la Police seroit trop écartée de ceux qu'elle doit surveiller; que tout recours à elle devenant difficile, laisseroit trop de penchant et de facilité aux vengeances particulières; et que rendant moins efficace la protection de la Loi, la tranquillité des Citoyens cesseroit d'être assurée. C'est donc dans les cantons que nous avons établi le premier instrument de la Police, et nous avons choisi pour cela l'Officier public que vous y avez déja institué sous le nom de Juge de Paix. C'est la véritable fonction du Juge de Paix que celle de veiller à la sureté de ses Concitoyens, de recevoir leurs plaintes, et de s'assurer des aggresseurs. Les Habitans des campagnes, amenés par tous leurs intérêts auprès du Juge de Paix, s'habitueront aisément à le considérer comme l'Arbitre général de tous leurs différends et le dernier terme de toutes leurs contentions; presque toutes les affaires y finiront; beaucoup de haines et de vengeances viendront expirer devant ce Tribunal de Conciliation et de Paix, et n'iront plus fatiguer les Tribunaux, scandaliser le public et ruiner les plaideurs. Les nouvelles fonctions que nous attribuons à ces Officiers publics, ajouteront à la confiance que doit inspirer déja le choix des Citoyens. Car ceux-ci portent naturellement leur considération et leur respect vers celui qui est chargé de veiller à leur sureté et à leur propriété. S'ils aiment ceux qui leur font du bien, ils respectent et considèrent ceux qui empêchent qu'il leur soit fait du mal. Ces nouveaux devoirs, quoique très-importans, n'ont rien de vraiment difficile, et n'exigent pas, de la part des Juges de Paix, une masse de connoissances plus grande que celle qui leur est nécessaire pour les fonctions qui leur sont déja attribuées; néanmoins pénétrés, Messieurs, du besoin de donner à nos institutions naissantes, sur-tout à la police, une grande énergie, et de marquer les premiers momens de la liberté par le caractère qui lui convient le plus, je veux dire une obéissance exacte aux Lois, vos Comités ont pensé qu'il seroit utile de donner en ce moment aux Juges de Paix un secours, et aux Citoyens un garant de plus de leur sureté et de leur tranquillité. Nous croyons l'avoir trouvé dans une institution depuis long-temps consacrée à la Police, investie de la confiance publique, et digne de cette confiance par de pénibles et continuels travaux, je veux parler de la Maréchaussée. Il ne s'agit pas de lui rendre aucune part dans les opérations judiciaires, mais de lui donner de simples fonctions de Police, dont leur zèle et leur intelligence les rendent très-capables. Vous verrez, dans le rapport qui va vous être fait incessamment pour l'établissement de la Maréchaussée, qu'au moyen d'une distribution nouvelle de cette force civile, l'on placera dans chaque District un ou deux Officiers-Commandans, plusieurs Détachemens ou Brigades. C'est à ces Officiers seuls que vos Comités vous proposent d'attribuer, concurremment avec les Juges de Paix, les fonctions de la Police. Ba |