que, sous la Restauration, l'allocation des frais d'installation des cardinaux n'avait jamais été portée à la connaissance des Chambres : on présumait qu'elle se prélevait sur les fonds secrets attribués au ministère des affaires étrangères. Aujourd'hui la commission avait reçu les informations les plus précises, les plus satisfaisantes sur la destination spéciale des fonds alloués, et applaudissant à la promotion de M. de Cheverus au cardinalat, elle concluait unanimement à l'adoption du projet de loi. 29 mars. Aucune voix ne s'éleva dans la Chambre pour combattre le projet; seulement M. Isambert s'attacha à repousser quelques attaques contre l'école philosophique et contre la révolution dont ce projet avait été l'occasion. L'honorable membre abandonnait d'ailleurs toute objection de détail, ne voyant plus dans le vote qu'on demandait à la Chambre pour un prélat si recommandable, si tolérant, si étranger aux luttes politiques, qu'un acte de peu d'importance qui ne compromettait aucun principe et n'engageait pas l'avenir. Après une courte réplique du rapporteur, qui soutint que la véritable philosophie n'était pas l'ennemie de la religion et qu'il était de l'intérêt de la France d'avoir des représentans dans le sacré collége, la Chambre en vint au vote du projet et l'adopta à une immense majorité (218 voix contre 30.) Porté le 15 avril à la Chambre des pairs, dont la commission saisit cette occasion de rendre hommage, par l'organe de M. de Tascher, à la sollicitude du gouvernement pour tout ce qui touchait aux intérêts bien entendus de la religion (21 avril), ce projet passa sans discussion, dans la séance du 25, à l'unanimité des voix moins deux. CHAPITRE V. Projet de loi sur la responsabilité des ministres et autres agens du pouvoir. - Loi de douanes. - Incident à l'occasion du discours prononcé par le président de la Chambre des députés devant le roi, le jour de sa fête. Lois de douaues. Projet de loi relatif aux fonctions de police attribuées aux sous-officiers de gendarmerie dans l'Ouest. - Loi prohibitive des loteries particulières. -Réglement définitif des comptes de 1833. - Crédit supplémentaire pour l'achèvement de plusieurs monumens de la capitale. -Crédit pour la construction d'une nouvelle salle de la Chambre des pairs. - Projet de loi sur la navigation intérieure. - Pétitions. Il y a une certaine classe de projets de loi, qui chaque année reparaissent devant les Chambres, sans que, par une étrange fatalité, il leur soit donné de s'inscrire définitivement au bulletin officiel; tels sont, par exemple, les projets de loi sur la responsabilité ministérielle, sur les attributions des municipalités, des conseils d'arrondissement et de département, sur l'organisation du conseil d'état, etc.; c'està-dire sur les matières les plus importantes, sur celles que la Charte a désignées spécialement à l'attention du gouvernement. Ainsi, ce fut inutilement que l'année dernière (voyez 1835, p. 58) la Chambre des députés s'était occupée longuement d'un projet de loi sur la responsabilité des ministres et autres agens du pouvoir, et c'est encore sans plus de résultats que la discussion de ce même projet de loi va remplir plusieurs séances de la Chambre des pairs; aussi nous contenterons-nous d'indiquer rapidement la solution donnée par cette Chambre aux principales questions que soulève le sujet. Le projet que le garde des sceaux avait soumis le 29 janvier à la pairie, en se félicitant de toucher enfin au moment où l'un des principes fondamentaux de la monarchie constitutionnelle allait recevoir l'organisation légale que la Charte de 1830 avait promise, était, sauf la suppression d'un paragraphe, tel qu'il était sorti l'année dernière des débats de la Chambre des députés. Mais la commission d'examen, dont M. Barthe présenta le rapport dans la séance du 7 avril, fit subir à ce projet plusieurs changemens importans. 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19 et 20 avril. La première difficulté que la discussion fit naître avait arrêté long-temps la Chambre des députés; c'était celle de définir en général la la responsabilité des ministres, et les actes auxquels elle s'applique, sans tomber dans l'inconvénient ou de trop restreindre les cas de responsabilité, ou de répéter simplement ce que la charte a déjà dit. Dans le projet de la commission de la Chambre des pairs, l'art. 1o de la loi était ainsi rédigé : «Les actes émanés du roi, dans l'exercice de l'autorité royale, ne sont exécutoires qu'avec le contreseing et sous la responsabilité d'un ministre. » M. le duc de Broglie objecta, sur cet article, que beaucoup d'actes emportant la responsabilité, ne pouvaient cependant pas être revêtus du contreseing d'un ministre. Les instructions verbales données à un ambassadeur n'engageaient-elles pas la responsabilité du ministre tout comme les instructions écrites et signées ? Faudrait-il que le ministre écrivit et contresignât jusqu'à des conversations? Quand le roi commandait en personne les armées, pour que ses ordres fussent exécutoires, faudrait-il qu'il eût à ses côtés un ministre tout prêt à les contresigner? D'autres cas furent encore relévés par M. le duc Decazes. Le ministère n'était-il pas responsable du discours de la couronne? En un mot, comme le dit le président du conseil lui-même, tout était cas de responsabilité pour le ministère dans un gouvernement constitutionnel: ordres écrits, ordres verbaux, ce qui se faisait sous la direction du ministère, ce qui se faisait même à son insu, crimes, fautes, simple négligence. De ces considérations, il semblait résulter qu'il eût mieux valu retrancher des définitions qui définissent toujours mal, ou parce qu'elles sont trop vagues, ou parce qu'elles sont trop restreintes? M. le comte Molé demanda en effet, la suppression du titre Ir. Toutefois la Chambre préféra renvoyer le tout à la commission. Celle-ci présenta une nouvelle rédaction portant que les ministres étaient responsables de tous les actes émanés du roi dans l'exercice de l'autorité royale; que chaque ministre était responsable des actes par lui contresignés; que tous les ministres étaient responsables des mesures du gouvernement auxquels ils avaient concouru. Cette rédaction fut adoptée, bien qu'elle eût encore été combattue comme inutile par M. le baron Silvestre de Sacy. Le principe de la responsabilité civile des ministres, qui avait aussi donné lieu, l'année dernière, à de vifs et longs débats dans l'autre Chambre, occupa ensuite la Chambre des pairs. La commission proposait la suppression de l'art. 7, qui établissait cette responsabilité, en cas de faute grave, lorsqu'une demande de crédit extraordinaire ou supplémentaire aurait été rejetée. Le maintien de cet article fut réclamé par M. le comte de Pontécoulant, par M. Tripier et par M. le duc de Broglie. Ce dernier surtout insista vivement et déclara qu'en faisant disparaître l'art. 7, la Chambre rendrait impossible toute répression de l'abus des crédits supplémentaires. M. le comte Molé, le ministre de l'intérieur et le rapporteur soutinrent la proposition de la commission, à laquelle adhérait le garde des sceaux. Suivant le rapporteur, un ministre était sans doute obligé d'user de son pouvoir avec prudence; mais comme cependant il ne lui était pas donné d'être infaillible, s'il venait à commettre une faute morale, et exempte de tout caractère criminel, cette faute ne pouvait engager que sa responsabilité politique, et ne devait point être punie par la confiscation de sa fortune, qui ne serait le plus souvent qu'une réparation illusoire du dommage causé à l'état. Quoi qu'il en soit, l'art. 7 mis aux voix, ne fut rejeté qu'après deux épreuves, à une faible majorité. Le projet primitif portait que, la dissolution de la Chambre des députés prononcée par le roi, suspendrait le procès du ministre accusé, et que l'abandon de l'accusation par cette Chambre pourrait dessaisir la cour des pairs jusqu'à la clôture des débats. La commission avait changé ces dispositions en ce qui concernait l'abandon de l'accusation par la Chambre des députés, qui n'aurait son effet, qu'autant qu'il aurait eu lieu avant l'ouverture des débats. M. le duc Decazes et M. le comte Portalis voulaient qu'il en fût de même dans le cas de la dissolution de la Chambre des députés. Le principe, en matière ordinaire, c'est que, la justice étant une fois saisie, il n'appartenait à personne, pas même au roi, d'en suspendre le cours. Qu'arriverait-il si la dissolution de la Chambre accusatrice suffisait pour arrêter le procès commencé? C'est que tantôt on voudrait arracher un ministre coupable à la justice qui le menaçait, et l'on dissoudrait la Chambre des députés; tantôt les ennemis du ministre accusé, prévoyant un acquittement, appelleraient à leur tour le secours des passions politiques, et la Chambre serait encore dissoute. N'y avait-il pas enfin un danger terrible à jeter une question judiciaire aux masses électorales toujours agitées? A ces raisons développées avec force par MM. Decazes et Portalis, le rapporteur et le garde des sceaux opposèrent que, la Chambre des députés dissoute, tous les pouvoirs tombaient avec elle; et il n'y avait plus de commissaires pour la représenter et soutenir l'accusation devant la Chambre des pairs. Dire que la dissolution de la Chambre des députés ne suspendrait pas le procès, c'était dire que pendant le procès, le roi ne pourrait pas dissoudre la Chambre. Or le droit du roi était absolu. Ces motifs déterminèrent la Chambre des pairs à conserver l'article du projet, qui décidait que tant que les débats ne seraient pas fermés, la dissolution de la Chambre des députés suspendrait le procès. L'amendement de la commission relatif à l'abandon de |