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sibilité aux puissances qui avaient signé le traité de Vienne, de lui donner des interprétations divergentes. C'était, suivant le ministre, à la politique, à la discussion, à la raison, au temps, à faire prévaloir la vérité et le bon droit.

M. Villemain s'arma de la déclaration qui venait d'être faite, que, dès 1831, au milieu des orages et des circonstances difficiles de l'époque, la France avait manifesté un intérêt généreux pour la Pologne, et en tira cette conséquence, qu'il ne fallait pas abdiquer cet intérêt, qu'il ne fallait pas le taire ni le cacher au moment où on se félicitait d'une stabilité qui en fortifierait l'expression. L'extirpation de la nationalité polonaise avait fait d'effrayans progrès depuis la première plainte. C'était donc le moment d'une plainte plus forte, d'un rappel plus expressif aux traités plus manifestement enfreints, et d'une action plus marquée sur un point qui intéressait les puissances signataires du traité de 1815.

M. le marquis de Barbé-Marbois s'opposait à toute émission de vœux stériles, à toute protestation inutile qui ne ferait naître que des espérances vaines. Telle était aussi la manière de voir de M. le vicomte Dubouchage, qui applaudissait à cet égard aux paroles pleines de prudence du président du conseil.

L'orateur s'étendait ensuite sur la nécessité de porter le budget à la Chambre des pairs assez tôt, pour qu'elle pût le discuter utilement. Il s'autorisait du discours de la couronne, où il lisait que l'état des finances était satisfaisant, pour demander la conversion du 5 p. cent. Il regrettait qu'une phrase de clémence n'eût pas été insérée dans ce discours. Il indiquait plusieurs lois qui lui semblaient urgentes, et abordait, en terminant, la question du traité de la quadruple alliance, qu'il jugeait onéreux pour la France et avantageux pour l'Angleterre seulement.

Cette question fut de nouveau agitée et envisagée du même point de vue, par M. le marquis de Dreux-Brézé,

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à propos du paragraphe de l'adresse relatif à l'Espagne. L'orateur s'attacha à démontrer que l'Angleterre soutenait, selon les nécessités de son industrie, les principes politiques les plus opposés; qu'elle armait' pour la légitimité ou l'usurpation, pour la liberté ou le pouvoir absolu, au gré de la balance de son commerce. C'était encore par des considérations purement commerciales qu'elle était entrée dans la quadruple alliance, et partout depuis 1830, elle avait fait ses affaires aux dépens des nôtres. Quant à la France, M. de Dreux-Brézé demandait ce que c'était qu'un traité qui obligeait à être révolutionnaire au-delà des Pyrénées, tandis que chez soi on combattait la révolution à outrance; ce que c'était qu'un traité qui faisait intervenir en Espagne, en faveur des principes que l'on poursuivait et que l'on condamnait en France.

« La France, ajoutait l'orateur, qui ne donnait sa sympathie qu'aux plus nobles causes, se trouve aujourd'hui associée aux manifestations sanguinaires qu'un des capitaines de l'innocente Isabelle substitue aux chances des champs de bataille; c'est à des étrangers qu'elle confie le soin de soutenir la gloire de ses armes; ce sont des hordes étrangères qui sont chargées d'imposer aux Espagnols une royauté nouvelle, ce sont des étrangers qui s'interposent entre l'Espagne et le vaillant prince qui est appelé à régner sur elle par le droit de sa naissance. »

Le traité, comme acte politique, plaçait le gouvernement français dans la situation la plus étrange; aussi inspirait-il peu de confiance au cabinet de Madrid, dont toutes les affections penchaient vers l'Angleterre. La France, par le traité et par les événemens, n'était pas seulement lésée politiquement, ses intérêts matériels se trouvaient aussi considérablement froissés.

Le président du conseil, après avoir rappelé les circonstances qui avaient donné lieu au traité de la quadruple alliance, soutint que tout dans ce traité était égal pour la France et pour l'Angleterre. Il réclamait ensuite, au nom de l'esprit général qui régnait dans les sociétés modernes, contre cette habitude de ressusciter de vieux souvenirs, de

vieux préjugés, de vieilles inimitiés nationales, et ajoutait que la même chose se passait dans le parlement britannique, où l'opposition répétait sans cesse que l'Angleterre était sacrifiée à la France, que l'Angleterre avait perdu considération, honneur, dignité, au profit de la France,

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M. le baron de Fréville vanta les avantages de la qua druple alliance, et insista sur l'utilité qui devait résulter pour la tranquillité de l'Europe, d'une union intime entre la France et la Grande-Bretagne.

Suivant M. le due de Noailles, le changement apporté à la succession à la couronne d'Espagne, si contraire aux intérêts français, et pourtant favorisé par la France, était l'altération la plus grave que pût subir sa politique. Louis XIV avait fait entrer l'Espagne dans le système français, en y établissant sa propre dynastie. Cet acte, qui avait été le but des plus habiles politiques de la France, qui avait occupé si long-temps la pensée de Richelieu et celle de Henri IV lui-même, cet acte était aujourd'hui annulé par l'établissement du trône nouveau, pour lequel le gouvernement français faisait des vœux si sincères et si ardens.

« Désormais, ajoutait l'orateur, la couronne d'Espagne peut être portée dans une maison étrangère et même dans une maison qui nous soit ennemie; tous les avantages que nous avions conquis peuvent nous être enlevés; cette couronne peut passer aux mains d'un prince qui pourrait peser déjà sur nos frontières de tout le poids d'un autre empire, et l'on pourrait voir renaître les jours de Charles-Quint. >>

Quant à ce qu'avait dit le président du conseil, que l'acte qui avait changé le droit de succession en Espagne, était antérieur au gouvernement actuel, M. de Noailles répondait que le roi Charles X avait fait par la bouche de son ambassadeur à Madrid, ce que lui imposaient l'honneur et l'intérêt de la France: il avait protesté contre cet acte.

Le ministre de l'intérieur (M, Thiers), opposa une dénégation à cette dernière assertion; l'ambassadeur de Charles X avait réclamé, mais il n'avait pas été soutenu par son gou

vernement.

« Le nouveau droit, continuait M. Thiers, fut établi en Espagne du consen sentement universel. Lorsqu'en 1833 Ferdinand VII a succombé à une longue maladie, Isabelle II a été proclamée reine d'Espagne. Nous avons fait ce que nous devions; nous avons accepté le gouvernement légal, l, et avec empressement, parce qu'il annonçait un régime d'amélioration, un régime cons itutionnel. Ainsi, nous demander pourquoi nous favorisons ce gouvernement, pourquoi nous préférons l'innocente Isabelle II au rebelle don Carlos, c'est nous demander pourquoi nous sommes ce que nous sonimes, pourquoi nous servons le gouvernement que nous servons, pourquoi pou nous persévérons dans la politique de la France de tous les temps. Oui, nous préférons Isabelle II à don Carlos par la même raison qui nous fait préférer la royauté qui règne aujourd'hui sur la France à la royauté émigrée que le pays a rejetée sur le sol étranger. Voilà le motif avouable. >>> sol étranger

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On cherchait à effrayer de l'abolition de la loi salique ; on se plaisait à montrer un Charles-Quint dans l'avenir. Le ministre avouait qu'il était peu touché de cette perspective chimérique. Aujourd'hui, avec les gouvernemens représen tatifs, Charles-Quint ne serait plus possible, et les mariages ne décidaient plus des intérêts des peuples. On accusait le ministère d'être en contradiction avec lui-même, de combattre en France la révolution et de l'appuyer en Espagne. « Nous ne voulons ni combattre ni étouffer la révolution, disait M. Thiers; l'étouffer, ce serait étouffer les principes dont nous sortons, ce serait attaquer notre mère. Nous avons voulu seulement que la révolution ne dépassât pas le but. » Voilà ce qui s'était fait en France. En Espagne, il y avait un gouvernement entouré de difficultés immenses, assailli par les partis, tourmenté par la guerre civile; il fallait faire des vœux pour ce gouvernement, et ne pas lui imputer des malheurs qu'il déplorait, et qu'il n'avait pas toujours pu prévenir.

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■ Mais, dans tous les cas, poursuivait l'orateur, ce n'est pas nous qu'il faut en accuser. Nous répudions partout les spoliations, les assassinats, nous les blâmons de toutes nos forces, car ils sont une douleur pour nous, et un argument qui remplit d'une méchante joie nos adversaires. Comment les personnes qui nous adressent si injustement ce reproche, ont elles oublié que le gouvernement qu'elles louent si souvent, si elles ne le regrettent pas, a laissé commettre sous ses yeux, devant 80,000 hommes l'arme au bras, d'horribles supplices, contrairement à la promesse d'amnistie. Avant de parler comme elles le font, elles devraient se souvenir de l'infortuné Riégo. »

M. de Dreux-Brézé reprit la parole pour prouver, en citant les chiffres du tableau général du commerce, combien les intérêts matériels du pays avaient éprouvé de dommages du côté de l'Espagne. Le président du Conseil, dans une courte réponse qui mit fin à ce débat, ne contesta pas l'existence du dommage; mais, à la difíérence du préopinant, qui l'imputait au traité de la quadruple alliance, il l'attribua à la rébellion suscitée par don Carlos.

Le paragraphe relatif au différend survenu entre la France et les Etats-Unis inspira à M. Dubouchage quelques observations que la Chambre n'entendit pas sans impatience, et qui déversaient le blame sur le ministère pour sa conduite vis-àvis des Chambres et vis-à-vis de l'Amérique dans toute cette affaire. L'orateur trouvait ensuite que le ministère s'était trop hâté d'accepter la médiation de l'Angleterre, et qu'il aurait dû attendre que le gouvernement à qui l'on demandait justice pour l'honneur national, se fût expliqué.

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La parole était au rapporteur, M. Barthe, pour répondre à ces observations; mais il y renonça, la Chambre lui paraissant suffisamment éclairée. Soumise à l'épreuve du scrutin secret, après avoir été votée paragraphe par paragraphe sans aucun changement, l'adresse fut votée à une immense majorité (99 voix contre 8).

Le projet d'adresse, dont lecture fut donnée à la Chambre des députés dans la séance du 8 janvier, trahissait par sa rédaction, que l'on attribuait à M. Sauzet, la nature des discussions dont il avait été l'objet au sein de la commission, et portait le cachet, toujours un peu effacé, d'une œuvre de transaction. Des dix membres qui composaient la commission en comptant le président de la Chambre, cinq seulement étaient du parti ministériel pur, et les cinq autres, sans appartenir à la même nuance d'opinion, avaient dů plus d'une fois se trouver d'accord pour contrebalancer l'opinion des premiers. Dans ce partage, dans cette égalité de forces, il avait fallu se faire des concessions réciproques. De là, dans le projet d'adresse, une couleur générale, ti

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