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institutions scientifiques et littéraires de la France, signalait les améliorations à effectuer, les abus à corriger. L'un de ces abus, dont le rapporteur s'occupait particulièrement, consistait dans la manière dont étaient employés les fonds alloués au ministre pour souscriptions et surtout dans le mode de distribution adopté pour les ouvrages ainsi acquis. Deux articles additionnels étaient proposés par la commission, dans le but d'empêcher désormais que ces fonds ne fussent affectés à des ouvrages qui n'auraient aucun droit à cette faveur, et de réserver pour les établissemens publics ceux qui seraient achetés ou imprimés par ordre du gouver

nement.

30 et 3 ımai. Après M. Gardès, qui attaqua vivement la rétribution universitaire et réclama la liberté de l'enseignement, M. de Tracy vint, suivant 'sa coutume, critiquer les méthodes suivies par l'Université dans l'éducation de la jeunesse. On sait que M. de Tracy voudrait substituer comme base de l'instruction publique l'étude des sciences à l'étude deslangues anciennes. M. Saint-Marc-Girardin, qui avait déjà répondu l'année dernière à l'orateur avec autant d'esprit que de justesse, n'obtint pas cette année moins de succès, en prenant en main la cause des lettres.

La discussion fut du reste rapide et peu remarquable jusqu'au moment où l'ancien ministre de l'instruction publique, M. Guizot, dont les deux articles additionnels proposés par la commission attaquaient l'administration, se présenta pour les combattre. Il s'attacha à démontrer en citant les chiffres, que l'abus dont on avait parlé, pour ce quiconcernait les souscriptions littéraires et la répartition des ouvrages auxquels on avait souscrit, n'avait eu à beaucoup près, ni l'étendue ni l'importance qu'on avait cru y voir. Le rapporteur répondit que la Chambre pouvait, en consultant les documens qu'elle avait à sa disposition, s'assurer que les reproches de la commission étaient fondés. Néanmoins les conclusions de la commission ne furent pas admises: le premier article additionnel fut rejeté après deux épreuves, à une faible majorité, et le second, sans qu'il eût été nécessaire d'en venir à un scrutin.

Affaires étrangères.

Le projet de budget de ce département était pour l'année 1837 absolument le même que celui qui avait été adopté dans la session dernière, et la commission, ayant jugé, après un examen scrupuleux, que la situation générale des relations extérieures du pays réclamait les mêmes soins, la même vigilance, le même concours d'efforts, n'avait proposé, par l'organe de M. Etienne (9 mai), qu'une réduction de 6000 fr. sur le chapitre des indemnités et secours. Une seule question grave, qui intéressait la politique générale, la question de l'emprunt grec, avait encore appelé sérieusement l'attention de la commission. Elle recommandait au ministère de continuer à user de prudence dans cette affaire, et de veiller à ce que les obligations souscrites par la France, pour aider un royaume naissant à prendre place au rang des états curopéens, ne retombassent pas par les vices de son administration, et par l'emploi mal réglé de ses ressources, à la charge des contribuables français.

31 mai, 1, 2 et 3 juin. La discussion différa du rapport de la commission en ce sens qu'autant celui-ci avait été sobre d'excursions sur le terrain de la politique étrangère, autant celle-là mit d'ardeur à s'emparer de toutes les questions que le titre de ce budget pouvait soulever.

M. le duc de Fitz-James captiva pendant deux heures l'attention de la Chambre, en attaquant énergiquement l'alliance de la France avec l'Angleterre; alliance où, suivant l'honorable membre, les intérêts de la France étaient évidemment froissés et foulés aux pieds au profit de l'Angleterre; alliance toute de déception, deruse et d'astuce, d'une part, de dommage et de mystification pour la France. Il montrait l'Angleterre toujours dominée par un sentiment de haine et de jalousie contre la France, travaillant par l'abolition de la traite et l'émancipation des noirs, à amener la ruine des colonies, et prête à tout pour hâter celle des manufactures françaises. De ces considérations commerciales passant à d'autres d'un ordre plus élevé, il soutenait que, dans la Péninsule, la France avait encore été sacrifiée à l'Angleterre, qui, voyant que le but de don Miguel était que le Portugal cessât d'être une province anglaise, s'était mise à souffler sur ce pays tous les feux de la guerre civile. En Espagne, l'Angleterre voulait relever les Pyrénées aplanies par Louis XIV, dominer les conseils de ce pays, anéantir l'influence que la France exerçait sur eux depuis un siècle pour y substituer la sienne, encombrer les marchés espagnols de ses produits, et en chasser ceux de la France. Aujourd'hui c'était la Russie qui lui faisait ombrage, et l'Angleterre voudrait précipiter l'Europe sur cette puissance, pour la détourner du chemin de l'Asie. Enfin l'orateur rappelait la conduite de l'Angleterre à l'égard de la Hollande, de la Belgique, du Danemarck, dans l'Inde, à Gènes, à Parga, et laissait au gouvernement à voir si la France devait ajouter une nouvelle page à cette longue série d'iniquités politi

ques.

Après avoir dit que la grande pensée du gouvernement avait été de maintenir la révolution de juillet par la paix, de consolider la grandeur de la France par la paix, d'amener son développement lent et paisible, toujours par la paix, et que dans cette pensée, la première alliance à obtenir était celle de l'Angleterre, le président du conseil citait aussi des faits historiques pour prouver qu'il n'y avait rien de moins inflexible que les haines de peuple à peuple, et que les nations changeaient suivant leur intérêt d'alliances et d'inimitiés. L'Angleterre avait-elle aujourd'hui les mêmes intérêts que la France? voilà ce que le ministre recherchait en examinant les trois grandes questions qui s'étajent élevées

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depuis six ans, en Belgique, en Espagne, en Orient, et il arrivait à établir qu'en Belgique, dans un immense intérêt territorial; en Espagne, dans l'intérêt de ses principes, en Orient, dans l'intérêt de la paix du monde, la France avait trouvé l'Angleterre marchant franchement et loyalement avec elle.

De l'alliance anglaise, la Chambre passa à l'occupation de Cracovie, que M. de Sade dénonça comme une violation flagrande des traités de 1815, exécutée par les mêmes puissances qui les avaient imposés à la France. Ensuite M. de Briqueville demanda des explications sur le voyage du duc d'Orléans et du duc de Nemours en Allemagne. Il était important, suivant lui, de savoir si l'intimité de rapports qu'annonçait la réception faite et préparée aux deux jeunes princes par les gouvernemens absolu, savait changé la nature des liens formés entre la France et les gouvernemens constitutionnels. L'émis sion de la troisième série de l'emprunt grec était, pour M. de Lamartine, un autre sujet d'interpellations adressées au ministère; non que l'orateur contestât à la Grèce les secours que la France lui avait généralement votés, mais cet or, ces millions qu'il aurait voulu prodiguer aux Grecs, il les refusait à leurs opresseurs, à ceux qui n'avaient su organiser chez eux jusqu'ici que l'intrigue et l'anarchie. M. de Mornay, revenant sur l'occupation de Cracovie, exprimait l'opinion qu'il serait utile d'y avoir un agent soit consulaire, soit diplomatique, qui pourrait à la fois surveiller les inté rêts des Français établis dans cette ville, et en même temps éclairer le gouvernement sur la politique des puissances étrangeres. C'était l'union des douanes allemandes que M. Mauguin signalait à l'attention de la Chambre, en rap pelant que la France avait toujours recherché l'alliance des petits états allemands. L'orateur demandait aussi quels étaient les moyens que s'était assurés le cabinet français pour contrebalancer la puissance anglaise en Espagne. Enfin, M. Piscatory s'éleva de nouveau, après M. de Lamartine, contre la manière dont la Grèce avait été gouvernée depuis l'avénement du roi Othon, et déclara qu'à son avis le consentement de la France à l'émission de la troisième série de l'emprunt ne pouvait être accordé qu'à trois conditions, savoir : le renvoi des soldats et des ministres bavarois, la promulgation d'une constitution, un compte exact des deux premiers tiers de l'emprunt.

Obligé d'être extrêmement réservé dans les explications qu'il venait donner sur ces divers points, et de se borner uniquement à l'exposé des faits, le président du conseil raconta comment des désordres survenus à Cracovie, avaient déterminé la Prusse, l'Autriche et la Russie à occuper le territoire de cette petite république. A en juger par le traité de Vienne, la question de droit quant à cette occupation était fort compliquée. La France n'avait ni traité ni abandonné cette question; mais elle avait déploré la gravité de l'acte; car l'acte évidemment devait causer une grande appréhension à tous les petits états placés à côté des grandes puissances. Elle avait réclamé dans l'intérêt de l'humanité, en faveur des Polonais réfugiés à Cracovie; elle avait demandé positivement l'évacuation de cet état, et fait toutes ses réserves pour l'avenir. Aujourd'hui cette évacuation était à peu près effectuée. (Voyez l'histoire étrangère.)

En Grèce, le ministre reconnaissait que le nouveau gouvernement avait commis des erreurs. La principale, pour les réduire à une seule, avait été de rester trop allemand et de n'être pas devenu assez grec. Le gouvernement français s'en était aperçu et s'en était plaint; et pour lui, la manière la plus efficace de se plaindre, c'était de refuser la troisième série de l'emprunt. Cependant le gouvernement grec s'était réduit à la plus extrême pénurie, et tout à coup une insurrection grave avait éclaté dans l'Acarnanie. Alors une conférence avait eu lieu entre les trois puissances, et le gouvernement français avait autorisé son plénipotentiaire

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