Les projets relatifs aux emprunts furent adoptés par les deux Chambres, avec quelques amendemens dont le plus important consistait dans la suppression de la disposition portant que le paiement des intérêts de la dette, y compris la part de la Belgique, aurait lieu, aussi long-temps que cela serait nécessaire, sur les revenus des Indes-Orientales. Le budget décennal avait été présenté pour se conformer à cette disposition de la loi fondamentale qui divise le budget en deux parties, dont l'une fixant les dépenses ordinaires, est votée pour une période de dix années, tandis que l'autre, comprenant les dépenses imprévues et variables, subit une discussion annuelle. Depuis 1830, on n'avait tenu aucun compte de cette disposition, à cause des circonstances incertaines où se trouvait le pays, et qui ne permettaient guère de déterminer d'avance les sommes nécessaires au service de l'Etat pendant un aussi long terme. Le budget ordinaire avait donc été soumis au vote annuel des Chambres; mais le gouvernement avait jugé le moment venu de rentrer à cet égard dans la constitution. Cette proposition d'un nouveau budget décennal, peu propre à rassurer les esprits mécontens du statu quo, devait consacrer pour un long temps toutes les dépenses extraordinaires nécessitées par l'entretien d'une forte armée et par la position exceptionnelle qui imposait à la Hollande de si lourds sacrifices. C'était comme une révélation éclatante des intentions du gouvernement, de persévérer à tout prix dans sa politique expectante. Aussi l'opinion publique accueillit-elle cette mesure avec défaveur, et la seconde Chambre, faisant violence à ses habitudes de dévouement, refusa de la sanctionner. Le ministère essaya de transiger, en réduisant la durée dubudget à trois ans ; mais tout fut inutile: le budget triennal, bien que l'on regardât ce système comme préférable, fut déclaré inacceptable quant au fond, et rejeté à une immense majorité (48 voix contre 4). Ann. hist. pour 1836. 19 Le regret que ce vote inspirait au gouvernement ne fut pas dissimulé dans le discours par lequel le ministre de l'intérieur fit le 26 avril la clôture de la session des états-généraux, et qu'il termina en déclarant que d'ailleurs l'ensemble de leurs travaux offrait des résultats satisfaisans, que la situation du pays était tranquillisante et que l'on pouvait attendre l'avenir avec confiance. Cependant un schisme religieux se développait à cette époque en Hollande, qui peut-être aurait eu moins de retentissement, sans les rigueurs dont le gouvernement s'armait contrelui. Une nouvelle église était née dans le sein du protestantisme. Elle proclamait que l'évangile doit être la base de toute société, cherchait à établir une espèce de théocratie démocratique, et adoptait la profession de foi du synode de Dordrecht tenu en 1618 et 1619. Les vrais réformés (c'est ainsi que s'appelaient les dissidens) invoquèrent en vain la liberté complète des opinions religieuses, que garantit à tous la loi fondamentale; d'abord ils furent frappés de censure par le synode général qui s'assemble annuellement à la Haye, puis chassés des temples, dont la possession exclusive était réservée au culte officiel. Les nouveaux puritains trouvèrent à peine un refuge où il leur fût permis de pratiquer en paix leur culte; ils se réunirent dans des maisons particulières, dans des granges et quelquefois en plein air. Alors le gouvernement en appela à l'art. 291 du code pénal français encore en vigueur en Hollande, et les sectaires furent poursuivis du chef d'association illégale de plus de vingt personnes. En même temps un rescrit du cabinet était publié où le roi exprimait la profonde douleur que lui causait ce schisme, engageait fortement les dissidens à rentrer dans le giron de l'église, et repoussait toutes les pétitions qu'ils lui avaient adressées; déclarant ne pouvoir accorder aucune autorisation d'exercer leur culte, à moins qu'ils ne consentissent à soumettre leurs réglemens à son approbation. D'un autre côté, une circulaire du ministère de la guerre Enjoignait aux divers corps de l'armée de préter partout un prompt secours aux autorités locales pour l'exécution des mesures arrêtées contre les vrais réformés. Enfin, en quelques endroits, ils eurent à essuyer les outrages et les violences d'une populace ameutée. Ils n'avaient plus d'espoir que dans la justice, mais presque tous les tribunaux les condamnèrent. Un dernier coup leur fut porté par un arrêté royal du 5 juillet, qui déclarait que la prétendue église réformée, établie sans autorité, n'avait aucune existence légale, qu'elle était dissoute, et toute assemblée tenue sous son invocation, défendue; que le nom d'église réformée appartenait exclusivement à celle que l'état reconnaissait, et que, pour former une nouvelle communauté religieuse, il fallait en demander l'autorisation au gouvernement et lui en soumettre l'organisation. Malgré ce schisme, qui ne paraît pas avoir eu jusqu'ici d'autres suites plus graves, le roi, dans le discours qu'il prononça le 17 octobre, à l'ouverture de la session ordinaire des états-généraux (voyez l'Appendice), traça de la situation intérieure du pays, un tableau généralement favorable. Quant à ses rapports avec les puissances étrangères, le roi annonçait qu'ils continuaient sur le même pied d'amitié. Lesoin constant qu'il avait mis à traiter d'après les principes du droit, de l'équité et de la bonne intelligence, toutes les questions de politique extérieure, avait produit les fruits désirés. Toutefois, ajoutait-il, il n'est pas encore en mon pouvoir d'aider à la solution définitive de toutes les difficultés de la question belge. Il est difficile de dire jusqu'à quel point la situation de quelques parties de l'Europe peut avoir contribué à empêcher qu'on ne s'occupe plus activement de la conclusion de ces affaires. Les communications qui vous seront faites de ma part, seront de nature à vous convaincre que j'ai donné à cette question toute Pattention qu'exigent son importance et son étroite liaison avec le bien-être de la Néerlande. >>> Au reste, les revenus annuels couvraient pleinement les dépenses, et le roi pouvait assurer, malgré l'état d'incer 1 1 titude où le pays se trouvait, par suite de la révolte des Belges, que les charges de ses sujets bien aimés diminueraient graduellement. Adoptée à l'unanimité, l'adresse des états-généraux, en réponse à ce discours, portait qu'ils auraient appris volontiers qu'une affaire d'un aussi grand poids et d'un si haut intérêt pour la prospérité de la Néerlande, que l'arrangement de ses différends avec la Belgique, avait été terminée d'une manière honorable pour la patrie, et qu'ils recevraient avec plaisir les communications qui, d'après les assurances de S. M., les convaincraient qu'elle ne cessait de s'occuper de cette importante question. On voit que les états-généraux ne parlaient pas dans les mêmes termes que le roi, de la révolution belge; la différence entre leur langage sur ce point, et celui du gouvernement, était encore plus sensible dans ce passage du discours dont le ministre des finances avait accompagné, le 20 octobre, la présentation à la seconde Chambre du budget pour 1837. « Combien n'aurais-je pas désiré de pouvoir, à cette occasion, fixer l'attention de VV. NN. PP. sur la conclusion de nos affaires politiques, et d'être à même de jeter avec votre assemblée un regard sur cette nouvelle ère, qui fera succéder le droit à la violence, la certitude à tous les doutes, et à laquelle on pourra considérer tous les intérêts de l'état sous un point de vue plus certain et plus durable. >> Mais, quelque vif désir qu'aient eu le gouvernement, VV. NN. PP. et toute la nation, de voir poindre l'aurore de cette ère, nous devons encore déplorer que notre situation à l'extérieur, depuis l'année passée, soit restée constamment la même, et que (quoique, grâce à la divine Providence, nous soyons restés étrangers aux perturbations qui ont affligé plusieurs autres peuples) nous n'ayons pu encore atteindre le but de tant de peines et de tant de soins, qui sont les suites de l'insurrection si injuste des Belges, d'une insurrection aussi perfide et aussi honteuse dans son origine que funeste dans ses conséquences. >>> Le ministre passait ensuite à l'état intérieur de la Hollande, qu'il présentait sous les couleurs les plus favorables, et terminait en soumettant à la Chambre les budgets des dépenses et des voies et moyens. L Le premier proposait de fixer les dépenses de l'état en 1837, à 44,617,013 fl., plus 500,000 fl. pour dépenses imprévues. Cette somme offrait une réduction de 4,971,673 fl. sur celle du budget précédent, réduction qui avait pour cause celle de l'intérêt de la dette nationale, par suite de la création d'une autre dette à la charge des Indes orientales, montant à 5,600,000 fl. Tous les chapitres du budget avaient d'ailleurs été augmentés, à l'exception de celui des finances, qui était réduit de 5,537,314 fl. Le second projet de budget, relatif aux voies et moyens, proposait une assez forte réduction des centimes additionnels sur la contribution foncière, sur le personnel, sur les patentes. La discussion de ces deux budgets par la seconde Chambre, dans la séance du 15 décembre, fut encore pour l'opposition l'occasion de renouveler les plaintes qu'elle avait fait entendre si souvent sur la prolongation du statu quo et sur le poids des charges qu'il imposait au pays. M. Vandam Isselt, entre autres, attaqua le chapitre de la guerre, dont les dépenses se rapportaient à un état d'armement qui semblait moins nécessaire, « maintenant, disait-il, qu'il ne nous est plus permis de conquérir à la pointe de l'épée un arrangement final tant désiré ». M. Van Rappard insista à son tour sur l'urgente nécessité de terminer le différend de la Hollande et de la Belgique. Il déclara que s'il pouvait supposer que le gouvernement n'empioyât pas tous les moyens possibles pour atteindre ce but, il se prononcerait contre toute proposition qui pourrait tendre à prolonger le statu quo; mais les communications que l'assemblée avait reçues à huis clos avaient donné à l'honorable membre la conviction intime qu'il était hors de la portée du gouvernement néerlandais d'aller au-delà de ce qui avait été fait. Adoptés par la seconde Chambre, celui-ci à la majorité de 45 voix contre 7, celui-là à la majorité de 38 voix |