cessé de parler, M. Augustin Giraud parut à la tribunes L'honorable membre avait été flatté un moment en enten tre ne une dant le ministre entretenir la Chambre d'une mesure dont il était question depuis plusieurs années, et attendue, il osait le dire, dans les départemens avec une juste impatience. Mais son étonnement avait été grand en voyant que le minise concluait à rien et qu'il rejetait pour ainsi dire à époque indéterminée ce qu'il considérait comme équitable et opportun. M. Giraud désirait done savoir ce qui pouvait tenir la volonté du ministre des finances enchaînée, et c'est pour arriver à ce but qu'il demandait à la Chambre de lui permettre d'adresser des interpellations directes au ministre à ce sujet, et d'en fixer le jour au lundi suivant (18 janvier). Consultée sur ces deux points, la Chambre prit une décision conforme à la double demande de M. Giraud. Cet incident n'avait jeté aucun trouble, aucune émotion extraordinaire dans la Chambre, qui avait écouté avec calme l'exposé du ministre des finances, et semblait toute préparée à donner son assentiment à la mesure; mais les choses se passèrent tout autrement dans le sein du conseil. De vifs débats s'élevèrent entre M. Humann et ses collègues, qu'il n'avait pas mis dans la confidence de son exposé des motifs du budget, et le décidèrent à donner sa démission. Une or donnance royale du 18 janvier le remplaça dans le ministère des finances par M. le comte d'Argout, que l'on avait déjà vù successivement ministre de la marine, ministre du com merce et des travaux publics, et ministre de l'intérieur. 18 janvier. C'était ce jour même que les interpellations annoncées par M. Giraud allaient avoir lieu; l'attention publique était fortement excitée; une foule nombreuse s'empressa de remplir les tribunes, et les bancs de la Chambre furent plus garnis qu'ils ne l'avaient encore été depuis le commencement de la session. L'ordonnance qui nommait le successeur de M. Humann n'avait été rendue qu'au dernier moment, et ce fut, non par la publication de cette ordon OC nance, mais par une lettre du président du Conseil que la Chambre apprit la mutation qui venait de s'opérer dans le Cabinet. Dès lors les explications attendues devaient changer d'objet et porter avant tout sur les causes de cette mutation. 1 M. Humann prit la parole comme député, et se borna à exposer les faits. Il rappela que toujours il avait défendu le principe du remboursement de la rente, et que lorsqu'il était arrivé au ministère, il avait le projet bien arrêté de fermer le grand livre, d'amener, par des moyens légitimes, la réduction de l'intérêt de la dette, et de rétablir, à l'aide de l'économie qui en résulterait, l'équilibre entre les dé penses et les revenus de l'État. Il avait en conséquence prém paré un projet de loi de conversion. Il avait lieu de croire que ce travail ne rencontrerait d'autre objection parmi ses collègues que dans la nécessité de pressentir l'opinion et sur tout les dispositions des deux Chambres. Quant à la mesure en elle-même, on la reconnaissait légitime, avantageuse, dé sirable: tel était l'état de la question à l'ouverture de la session actuelle. , • En rédigeant, ajoutait M. Humann, l'exposé des motifs du budget de 1837 j'étais sous deux impressions: l'une que le moment était venu de préparer les esprits à l'abaissement de l'intérêt que je croyais résolu dans l'esprit de mes collègues avec l'ajournement d'une année; l'autre, qu'il fallait donner aux spéculateurs un avertissement assez énergique pour les empêcher de compromettre l'opération par les progrès exagérés de la hausse. Mes paroles ont-elles dépassé le but? Non, messieurs; j'ai été plus explicite dans la séance du 3 juin 1835. Je viens, messieurs, de vous exposer les faits dans toute leur térité, il me serait douloureux qu'on put y voir aucune trace d'un manque d'égards. Rien de semblable n'a eu tieu. Je me suis efforcé sans doute à vous rallier à mes convictions, à faire prévaloir ce que je crois être le bien; mais n'est ce pas la la haute mission, le devoir de l'homme d'état? Depuis la séance de jeudi dernier la question a changé de caractère; comme ministre, je n'aurais pu vous donner des explications satisfaisantes pour vous ni pour moi, j'ai donc pris le parti qu'en de telles circonstances doit prendre un homme de cœur. (Très-bien! très-bien!) » Après avoir exprimé tous les regrets que laissait à ses collègues la retraite de M. Humann, le président du conseil, exposant à son tour les faits dans l'intérêt de sa propre situation, affirma que la question de la réduction de la rente A : n'avait jamais été posée dans le conseil, que jamais le préopinant n'avait provoqué une délibération sur ce point, et, qu'en réalité, le ministère avait abordé la session avec la certitude que rien de semblable ne serait proposé. Le budget a été arrêté en conseil, poursuivait le ministre, et jamais les bénéfices résultant de la réduction des rentes n'ont été portés en ligne de compte, comme devant faire face aux ressources de l'année. Le budget une fois arrêté, la rédaction de l'exposé des motifs a été confiée, comme elle l'est toujours, au ministre des finances; il n'a reçu du cabinet aucune mission de traiter la question de la réduction des rentes, et personne d'entre nous ne lui a demandé communication de l'exposé des motifs, parce que cela est sans exemple, parce qu'on s'en remet toujours au ministre chargé de proposer la loi, du soin d'exposer la pensée commune. ! » Tel était l'état des choses, et c'est donc avec une extrême surprise que nous avons entendu comme vous, messieurs, et n'y étant pas plus préparés que vous, la partie de l'exposé des motifs qui concernait la réduction des rentes. 1 » C'était l'opinion personnelle de l'honorable préopinant, et lorsqu'il l'avait émise en son nom personnel à cette tribune, nous n'avions fait aucune objection; mais le malheur était que, placée dans l'exposé des motifs, elle avait l'air d'être l'opicion du gouvernement lui-même, et qu'alors on était en droit de demander pourquoi le gouvernement, trouvant la mésure non seulement juste et bonne, mais encore opportune, ne proposait rien pour la réaliser; c'est ce qui est arrivé, on l'a demandé. Cet événement pla plaçait le cabinet dans une position où il ne pouvait pas rester; il avait l'air, je le dis à regret, de demander à la chambre de vouloir bien prendre sur elle la mesure que le gouvernement n'osait lui proposer; le cabinet avait l'air de demander à la Chambre quelque démonstration qui lui donnât le courage de remplir son devoir. » Des explications devenaient nécessaires; M. Humann avait donné à ses collègues celles-là même que la Chambre venait d'entendre, et qu'il avait préféré répéter à la tribune comme simple député, après avoir mis son désintéressement à l'abri de toute atteinte en quittant le ministère. : Quant au fond même de la question, le ministre déclara que, dans l'opinion unanime du conseil, une proposition royale ne devait pas être faite cette année à l'effet de l'intro-t duire devant la Chambre, et que pour une époque ultérieure on ne pouvait prendre aucun engagement. Si la proposition naissait dans la Chambre, l'opinion unanime du conseil était encore qu'il fallait la repousser. Trouvant que, malgré la retraite de M. Humann, la question n'était pas changée, et n'ayant vu dans la discus sion qui venait de se passer qu'un échange de politesses et de complimens, M. Augustin Giraud insista pour obtenir des explications plus catégoriques. Le président du conseil répliqua aussitôt qu'il croyait s'être exprimé en termes très-clairs et très-catégoriques. « Je vais répéter, disait-il, et nous verrons si les termes sont clairs ou s'ils ne le sont pas. » Puis il continuait ainsi: On nous demande s'il est dans l'intention du gouvernement de proposer la mesure; je réponds: Non! est-ce clair? (Bruits divers.) On dit que mes réponses ne sont pas claires; eh bien! je dis que l'intention du Gouvernement n'est point de proposer la mesure dans cette session. On me demande à quelle époque? Je réponds qu'aucun gouvernement sage, aucun gouvernement sensé, ne peut prendre un engagement quelconque sur une époque quelconque. C'est une question d'opportunité qui dépend des circonstances. » Si une proposition naissait dans le sein de la Chambre, si elle subissait les épreuves ordinaires, et si elle en triomphait, le ministère répondrait sur le fond de la question quand elle serait engagée; quant à présent, elle ne l'était pas. Toutes les paroles du ministre avaient fait sensation, et il était facile de prévoir que la condition qu'il exigeait pour répondre sur le fond de la question serait bientôt remplie. Une proposition, tendant à la conversion et au remboursement de la rente fut, en effet, déposée quelques jours après entre les mains du président de la Chambre. Sur ces entrefaites, la Chambre, réunie dans ses bureaux, avait eu à nommer la commission du budget, et la question à l'ordre du jour avait été vivement discutée à cette occasion. En résultat, la commission du budget présenta une forte majorité en faveur de la réduction: on y comptait vingt-trois membres pour la mesure et treize seulement contre. Depuis long-temps un aussi grand nombre de députés étrangers au parti ministériel n'avait pas été admis dans la commission du budget. Elle choisit pour président M. Passy et pour secrétaire M. Gouin. Ce fut M. Gouin qui déposa la proposition relative à la réduction de la rente. Elle fut, comme de coutume, renvoyée 1 : 12 1.1 daus les bureaux, qui en autorisèr ent à l'unanimité la lecture en séance publique. Cette lecture eut lieu le 1 février. Le projet de M. Gouin ordonnait la conversion des rentes cinq pour cent en rentes quatre pour cent et trois pour cent, en accordant des annuités dont le chiffre était plus ou moins fort, suivant l'option des rentiers pour le trois ou pour le quatre, et portait que les rentes non converties dans le délai de trois mois, seraient divisées en séries et remboursées au pair. Les développements de cette proposition furent renvoyés à la séance du 4 février. 4,5 février. La discussion qui allait s'ouvrir et qui devait être le principal épisode de la session, mettait en jeu l'existence du cabinet; elle promettait d'éclairer du concours de tous les talents et de toutes les expériences une des plus importantes questions sous le rapport de l'intérêt matériel; elle ne pouvait d'ailleurs manquer d'amener de curieux détails sur la dette publique; aussi s'engagea-t-elle en présence d'une Chambre nombreuse et d'une grande affluence de spec tateurs. M. Gouin commença par expliquer comment les dernières circonstances l'avaient déterminé à saisir la Chambre de la question du remboursement et de la conversion de la rente. C'était pour forcer le gouvernement à rompre le silence, pour provoquer un débat public, pour obtenir enfin une solution, à laquelle les contribuables et les rentiers euxmêmes étaient intéressés, que l'honorable membre avait fait sa proposition. Entrant en matière, il présentait le remboursement de la rente cinq pour cent comme une mesure légale, juste, utile et opportune. Il soutenait qu'entre l'É tat et le prêteur, tous les avantages, intérêt élevé, accroissement de capital, étaient du côté du dernier. On lui avait fait, en outre, des concessions importantes; la loi avait déclaré son titre insaisissable, exempté sa propriété de tout espèce d'impôt. N'était-ce pas assez, et fallait-il encore que l'Etat renonçat à une libération qui, seule, pouvait mettre |