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Cortès seraient gratuites et volontaires; tout député à qui le gouvernement aurait conféré un emploi salarié par l'état, serait soumis à la réélection.

La commission chargée par le ministre de rédiger ce projet de loi, n'avait pu s'entendre sur le mode de l'élection. Trois commissaires s'étaient prononcés pour l'élection directe; les deux autres commissaires voulaient l'élection indirecte à trois degrés. La commission à l'examen de laquelle le projet fut renvoyé par la Chambre, admit un système mixte qui renfermait un mélange de l'élection directe, de l'élection indirecte et de l'élection par concession; il composait la masse électorale des 160 plus fort contribuables par district, d'électeurs délégués et des capacités. L'opposition avait aussi son système que nous verrons se produire dans le cours de la discussion.

Elle commença, le 8 janvier. Dès l'ouverture de cette séance, le ministre de l'intérieur se leva pour déclarer à la Chambre que le gouvernement ne faisait pas de la loi élec. torale une question de cabinet: il croyait, quant à présent, devoir soutenir son système; mais il se réservait de se rallier à tout amendement qui lui semblerait préférable.

Parmi ceux qui combattirent le projet ministériel et le travail de la commission, se distinguèrent MM. Martinez de la Rosa, de Toréno et les principaux orateurs de leur opinion. Leur plan consistait à poser un cens fixe au lieu de prendre les plus imposés; à exclure les capacités; à faire nommer un député par chaque district électoral, tandis que le projet faisait nommer les députés par province; à exiger comme condition de l'éligibilité l'âge de trente ans, un revenu de 12,000 réaux et l'indigénat local ou la résidence, au lieu de vingt-cinq ans, 6000 réaux de revenu et l'indigénat espagnol que proposait le gouvernement.

L'opposition obtint un premier triomphe, dans la séance du 14, en faisant rejeter à la majorité de 97 voix contre 42, malgréles argumens et les efforts multipliés de MM. Galiano et Arguellès, appuyés par MM. Lopez et de Las Navas, l'article du projet de la commission qui établissait l'élection indirecte ou à deux degrés, concurremment avec l'élection directe. A ussitôtque le résultat du vote fut connu, M. Arguellès se leva et déclara avec vivacité que, la Chambre ayant rejeté l'article le plus essentiel de ceux dont se composait le projet de la commission, celle-ci renonçait à défendre son travail. Une foule de membres du parti de l'ancien ministère demandèrent la parole contre cette brusque résolution de la commission. Déjà des interpellations bruyantes étaient échangées, et la discussion prenait un caractère d'aigreur et de personnalité qui pouvait dégénérer en un désordre plus grave, lorsque M. Isturitz, usant de sa prérogative de président, jugea à propos de lever la séance.

Le ministère, qui jusqu'alors avait gardé une stricte neutralité, adopta ouvertement le projet de la commission, qu'il décida à continuer de le soutenir; et dans la séance du 15, le débat s'engagea sur la question du cens électoral. Cette fois, ce fut sans succès que l'opposition chercha à faire prévaloir le cens fixe; la Chambre adopta l'article de la commission qui conférait le droit électoral aux 160 plus fort imposés de chaque district. Mais dans la séance du 18, l'admission des capacités fut combattue avec force par MM. Belda et Perpina, et, malgré tous les efforts du ministère, l'article 6, qui la consacrait, fut rejeté à une majorité de 16 voix (79 contre 63). L'opposition demandait, comme condition sine quá non de cette admission, le paiement d'un cens quelconque. Ce moyen terme fut formulé dans un amendement qui astreignait au cens de 100 réaux les capacités des villes de 10,000 âmes et au dessous, et au cens de 200 réaux, dans les villes au dessus de cette population. Enfin, dans la séance du 24, la majorité, toujours dirigée par MM. de Toreno et Martinez de la Rosa, substitua l'élection par districts à l'élection par provinces.

Des nombreux échecs que le ministère avait essuyés dans

la discussion de la loi électorale, celui-ci était le plus signalé, car le président du conseil avait déclaré qu'il serait impossible au gouvernement de satisfaire les vœux de la nation et de convoquer promptement les prochaines cortès, si le mode d'élection par province n'était pas adopté. En effet, pour agir suivant le système contraire, il faudrait diviser chaque province en districts, et désigner les chefs-lieux; opération difficile et longue, en l'absence de données statistiques suffisances, et dont le résultat serait d'ajourner pour plusieurs mois la convocation des prochaines cortès, et de mettre l'ordre public en danger par suite des rivalités des populations qui solliciteraient, chacune pour elle, le chef-lieu du district. La majorité ne s'étant pas rendue à ces argumens, le ministère jugea qu'il devait se retirer ou que la Chambre devait être dissoute.

M. Mendizabal offrit sa démission : non seulement elle ne fut pas acceptée par la reine, mais encore, à peine cette résolution du président du conseil fut-elle connue, que la municipalité et le commerce de Madrid se hatèrent de signer des adresses pour réclamer le maintien du ministère. Appuyé de ces marques de sympathie et du vote de confiance, M. Mendizabal n'hésita plus entre les deux partis qu'il avait à prendre; le 27 janvier, le décret de dissolution, qui avait été signé la veille, fut communiqué aux deux Chambres. C'est au milieu des cris de vive la Reine! vive Mendizabal! prononcés avec beaucoup d'énergie, tant au dedans qu'au dehors, par une foule considérable, que le premier ministre donna lecture du décret à la Chambre des procuradorès, et sa conduite fut l'objet des éloges de toute la presse.

En même temps parut un second décret qui convoquait les cortès générales du royaume à Madrid pour le 22 mars suivant. Il serait procédé à l'élection des nouveaux procuradorès, conformément aux dispositions du décret royal du 20 mars 1834; c'est-à-dire qu'elle aurait lieu à deux degrés.

Cependant l'insurrection carliste en était à sa troisième
Ann. hist. pour 1836.

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année, et à chaque nouvelle campagne, on la retrouvait plus vivace, plus aguerrie, plus forte, mieux fournie de munitions, de chevaux et de canons. Des bandes nombreuses, opiniâtres, toujours poursuivies et rarement atteintes, infestaient la Catalogne, le bas Aragon, le nord de Valence, la Manche, une partie de la vieille Castille, de la Galice et presque les Asturies. Tandis que ces bandes, disséminées sur une vaste étendue de pays, entraînaient à une incessante et vaine poursuite la moitié des forces de l'Espagne, l'insurrection de Navarre présentait une masse agglomérée de 36,000 hommes, une véritable armée, régulièrement organisée par divisions et par brigades, opérant avec entente de la guerre, mettant tout à la fois en œuvre les principes de la stratégie et la pratique audacieuse des guerillas, tenant en échec, depuis dix mois, 60,000 hommes de troupes de ligne appuyés sur quatre grandes places fortes, sur une douzaine d'autres points fortifiés et sur la barrière d'un grand fleuve.

Don Carlos continuait sans empêchement de rester avec sa cour dans la petite ville d'Onate, siége des administrations, des ministères, dépôt du grand parc d'artillerie de l'insur rection, et située au centre même du territoire occupé par les carlistes. Ce territoire, d'une trentaine de lieues en tous sens, était compris entre les Pyrénées, l'Arga, l'Ebre, l'Océan, et s'étendait à l'ouest jusqu'à la ville d'Orduna. Il est tra versé par un grand chaînon des Pyrénées dont les contre forts se ramifiant à peu près en étoile dans toutes les directions, forment des vallées qui aboutissent vers la plaine de Vittoria, vers la campagne de Pampelune, vers l'Arga et l'Ebre, vers Saint-Sébastien et Bilbao. Ainsi tout ce pays est comme une immense forteresse naturelle d'où les carlistes pouvaient descendre à l'improviste pour accomplir quelque hardi coup de main, ou se porter en masse, par la ligne la plus courte, du centre à la circonférence; tandis que les sol dats de la reine étaient astreints à de longs et fatigans cir

cuits, à des marches interminables qui les dégoûtaient, les épuisaient, et les détruisaient peu à peu sans combat.

Trois campagnes désastreuses ayant démontré l'impossibilité de vaincre l'insurrection sur son terrain, on avait pris le parti de la réduire par un blocus. Cette nécessité, on l'avait érigée en système. Tel était le nouveau plan que l'on suivait depuis quelques mois, plan discuté et arrêté à Madrid.

Le général Cordova ne cessait de manœuvrer dans ce but; mais une inconcevable fatalité faisait toujours avorter ses meilleures combinaisons. Le 16 janvier, ayant réuni plus de 20,000 hommes à Vittoria, il tenta une grande opération qui consistait à entamer la position centrale des carlistes, en s'emparant de Guebara, de Salinas et de Villaréal d'Alava, villages situés dans un rayon de trois lieues, sur la chaîne d'Arlaban. La triple attaque devait être exécutée par le général Evans sur la droite, par le général Bernelle et la légion d'Alger sur le centre, et par le général Espartero sur la gauche. Par l'occupation de Guebara, on prenait une clef de la Borunda; par l'occupation de Salinas, on menaçait directement Onate, et par celle de Villaréal on coupait aux carlistes leur communication la plus courte avec la Biscaye, Le blocus allait gagner trois lieues de terrain, et trois positions importantes. Voilà tout au moins ce qu'on espérait au quartier-général, où se trouvait alors le comte d'Almodovar, ministre de la guerre, avec lequel on avait concerté le plan d'attaque. Comme il y avait six mois qu'une opération aussi grave n'avait été entreprise, on y mit beaucoup d'apparat. Le général en chef et le ministre adressèrent chacun à l'armée une proclamation emphatique et pompeuse.

En résultat, ce projet échoua complétement. L'attaque du centre avait seule réussi, et par elle on s'était emparé d'une des crêtes de l'Arlaban; mais les carlistes, pour qui la conservation de ce premier chainon de leurs montagnes était d'une importance majeure, attaquèrent à leur tour les mêmes

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