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positions, et les reprirent, le lendemain, à la baïonnette. Il fallut ensuite ramener l'armée de la reine dans Vittoria.

Après cette infructueuse tentative, le général en chef alla à Pampelune, par le circuit de Logrono, suivant l'habitude, emmenant avec lui la légion d'Alger, la garde royale et ses meilleures troupes pour soulever les vallées du nord en faveur de la reine, les armer, y installer des cantonnemens de troupes de ligne, et fortifier quelques positions choisies. Mais bientôt il se trouva confiné avec ses forces dans les vallées supérieures, par la masse des neiges qui obstruaient tous les passages et rendaient les opérations impossibles; il resta ainsi paralysé pendant une quinzaine de jours.

Le général en chef carliste mit ce temps à profit pour faire le siége de Balmaceda, de Mercadillo et de Plencia, du côté d'Orduna et de Bilbao: il battit en brèche et réduisit successivement à capituler ces trois petites places, qui laissèrent entre ses mains sept à huit cents prisonniers, un millier de fusils, une certaine quantité de munitions de guerre et une quinzaine de pièces de canon de divers calibres. Les garnisons, celle de Plencia surtout, s'étaient pourtant défendues avec acharnement; les femmes des gardes nationaux avaient combattu près dé leurs maris. Ces garnisons ne s'étaient ren dues que sur les décombres de leurs murailles, et le colonel Castagnon, gouverneur de Plencia, furieux de n'être pas secouru et frémissant de tomber au pouvoir des carlistes, s'était poignardé.

Depuis long-temps les constitutionnels n'avaient éprouvé de semblables désastres. Ces trois forteresses avaient été, pour ainsi dire, assiégées à la vue des divisions de Cordova, qui n'en étaient qu'à six ou huit heures de marche. Cordova avait laissé le général Evans à Vittoria avec 15,000 hommes; le général Espartero à Puente-Larra et à Espejo avec 8,000, devant lier ses mouvemens à ceux du général Espeleta, qui gardait l'extrême gauche, dans la direction même de Balmaceda, avec un corps de réserve de

10,000 hommes. Et cependant les carlistes avaient pu faire successivement trois siéges, loin de leurs cantonnemens habituels, sans être inquiétés pendant les douze jours qu'avaient duré les opérations; ils avaient pu transporter des pièces de 24 et de 36 par des chemins impraticables, emporter par les mêmes chemins toute l'artillerie dont ils venaient de s'emparer, et les généraux de la reine les avaient laissés faire! On n'avait pas même tenté d'attaquer l'ennemi dans sa retraite aú milieu des embarras d'un si lourd convoi!

Le mois de mars parut amener des chances meilleures. Cordova, de retour à Vittoria, tenait en échec le centre de l'armée carliste; Espeleta, renforcé par la division portugaise et par la garde royale, se maintenait à Balmaceda, qu'il avait réoccupé et dont les carlistes s'efforçaient de le déloger; enfin, dans deux engagemens assez vifs à Orduna et aux environs de cette ville, Espartero avait deux fois obtenu l'avantage.

En même temps, le commandant de l'escadre anglaise à Santander recevait de son gouvernement l'ordre de prêter aux troupes espagnoles la coopération la plus active et la plus efficace pour empêcher les places fortes de la côte du nord de l'Espagne qui arboraient encore le pavillon de la reine, de tomber au pouvoir des troupes du prétendant, comme également pour leur reprendre celles de ces places qui s'étaient soumises à leurs armes, et pour aider et protéger toutes les opérations de l'armée constitutionnelle sur cette

côte.

Au reste, à défaut de faits d'armes, de combats véritable ment glorieux et décisifs, les deux partis continuaient à se souiller de ces fusillades, de ces exécutions ordonnées et consommées de sang-froid et à loisir, que nous n'avons déjà eu que trop souvent occasion de raconter. Il est vrai que depuis la convention du 28 avril (voyez 1835, p. 536), la honte de ces massacres dans la Navarre et dans la Biscaye, appartenait surtout à Don Carlos, qui ayant excepté du bénéfice de cette convention les étrangers au service de la reine, comme s'il n'en avait pas lui-même sous ses drapeaux, ne manquait pas de faire fusiller, après chaque affaire, les soldats de la légion d'Alger ou de la division anglaise tombés au pouvoir des carlistes. Mais dans l'Aragon, dans la Catalogne, dans le royaume de Valence, plus particulièrement sillonnés par les bandes insurgées, c'était des deux parts, pour la cruauté et le carnage, une rivalité qu'on ne retrouvait guère pour le courage du champ de bataille.

Réduits à la dernière extrémité, les assiégés du fort de la Virgen del Hort, en Catalogne, avaient tenté vers la fin de janvier, d'évacuer la place, au moment où un chef carliste, à la tête de 4 à 5000 hommes, cherchait à opérer une diversion en attaquant les troupes assiégeantes; cette attaque ayant été repoussée, la garnison, forte de 300 hommes, fut enve loppée et totalement détruite par les troupes constitutionnelles. Tous ceux qui n'avaient pas péri dans l'action furent pris et bientôt après fusillés, à l'exception d'une femme et d'un curé, en considération de leur humanité envers les pri sonniers cristinos.

Le brigadier Nogueras, qui s'était vanté cinq ou six fois d'avoir battu, dispersé, écrasé la bande de Cabrera dans le bas Aragon, écrivit au gouverneur de Tortose, où se trouvait la mère du chef carliste, pour l'inviter à venger sur elle les atrocités reprochées à celui-ci. Le gouverneur répondit qu'il était disposé à obtempérer à ce voœu, mais qu'il était obligé de demander auparavant l'agrément de son supérieur, le capitaine général de la Catalogne. C'était donc Mina qui décidait en dernier ressort; il prescrivit l'exécution. Le gouverneur de Tortose fit fusiller la mère de Cabrera et enfermer ses trois sœurs, ainsi que les parens les plus proches des chefs et officiers carlistes, « afin, disait-il, d'arrêter ces barbares dans le cours de leurs atrocités, par sort réservé à des personnes qui leur sont chères. » En apprenant que sa mère avait été ainsi mise à mort,

le

Cabrera, accoutumé d'ailleurs à répandre la terreur et le meurtre partout où il passait, ne resta point en arrière de cette exécrable férocité. Il publia un décret où, après les imprécations et les cris de rage et de vengeance les plus horribles, il déclarait que tous les prisonniers qu'il ferait seraient exécutés; et en outre que, en représailles de l'assassinat de sa mère, trente-quatre femmes en son pouvoir seraient immédiatement fusillées. Ces nouvelles victimes, non moins innocentes que la première, périrent en effet de ce genre de mort. C'est tout au plus s'il s'était jamais rien passé de semblable parmi les tribus les plus sauvages de l'Afrique.

Sur la nouvelle que ce même Cabrera était entré avec sa bande à Ségorbe, à quatre lieues de Valence, dans les premiers jours de mars, la population de cette dernière ville commença à s'échauffer; le 6 au soir, des groupes nombreux se rassemblèrent, proférant des cris de mort contre les carlistes, ainsi que contre les hommes du juste milieu, et demandant la liberté des insurgés de septembre. Ces insurgés avaient été pris dans une révolte qui avait eu lieu à cette époque contre le comte d'Almodovar, pendant le règne de la junte. Le capitaine général Carratala, au lieu de se montrer, se renferma dans la citadelle et lança une proclamation portant que tous ceux qui ne se disperseraient pas après le signal de deux coups de canon, seraient traités comme séditieux. Ce procédé porta l'irritation au comble: le 7 au soir, la générale fut battue, et bientôt les bataillons et les escadrons de la garde nationale furent réunis. «Meure le capitaine général ! » était le cri unanime qui sortait des rangs. Le gouverneur civil se rendit à la citadelle et conféra avec le capitaine général, qui accorda tout ce qu'on voulut, déposa son commandement, et partit la nuit même pour Madrid. Tel fut le dénouement de cette insurrection; quant à marcher contre les factieux, dont l'approche avait été sa première cause, il n'en fat plus question.

Sarragosse, où, après les massacres du 4 janvier à Barce

A

lone, il avait déjà fallu accorder à une émeute l'exécution de quelques prisonniers carlistes, vit éclater, le 23 mars, de nouveaux troubles, par suite du jugement de quatre autres carlistes qui avaient été condamnés à la déportation. Le peuple n'ayant pas trouvé cette peine assez rigoureuse, l'autorité fut forcée de faire réviser le jugement; les quatre carlistes furent alors condamnés à mort et bientôt exécutés. Ces victimes ne suffisant pas aux exaltés, ils demandèrent la tête de deux juges qui avaient refusé de légaliser cet odieux arrêt, et ces magistrats n'assurèrent leur salut que par la fuite.

Sur ces entrefaites, M. Mendizabal, s'autorisant du vote de confiance qu'il avait obtenu de la législature précédente, avait fait rendre plusieurs décrets importans. L'un de ces décrets, en date du 19 février, déclarait immédiatement en vente les biens nationaux provenant de la suppression des corporations et communautés religieuses, ainsi que ceux qui auraient été attribués à la nation de toute autre manière, à l'exception des édifices que le gouvernement destinait au service public. Ce décret était motivé sur la nécessité et la convenance de diminuer la dette consolidée et de livrer à l'intérêt particulier les biens immeubles qui étaient devenus la propriété de la nation, afin que l'agriculture et le commerce en tirassent les avantages que ne pourrait donner leur état actuel, ou qui seraient paralysés, au grand préjudice de l'état, pendant tout le temps que la vente serait différée.

D'après un autre décret, du 28 février, qui fut modifié le 12 mars, il devait être procédé à la consolidation successive de la dette publique liquidée et reconnue qui ne jouissait pas encore de cet avantage, et qui consistait dans les valès non consolidés, dans la dette courante avec intérêts en papier et dans la dette sans intérêts.

Le 5 mars, fut signé un nouveau décret qui autorisait le rachat immédiat des cens, impôts et redevances de toute nature appartenant aux communautés religieuses abolies,

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