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nement de l'opposition, qui avait disputé le terrain pied à pied, le paragraphe relatif au vote de confiance fut adopté par 97 voix contre 17; et une majorité de 107 voix contre 10 se prononça encore en faveur du ministère, pour le dernier paragraphe de l'adresse.

Cependant la lutte n'était pas finie : à la suite de plusieurs explications fort vives qui avaient eu lieu de la part du ministère et de l'opposition dans la séance du 14, la querelle devint personnelle entre M. Mendizabal et M. Isturitz, qui se crurent obligés de la vider par d'autres armes que celles de la parole. C'est pourquoi deux jours après, ils se rendirent, assistés chacun d'un témoin, à Caravonchel, petit village à une demi-lieue de Madrid. Là, les deux adversaires politiques se rapprochèrent jusqu'à la distance de quinze pas, firent feu l'un sur l'autre sans se toucher, et témoignérent le désir de recommencer. Les témoins, M. Seoane pour le ministre, et M. de Las Navas pour le député, s'y refusèrent absolument; mais s'ils empêchèrent la continuation du combat, ils ne réussirent pas à opérer une réconciliation. Seulement les journaux du surlendemain publièrent une note signée des témoins, par laquelle les chefs du ministère et de l'opposition désavouaient toute intention d'offense dans les discours prononcés à la Chambre.

18, 19, 20, 21, 22, 23 avril. La discussion de l'adressé se renouvela bientôt, plus pénible et plus laborieuse encore pour le ministère, dans la Chambre des procérès. On ne saurait dire, en effet, qu'aucun des orateurs qui prirent la parole dans les deux premières séances, n'ait pas attaqué plus ou moins le gouvernement, en insistant surtout sur les désordres et les massacres de la Catalogne et de l'Aragon. Le commencement de la discussion fut même signalé en ce sens par un incident assez remarquable. Il se trouvait dans le projet de la commission deux paragraphes qui ne répondaient pas au discours de la reine; c'étaient les passages où l'exécution de la mère de Cabrera était livrée à l'exé

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cration universelle, comme un acte de représailles féroces, qui avait rempli d'indignation l'Espagne et l'Europe entière, et où l'on mettait en opposition avec la dernière émeute de Sarragosse, la déclaration faite au même instant par S. M., que le gouvernement avait pris toutes les mesures pour empêcher le renouvellement de pareilles scènes. Ces deux paragraphes blessèrent au vif le ministère, qui refusa, par l'organe de M. Mendizabal, d'accepter le blâme qu'on voulait faire peser sur lui.

« Je répète, disait M. Mendizabal, que le ministère n'entend pas demander Ja suppression des deux paragraphes que j'ai signalés; mais je déclare encore une fois que le ministère, malgré des circonstances pénibles, n'a jamais transigé avec l'esprit de rébellion et de desordre, et qu'il irait plus loin que la commission, si les deux paragraphes lui paraissaient reposer sur des faits exacts.

>> Le gouvernement pourra prouver à la Chambre, par des actes authenti ques, qu'il a ordonné une enquête sur les événemens de Sarragosse et le châtiment de ceux qui n'ont pas su faire respecter les lois. »

Parmi les orateurs entendus dans la discussion générale, qui fut fermée le 19, l'archevêque de Mexico et les évêques de Cordoue et d'Almeria critiquèrent principalement, dans les actes du ministère, les décrets de suppression des couvens. M. le prince d'Anglona alla jusqu'à dire sur le même sujet, qu'aucune mesure ne pouvait être plus utile aux intérêts de don Carlos. M. Mendizabal déclara, au contraire, que si l'on avait fermé beaucoup de couvens, c'est que, d'après les rapports des capitaines généraux, les factieux y trouvaient un abri.

La nécessité d'une coopération immédiate de la part de l'Angleterre et de la France, paraissait encore plus fortement sentie dans la Chambre des procérès que dans la Chambre élective. Le prince d'Anglona et M. de Miraflorès proclamèrent cette coopération indispensable et n'en redoutaient aucun danger. M. Mendizabal, sommé de déclarer s'il persistait toujours à ne recourir qu'aux moyens nationaux pour étouffer la guerre civile, répondit qu'il invoquait la coopération des puissances signataires du quadruple traité, au lieu de la repousser; et il cita à l'appui de cette assertion, la convention qu'il avait signée pour l'entrée des troupes portugaises en Espagne.

Toutes les déclarations provoquées de part et d'autre dans la discussion générale, sur l'intervention et la coopération étrangère, le furent de nouveau dans la discussion des paragraphes. M. le duc de Rivas ayant demandé à M. Mendizabal si l'Angleterre avait agi spontanément, lorsqu'elle avait offert au général Cordova une coopération plus active par terre et par mer contre don Carlos, et quel parti prenait la France, le ministre répéta ce qu'il avait dit à l'autre Chambre: l'Angleterre, alarmée par la prise de Plencia et inquiète sur le sort de Bilbao, avait jugé que le moment de la coopération stipulée dans l'art. 3 du traité de la quadruple alliance, était arrivé; elle avait agi aussitôt de son propre mouvement, c'est-à-dire sans consulter le gouvernement espagnol. Quant à la France, M. Mendizabal pria la Chambre de le dispenser d'entrer dans cette question; il ne pouvait s'expliquer sur le point de savoir si l'instant était venu d'exiger une coopération de la part de la France; mais il répétait que le ministère tiendrait la main à l'exécution du traité.

Le prince d'Anglona essaya du moins d'amener la Chambre à s'expliquer, en proposant un amendement ainsi conçu : « La Chambre désire ardemment que la coopération la plus large ait lieu en vertu du traité de la quadruple alliance. >>> M. Mendizabal s'opposa vivement à l'adoption de cet amendement, bien qu'il eût été modifié par la commission, et la Chambre le rejeta. Tous les autres amendemens avaient été pareillement rejetés ou retirés, de sorte que l'adresse passa dans les termes du projet de la commission.

La double discussion qu'il venait de subir avait dû convaincre M. Mendizabal qu'il y avait absolue nécessité de compléter son ministère; il fit de nouveaux efforts pour arriver à ce but, et enfin le 50 avril, la gazette officielle annonça que le général Rodil était nommé ministre de la guerre : M. d'Almodovar passait aux affaires étrangères, M. Mendizabal conservait la présidence du conseil avec les finances, M. Martin de Los Heros restait ministre de l'intérieur, et M. Gomez Becerra, de la justice. Trois jours après, M. Chacon, commandant maritime au Ferrol (Galice), était nommé ministre de la marine.

Ce ministère n'était peut-être pas entièrement selon les vues de la majorité des procuradorès; mais elle se promettait sans doute de le pousser en avant; il convenait encore bien moins à la cour, à la Chambre des procérès et à ce parti militaire qui, en possession des premiers emplois de l'armée, désirait d'autant plus l'intervention, qu'il se sentait dépourvu des talens nécessaires pour remporter un succès décisif sur les forces de l'insurrection. Ce parti fut vivement attaqué dans une séance secrète de la Chambre des procuradorès, le 4 mai; on accusa le général Cordova d'impéritie, en lui reprochant surtout d'avoir laissé prendre, sans les secourir, plusieurs places de la Navarre et de la Biscaye. Le général Quesada, capitaine général de la Nouvelle-Castille, n'avait pas davantage la faveur de la Chambre élective.

La Chambre des procérès ne tarda pas, de son côté, à prendre une attitude hostile contre le ministère. Dans la séance du 6 mai, une proposition fut faite par un membre de la Chambre, d'adresser une pétition à la reine, pour obtenir que les décrets du 19 février et du 1er mars, relatifs à la vente des biens nationaux, fussent soumis aux cortès. Les termes de la proposition laissaient percer une intention évidente de blame; elle fut accueillie par 45 voix contre 15, malgré la vive opposition de M. Mendizabal. Ce vote de la Chambre des procérès fit une grande sensation, car il la constituait aussi en rupture ouverte avec l'autre Chambre, qui avait refusé de prendre une pétition analogue en considération.

Cependant, tandis que la Chambre des procérès était saisie d'un projet de loi sur la responsabilité ministérielle,

un projet de loi électorale, dont les principales dispositions rappelaient celui qui avait été présenté à la précédente législature, était soumis à la Chambre des procuradorès. La discussion de ce projet commença le 9 mai, et continua pendant les jours suivans, sans amener aucun incident bien remarquable; elle montra que le plus parfait accord régnait entre le gouvernement et la Chambre élective, et toutefois c'est au moment même où la nouvelle loi allait être votée à une grande majorité, qu'une révolution ministérielle enleva le pouvoir à M. Mendizabal et à ses collègues.

Voulant complaire à la Chambre des procuradorès, et surtout à cette fraction de la Chambre qui, reconnaissant pour chefs M. Caballero et M. Olozaga, gouverneur civil de Madrid, avait décidé la victoire en faveur du candidat ministériel contre M. Isturitz, dans la question de la présidence, les ministres résolurent de proposer à la reine plusieurs mesures destinées, suivant eux, à garantir la tranquillité publique. Ils demandèrent le changement ou la destitution de trois généraux qui commandaient dans Madrid, la sortie de la garnison de cette capitale, et enfin, une promotion de 6o nouveaux procérès. La reine répondit par un refus. En vain M. Mendizabal et les autres membres du cabinet sollicitèrent avec les plus vives instances l'adhésion royale, en traçant un tableau pathétique des dangers qui menaçaient le pays, s'ils ne l'obtenaient pas; la reine déclara avec fermeté que jamais elle ne donnerait sa sanction à de semblables mesures. De nouvelles tentatives n'ayant pas eu plus de succès, les ministres décidèrent d'offrir leur démission en masse; elle fut acceptée le 14 dans la soirée, et le lendemain M. Isturitz, nommé par la reine président du conseil ad interim avec le portefeuille des affaires étrangères, composa le nouveau cabinet de la manière suivante : M. Aguirre Solarte, ministre des finances; le général Seoane, ministre de la guerre; M. le duc de Rivas, ministre de l'intérieur, M. Galiano, ministre de la marine. Le général Seoane

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