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devaient s'engager dans les deux Chambres sur la question; mais comme en définitive elles n'apprendraient rien de nouveau, nous passerons sur elles avec une grande rapidité, pour ne nous arrêter qu'aux résultats.

Lord John Russell ayant fait, dans la séance du 7 mars, la motion que la Chambre se formât en comité pour examiner le bill sur les corporations irlandaises, ce fut lord F. Egerton qui se chargea de demander, conformément au plan indiqué par sir Robert Peel, que le comité fût autorisé à prononcer l'abolition des corporations municipales d'Irlande, et à adopter telles dispositions qui pourraient être nécessaires, après cette abolition, pour assurer aux villes de ce pays une administration efficace et impartiale, un bon gouvernement et la tranquillité. La lutte recommença sur cette demande et remplit deux grandes séances, soutenue principalement par sir H. Hardinge, sir J. Graham, lord Stanley et M. Peel, du côté de l'opposition, et par lord Howick, M. O'Connell et lord J. Russell, du côté du parti ministériel. La division ayant ensuite eu lieu, la motion de lord Egerton fut repoussée à une majorité de 64 voix (307 contre 243).

Le bill passa dans le comité sans aucune difficulté sérieuse et ne reçut qu'une modification remarquable : la nomination des shériffs fut, sur la proposition du ministère, attribuée à la couronne, au lieu d'être laissée aux conseils municipaux, comme le portait le projet primitif.

Malgré sa défaite du 8 mars, l'opposition tenta un dernier effort en proposant, à la troisième lecture ( 28 mars), de l'ajourner à six mois; cette fois encore une majorité de 61 voix (260 contre 199) donna gain de cause au gouvernement, et le bill fut adopté.

Dans la discussion qui s'engagea le 18 avril à la Chambre des lords, sur la motion faite par le vicomte Melbourne de la seconde lecture de ce bill, lord Lyndhurst, prenant ici le rôle que sir Robert Peel avait rempli devant l'autre Chambre, reconnut que tous les reproches qu'on adressait aux corporations irlandaises étaient fondés, que les abus dont on les accusait devaient être réformés; mais il ajouta aussitôt que le bill ne remédierait à aucun de ces abus, et qu'il ne tendait qu'à composer les conseils municipaux d'hommes du parti catholique et d'ennemis de l'église protestante; d'hommes qui voulaient le rappel de l'Union ainsi que la séparation des intérêts irlandais et des intérêts anglais; pour tout dire, en un mot, de radicaux. Aussi lord Lyndhurst, tout en consentant à la seconde lecture, annonça-t-il le dessein de substituer, dans le comité, un plan entièrement nouveau à celui du gouvernement. Quelques lords, tels que le comte de Mansfield et le comte de Falmouth, trouvaient que c'était aller déjà trop loin et insistaient pour le maintien intégral des corporations actuelles. Néanmoins, la seconde lecture du bill eut lieu sans division; mais ce n'était là qu'une concession insignifiante de la part de l'opposition, toute-puissante dans la Chambre des lords.

En effet, lord Melbourne ayant demandé, le 26 avril, que la Chambre se formât en comité sur le bill, lord Fitzgerald proposa une résolution semblable à celle que lord Egerton avait voulu faire adopter par la Chambre des communes. Combattue par le lord chancelier, lord Holland et lord Melbourne, qui eurent pour adversaires lord Abinger et lord Lyndhurst, cette résolution passa à une majorité de 84 voix (203 dont 70 votant par procuration, contre 119 dont 47 votant par procuration). Après ce vote, lord Lansdowne déclara, au nom du gouvernement, que la mesure cessait de lui appartenir, et que l'opposition aurait à présenter les clauses, changemens et modifications qu'elle voulait introduire dans le bill.

Ces divers amendemens, que lord Lyndhurst se chargea de rédiger, et que la Chambre des lords adopta successivement et toujours à une forte majorité, avaient pour objet principal d'abolir toutes les corporations municipales en Irlande, et de remettre leurs revenus entre les mains de commissaires à la nomination du lord lieutenant, qui les emploiraient dans l'intérêt des habitans des villes. Il est à remarquer d'ailleurs qu'en abolissant ces corporations, dont elle avait reconnu les abus, la Chambre avait conservé à leurs officiers, pendant toute leur vie, le pouvoir, les charges et les bénéfices dont ils étaient actuellement en possession.

Lord Lyndhurst, comme auteur de ces amendemens, avait eu plusieurs fois à prendre la parole pour les défendre, et, dans une de ces occasions (9 mai), il fait avait de l'Irlande le tableau suivant, qui fut ensuite souvent rappelé comme une preuve de sa partialité haineuse et intolérante contre ce pays:

« Quelle est aujourd'hui la situation de l'Irlande? Un quart de ses habitans sont Anglais d'origine, Anglais dans leurs habitudes, Anglais dans leurs usages, protestans dans leur religion et irrévocablement attachés à l'Union anglaise; ils forment une minorité qui se tient maintenant sur la défensive. Si jamais minorité a dû se mettre sur la défensive, ce sont les protestans d'Irlande. Ils ont à lutter contre une population, étrangère aux Anglais, parlant, pour la plus grande partie, un langage différent, érent, professant essant une religion différente, regardant les Anglais comme des envahisseurs, et disposée à les expulser à la première occasion. »

Ainsi altéré, dénaturé dans ses dispositions essentielles, le bill revint le 19 mai à la Chambre des communes, où lord J. Russell, en proposant que les amendemens apportés à ce bill fussent imprimés pour que la Chambre pût les examiner avec le calme et la dignité qui conviennent à cette branche de la législature, déclara dès-lors que, lorsque le moment de la discussion serait arrivé, il serait prêt à soutenir que la Chambre ne devait adhérer à aucun amendement qui tendrait à annuler les institutions municipales de l'Irlande, à moins qu'elle ne fût décidée à abroger le bill d'émancipation des catholiques et à revenir aux anciennes rigueurs du Code pénal. M. Hume appuya la motion et cita la conduite des lords dans cette circonstance comme une

nouvelle preuve de la nécessité de réformer la Chambre haute. S'adressant à sir J. Graham, qui avait insisté sur le danger des concessions, et prétendu que c'était à l'adoption de ce système vis-à-vis de l'Irlande qu'étaient dus les troubles et les agitations de ce pays, le chancelier de l'échiquier répondit que l'injustice était bien plutôt que le système des concessions, capable d'aigrir les passions du peuple irlandais; qu'il serait absurde de s'arrêter dans la voie de la conciliation parce que les précédentes concessions n'avaient pas produit tout le bien qu'on pouvait en attendre, et que le gouvernement était bien décidé à ne plus cesser d'agir à l'égard de l'Irlande avec justice et impartialité. Enfin, un membre irlandais nouvellement élu, M. Brown, déclara que, si l'on refusait justice à son pays, il ne resterait plus aux patriotes irlandais d'autre moyen que de recourir au rappel de l'Union. Se livrant ensuite à de violentes attaques contre la Chambre des lords, il ajouta que, si aucun autre membre n'en prenait l'initiative, il était résolu de présenter une motion tendant à opérer une réforme organique de cette

Chambre.

Lord J. Russell, dans la séance du 9 juin, exposa le système que l'administration se proposait de suivre à l'égard des transformations qu'avaient subies le bill de réforme des corporations municipales d'Irlande à la Chambre des lords. Entre les divers partis dont la Chambre des communes avait le choix, il en était un que le gouvernement ne conseillerait jamais à l'assemblée d'adopter; ce serait d'adhérer, sans aucune modification, à tous les amendemens introduits par les lords dans le bill. La Chambre ne pouvait, suivant l'orateur, se résigner à un pareil rôle, sans abdiquer complétement son droit de discussion. Le parti auquel s'arrêtait l'administration, consistait à rejeter la plus grande partie de ces amendemens, à rétablir le principe, l'intention et l'esprit primitifs du bill, sans insister sur sa forme primitive. En conséquence, lord John Russell refusait son assentiment

aux clauses qui plaçaient les pouvoirs et les propriétés des bourgs entre les mains du lord lieutenant. Il ne demandait pas que toutes les anciennes clauses du bill fussent reprises, mais seulement qu'elles fussent appliquées aux douze villes les plus importantes d'Irlande. Il proposait pour vingt autres villes d'un rang secondaire, le système des commissaires élus par les habitans, suivant l'acte du règne de Georges IV. Quant aux autres bourgs, ils seraient compris dans une troisième cédule, et auraient la liberté de se soumettre aux dispositions de cet acte, sauf au parlement à abolir plus tard les corporations dans ceux de ces bourgs qui n'adopteraient pas les dispositions de l'acte en question.

Dans la discussion qui s'ensuivit, et qui occupa deux séances tout entières (9 et 10 juin), la Chambre des lords fut en butte aux plus vives récriminations, et plusieurs orateurs remirent souvent sur le tapis la nécessité de sa réforme. La division donna d'ailleurs une majorité de 86 voix (324 contre 238), en faveur de la proposition de lord John Russell, sur la marche que la Chambre des communes avait à suivre relativement aux amendemens introduits dans le bill par l'autre Chambre.

Le nouveau plan développé par lord John Russell ayant obtenu la sanction de la Chambre des communes (14 juin), le bill qui se bornait maintenant à conférer toute la plénitude des franchises municipales aux douze premières villes d'Irlande, fut reporté à la Chambre hante, où lord Melbourne demanda, mais en vain, que les amendemens de la Chambre des communes fussent pris en considération : une majorité de 97 voix (220, dont 78 votant par procuration, contre 123, dont 48 votant aussi par procuration), repoussa la motion. Alors une conférence eut lieu entre des commissaires des deux Chambres, et comme, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, elle n'eut aucun résultat, lord John Russell proposa, dans la séance du 30 juin, à la Chambre des communes d'ajourner à trois mois l'examen des amen

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