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demens de la Chambre des lords. Cette proposition, qui équivalait au rejet de ces amendemens, passa sans division. La question, tant débattue, de la réforme des corporations municipales d'Irlande, fut ainsi condamnée à ne pas recevoir cette année sa solution.

Cependant, en apprenant de quelle manière les lords avaient modifié le bill sur cette question, l'opinion publique s'était vivement émue en Irlande; le tocsin de l'agitation avait été sonné de toutes parts, et de nombreux meetings s'étaient réunis à Dublin et dans une foule d'autres villes. Partout les orateurs dénoncèrent la conduite de la Chambre haute comme une insulte aussi grave que gratuite envers l'Irlande, et partout aussi, en même temps qu'ils s'élevèrent contre l'emploi des moyens violens pour obtenir satisfaction, ils proposèrent et firent passer les résolutions les plus énergiques. C'est ainsi que, pour n'en citer qu'un seul exemple qui pourra faire juger de tous les autres, le meeting de Carlow déclara: 1o qu'il avait vu avec indignation et alarme les lords rejeter le bill de réforme municipale que les représentans du peuple avaient voté à une grande majorité, et substituer à ce bill réparateur une mesure basée sur l'injustice et la bigoterie, combinée de manière à détruire la tranquillité du pays et à mettre en danger l'union entre l'Angleterre et l'Irlande; 2o que le maintien de l'union législative reposait principalement sur une égalité de lois, et que la tentative de la Chambre des lords pour appliquer au peuple irlandais un système de législation différent de celui qui avait été adopté à l'égard des deux autres portions du royaume-uni, était une infraction à l'acte d'Union. D'un autre côté, les habitans signèrent de nombreuses pétitions à la Chambre des communes, à l'effet de demander justice pour l'Irlande, ou l'abolition de l'acte d'Union. D'autres pétitions vinrent aussi en grand nombre de diverses villes d'Angleterre et d'Ecosse, pour prier cette Chambre de rejeter les amendemens introduits par les lords dans le bill.

Ces manifestations du sentiment populaire, qui avaient eu lieu dans les derniers jours du mois de mai, n'eurent pas, comme on l'a vu, le pouvoir de porter la Chambre aristo.. cratique à faire la moindre concession à l'Irlande, en ce qui touchait la réforme de ses municipalités; elles n'empêchèrent pas non plus le bill sur les dîmes irlandaises, qui était présenté pour la troisième fois au parlement, d'aller encore échouer cette année dans la même Chambre.

Lord Morpeth, secrétaire d'état pour l'Irlande, avait, dans la séance du 25 avril, en exposant les principales dispositions du nouveau bill sur cette matière, déclaré que ce bill n'était, sous beaucoup de rapports, que la reproduction de celui de l'année dernière (voyez 1835, p. 704). Il avait ensuite annoncé, aux brayans applaudissemens des bancs ministériels et surtout des bancs des membres irlandais, que le gouvernement n'avait pas cru devoir abandonner la clause de l'appropriation, attendu que c'était à cause de ce principe que le ministère actuel était arrivé au pouvoir. Le nouveau bill proposait donc, par cette clause, d'appliquer le surplus des revenus ecclésiastiques en Irlande, à l'éducation morale et religieuse de toutes les classes du peuple irlandais. Ce surplus serait, jusqu'à concurrence de 50,000 liv. sterl., consacré chaque année à cet objet. Quant au reste, la différence principale entre ce bill et le précédent, consistait dans une nouvelle classification des paroisses. On ne supprimerait aucun bénéfice; mais les districts comprenant les congrégations seraient formés sous la direction du lord lieutenant, assisté de commissaires ecclésiastiques, et divisés de manière à pourvoir aux besoins spirituels des protestans, quelque peu nombreux qu'ils pussent être dans certaines localités. Le traitement annuel des ministres protestans ne serait pas au dessous de 100 liv. sterl., et ne dépasserait pas 500 liv. Lord Morpeth terminait en proposant une résolution portant que l'opinion de la Chambre était qu'il convenait de commuer les dimes en une rente foncière, et de prendre de nouveaux arrangemens à l'effet d'effectuer une meilleure répartition des revenus ecclésiastiques.

Rien ne fit obstacle à l'adoption de cette résolution, qui était empreinte d'un caractère de généralité vague, qui ne consacrait aucun principe spécial, et à laquelle, par cette raison, sir Robert Peel et ses amis politiques ne s'opposèrent pas. Mais l'honorable baronnet et lord Stanley déclarèrent que, lorsque le bill annoncé serait présenté, ils resteraient fidèles à leurs antécédens et combattraient de tout leur pouvoir le principe de l'appropriation, comme injuste, spoliateur et attentatoire aux droits du clergé protestant.

Cette discussion, que les orateurs firent durer pendant trois séances (1, 2 et 3 juin), bien que le sujet eût été épuisé l'année dernière, se termina par un vote de la Chambre qui repoussa à une majorité de 39 voix (300 contre 261), un amendement de lord Stanley, tendant à l'autoriser à substituer un autre bill à celui du ministère, dans le principal but de laisser de côté la clause d'appropriation. Cette clause fut ensuite attaquée spécialement, dans le comité, et obtint (4 juillet) une nouvelle consécration de la Chambre, à la majorité de 26 voix (290 contre 264).

Lord Melbourne, en proposant, le 22 juillet, à la Chambre des lords, la seconde lecture de ce bill, développa avec une modération à laquelle ses adversaires rendirent hommage, les motifs qui avaient déterminé le cabinet à persister dans cette importante réforme. Elle lui paraissait devenue indispensable comme satisfaction à donner à la population irlandaise, et comme moyen de calmer des passions soulevées par de longues souffrances. La diminution du fardeau qu'imposait la dime protestante à cette portion, en grande majorité catholique, du royaume uni; une meilleure et plus équitable distribution du revenu ecclésiastique, surtout l'application de son excédant à l'éducation morale et religieuse du peuple, étaient autant de dispositions du bill qui constitueraient pour l'Irlande un véritable allégement.

L'opposition, sans repousser la seconde lecture, se borna à maintenir, par l'organe du duc de Wellington, son refus d'adopter certaines clauses du bill relatives au taux de la réduction de la dîme, à la distribution des bénéfices ecclésiastiques, et principalement à la clause d'appropriation, qu'elle persévérait à appeler une confiscation, une spoliation qui en amenerait beaucoup d'autres et finalement la ruine de l'église protestante en Irlande.

Ce fut encore lord Lyndhurst qui, dans lecomité (25 juillet), se chargea de présenter les amendemens que les tories vonlaient faire au bill, et dont le plus important était la proposition de rejeter toute expression portant qu'une partie quelconque de l'excédant des revenus ecclésiastiques pourrait être appliquée à d'autres objets que des dépenses ecclésiastiques.

Lord Melbourne déclara que, si lord Lyndhurst persistait à exiger la suppression de la clause d'appropriation, qui, à son avis, ne pouvait être omise sans neutraliser complétement les effets du bill, alors il s'en lavait les maius et aban donnait le bill tout entier. Le ministère ne renoncerait jamais à un principe qu'il croyait favorable au bien-être du pays, et pour la défense duquel il se sentait soutenu par de puissans auxiliaires.

<<< Mes collègues et moi, disait l'orateur, nous sommes décidés à ne pas nous retirer, quelle que soit la décision de la Chambre sur ce principe, tant que nous aurons pour nous l'appui de la majorité de la Chambre des communes et celui de la majorité nationale. Vainement on a cherché à m'effrayer en insinuant que la noblesse et le clergé sont contraires aux vues ministérielles: en admettant le fait même comme prouvé, ce ne serait pas là une considération puissante. Ouvrez l'histoire, et vous verrez que jamais la noblesse ne s'est mise en opposition directe contre les masses populaires sans être battue. Les souvenirs d'autres époques n'ont pas peu contribué à m'engager à presser vos seigneuries, dans l'intérêt de la constitution, dans l'intérêt du pays, de réfléchir avant de se décider; et cette invitation, je vous l'adresse, non pour offenser vos seigneuries, non pour les intimider, mais pour leur faciliter les moyens de se recueillir. La responsabilité que vos seigneuries assumeraient sur elles mérite d'être méditée. >>>

La Chambre, ayant encore entendu plusieurs orateurs pour et contre la clause d'appropriation, décida à une majorité de 91 voix (138 contre 47), que cette clause serait retranchée du bill.

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Le bill ayant été reporté, ainsi mutilé, à la Chambre des communes, lord John Russell attaqua avec force (2 août), les amendemens que la Chambre haute lui avait fait subir et proposa de ne les prendre en considération que dans trois mois. Cette proposition, que sir Robert Peel, sir J. Graham et M. Stanley combattirent, passa à une majorité de 29 voix (260 contre 231), et le bill en resta là.

L'Irlande était encore spécialement intéressée dans un bill sur la célébration des mariages voté par la Chambre des communes sur la motion de M. Lynch. Un acte du règne de Georges II annule tous les mariages célébrés par un prêtre catholique, lorsque l'un des conjoints appartient ou a appartenu dans les douze mois précédens, à la religion protestante. C'est cet acte fondé sur l'intolérance et l'injustice, et qui pouvait donner lieu aux abus les plus crians, que le bill de M. Lynch avait pour objet de révoquer. Il fut appuyé par l'attorney général, qui déclara qu'il n'y avait qu'une chose à lui reprocher, c'était de ne pas aller assez loin, et ajouta qu'il était temps de faire disparaître toutes les incapacités religieuses, fruits des anciens temps d'ignorance et de fanatisme. D'un autre côté, MM. Shaw et Lefroy attaquèrent le bill comme tendant à encourager les mariages clandestins, et à élever le clergé catholique au niveau du clergé protestant. Adopté néanmoins par la Chambre des communes (II mai), à une faible majorité il est vrai (100 contre 91), ce bill alla encore affronter inutilement la Chambre haute, où une majorité de 20 voix (39 contre 19), en fit rejeter la seconde lecture (4 août ).

Une question fort compliquée, et qui avait été souvent et longuement débattue, celle de la commutation des dîmes en Angleterre et dans le pays de Galles, trouva enfin cette anAnn. hist. pour 1836.

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