que l'on ne sauroit prohiber, par une disposition générique, les sociétés littéraires, agricoles et religieuses. M. Garnier-Pagès combat l'amendement, parce qu'il détruiroit les associations politiques. Si l'on prohibe les réunions secrètes, on ne peut empêcher, dit-il, les réunions publiques ni interdire les corporations d'ouvriers. L'orateur répond à différentes observations qui ont été faites contre les associations, et il revient sur la société Aide-toi. M. Laugier de Chartrouze appuie l'amendement, et comme l'on a parlé des 221, il prend la défense des 181 votans de l'adresse de 1829. M. Prunelle, maire de Lyon, trouve que l'amendement seroit impuissant. Il cite pour exemple la société des Mutuellistes à Lyon, qui n'a pas de but politique, et qui est formée en partie d'un bataillon organisé militairement en 1831, avec l'assentiment des autorités locales, pour envahir la Savoie, M. Mauguin interpelle le ministère sur la tolérance d'une semblable coalition d'ouvriers. M. Prunelle, sur l'invitation de M. Barthe, déclare que cependant le procureur du roi a fait son devoir. M. le ministre du commerce, après avoir expliqué que l'autorité ne pouvoit pas intervenir dans le réglement des salaires des ouvriers de Lyon,et qu'elle s'est bornée à maintenir l'ordre, assure qu'un parti de factieux a répandu de l'argent dans cette ville pour porter le peuple à l'insurrection. C'est contre ces ennemis du gouvernement que la loi est surtout dirigée. M. Voyer-d'Argenson cherche à démentir l'assertion de M. Thiers; mais M. Prunelle rapporte des ordres du jour d'agens de la société des Droits de l'Homme. M. Odilon-Barrot prétend que l'on ne pourra pas plus exécuter la loi sur les associations que celle sur les coalitions. Après une courte réponse de MM. Thiers et Barthe, l'amendement de M. Taillandier est mis aux voix et rejeté. AU RÉDACTEUR. Paris, 16 mars 1834. pas Monsieur, votre dernier Numéro renferme plusieurs inexactitudes au sujet d'un travail que j'ai lu récemment dans une société littéraire. Je me bornerai à vous faire deux observations auxquelles je tiens plus spécia lement. 1° Vous prétendez que, manquant de respect au vénérable successeur de saint Hildebrand, je me suis plaint amèrement que Grégoire XVI n'eût pas accordé la liberté aux peuples de l'Etat romain. On vous a complètement induit en erreur à cet égard ; je n'ai : dit un seul mot qui eût quelque rapport direct ou indirect ni å Grégoire XVI, ni aux peuples de l'Etat romain. 2° Vous parlez d'une nouvelle école dans laquelle j'aurois été élevé et de rapports intimes que j'aurois avec les chefs de cette nouvelle école. Je dois vous dire, monsieur, que je n'ai aucun lien, ni des relations d'aucun genre qui rendent qui que ce soit responsable de mes paroles et de nes actes; et qu'en particulier le travail en question, dont les personnes auxquelles vous faites allusion ignoroient même l'existence, exprime simplement mes opinions individuelles, fondées non sur mou attachement à aucune école, mais bien sur mes propręs réflexions. Je pense, monsieur, que vous voudrez bien insérer cette réclamation dans votre prochain Numéro. J'ai l'honneur d'être, etc. E. de K. Le Berquin catholique, ou Lectures récréatives à l'usage de la jeunesse religieuse. (1) Tous ceux qui ont lu Berquin ont pu remarquer avec quel soin il évitoit de faire entrer la religion dans le ressort de ses petits drames et dans les motifs de ses personnages. Il ne dit pas un mot qui puisse faire soupçonner qu'il étoit chrétien; c'est qu'il écrivoit immédiatement avant la révolution de 1789, époque où la nouvelle philosophie avoit envahi toute la littérature, et où les distributeurs de la renommée n'accueilloient que ce qui étoit dans le sens des opinions dominantes. Il n'eut point assez de courage pour braver les préjugés de l'école voltairienne, qui régnoit alors despotiquement, ou peut-être appartenoit-il lui-même à cette école. Ce qu'il y a de certain, c'est que ses ouvrages manquent du ressort puissant de la religion, et que, quels que soient le mérite et l'intérêt de ses compositions, on y remarque je ne sais quoi de sec, de vide et de froid. A la place du mobile de la religion, l'auteur n'invoque que les maximes d'une morale toute naturelle, ou le sentiment de l'honneur, ou les conseils d'un amour-propre tout-à-fait humain. Un père de famille, choqué de ce défaut, a conçu l'idée d'un recueil fait dans un autre esprit, et où la religion auroit la part qui lui appartient dans l'éducation. Il publie en ce moment deux volumes en forme d'essai. Le premier volume renferme quatre histoires qui sont toutes pleines de naturel et d'intérêt. A l'art de peindre et de raconter l'auteur joint un excellent esprit et les sentimens les plus honorables. S'il parle de religion, c'est sans affectation et quand le sujet l'y amène naturellement. Il n'a point l'air de prêcher, ni même de donner des conseils; il fait mieux, ce sont les actions même de ses personnages, c'est la manière dont il les présente qui inculquent aux enfans, sans qu'ils s'en doutent, l'amour de ce qui est honnête et vertueux. Les caractères sont bien tracés, les histoires bien filées, le dénouement est satisfaisant. Le second volume renferme deux proverbes mis en action, et auxquels la morale et le goût applaudiront également. Nous osons engager l'auteur à donner suite à son essai. C'est un service qu'il rendra aux familles et aux enfans. C'est une nouvelle bonne œuvre qu'il ajoutera à beaucoup d'autres. Quand on sait écrire ainsi, il y auroit conscience à ne pas rendre son talent utile à tant d'enfans auxquels les parens chrétiens ne savent que donner à lire, et qui trouvent tant de livres propres à les perdre et si peu propres à les bien diriger. (1) 2 vol. in-18. Prix: 2 fr. 50 c., et 3 fr. 50 c. franc de port. Chez Poussielgue-Rusand, rue Hautefeuille, n. 9, et au bureau de ce Journal. Le Gérant, Adrien Ce Elere, COURS DES EFFETS PUBLICS.- Bourse du 19 mars 1834. Troispour 100, jouissance du 22 juin, ouvert à 78 fr 75 c. et fermé à 78 fr. 75 c, SAMEDI 22 MARS 1834. N° 2236.) TIMBRE Examen de la Doctrine de M. de La Mennais, considérée sous le triple rapport de la philosophie, de la théologie et de la politique, avec une Dissertation sur Descartes; par M. Boyer. (1) L'auteur commence par exposer la doctrine de M. de La Mennais, qu'il a beaucoup étudiée, et qu'il se flatte d'avoir bien saisie; nous ne donnons ici que le résumé de son exposition: «< Concluons donc que, selon ce système, le premier criterium de la vérité n'est ni la raison, ni les idées claires et distinctes de Descartes, mais la foi à l'autorité du genre humain, laquelle nous transmet le témoignage de Dieu. Ce témoignage, Dieu l'a déposé dans la société humaine. Il lui a confié cette parole divine, comme un dépôt inamissible, au moment où, en créant l'homme, il lui révéla avec sa parole, un langage; parole de Dieu, révélation primitive, sources premières des arts, des sciences, de la religion, de la morale et de toutes les connoissances humaines; vérité de Dieu, qui se conserve dans les familles et les nations, par la parole et l'enseignement des maîtres, des pères et des pasteurs; elle vit dans tous les siècles par la tradition de tous les peuples. Voici donc la belle gradation par où l'homme arrive à la certitude; il croit et obéit à l'autorité du genre humain; le genre humain a cru, croit et croira toujours au témoignage de Dieu, manifesté par la tradi tion primitive, et transmis de siècle en siècle comme une substitution impérissable, avec l'enseignement et la parole. L'homme croit, et, par la foi, il s'approprie toute l'infaillibilité du genre humain; le genre humain, par la foi, s'élève à la certitude du témoignage de Dieu. L'enfant croit à son père, le genre humain, comme l'enfant et plus que l'enfant, a sa foi, qui est toute sa raison. Voilà la belle échelle par où notre foible raison arrive, par la foi, jusqu'à la vérité de Dieu, c'est-à-dire, jusqu'à la certitude élevée au plus haut degré de puissance infinie, comme Dieu.» M. l'abbé Boyer entreprend de montrer que ce système est suspect par sa nouveauté, sophistique dans ses argumens et dans son langage, faux, incohérent et sceptique dans ses principes, inutile pour la fin à laquelle on le destine, impraticable, (1) Un volume in-8°. Prix : 4 fr. 50 c., et 6 fr. franc de port. A Paris, chez Adrien Le Clere et Co, quai des Augustins, n. 35, au bureau de ce Journal. Tome LXXIX. L'Ami de la Religion. Z SEINT , funeste dans ses conséquences, condampé par la raison générale, réprouvé par l'autorité des plus grands docteurs de l'Eglise. C'est le sujet de huit chapitres, où M. Boyer analyse et discute la nouvelle doctrine avec clarté et vigueur. Il reproche à son adversaire l'obscurité du langage, des termes non définis ou mal définis, des questions étrangères mêlées au sujet principal, et l'état de la question mal posé. Est-il étonnant, après cela, qu'on n'ait pas bien compris un auteur qui prenoit si mal les moyens de se faire comprendre? La répouse bannale qu'il a faite à ceux qui l'attaquoient étoit qu'on ne l'avoit pas compris. Cette réponse est moins contre eux que contre lui-même. Un écrivain qui ne sait pas se faire comprendre a toujours tort. En effet, M. Boyer remarque les nombreuses variations et contradictions des défenseurs du nouveau système sur les choses même sur lesquelles ils devroient plus s'entendre, sur la raison générale, sur la raison individuelle, sur le sens commun, sur la certitude, etc. Ils changent l'acception de ces mots, et ils mettent la confusion et l'obscurité à la place de la netteté et de la précision du langage. L'auteur de l'Examen discute les principes de la nouvelle philosophie; il en compte cinq ou six, savoir que l'évidence, la relation des sens et le sens intime ne sont pas par eux-mêmes des motifs infaillibles des jugemens, que la raison générale est infaillible, et la raison individuelle faillible en tout, que la vérité vient du dehors, que la raison naît de la foi, etc. Nous ne pouvons suivre l'auteur dans toute cette discussion, et nous n'en citerons qu'un fragment sur ce principe: La vérité vient du dehors. « On ne sauroit contredire plus ouvertement le langage de l'Ecriture sainte et celui de tous les saints. La vérité est le royaume de Dieu; or, ce royaume, dont saint Augustin a dit qu'il a la vérité pour roi, la charité pour loi; l'Esprit saint a dit de ce même royaume, il n'est pas au-dehors, mais au-dedans de vous-même: Regnum Dei intrà vos est (S. Luc, XVII, 21.). Le grand docteur, que je viens de citer, en étoit si convaincu, qu'il adresse à tout homme ce grave avertissement: Voulez-vous connoître la vérité? ne sortez pas hors de vous-même: Noli exire foras; entrez dans cette partie plus intime et plus secrète de votre ame, où Dieu fait entendre cette voix, qui, saus frapper l'oreille, sait arriver jusqu'au cœur. C'est là comme le sanctuaire de ce temple de Dieu, qui est vous-même, et où son Esprit saint rend ses divins oracles. L'homme intérieur, dont parle encore l'esprit de Dieu, qu'est-il autre chose qu'un esprit qui s'isole, se sépare des créatures pour entrer dans les profondeurs de l'ame et y contempler la vérité loin du bruit et du tumulte du monde? Les Thérèse, les Angèle de Foligny, les Gertrude, et en général toutes les ames contemplatives, auront, au jugement de notre auteur, une tendance vers l'idiotisme et la manie qui tue l'intelligence. La nouvelle méthode, suivant M. Boyer, est bien loin de réaliser les grands avantages qu'on s'en étoit promis. Loin de relever l'autorité, elle la dégrade et l'avilit; loin de confondre le scepticisme, elle en assure le triomphe; loin de fortifier les preuves du christianisme, elle le laisse sans défense contre les traits des athées et des hérétiques. Plus loin, l'auteur déduit encore plus en détail les fâcheuses conséquences du nouveau système; il lui reproche de convaincre le genre humain de n'avoir pas le sens commun, de favoriser l'ignorance, d'obscurcir la catholicité de l'Eglise, d'accuser le christianisme d'erreur et de superstition, de justifier les juifs et les païens de leur incrédulité à l'égard du christianisme naissant; enfin, de chercher à répandre dans les esprits la discorde et le mépris de l'autorité. Dans le dernier chapitre, l'auteur répond aux objections que les partisans du système ont faites contre la philosophie cartésienne. Enfin, dans sa conclusion, il résume tous ses argumens, et leur prête ainsi une nouvelle force. On trouve encore dans ce volume, en dehors de l'ouvrage principal, quelques accessoires qui se rattachent au sujet principal, des remarques historiques sur Huet, une dissertation sur la vision, une autre sur Descartes et sa philosophie. Dans celle-ci, l'auteur venge un grand homme de reproches injustes et passionnés : ce morceau est un des meilleurs du livre, et on ne conçoit pas l'espèce d'acharnement avec lequel les défenseurs du nouveau système ont cherché à flétrir ou tourner en ridicule un philosophe profond et religieux qui a toujours joui d'une grande estime dans le monde chrétien comme dans le monde savant, et auquel, dans ces derniers temps, le cardinal Gerdil, M. l'évêque d'Hermopolis et feu M. Emery ont donné de justes louanges. L'auteur parle souvent de la censure des évêques ; il ne cite que trois propositions de cette censure, la trente-deuxième, la trente-troisième et la trente-cinquième. Comme cette censure |